Rapport n° 157 (2016-2017) de M. René VANDIERENDONCK , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 novembre 2016

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N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Bruno SIDO et plusieurs de ses collègues tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires ,

Par M. René VANDIERENDONCK,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Sénat :

587 (2015-2016) et 158 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 30 novembre 2016, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. René Vandierendonck sur la proposition de loi n° 587 (2015-2016), présentée par M. Bruno Sido et plusieurs de ses collègues, tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires.

Le rapporteur a rappelé le rôle majeur que jouent les départements, depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, en matière d'organisation et de gestion des transports scolaires : ils ont su conduire une politique de proximité et de qualité, et contribuer ainsi à l'approfondissement de la démocratisation de l'accès du plus grand nombre à des études scolaires plus longues.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a prévu le transfert aux régions, à compter du 1 er septembre 2017, de la compétence en matière de transports scolaires. Elles pourront toutefois, si elles le souhaitent, la déléguer aux départements. Or la plupart d'entre eux a conclu avec des autorités organisatrices des transports infradépartementales (les AO2) des conventions destinées à leur confier, sur une partie de leur territoire, l'organisation des transports scolaires. En l'état actuel du droit, une personne publique délégataire d'une compétence ne peut à son tour la subdéléguer à une troisième personne publique, à l'exception des départements franciliens qui peuvent, après délégation par le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), subdéléguer à leur tour l'organisation des transports scolaires à des autorités organisatrices des transports de troisième rang (AO3). Cette faculté n'est aujourd'hui utilisée que par le seul département de la Seine-et-Marne.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois a adopté un amendement qui tend à permettre aux départements ayant reçu d'une région délégation pour l'organisation et la gestion des transports scolaires de conventionner avec leurs actuelles AO2 pour leur confier l'exécution de tout ou partie des attributions qui leur ont été déléguées dans le cadre juridique d'une délégation de service public ou d'un marché public. Seules les personnes publiques ou privées auxquelles le département peut aujourd'hui déléguer sa compétence pourraient se voir confier ces prestations, sans pour autant bénéficier du statut d'AO3.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les transports scolaires jouent un rôle déterminant dans le bon fonctionnement du service public de l'enseignement. Ils permettent à chaque élève d'avoir accès à un établissement d'enseignement et de contribuer ainsi à l'égalisation des chances entre élèves, entre ceux vivant dans les territoires ruraux et ceux vivant en territoires urbains.

La loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs a constitué, avec les lois du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État et du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, une véritable révolution décentralisatrice en confiant aux départements l'organisation et le fonctionnement de ces transports, auparavant assumés par l'État. En trente ans, les départements ont su conduire une politique de proximité et de qualité, appréciée des familles, et contribuer à l'approfondissement de la démocratisation de l'accès du plus grand nombre à des études scolaires plus longues.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a, à son tour, permis de fonder une nouvelle étape dans la mise en oeuvre des transports scolaires. En effet, à compter du 1 er septembre 2017, les régions succèderont aux départements pour l'organisation et la gestion de ces transports. Elles pourront toujours, si elles le souhaitent, faire appel aux départements, en leur déléguant la compétence des transports scolaires : ces derniers ne seront plus attributaires de celle-ci mais seulement délégataires. Or la plupart des conseils départementaux ont conclu avec des autorités organisatrices des transports infradépartementales, qualifiées d'autorités organisatrices de second rang ou AO2, des conventions destinées à leur confier, sur une partie de leur territoire, l'organisation des transports scolaires.

En l'état actuel du droit, une personne publique délégataire d'une compétence ne peut à son tour la subdéléguer à une troisième personne publique ou privée, à l'exception notable des départements franciliens qui peuvent, après délégation par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), la subdéléguer à leur tour à des autorités organisatrices des transports de troisième rang, les AO3.

En d'autres termes, à compter du 1 er septembre 2017, les départements ne pourront plus subdéléguer la compétence des transports scolaires à leurs actuelles AO2 dans les cas où ils bénéficieraient d'une délégation de compétence de la région. Or, pour les 3 345 acteurs de terrain, il apparaît indispensable de maintenir une relation de proximité pour l'exercice de cette compétence afin de pouvoir s'adapter efficacement à la diversité des situations et aux spécificités des territoires, proximité rendue encore plus nécessaire par la nouvelle carte régionale issue de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Pour répondre à cette difficulté, la proposition de loi de nos collègues Bruno Sido, Benoît Huré et Jean-Jacques Lasserre tend à généraliser la faculté de subdélégation expressément prévue par le législateur pour les départements membres du STIF en 2008.

