EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 54 quinquies [nouveau] (Art. 621-5-3 et 621-5-5 [nouveau] du code monétaire et financier) - Contribution volontaire à l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de projets d'intérêt commun
Commentaire : le présent article vise à instaurer un mécanisme de contribution volontaire permettant le financement de projets d'intérêt commun pour l'Autorité des marchés financiers.
I. LE DROIT EXISTANT
En application des articles L. 621-5-3 et suivants du code monétaire et financier, les personnes contrôlées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) sont soumises à des droits et contributions dont les taux sont fixés par décrets.
L'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 plafonne néanmoins à 94 millions d'euros le produit de ces droits et contributions affecté à l'AMF - le surplus étant reversé chaque année au budget général.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement adopté avec l'avis favorable de la commission des finances, vise à instaurer un mécanisme de contribution volontaire permettant le financement de projets d'intérêt commun pour l'AMF.
À cette fin, il propose d'inscrire au sein du code monétaire et financier la possibilité pour l'AMF de « recevoir des contributions versées à titre volontaire par des associations professionnelles représentant les personnes soumises à son contrôle, en vue du financement de projets d'intérêt commun ».
L'affectation de ces contributions et les associations visées seraient précisées par un arrêté du ministre chargé de l'économie.
En outre, le présent article propose de modifier le d du 3° du II de l'article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, afin d'octroyer au Gouvernement la possibilité de fixer par décret plusieurs taux distincts pour la contribution à l'AMF prévue au titre de la gestion collective, de la gestion sous mandat et de l'intermédiation en biens divers.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
D'après les informations transmises par le Gouvernement, le mécanisme proposé au présent article devrait permettre aux fonds et aux sociétés de gestion de contribuer volontairement via l'Association française de la gestion financière (AFG) à la refonte du référentiel centralisé des données de la gestion d'actifs , appelé « BIO-2 », dont le coût est estimé à environ 30 millions d'euros sur cinq ans.
En contrepartie de leurs contributions « volontaires », le taux de la contribution légale due par les fonds et sociétés de gestion pourrait être minoré. En effet, le présent article autoriserait le Gouvernement à différencier selon les entités régulées le taux de leur contribution légale.
Il s'agit manifestement d'un détournement du mécanisme de plafonnement des contributions affectées à l'AMF : la baisse du taux de la contribution légale due par les acteurs de la gestion collective se traduirait par une moindre recette pour le budget général, auquel est reversé le surplus encaissé chaque année par l'AMF.
Cet « artifice budgétaire » est d'autant plus problématique qu'il pourrait être porteur d' effets d'aubaine : certains fonds et sociétés de gestion qui refuseraient de contribuer volontairement au projet pourraient quand même bénéficier de la baisse du taux de leur contribution légale.
Enfin, ce mécanisme paraît difficilement compatible avec le statut d'autorité publique indépendante.
Pour ces raisons, vos rapporteurs spéciaux ont soutenu le rapporteur général dans sa volonté de supprimer le présent article, afin d'inviter le Gouvernement à relever, en toute transparence, le plafond des ressources affectées à l'AMF , fixé à 94 millions d'euros depuis 2016.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.
ARTICLE 54 sexies [nouveau] (Art. 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003) - Création d'une taxe affectée au centre technique du papier (CTP)
Commentaire : le présent article vise à créer une taxe affectée au centre technique du papier (CTP).
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES CENTRES TECHNIQUES INDUSTRIELS
Les centres techniques industriels (CTI) sont des établissements d'utilité publique qui exercent des missions de développement économique et technique au service des entreprises d'une filière, souvent composées de PME et d'ETI n'ayant pas les moyens d'assumer le coût de ces missions « en interne » : recherche et développement, diffusion de technologies, formation, normalisation, certification et contrôle de la qualité, veille stratégique et technologique etc. Il existe aujourd'hui douze CTI, auxquels s'ajoutent quatre comités professionnels de développement économique (CPDE) , ces derniers menant également des actions de promotion, d'accompagnement des entreprises à l'international, de lutte contre la contrefaçon etc.
