II. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI

Pour répondre aux spécificités liées au risque de recul du trait de côte, la présente proposition de loi met en place un cadre juridique et des outils d'aménagement du territoire qui prennent en compte la temporalité propre au phénomène .

A. UN CADRE JURIDIQUE POUR LA MISE EN OEUVRE DE LA STRATÉGIE DE GESTION INTÉGRÉE DU TRAIT DE CÔTE

Le chapitre Ier , composé d'un article unique, fixe un cadre juridique aux politiques publiques d'anticipation et d'adaptation du littoral au changement climatique.

L' article 1 er prolonge et complète les dispositions de la loi Biodiversité du 8 août 2016. Il consacre ainsi l'existence d'une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte , révisée tous les six ans. Cette stratégie a vocation à être déclinée dans des stratégies territoriales élaborées par les collectivités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), dans une logique de gestion globale des risques liés à l'érosion côtière, à la submersion marine et à l'élévation du niveau de la mer. En d'autres termes, la gestion du trait de côte repose sur une responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales.

B. L'INTÉGRATION DU RISQUE DE RECUL DU TRAIT DE CÔTE DANS LES DOCUMENTS D'URBANISME

Le chapitre II , qui comprend les articles 2 à 8 bis , vise à mieux identifier les risques liés au recul du trait de côte dans les politiques d'aménagement et à apporter une meilleure information dans les documents d'urbanisme ou contractuels.

L' article 2 propose une définition du recul du trait de côte en droit positif, en consacrant explicitement les notions d'érosion et d'élévation du niveau de la mer. Il convient de remarquer que cette définition ne distingue pas l'origine anthropique ou naturelle du phénomène, mais couvre bien les différentes variantes géologiques (côtes sableuses ou falaises).

L' article 2 bis , introduit par les députés, établit un mécanisme spécifique d'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, en Gironde. Cet immeuble de quatre étages et 78 logements a été construit en 1967 et se situait à l'époque à 200 mètres du rivage . En raison d'un recul continu du trait de côte, il se trouve aujourd'hui au bord d'une dune sableuse qui menace de s'effondrer, à seulement 20 mètres de l'eau . À l'hiver 2014, le préfet a signé un arrêté de péril imminent , qui a conduit à évacuer l'immeuble, sans pour autant qu'un arrêté d'expropriation ne soit pris , ce qui a conduit à une situation juridique complexe.

L'affaire est actuellement pendante devant le Conseil d'État , et cet article ouvre le bénéficie du fonds de prévention des risques naturels majeurs (ou « fonds Barnier ») aux copropriétaires de l'immeuble, en plafonnant l'indemnisation à 75 % de la valeur du bien estimée sans prendre en compte le risque.

L' article 3 crée un zonage spécifique permettant des opérations d'aménagement, adapté à la temporalité du recul du trait de côte, susceptible de s'étendre de vingt à cent ans. Il distingue, d'une part, des zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) au sein desquelles des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque, et d'autre part, des zones de mobilité du trait de côte sur lesquelles toute construction, ouvrage ou aménagement est interdite, à l'exception des ouvrages de défense contre la mer, afin de permettre aux écosystèmes côtiers de s'adapter.

Ces deux nouveaux types de zones seront délimités dans le cadre des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) prescrits par les préfets, dont elles complètent l'arsenal juridique. À l'heure actuelle, les PPRN peuvent définir des zones de précaution (zones bleues), qui ne sont pas directement exposées aux risques, ainsi que des zones de danger (zones rouges), dans lesquelles les constructions et aménagements peuvent être interdits, mais ces deux instruments ne sont pas adaptés à la spécificité du recul du trait de côte qui nécessite des mesures conservatoires temporaires .

L' article 3 bis , ajouté par les députés, prévoit que les préfets peuvent décider de réviser les PPRN en vigueur pour prendre en compte les propositions de création ou de modification de zones d'activité résiliente et temporaire formulées par les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte. Une disposition similaire a été insérée à l'article 3 s'agissant des PPRN qui n'ont pas encore été établis ou qui sont en cours d'élaboration , et qui devront également prendre en compte les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte existantes.

L' article 4 impose de prendre en compte l'indicateur de recul du trait de côte dans les documents d'urbanisme en l'absence de PPRN. Il a été supprimé par les députés au bénéfice d'une disposition de portée plus générale, que l'on retrouve à l'article 7.

L' article 5 prévoit qu'un document unique récapitulant les connaissances relatives aux risques naturels prévisibles soit transmis aux collectivités dans le cadre du « porter à connaissance » du préfet. Il convient de remarquer que tous les risques naturels majeurs sont visés , c'est-à-dire le recul du trait de côte, les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les feux de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les cyclones et tempêtes. Cette obligation n'impose pas à l'État de produire de nouvelles études techniques, mais simplement de transmettre celles dont il dispose.

L' article 5 bis , inséré par les députés, prévoit que les acquéreurs ou les locataires d'un bien situé dans une ZART, doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence et de la durée de réalisation du risque de recul du trait de côte.

L' article 6 vise à rendre les servitudes résultant d'un PPRN directement opposables lorsqu'elles ne sont pas annexées au plan local d'urbanisme (PLU). Il a été supprimé par les députés à l'initiative du Gouvernement, au motif que l'annexion du PPRN au PLU est une obligation, que le préfet doit exécuter d'office en cas de défaillance de la collectivité.

L' article 7 prévoit qu'en l'absence de dispositions spécifiques dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou dans le schéma d'aménagement régional (SAR), les objectifs de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte doivent être « pris en compte » dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT). L'objectif est de faire en sorte qu'en l'absence de stratégie régionale, la stratégie nationale de gestion du trait de côte soit prise en compte dans l'ensemble des documents d'urbanisme par le mécanisme du « SCoT intégrateur » 3 ( * ) .

L' article 8 prévoit la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme (PLU) avec les objectifs de la stratégie nationale ou régionale de gestion intégrée du trait de côte. Les députés ont supprimé cet article jugé redondant avec le dispositif de l'article 7.

L' article 8 bis , inséré par les députés, prévoit une obligation pour les professionnels de l'immobilier d'informer les acquéreurs, locataires et bailleurs du risque de recul du trait de côte lorsque le bien est situé sur une ZART.


* 3 Le code de l'urbanisme prévoit que le schéma de cohérence territoriale (SCoT) doit être « compatible » avec les différents schémas d'aménagement régionaux (SAR) (art. L. 131-1) et doit « prendre en compte » les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) (art. L. 131-2). Les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les cartes communales doivent quant à eux être compatibles avec le SCoT (art. L. 142-1).

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