I. LA COMPÉTENCE DES TRANSPORTS SCOLAIRES : UN CADRE JURIDIQUE COMPLEXE

A. LA DÉCENTRALISATION DES TRANSPORTS PUBLICS LOCAUX PAR LA LOI D'ORIENTATION DES TRANSPORTS INTÉRIEURS DE 1982

1. Une compétence répartie entre de multiples acteurs locaux

La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) constitue « l'acte fondateur de l'organisation des transports publics locaux en France » 1 ( * ) . Elle répartit les compétences d'organisation et de gestion des transports publics locaux entre les différents échelons territoriaux. Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en la matière est qualifié d' autorité organisatrice des transports (AOT).

La LOTI distingue les transports publics urbains , assurés par les communes ou leurs groupements - EPCI à fiscalité propre, syndicats intercommunaux ou syndicats mixtes - au sein des périmètres des transports urbains (PTU) - ils sont alors qualifiés d'autorités organisatrices de transports urbains (AOTU) - des transports publics interurbains , qui regroupent les transports non urbains, gérés par les départements, et les transports ferroviaires relevant des régions, en dehors des PTU.

Les transports non urbains relevant de la compétence des départements comprennent :

- d'une part, les services réguliers et les services à la demande de transport routier qui peuvent être délégués à des autorités organisatrices des transports de second rang - les AO2 - que sont les communes ou leurs groupements pour assurer tout ou partie de l'organisation et de la mise en oeuvre d'un service de transports ;

- d'autre part, les services routiers de substitution aux services ferroviaires non inscrits au plan de transport régional (bus et autocars par exemple) et les services d'intérêt national organisés et mis en oeuvre par les départements dans le cadre d'une délégation de l'État.

2. La spécificité des transports scolaires

La LOTI qualifie les transports scolaires de services réguliers publics, au sens de l'article L. 3111-7 du code des transports, et les a intégrés dans le droit commun des transports. Les transports scolaires désignent à la fois, d'une part, les transports organisés pour les élèves des écoles, des collèges et des lycées qui empruntent les lignes régulières ou des circuits spéciaux et, d'autre part, l'organisation mise en place pour assurer le transport des élèves et étudiants handicapés.

En vertu des articles L. 213-11 du code de l'éducation et L. 3111-7 à L. 3111-10 du code des transports, c'est au département que revient la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces transports, quel que soit le niveau d'enseignement concerné. Il consulte à cet égard le conseil départemental de l'éducation nationale. Par ailleurs, l'autorité compétente de l'État doit consulter le département avant toute décision susceptible d'entraîner une modification substantielle des besoins dans le domaine des transports scolaires.

Toutefois, en application de l'article L. 3111-7 du code des transports, au sein des PTU, les transports scolaires relèvent de la responsabilité des AOTU, sauf délégation au département, tandis qu'en Île-de-France, la gestion et l'organisation de ces transports sont de la compétence du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF).

L'article L. 3111-9 du code des transports prévoit la faculté, pour les départements ou les AOTU, de déléguer par convention tout ou partie de l'organisation des transports scolaires à des organisateurs dits secondaires : il peut s'agir de communes, d'EPCI, de syndicats mixtes, d'établissements d'enseignement, d'associations de parents d'élèves ou encore d'associations familiales. Les délégataires sont alors qualifiés d'autorités organisatrices de second rang ou AO2.

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, 83 % des départements ont recouru à la délégation de compétence auprès d'AO2 pour l'organisation des transports scolaires, les 17 % restant en conservant la responsabilité directe. Ces départements exercent la compétence relative aux transports scolaires soit en régie (Ardennes, Haute-Garonne), soit en concluant une délégation de service public (Aude, Bouches-du-Rhône), soit enfin par la passation d'un marché public (Aveyron, Mayenne).