Les CTI et les CPDE peuvent être financés soit par une dotation budgétaire, soit par une taxe affectée , assise sur les produits vendus par les entreprises de la filière.
Les dotations budgétaires s'élèvent à 9,95 millions d'euros pour 2018 , et sont inscrites sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».
Les neuf taxes affectées représentent 149,4 millions d'euros en 2018 . Elles sont prévues par l'article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003. Elles sont plafonnées par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances initiale pour 2012.
B. VERS LA GÉNÉRALISATION DU FINANCEMENT PAR TAXE AFFECTÉE
Dans un rapport remis au Premier ministre le 7 octobre 2014 36 ( * ) , Clotilde Valter préconisait la généralisation du financement des CTI et des CPDE par taxe affectée . Dans un contexte budgétaire contraint, le rapport soulignait les avantages d'une telle modalité de financement : pérennité et stabilité de la ressource ; neutralité sur le solde budgétaire ; contribution le des importations et acquisitions intracommunautaires ; implication des acteurs de la filière.
Dans ce contexte, l'article 137 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2015 a :
- institué trois nouvelles taxes affectées , au bénéfice du centre technique des industries de la fonderie (CTIF), de l'institut des corps gras (ITERG), et du nouveau centre technique industriel de la plasturgie et des composites (CTIPC) créé par ce même article ;
- harmonisé et sécurisé les dispositions législatives encadrant l'ensemble des taxes affectées aux CTI et aux CPDE , s'agissant des missions que celles-ci sont susceptibles de financer d'une part, et des procédures de recouvrement, de contrôle et de recours d'autre part.
Ces taxes affectées ont par ailleurs connu une série de corrections et d'ajustements techniques dans le cadre des lois de finances pour 2016 et pour 2017. Dernier ajustement en date, l'article 19 ter du présent projet de loi de finances pour 2018 vise à permettre la modulation du taux de prélèvement de la taxe affectée au centre technique industriel de la plasturgie et des composites (CTIPC).
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article est issu de trois amendements identiques , présentés respectivement par Joël Giraud, rapporteur général au nom de la commission des finances (n° II-1359, modifié par le sous-amendement n° II-1880 du Gouvernement), Damien Adam (n° II-1550) et Sébastien Jumel (n° II-1151). Ces amendements ont reçu l'avis favorable du Gouvernement.
Il vise à créer une taxe affectée au centre technique du papier (CTP) , qui exerce des missions au service de la filière du papier (notamment à recycler), du carton et de la pâte de cellulose.
À cette fin, l'article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 serait complété par un bis , dont les dispositions sont analogues à celles qui prévoient les autres taxes affectées . Les caractéristiques de cette taxe sont les suivantes :
- elle serait due par les fabricants établis en France du papier, du carton et de la pâte de cellulose, ainsi que par les importateurs de ces produits . Ces produits seraient recensés par arrêté du ministre chargé de l'industrie, en référence à la nomenclature de produits française en vigueur ;
- elle serait assise sur le chiffre d'affaires hors taxes généré par la vente de ces produits , ou sur la valeur vénale de ces produits lorsqu'ils sont incorporés à d'autres produits. Pour les importations, la taxe serait assise sur la valeur en douane appréciée au moment de l'importation sur le territoire national ;
- son taux serait de 0,4 %o, montant révisable chaque année par décret à l'intérieur d'un intervalle compris entre 0,4 %o et 0,6 %o.
Comme les autres taxes affectées aux CTI et aux CPDE, cette taxe fera l'objet d'un plafonnement à l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances initiale pour 2012. Le Gouvernement a indiqué que ce plafonnement serait prévu par un amendement à l'article 19 du présent projet de loi de finances pour 2018 , au cours de la navette parlementaire.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le centre technique du papier (CTP) est l'un des derniers CTI à être financé entièrement par dotation budgétaire de l'État .
La création d'une taxe affectée au CTP permettra de garantir et de pérenniser le financement de celui-ci, dans un contexte où les perspectives de développement de la filière sont importantes , compte tenu notamment du recours croissant aux matériaux biodégradables et recyclables tels que le papier pour la production d'emballages. Le CTP travaille d'ores et déjà sur ces sujets, en lien avec les filières partenaires.
