EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 56 - Mise en oeuvre progressive de l'application du contrat d'intégration républicaine à Mayotte
Commentaire : le présent article retarde l'entrée en vigueur du « contrat d'intégration républicaine » à Mayotte, du 1 er janvier 2018 au 1 er janvier 2020.
I. LE DROIT EXISTANT
La loi du 7 mars 2016 22 ( * ) a remplacé le « contrat d'accueil et d'intégration », obligatoire depuis 2007, par un « contrat d'intégration républicaine », dont l'ambition était de créer un parcours davantage individualisé et mieux relié à la politique de délivrance des titres. Ce contrat, qui constitue le socle du dispositif d'intégration des étrangers primo-arrivants, comprend notamment l'obligation, pour tous les signataires, de suivre une formation civique et, pour ceux dont le niveau de langue est inférieur à A1, une formation en langue française. Les prestations prévues dans le cadre de ce contrat sont mises en oeuvre par, ou sous le contrôle de, l'Ofii.
Dans un objectif de convergence, le IV de l'article 67 de cette loi prévoit d'étendre l'application de ce dispositif à Mayotte à partir du 1 er janvier 2018.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article modifie le IV de l'article 67 de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, qui porte sur les dispositions spécifiques relatives à Mayotte. Il retarde l'entrée en vigueur des dispositions relatives au « contrat d'intégration républicaine » à Mayotte de deux ans, au 1 er janvier 2020.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES
Le présent article revient sur un choix fort exprimé par le législateur en 2016, de voir le département de Mayotte soumis au droit commun en matière d'intégration des étrangers. Il est regrettable que le présent article revienne en partie sur ce choix en repoussant de deux ans l'entrée en vigueur du dispositif d'intégration.
Il convient de rappeler que ce dispositif, bien qu'il soit encore indigent, faute notamment de moyens suffisants et d'incitations suffisantes pour les étrangers 23 ( * ) , conditionne l'intégration des étrangers primo-arrivants à la société française. Selon le Gouvernement, 6 000 titres de séjour long devraient être délivrés à Mayotte en 2018 et 2019 ; le report de deux ans du dispositif devrait donc empêcher 12 000 primo-arrivants de bénéficier du « contrat d'intégration républicaine », soit plus de 5 % du nombre total attendu de signataires de ces contrats. Cette situation ne peut être tolérée pendant deux ans.
Le Gouvernement indique que des difficultés techniques ne permettent pas d'envisager sa mise en oeuvre dans les délais, faute notamment de « prestataires locaux capables d'assurer les missions afférentes au déploiement du dispositif », comme la formation linguistique. Par ailleurs, « le calibrage des cours de français destinés aux étrangers à Mayotte [nécessiterait] un travail important en lien avec l'administration locale ». Le Gouvernement indique en outre vouloir tirer profit des Assises des outre-mer, lancées en octobre 2017, pour mener ces consultations.
Sans remettre en cause la réalité des difficultés pratiques liées à cette mise en oeuvre, ainsi que les spécificités de ce territoire (liée notamment au fait qu'une partie de la population mahoraise n'est pas francophone), l'octroi d'un délai supplémentaire de deux ans apparaît excessif au regard de l'enjeu. Par ailleurs, si ces difficultés sont prégnantes pour la formation linguistique, déclinée en groupes de niveau et dont le volume horaire peut aller de 50 heures à 200 heures, elle ne s'applique que dans une moindre mesure à la formation civique. Cette dernière porte sur un programme unique, seule la langue de traduction pouvant être amenée à changer.
Dans ces conditions, votre rapporteur spécial propose de réduire le délai de deux à un an, permettant à l'Ofii de disposer d'un délai suffisant pour mettre en place ces formations sans entrainer un décalage trop important excluant un nombre trop élevé de primo-arrivants du dispositif d'intégration.
Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 57
(Article L. 744-9 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) -
Réduction de la durée de versement de l'allocation pour demandeur
d'asile (ADA) des personnes n'étant plus demandeurs d'asile
Commentaire : le présent article réduit, pour les déboutés du droit d'asile, le délai au terme duquel intervient la cessation du versement de l'allocation pour demandeur d'asile.
I. LE DROIT EXISTANT
L'allocation pour demandeur d'asile (ADA) a été créée par la loi du 29 juillet 2015 portant réforme de l'asile 24 ( * ) . L'ADA remplace l'allocation temporaire d'attente (ATA) qui était antérieurement versée aux demandeurs d'asile.
Elle est versée par l'Ofii depuis 2015 aux demandeurs d'asile dans l'attente de la décision définitive leur accordant ou leur refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre État membre si la demande d'asile relève de la compétence de cet État conformément au règlement dit « Dublin III » 25 ( * ) .