Liste des départements autorités organisatrices des transports uniques (2015)

Ardennes (régie)

Ariège (marchés publics)

Aude (délégations de service public, marchés publics)

Aveyron (marchés publics)

Bouches-du-Rhône (marchés publics, délégations de services publics, régie)

Corrèze (marchés publics, régies communales)

Haute-Garonne (régie)

Gers

Hérault

Lozère

Maine-et-Loire

Mayenne (marchés publics)

Orne

Pas-de-Calais (marchés publics, délégations de service public, régie)

Pyrénées Orientales

Bas-Rhin (marchés publics, délégations de service public)

Tarn-et-Garonne

Martinique

Guyane

Mayotte

Soit un total de 20 départements sur 102.

Source : ANATEEP

L'Association Nationale pour les Transports Éducatifs de l'Enseignement Public (ANATEEP) a recensé au 1 er janvier 2015 3 345 AO2, près des deux tiers étant des communes et des EPCI, qui gèrent pour le compte des départements l'organisation des transports scolaires.

Les organisateurs de second rang en France

(DOM-COM compris) en 2015

Nature juridique

Nombre au
1 er janvier 2015

Collectivité locale

Communes

1 106*

Intercommunalité syndicale

SIVU

1 217

SIVOM

211

Syndicats mixtes

135

Intercommunalité de projet

Communautés de communes**

514

Sous-total AO2 intercommunaux

2 077

Autres types d'AO2

Établissements scolaires

51

Associations

111

Sous-total Autres AO2

162

Nombre total d'AO2 en France (DOM-COM inclus)

3 345

Source : ANATEEP d'après DGCL et TCD 2013

* Estimation : utilisation du même coefficient de réduction d'AO2 communales entre 2013 et 2015 (-7,8 %) que pour les syndicats intercommunaux.

** Actuellement, la compétence transport est une compétence facultative, et non obligatoire, des communautés de communes.

En revanche, aucune disposition législative n'autorise les AO2 à subdéléguer à leur tour la compétence qu'elles exercent par délégation du département à des AO3.

Aujourd'hui, 4 millions d'élèves sont transportés chaque jour. Les départements consacrent à cette compétence 2 milliards d'euros chaque année. Les élèves ne recourent pas uniquement aux transports scolaires départementaux ; ils peuvent également utiliser les transports urbains relevant des communes ou de leurs groupements, les transports ferroviaires non urbains assumés par les régions ou les lignes régulières relevant de la SNCF. Ainsi, d'après les données fournies par l'Assemblée des départements de France (ADF), les transports utilisés par les élèves se répartissent comme suit :

- lignes régulières : 30 % ;

- transports scolaires : 60 % ;

- transports spécialisés : 2 % ;

- SNCF : 5 % ;

- autres : 3 %.

3. La spécificité des transports scolaires en Île-de-France

L'organisation des transports scolaires en Île-de-France est fixée par l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 modifiée relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France et par le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 modifié relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France.

Depuis le 1 er juillet 2005, en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, modifiant notamment l'ordonnance précitée du 7 janvier 1959, le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) est chargé de l'organisation et du fonctionnement de l'ensemble des transports publics d'Île-de-France, y compris en matière de transports scolaires. Auparavant, les services de transports scolaires étaient règlementés par un décret n° 73-462 du 4 mai 1973 relatif à l'organisation des services spéciaux de transports publics routiers réservés aux élèves et ne relevaient donc pas des dispositions de la LOTI. L'article 3 de ce décret disposait que ces services étaient également assurés par le département, mais qu'ils pouvaient également l'être, « à défaut, ou dans la mesure où il en résulterait une moindre dépense totale », par les organisateurs locaux. Les départements franciliens avaient très largement utilisé la faculté, qui aurait dû rester exceptionnelle, de déléguer aux organisateurs locaux la gestion des services de transports scolaires.

La loi a autorisé le STIF à déléguer ses compétences, à l'exception de la politique tarifaire, à un département membre dans les conditions prévues à l'article L. 3111-9 du code des transports. En revanche, en l'absence de texte autorisant expressément la subdélégation, les collectivités territoriales délégataires n'étaient pas autorisées à leur tour à déléguer tout ou partie de ces compétences à un échelon inférieur. Or il ressortait que l'organisation des transports scolaires devait être différenciée entre la petite et la grande couronne (Seine-et-Marne, Essonne, Yvelines, Val-d'Oise) : pour cette dernière, l'échelon départemental semblait le niveau le plus pertinent, compte tenu des caractéristiques géographiques et socio-économiques de ces départements.