Cette nouvelle taxe affectée est en outre conforme à l'article 15 projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 . Cet article vise à limiter l'affectation de taxes aux cas pour lesquels cette affectation est justifiée. La taxe affectée au CTP répond au deuxième critère parmi les trois que prévoit cet article :
« 1° La ressource résulte d'un service rendu par l'affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives ;
« 2° La ressource finance, au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions d'intérêt commun ;
« 3° La ressource finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières ».
Le même article 15 prévoit en outre que « les impositions de toutes natures affectées à des tiers (...) font l'objet d'un plafonnement conformément au mécanisme prévu par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ». Ce plafonnement, déjà en vigueur pour les autres taxes affectées aux CTI, a été annoncé par le Gouvernement .
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 54 septies [nouveau] (Art. 120 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et art. L. 221-5 et L. 221-7 du code monétaire et financier) - Suppression de la possibilité de surcentralisation des dépôts du livret A et du livret de développement durable et solidaire
Commentaire : le présent article supprime, pour tous les établissements bancaires, la possibilité de surcentraliser et de re-centraliser pour non-respect des règles d'emploi les dépôts du livret A et du livret de développement durable et solidaire au fonds d'épargne.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE SYSTÈME DE RÉPARTITION DES DÉPÔTS DU LIVRET A ET DU LDDS MIS EN PLACE EN 2008
La loi de modernisation de l'économie de 2008 37 ( * ) a mis en place un système de répartition des dépôts du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) entre le fonds d'épargne géré par la Caisse des Dépôts et les établissements collecteurs.
Aux termes de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire par les établissements distribuant l'un ou l'autre livret est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds d'épargne.
Règles régissant la centralisation des
dépôts du livret A et du LDDS
Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire est fixé de manière à ce que les ressources centralisées sur ces livrets dans le fonds d'épargne soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d'un coefficient multiplicateur égal à 1,25. Les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire et non centralisées en application des alinéas précédents doivent être employées par les banques au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens ainsi qu'au financement des personnes morales relevant de l'économie sociale et solidaire. En outre, chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l'établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation constatée à l'attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises. Source : article L. 221-5 du code monétaire et financier |
L'article L. 221-5 du code monétaire et financier prévoit en outre qu' « afin de permettre la vérification du respect des obligations d'emploi mentionnées au quatrième alinéa, les établissements distribuant le livret A ou le LDDS et qui n'ont pas choisi d'opter [...] pour la centralisation intégrale des ressources qu'ils collectent , fournissent, une fois par trimestre, au ministre chargé de l'économie une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide des ressources non centralisées. Les dépôts dont l'utilisation, au cours du trimestre écoulé, ne satisfait pas aux conditions d'emploi susmentionnées sont centralisés au fonds prévu à l'article L. 221-7 pour une durée égale à un trimestre. Le ministre chargé de l'économie s'assure de l'effectivité de cette centralisation, qui n'ouvre pas droit à la rémunération [prévue en contrepartie de la centralisation des ressources] ».
Cette option de surcentralisation était, à l'origine, prévue pour les banques qui, participant à la collecte du livret A, n'avaient pas l'emploi de cette ressource en termes de crédit à la clientèle et pouvaient ainsi la réorienter vers les autres banques. Les sommes issues de la surcentralisation sont réparties entre les autres banques qui n'ont pas opté pour ce mécanisme jusqu'à concurrence des sommes inscrites dans leur bilan. Au-delà d'un certain nombre de banques ayant exercé leur option, il se crée un excédent que les banques non surcentralisatrices ne peuvent plus absorber et qui réintègre donc le bilan du fonds d'épargne .
