II. LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION
Cette convention résulte d'un projet proposé par la partie française et correspond de ce fait aux standards habituellement retenus par la France en la matière qui, pour l'essentiel, découlent de la convention européenne d'extradition (CEE) du 13 décembre 1957.
Bien qu'elle ait été signée en 2007 et ratifiée par les EAU en 2008, il a fallu attendre un échange de lettres, en 2014, portant sur l'interprétation de l'article 21, pour que la préparation du dossier du projet de loi 6 ( * ) autorisant l'approbation de cette convention puisse commencer.
A. LE CHAMP D'APPLICATION
L'article 1 er consacre le principe classique en matière d'extradition selon lequel les deux États s'engagent à se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l'un d'eux, sont recherchées par les autorités judiciaires de l'autre, soit aux fins de permettre l'exercice des poursuites pénales, soit aux fins d'assurer l'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre État à la suite d'une infraction pénale.
Aux termes de l'article 2, les demandes d'extradition sont transmises par les autorités centrales des États, qui communiquent par la voie diplomatique. L'article 4 prévoit que ces demandes sont exécutées selon la législation nationale de l'État requis, tout comme les procédures d'arrestation provisoire et de transit.
L'article 3 pose le principe de la double incrimination : les faits donnant lieu à extradition doivent être punis par la loi des deux États.
Cet article précise les seuils retenus pour définir les infractions pouvant donner lieu à extradition. Lorsque l'extradition est demandée aux fins de poursuite , la peine encourue doit être d'au moins deux années d'emprisonnement . Lorsque l'extradition est sollicitée aux fins d'exécution d'une peine , le reliquat de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois .
Le paragraphe 3 de cet article permet à l'État saisi d'une demande d'extradition visant plusieurs infractions pénales dont une ou plusieurs ne remplissent pas les conditions relatives au taux de la peine, d'accorder l'extradition également pour ces dernières.
B. LES MOTIFS OBLIGATOIRES DE REFUS D'EXTRADITION
1. Les motifs classiques de refus
L'article 5 donne la liste des motifs obligatoires de refus d'extradition. Classiquement, l'extradition ne serait pas accordée pour les infractions politiques et militaires, sous cette réserve qui consiste à ne pas considérer comme des infractions politiques, les attentats ou les tentatives d'attentat à la vie d'un Chef d'État et - spécificité de cette convention - aux membres du Conseil suprême de l'État des Émirats Arabes Unis. Selon les indications fournies par le ministère des affaires étrangères et du développement international7 ( * ), cette stipulation est habituelle et figure dans de nombreuses conventions bilatérales de même nature liant la France et d'autres États.
L'extradition serait également refusée si elle était demandée pour des considérations discriminatoires tenant à la race, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques. Il en irait de même dans l'hypothèse où la personne réclamée devrait être jugée dans l'État requérant par un tribunal d'exception ou devrait exécuter une peine infligée par un tel tribunal, ou bien si un jugement définitif avait déjà été prononcé dans l'État requis ou bien si la possibilité de poursuivre pénalement l'infraction ou de punir la personne requise s'avérait prescrite par l'une ou l'autre législation, ou encore si l'infraction était exclusivement militaire.
L'article 6 interdit également l'extradition des nationaux . À cet égard, il faut rappeler que notre code de procédure pénale fait obstacle à l'extradition par la France de ses nationaux. Conformément au principe « aut dedere aut judicare » « extrader ou poursuivre », en cas de refus d'extradition fondé sur la seule nationalité, l'État requis s'engage, à la demande de l'État requérant, à soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, s'il y a lieu.
2. Des dispositions spécifiques concernant la peine de mort, la torture, les peines ou les traitements inhumains ou dégradants
Par ailleurs, suivant les termes de l'article 8, l'extradition serait refusée si les faits à l'origine de la demande étaient sanctionnés par la peine capitale dans la législation de l'État requérant. Il convient de rappeler que la peine de mort est toujours en vigueur aux Émirats arabes unis pour certains crimes comme l'homicide, le viol, la haute trahison, le terrorisme, le trafic de stupéfiants et l'apostasie. Il y a eu 5 exécutions depuis 2007 ; la dernière exécution recensée (celle d'une Émirienne condamnée pour le meurtre d'une Américaine) date du 13 juillet 2015.
La convention prévoit cependant, de façon classique, que l'extradition pourra néanmoins être accordée pour de tels faits si l'État requérant donne l'engagement que la peine capitale ne sera pas exécutée, si elle venait à être prononcée. Ces stipulations reprennent celles de l'article 11, relatif à la peine capitale, de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
En outre, l'article 21, qui a pour effet de préserver pour chacun des États signataires les droits et obligations qui découlent pour eux des instruments internationaux auxquels l'un ou l'autre ou les deux sont parties, a fait l'objet d'un échange de lettres, en 2014, visant expressément la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Il y est précisé que, dans le cas de la France, la convention d'extradition ne saurait porter atteinte aux droits et obligations qui découlent pour elle de la CEDH . L'article 3 de ce texte, au besoin, permettrait ainsi de fonder un refus d'extradition, au motif que la personne réclamée serait susceptible d'être soumise à la torture, à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. On rappelle à cet égard que la charia applicable aux EAU prévoit des châtiments corporels tels que l'amputation, la flagellation et la lapidation, la peine de mort pour le vol, les actes de pillages, les relations sexuelles hors mariage, l'apostasie et la rébellion contre le pouvoir légitime.
* 6 Celui-ci a finalement été déposé devant le Sénat en 2015.
* 7 Réponse au questionnaire et audition du 18 octobre 2016.