C'est pourquoi, face à ce constat et à la différence des autres AOT, la loi n° 2008-643 du 1 er juillet 2008 relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France autorise les départements exerçant par délégation du STIF une compétence en matière d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires à subdéléguer, à leur tour, par convention, tout ou partie de ces attributions. Les subdélégataires ou AO3 peuvent être d'autres collectivités territoriales, des groupements de collectivités ou des personnes morales de droit public ou de droit privé.

Cette faculté de subdélégation n'a été utilisée que par deux départements, la Seine-et-Marne et l'Essonne. Ce dernier y ayant renoncé en 2015, seule demeure celle du département de la Seine-et-Marne, justifiée notamment par le périmètre étendu du département et par la faible densité de certaines parties de son territoire.

La délégation accordée par le STIF à un département puis entre un département et des subdélégataires peut être plus ou moins large. Dans le cas de la Seine-et-Marne, la délégation du STIF est totale, puisqu'elle englobe à la fois la définition de l'offre de transport sur le territoire départemental, la passation des contrats d'exploitation, le contrôle de l'exécution des prestations et, enfin, l'inscription des élèves et les relations avec les familles, les transporteurs et l'Éducation nationale.

Les subdélégations entre le département et les AO3 sont, quant à elles, plus variées en ce qui concerne le périmètre des missions ainsi déléguées.

B. LES TRANSFERTS PRÉVUS PAR LA LOI PORTANT NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE DE LA RÉPUBLIQUE

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République va, à compter du 1 er janvier 2017, profondément modifier l'organisation institutionnelle des transports publics en France définie par la LOTI.

En effet, l'article 15 de cette loi prévoit le transfert aux régions, à compter du 1 er janvier 2017, des transports non urbains départementaux et, du 1 er septembre 2017, des transports scolaires.

Plusieurs personnes entendues se sont interrogées sur la pertinence de deux dates différentes de transfert, les transports urbains et les transports scolaires étant, dans certains départements, totalement imbriqués, un tiers des élèves n'utilisant pas les lignes départementales dédiées mais des lignes régulières.

Afin de rendre concomitant ce double transfert, plusieurs régions devraient recourir à la conclusion de conventions de délégation transitoires de compétences des transports non urbains aux départements jusqu'au 1 er septembre 2017, afin de pouvoir exercer pleinement leurs compétences pour ces deux catégories de transports concomitamment.

Délégations transitoires

PACA (Hautes-Alpes, Var, Vaucluse)

Nouvelle Aquitaine (Gironde, Charente, Charente-Maritime, Lot-et-Garonne)

Normandie (Manche, Orne)

Auvergne Rhône-Alpes (Allier, Ardèche, Cantal, Drôme, Puy-de-Dôme, Savoie, Haute-Savoie)

Bretagne (Côtes d'Armor, Ille-et-Vilaine, Morbihan)

Occitanie (Aude, Haute-Garonne)

Hauts-de-France (Aisne, Oise, Pas-de-Calais)

Val de Loire (Cher, Indre en cours, Indre-et-Loire en cours, Loir-et-Cher, Loiret en cours)

Pays de la Loire (Mayenne, Sarthe, Vendée)

Grand Est (mandat financier) (Haut-Rhin)

Source : Assemblée des départements de France.

Le département ne sera donc plus, à partir de septembre 2017, une autorité organisatrice des transports. Il pourra néanmoins bénéficier, en application de l'article L. 3111-9 du code des transports et dans les conditions fixées par l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, d'une délégation de compétence de la part de la région pour exercer, pour le compte et sous le contrôle de cette dernière, l'une ou les deux de ses anciennes compétences.

En matière de délégation de la compétence « transports scolaires », à compter du 1 er septembre 2017, deux situations seront possibles :

- soit le département exerce aujourd'hui sa compétence en matière de transports scolaires, sans recourir à une délégation à des AO2, ce qui est le cas de 17 % d'entre eux : il pourra bénéficier de la part de la région d'une délégation de compétence, devenant alors lui-même une AO2. Dans ce cas, la délégation de compétence entre régions et départements ne pose pas de problème particulier ;

- soit le département recourt aujourd'hui à des AO2 et s'il bénéficie d'une délégation de compétence de la région, il ne pourra recourir lui-même à ses AO2 actuelles qui deviendraient alors des AO3, la subdélégation n'étant pas permise en dehors du cas spécifique des départements d'Île-de-France.