Les modalités du régime de centralisation des dépôts du livret A, du LDDS et du livret d'épargne populaire sont précisés par voie réglementaire. Ces dispositions été modifiées par deux décrets du 18 février 2016 :
- l'option de surcentralisation du livret d'épargne populaire est supprimée avec un taux de centralisation fixé uniformément à 50 % pour tous les établissements 38 ( * ) ;
- pour le livret A et le LDDS, les règles de surcentralisation sont simplifiées; l'option de surcentralisation ne peut plus s'exercer qu'à hauteur de 100 % des dépôts collectés et avant le 1 er mars de chaque année pour une application au 1 er avril suivant ; si l'établissement collecteur souhaite mettre fin à cette surcentralisation, le recouvrement de la liquidité centralisée s'effectuera progressivement sur une période de dix ans au lieu de cinq ans 39 ( * ) .
B. UN DISPOSITIF DÉNATURÉ, DEVENU UNE OPTION DE TAUX D'INTÉRÊT POUR LES BANQUES, METTANT EN PÉRIL LA SOLIDITÉ DU FONDS D'ÉPARGNE
Au fil de temps et notamment du fait du contexte actuel de taux d'intérêt bas, l'objectif stabilisateur des règles existantes s'est dégradé et a abouti au contraire à un déséquilibre du système, avec des flux de liquidités massifs, avérés ou potentiels, entre les différentes parties prenantes. Le contexte actuel de taux d'intérêt avec un taux du livret A supérieur au taux de marché a en effet incité de nombreux établissements à opter pour la surcentralisation. Actuellement, environ 50 milliards d'euros sont ainsi transférés de certaines banques vers d'autres, à la suite des décisions prises en mars 2017 40 ( * ) .
La possibilité d'exercice de cette option étant annuelle et le taux du livret A (0,75 %) restant élevé au regard des taux de marché 41 ( * ) , malgré la récente décision du Gouvernement de ne pas procéder à son augmentation au 1 er août 2017 42 ( * ) , la question de surcentraliser ou non va à nouveau se poser pour les banques, dans les mêmes termes, au mois de février 2018.
La surcentralisation de la collecte de l'ensemble des banques conduirait à une augmentation des dépôts centralisés au fonds d'épargne de 120 milliards d'euros, ce qui augmenterait d'un montant équivalent l'encours de la garantie de l'État sur le fonds d'épargne et diminuerait d'environ 2 milliards d'euros par an son résultat. Il en résulterait une exigence de fonds propres supplémentaires pouvant atteindre plusieurs milliards d'euros.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable du rapporteur, supprime l'option de surcentralisation pour l'ensemble des établissements bancaires.
Le I et le II modifient le régime de la garantie 43 ( * ) par l'Etat des dépôts centralisés au fonds d'épargne, ainsi que les articles L. 221-5 et L. 221-7 du code monétaire et financier ouvrant la possibilité d'une centralisation intégrale des dépôts.
Le III prévoit la mise en place d'un régime transitoire de récupération de la liquidité par les banques . En particulier, elles pourront, si elles le désirent, passer de dix ans (cas standard) à deux ans et trois occurrences (1 er avril 2018, 2019 et 2020) la durée sur laquelle le reversement de la liquidité qu'elles ont choisi de surcentraliser sera effectué.
Enfin, le III vise à éviter que l'annonce de cette réforme n'entraîne une surcentralisation massive avant l'entrée en vigueur de la loi, qui serait contraire à l'objectif poursuivi de préservation du passif du fonds d'épargne. Ainsi, les ressources surcentralisées à compter du 13 octobre 2017 par les banques leurs seront restituées en totalité à compter du 1 er avril 2018. La date du 13 octobre correspond à la tenue d'une réunion de place au cours de laquelle le Gouvernement a fait part de son intention de supprimer l'option de surcentralisation mise en place en 2008.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Les fragilités du fonds d'épargne ont été identifiées par la Cour des comptes, qui estime que « le modèle économique du fonds d'épargne est mis à l'épreuve par le contexte macroéconomique : les taux d'intérêt et l'inflation faibles qui prévalent [...] réduisent les revenus que le fonds d'épargne tire de ses placements financiers. [...] Les prêts du fonds d'épargne deviennent moins compétitifs dans un univers de taux bas, les banques pouvant proposer des prêts à taux attractifs comparés à ceux du fonds d'épargne qui sont directement liés au taux du livret A, supérieur aux taux de marché. Le fonds d'épargne fait ainsi face à un niveau de remboursement anticipé des prêts historiquement élevé » 44 ( * ) .