Aux termes de l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article réduit, pour les déboutés du droit d'asile, le délai au terme duquel intervient la cessation du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).
Cette prestation prendra fin « au terme du mois au cours duquel est expiré le délai de recours contre la décision de l' [Ofpra] , a été notifiée la décision de rejet par la [CNDA] ou a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français [...] ».
Cette mesure s'accompagne d'une adaptation pour les personnes bénéficiaires d'une protection. Ainsi, pour les personnes qui obtiennent la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, « le bénéfice de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision ».
Par coordination, le présent article prévoit que tous les autres motifs qui mettent fin du droit au maintien (article L.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) entraînent l'arrêt du versement de l'allocation.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES
L'allocation pour demandeur d'asile constitue l'une des principales dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration ». La volonté de la rationnaliser en la circonscrivant aux seuls demandeurs d'asile constitue une avancée, et pourrait entrainer une économie de plus de 20 millions d'euros.
Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 57 bis (Article L. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Clarification de l'obligation, pour le transporteur, de prendre en charge l'étranger dont le refus d'entrée a été prononcé pendant le délai nécessaire à son réacheminement, ainsi que les frais de réacheminement
Commentaire : le présent article clarifie l'obligation, pour le transporteur, de prendre en charge l'étranger ayant fait l'objet d'un refus d'entrée pendant le délai nécessaire à son réacheminement, ainsi que les frais de réacheminement.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « lorsqu'un refus d'entrée a été prononcé, et à compter de cette décision, les frais de prise en charge de l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, pendant le délai nécessaire à son réacheminement, ainsi que les frais de réacheminement, incombent à l'entreprise de transport qui l'a débarqué en France ».
Cette disposition découle d'un engagement européen de la France, puisque aux termes de l'article 26 de la Convention Schengen, les États « s'engagent à introduire dans leur législation nationale [une règle selon laquelle] , si l'entrée sur le territoire d'une des Parties Contractantes est refusée à un étranger, le transporteur qui l'a amené à la frontière extérieure par voie aérienne, maritime ou terrestre est tenu de le reprendre en charge sans délai. À la requête des autorités de surveillance de la frontière, il doit ramener l'étranger dans l'État tiers à partir duquel il a été transporté, dans l'État tiers qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou dans tout autre État tiers où son admission est garantie ». Les États membres s'engagent en outre à « instaurer des sanctions à l'encontre des transporteurs qui acheminent par voie aérienne ou maritime d'un État tiers vers leur territoire, des étrangers qui ne sont pas en possession des documents de voyage requis. » 26 ( * ) .
L'article 3 de la directive du 18 juin 2001 prévoit en outre que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour imposer aux transporteurs qui ne sont pas en mesure d'assurer le retour d'un ressortissant de pays tiers dont l'entrée est refusée l'obligation de trouver immédiatement le moyen de réacheminement et de prendre en charge les frais correspondants, ou, lorsque le réacheminement ne peut être immédiat, de prendre en charge les frais de séjour et de retour du ressortissant de pays tiers en question » 27 ( * ) .
Les dépenses afférentes à cette prise en charge (7 millions d'euros par an) sont actuellement avancées par l'État, et ne font l'objet, selon le Gouvernement, d'aucun remboursement des entreprises de transport qui se sont abstenues ces dernières années de rembourser les sommes dues.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable du rapporteur vise à clarifier la rédaction de l'article L. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de faciliter le recouvrement par l'État des sommes dues par les transporteurs.
Le présent article précise ainsi que les frais de prise en charge de l'étranger incombent à l'entreprise de transports « jusqu'à la sortie de la zone d'attente ». Il précise surtout que ces frais sont également à la charge de l'entreprise « à compter de la décision de maintien en zone d'attente prise dans les cas prévus au cinquième alinéa de l'article L. 221-1 », c'est-à-dire lorsque l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport quand l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES
Cet article de clarification vise à rendre effective une obligation incombant aux transporteurs. Selon le Gouvernement, ces derniers ne s'acquittent pas des amendes dont ils ont fait l'objet, en cas de défaut d'application des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le présent article, en plus de présenter une économie de 7 millions d'euros pour la mission « Immigration, asile et intégration » est de nature à responsabiliser les transporteurs dans la lutte contre l'immigration illégale.
Décision de votre commission : la commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 22 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
* 23 Rapport d'information de Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, n° 660 (2016-2017) - 19 juillet 2017.
* 24 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme de l'asile.
* 25 Règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
* 26 Convention du 19 juin 1990 d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985.
* 27 Directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985