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, la majorité des régions devraient faire le choix de ne pas déléguer leur nouvelle compétence en matière de transports scolaires aux départements, contrairement à ce qui avait été initialement envisagé. Elles se substitueraient aux départements et consentiraient directement des délégations aux AO2 actuelles. D'après l'ANATEEP, cette situation concernerait 85 départements, comme l'indique le tableau suivant. D'autres régions envisageraient de déléguer les transports scolaires à certains de leurs départements (Hauts-de-France pour l'Aisne, le Nord et l'Oise, la Normandie pour la Manche et l'Orne, l'Auvergne Rhône-Alpes pour tous ses départements à l'exception de la Savoie et de la Haute-Savoie). Pour ces derniers, se pose la question de la mise en oeuvre des compétences ainsi déléguées avec l'interdiction de la subdélégation. C'est l'objet de la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido.

Organisation des transports souhaitée en régions

Auvergne-Rhône-Alpes

Savoie et Haute-Savoie : absorption des services départementaux

Autres départements : délégations départementales mais interrogations sur des éventuelles AO3 en Allier, Cantal et Loire

Bourgogne-Franche-Comté

Pas de délégations départementales et appui sur les AO2 existantes dans la Nièvre, la Saône-et-Loire et l'Yonne

Bretagne

Pas de délégations départementales et appui sur les AO2 existantes dans les Côtes-d'Armor, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine et le Morbihan

Centre-Val-de-Loire

Pas de délégations départementales et appui sur les AO2 existantes dans le Cher, l'Eure-et-Loir, l'Indre, l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret

Grand Est

Pas de délégations départementales et appui sur les AO2 existantes dans l'Aube, la Haute-Marne, la Marne, la Meuse et les Vosges

Hauts-de-France

Volonté de la région de s'appuyer sur des délégations départementales dans l'Aisne, le Nord et l'Oise

Refus du Pas-de-Calais d'où absorption des services départementaux à la région

Pour la Somme, absorption des services départementaux et appui sur les AO2 actuelles

Normandie

Délégations départementales à la Manche et l'Orne

Absorption des services départementaux du Calvados, de l'Eure et de la Seine-Maritime avec appui sur les AO2 existantes

Nouvelle-Aquitaine

Pas de délégations départementales

Appui sur les AO2 existantes en Charente, en Dordogne, en Gironde, en Lot-et-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, avec absorption des services départementaux

Occitanie

Report d'une année demandée par la Région pour y voir plus clair, après ses États-Généraux du rail et de l'intermodalité, soit au 1 er janvier 2018. Interrogations sur la suite qui sera décidée par la région

Le Tarn ne souhaite pas bénéficier d'une délégation de compétence de la région : au 1 er janvier 2017, la région sera AO1 et s'appuiera sur la société publique locale départementale (qui deviendra régionale) et sur la fédération des transports scolaires du Tarn, AO2 unique pour les transports scolaires

PACA

Pas de délégations départementales

Appui sur les AO2 existantes dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Var et le Vaucluse

Pays-de-la-Loire

Pas de délégations départementales

Appui sur les AO2 existantes en Loire-Atlantique et en Vendée

Source : ANATEEP, au 1 er septembre 2016

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ATTEINDRE L'OBJECTIF DE CLARIFICATION ET DE GESTION DE PROXIMITÉ VISÉ PAR LA PROPOSITION DE LOI

L'article unique de la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido vise à permettre, en cas de délégation régionale au département en matière de transports scolaires, de généraliser la faculté, prévue en Île-de-France, d'instaurer des autorités organisatrices des transports infra-départementales de troisième rang.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont estimé que l'apport de cette proposition de loi pouvait être nuancé par les remarques suivantes :

- comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, la plupart des régions devrait assumer leur nouvelle compétence en matière de transports scolaires et ne pas recourir à une délégation de compétence aux départements. Dès lors, la question des AO3 deviendrait sans objet pour ces régions ;

- la séparation transports interurbains/transports scolaires, supposée par la proposition de loi, serait impossible à mettre en oeuvre dans de nombreux départements où ces deux types de transports sont totalement imbriqués ;