En définitive, bien que la pérennité du fonds d'épargne ne soit pas menacée à court terme, son modèle économique est aujourd'hui fragilisé . S'il n'a pas vocation à être aussi profitable qu'un établissement de crédit, il doit, étant dépourvu d'actionnaire, dégager chaque année les fonds propres nécessaires à la croissance de son activité, et être en mesure de rémunérer l'État pour la garantie, nécessaire à son modèle, qu'il lui octroie.
La surcentralisation massive contribue à ces fragilités, en imposant une rémunération à un taux particulièrement élevé aux banques, en accroissant ses exigences en fonds propres, et en risquant, si elle était maintenue, d'augmenter fortement la garantie de l'État. Elle pâtit en outre d'un « effet boule de neige » : les montants surcentralisés sont reversés aux établissements n'ayant pas surcentralisé leurs dépôts, ou au fonds d'épargne s'il n'y en a pas. Ainsi, si certaines banques décident de surcentraliser, les autres sont fortement incitées à faire de même.
Avec la réforme proposée, chaque établissement bancaire serait conduit à conserver un certain pourcentage de l'épargne réglementée qu'il aura collectée (40 % en moyenne) et à centraliser l'autre partie à la Caisse des dépôts et consignations , ce pourcentage étant fixé de manière stable par voie réglementaire.
Cette réforme apparaît relativement urgente, l'option pour la surcentralisation par les banques ayant lieu au mois de mars 2018. L'adoption de cet article dans le présent projet de loi de finances apparaît donc justifiée.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 54 octies [nouveau]- Rapport sur le financement public de Business France
Commentaire : le présent article prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'équilibre entre dotations budgétaires et ressources propres dans le financement de Business France .
I. LE DROIT EXISTANT
La création au 1 er janvier 2015 de Business France 45 ( * ) , opérateur unique rassemblant les activités « Export » (ex-Ubifrance), « Invest » (ex-AFII - Agence française des investissements internationaux) et « Promotion » (promotion de l'image économique de la France), a représenté une étape majeure dans la modernisation de la politique publique en faveur de l'exportation (cf. supra ).
Business France est en partie financé par dotations budgétaires d'un montant total de 101,1 millions d'euros pour 2018 , soit une subvention pour charges de service public (SCSP) de 95,3 millions d'euros portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », et une SCSP de 5,8 millions d'euros en provenance du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires 46 ( * ) ».
Toutefois, le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2015-2017 de l'opérateur prévoyait la hausse graduelle des recettes commerciales , qui devraient atteindre 96,3 millions d'euros en 2017, à peine moins que la SCSP portée par le programme 134 pour cette année-là (97,8 millions d'euros), et devraient être supérieures à cette subvention en 2018 .
Les ressources propres de Business France ont ainsi augmenté de 27 % en trois ans et couvrent aujourd'hui ses charges à hauteur de 49,6 % .
Concrètement, l'offre commerciale de Business France se décline en trois phases : gratuité (avec ticket modérateur) pour l'accompagnement collectif et les premiers conseils, qui relèvent de la mission de service public ; facturation de 50 % des coûts pour la phase d'accompagnement personnalisé et d'amorçage ; coût complet avec marge pour l'accompagnement récurrent et les services aux grands groupes, qui relèvent de l'activité concurrentielle de Business France.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article est issu d'un amendement présenté par notre collègue député Buon Tan, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères. Il prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'équilibre entre financement budgétaire et ressources propres de Business France .