- la subdélégation prévue en Île-de-France vise à répondre à la spécificité d'un territoire. La Seine-et-Marne se caractérise par sa superficie et sa faible densité sur certaines parties de son territoire, mais également par le fait qu'elle n'appartient pas à la Métropole du Grand Paris qui est compétente en matière de transport. Par ailleurs, outre les spécificités de ce département, il convient de rappeler que le STIF représente aujourd'hui 70 % du transport ferroviaire en France et son activité concerne 40 % des personnes transportées chaque jour. En outre, aujourd'hui, seul ce département recourt encore à cette faculté ;

- la réponse écrite du secrétaire d'État chargé des transports à notre collègue Claude Nougein 2 ( * ) apporte un assouplissement utile selon plusieurs personnes entendues en précisant qu'un département bénéficiaire d'une délégation de compétence de la région en matière de transports scolaires ne pourrait « déléguer cette compétence à son tour qu'à des autorités organisatrices n'ayant pas le statut de collectivités locales ». Selon la direction générale des collectivités locales, il convient d'entendre, par collectivités locales, non pas les seules communes, mais également les groupements de communes (EPCI à fiscalité propre ou syndicats intercommunaux) et les syndicats mixtes. En d'autres termes, le département pourrait continuer de conventionner dans le cadre d'une délégation de service public (DSP) avec une entreprise de transport ou même, en dehors d'une DSP, avec une association de parents d'élèves ; dans ce cas, selon le Gouvernement, il ne s'agirait pas d'une délégation de compétence et la prestation pourrait être maintenue bien que le département ne soit plus l'autorité organisatrice attributaire mais seulement délégataire.

Comme l'auteur de la proposition de loi, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur les bases juridiques d'une telle analyse : aucune disposition ne permet d'affirmer qu'une subdélégation qui n'en porterait toutefois pas le nom puisse être autorisée entre un département et les seules personnes n'ayant pas le statut de collectivités territoriales. Cette analyse semble plus marquée par le souci d'éviter une « délégation en cascade » qui irait à l'encontre de l'objectif de clarification et de simplification de l'action publique que par une réflexion juridique suffisamment aboutie et confrontée aux réalités, multiples et contrastées, du terrain.

Si les interrogations liées aux conséquences juridiques et pratiques d'une « délégation en cascade » sont partagées par votre rapporteur, ce dernier estime en revanche que la proposition de loi pose la question de l'avenir des actuelles AO2 qui, aujourd'hui, ne disposent d'aucune information sur leurs éventuelles relations qu'elles entretiendront avec les régions. Cette situation est source d'inquiétude et pourrait nuire à la qualité du service si aucune solution n'est rapidement apportée, les AO2 actuelles disposant d'une compétence de proximité qu'il convient de maintenir.

C'est pourquoi votre commission a, sur la proposition de son rapporteur et avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi, adopté l' amendement COM-1 qui vise à préciser que les départements ayant reçu une délégation de la région pour l'organisation et la gestion des transports scolaires pourraient, si la convention de délégation le prévoit explicitement, recourir à des prestataires, via une convention de prestations de services, pour l'exécution de tout ou partie des compétences ainsi déléguées.

Seraient visées les personnes mentionnées à l'article L. 3111-9 du code des transports, c'est-à-dire celles auxquelles le département aujourd'hui - la région demain - peut déléguer tout ou partie de ses compétences en matière de transports scolaires : communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, établissements d'enseignement, associations de parents d'élèves et associations familiales. Le contrat unissant le département et son prestataire pourrait être, comme c'est le cas aujourd'hui pour les départements autorités organisatrices des transports uniques en matière de transports scolaires, une délégation de service public ou un marché public, conclus selon les règles classiques de la commande publique.

Ainsi, les relations entre la région, le département et le prestataire s'établiraient de la façon suivante :

- une convention de délégation de compétence entre la région et le département, dans les conditions fixées par les articles L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales et L. 3111-9 du code des transports ;

- un contrat de prestation de service pour la mise en oeuvre de tout ou partie des compétences ainsi déléguées, si seulement la convention de délégation de compétence entre la région et le département a expressément prévu la faculté de recourir à des prestataires extérieurs, via par exemple la conclusion d'une délégation de service public ou la passation d'un marché public.

En d'autres termes, dans ce cadre, le département assumerait, dans les faits, au quotidien, au nom, pour le compte et sous le contrôle de la région, la responsabilité du transport scolaire, en s'appuyant le cas échéant sur des prestataires extérieurs comme les associations de parents d'élèves et, plus largement, l'ensemble des AO2 actuelles sans que ces dernières deviennent pour autant des AO3. La région et le département seraient liés par une convention de délégation de compétence - celle-ci pouvant être large ou, au contraire, plus limitée - et, si cette convention le prévoit, le département pourrait confier l'exécution de tout ou partie des compétences déléguées à ses actuelles AO2 qui ne seraient que des prestataires de services pour son compte.

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 30 NOVEMBRE 2016

M. Philippe Bas, président . - Il appartient à René Vandierendonck de présenter son rapport sur la proposition de loi de nos collègues Bruno Sido, Benoît Huré, Jean-Jacques Lasserre et François Bonhomme relative aux modalités de délégation de la compétence d'organisation des transports scolaires.

M. René Vandierendonck, rapporteur . - Les transports scolaires jouent un rôle déterminant dans le service public de l'enseignement, en offrant à chaque élève un accès à l'école et en contribuant puissamment à l'égalité des chances entre les territoires urbains et ruraux.

La loi du 30 décembre 1982 relative à l'organisation des transports intérieurs a constitué, avec les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983, une véritable révolution en confiant aux départements l'organisation et le fonctionnement de ces transports. Au cours de l'examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), le Sénat a montré que les départements avaient su, pendant trente ans, mener une politique de proximité et de qualité appréciée des familles.

La loi NOTRe marque une nouvelle étape en prévoyant, à compter du 1 er septembre 2017, que les régions succèderont aux départements dans l'organisation et la gestion des transports scolaires. Les premières auront cependant la possibilité de déléguer cette compétence aux seconds, qui n'en seront plus, par conséquent, les attributaires mais les délégataires.

La plupart des départements ont conclu avec les autorités organisatrices de niveau infradépartemental - les fameuses AO2 - des conventions leur confiant le transport scolaire sur une partie de leur territoire. Or le droit en vigueur interdit à une personne publique délégataire d'une compétence de la déléguer à son tour - une exception notable étant constituée par les départements franciliens qui, après avoir reçu une délégation du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), ont la possibilité de subdéléguer à leur tour cette compétence à une autorité organisatrice de niveau 3 (AO3). Cette possibilité est mise en oeuvre par le seul département de la Seine-et-Marne. Sollicité dans une question écrite, le Gouvernement a exprimé une conception très restrictive de la possibilité pour un département bénéficiant d'une délégation de compétence de la région, pour une prestation de services, de recourir à des AO3 : il en exclut les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Avec force et pertinence, nos collègues proposent de généraliser la faculté de subdélégation mise en place en Seine-et-Marne. Il y a aujourd'hui 3 445 AO2 en France, parmi lesquelles des associations privées ou familiales, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ; lors des auditions que j'ai conduites, l'Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (Anateep) m'a alerté sur l'ignorance dans laquelle se trouvaient ces opérateurs quant au sort qui allait leur être réservé au 1 er septembre prochain. D'où la pertinence de cette proposition de loi, face à un constat partagé par tous les groupes politiques.

Le ministère des transports et la direction générale des collectivités locales (DGCL) ont des analyses divergentes du problème. Nous attendons une position unique du Gouvernement. On ne saurait modifier en profondeur la loi sur l'organisation des transports intérieurs via une proposition de loi sans étude d'impact ; c'est pourquoi le texte qui vous est présenté atteint l'objectif. La réécriture proposée par mon amendement est approuvée par les auteurs du texte.

Plus nous serons unis, plus grande sera notre force de conviction.

Je n'ignore pas que l'Assemblée des départements de France (ADF) souhaiterait que la compétence d'organisation des transports scolaires reste aux départements. Je respecte cette position, mais il ne m'a pas semblé opportun d'introduire une telle remise en cause à ce stade. Nous avons recherché une solution pragmatique.

Comme vous pourrez le constater à la lecture du rapport, le nombre de départements où pourrait apparaître un problème de subdélégation est très faible. Plus préoccupant est le manque d'information des opérateurs et des quatre millions d'élèves concernés.