Plus précisément, le présent article prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er juillet 2018, un rapport sur le financement public dont bénéficie Business France . Ce rapport évalue la pertinence des choix opérés en termes d' équilibre entre le financement budgétaire et les ressources propres de l'opérateur . À cette fin, il précise les modalités de gratuité et de facturation, selon les cas, des prestations proposées par Business France au regard de l'objectif d'un plus grand accès des petites et moyennes entreprises à ces prestations. Il présente également des éléments permettant d'apprécier la situation de concurrence dans laquelle ces prestations peuvent se trouver avec celles proposées par des opérateurs privés ou consulaires. Il fournit des éléments de comparaison internationale à l'appui de ces constats et comporte, le cas échéant, des recommandations quant à l'évolution souhaitable des différentes ressources et tarifs de l'opérateur ».
Cet amendement a reçu un avis favorable de la commission des finances, mais une demande de retrait de la part du Gouvernement . En séance publique, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a rappelé l'existence d'une mission d'audit sur le sujet , et ajouté que « le projet de loi qui sera présenté l'année prochaine permettra précisément d'améliorer le fonctionnement de Business France ». Il s'agit du projet de loi dit « PACTE », pour plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Si vos rapporteurs spéciaux saluent l'existence de cette mission d'audit, ils estiment néanmoins que le rapport demandé permettrait de donner toute son importance à la question plus spécifique du modèle économique de Business France .
La soutenabilité de celui-ci est en effet incertaine à ce jour . Certes, la hausse graduelle des ressources propres prévue par le COP 2015-2017 a permis d'engager un cercle vertueux, tant du point de vue de la maîtrise des finances publiques que de la professionnalisation de l'opérateur . En effet, le simple fait de facturer des prestations autrefois proposées gratuitement au titre du service public a permis d'envoyer un « signal » positif aux entreprises , qui considèrent désormais ces prestations comme analogue à celles d'un cabinet de conseil privé.
Cette logique, toutefois, pourrait atteindre ses limites . En effet, la montée en compétence de Business France, la diversification de son offre de services aux entreprises, et la nécessité impérieuse d'investir dans de nouveaux outils digitaux impliquent des coûts supplémentaires pour les prochaines années. Or faire peser ces coûts sur les entreprises via la facturation des prestations n'est pas sans risques , d'autant qu'une partie relève de la mission de service public de Business France. Cette question devra donc faire l'objet d'une réflexion approfondie dans le cadre de l'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de performances de l'opérateur , que le rapport demandé pourrait utilement éclairer.
En outre, dans le cadre de la réforme d'ensemble du dispositif public de soutien à l'exportation, votre rapporteur spécial Bernard Lalande a proposé la mise à disposition de Business France des conseillers en développement international aujourd'hui rattachés aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) (cf. supra ).
Les modalités de cette mise à disposition, et notamment ses conséquences financières sur le modèle économique de Business France d'une part, et des CCI d'autre part, doivent faire l'objet d'une étude approfondie. Votre rapporteur spécial Bernard Lalande vous propose donc un amendement tendant à inclure cette question dans le champ du rapport demandé par le présent article.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 36 Clotilde Valter, députée du Calvados, « Les CTI et CPDE au service du redressement productif », rapport au Premier ministre, 7 octobre 2014.
* 37 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 38 Décret n° 2016-164 du 18 février 2016 modifiant le régime de centralisation du livret d'épargne populaire en application de l'article R. 221-58 du code monétaire et financier
* 39 Décret n° 2016-163 du 18 février 2016 modifiant les modalités du régime de centralisation du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire.
* 40 Réponses du fonds d'épargne aux questions des rapporteurs spéciaux.
* 41 Euribor (3M) : - 0.33% au 20 novembre 2017.
* 42 Communiqué de Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, 13 juillet 2017.
* 43 Article 120 de la loi n°2008-1443 de finances rectificative pour 2008.
* 44 Cour des comptes - Référé n° S2016-3834, Le fonds d'épargne 2012-2015.
* 45 Par l'ordonnance n° 2014-1655 du 22 décembre 2014.
* 46 L'existence de cette seconde subvention s'explique par le rôle de Business France dans l'attractivité des territoires, via sa mission d'attraction des investissements internationaux. Celle-ci pourrait toutefois être à terme rattachée au programme 134, dans une perspective de lisibilité budgétaire.