M. Jean-Pierre Vial . - En Auvergne-Rhône-Alpes, les transports scolaires ont été transférés à la région à titre expérimental. Il est inenvisageable de mettre en place un tel transfert sans confier la gestion locale à des AO2. Leur maintien est essentiel à la souplesse du système. Je partage entièrement le point de vue du rapporteur.

M. François Bonhomme . - J'ai moi aussi été alerté sur le manque d'information des opérateurs et des départements, qui souhaitent un report de la mise en oeuvre du transfert.

Le rapporteur a rappelé la diversité des situations. La région Nouvelle Aquitaine a l'intention d'exercer directement cette compétence ; mais les régions ne posséderont pas le savoir-faire administratif des départements qui faisaient du transport scolaire sur mesure. Il convient de passer à la vitesse supérieure et de revoir le principe même des transferts de compétence prévus par la loi NOTRe - dont, je le rappelle, l'objectif affiché était une clarification de l'organisation territoriale...

M. Mathieu Darnaud . - Je partage entièrement les préconisations du texte et la position du rapporteur. Les situations sont très diverses selon les départements et le mode de fonctionnement en vigueur avant la loi NOTRe.

Le transfert de compétence en matière de transport scolaire a été conçu dans une absence totale de bon sens, et ce n'est pas faute de l'avoir souligné lors de l'examen de la loi. En Auvergne-Rhône-Alpes, les situations sont très diverses. En Isère, le transport scolaire est gratuit, dans d'autres départements, il ne l'est pas. La plupart des départements souhaitent conserver cette compétence ; en Ardèche, compte tenu de la configuration de notre territoire, nous recourons à des taxis.

Tous les voyants sont au rouge. Au-delà des inflexions et des aménagements bienvenus comme celui que prévoit ce texte, il convient de s'interroger sur la durabilité de ces transferts.

M. Simon Sutour . - Je remercie les auteurs du texte de l'avoir déposé. À une ou deux exceptions près, les régions ne se sentent pas armées pour reprendre la compétence de l'organisation du transport scolaire, d'où le recours aux délégations et le problème de la subdélégation. Ce texte nous donne la possibilité de faire le point avec le Gouvernement et les administrations à la veille du transfert.

Malheureusement, compte tenu du calendrier, la proposition de loi ne sera probablement pas votée à temps. Je souhaite néanmoins que ce texte soit voté aussi largement que possible et que l'Assemblée nationale trouve une « niche » pour l'examiner. Notre commission honore ainsi son rôle de maintien de la cohérence juridique du spectre législatif. Je suis le seul membre de mon groupe à avoir voté contre la loi NOTRe, même si sa mise en oeuvre pose moins de problèmes en Occitanie que dans le Nord du pays.

M. Alain Marc . - Cette discussion illustre les bêtises que contient la loi NOTRe. On savait que la situation était très diverse : dans certains départements, le ramassage est gratuit mais assuré par des navettes, ce qui contraint parfois les parents à parcourir cinq ou six kilomètres pour déposer leurs enfants à l'arrêt ; dans d'autres, comme l'Aveyron, c'est au contraire du cousu main. La proposition de loi est d'autant plus opportune que les AO2 sont particulièrement pertinentes pour assurer le ramassage scolaire en milieu rural, là où les appels d'offres restent souvent infructueux.

M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà un bel hommage rendu par la théorie à la pratique... Lors des discussions sur la loi NOTRe, nous avions été nombreux à défendre le maintien de la compétence du transport scolaire au niveau du département. On nous avait répondu que puisque l'on transférait une compétence forte à la région - les transports -, il fallait tout leur transférer en la matière, y compris les transports scolaires. L'usine à gaz va s'enrichir d'une nouvelle canalisation, d'un nouveau sparadrap. Et ce n'est pas fini !

M. Jacques Mézard . - Hommage soit rendu aux auteurs et au rapporteur de cette proposition de loi. Ce texte démontre l'impréparation qui a présidé à la loi NOTRe, que j'ai qualifiée à l'époque de loi « Leurre ». Il fallait justifier les transferts de ressources aux régions... La proposition de loi démontre l'incohérence de ce texte.

L'intervention de notre collègue Mathieu Darnaud à propos de la région Auvergne-Rhône-Alpes illustre combien le transfert du transport scolaire à la région est risible. Et on parle de restaurer la proximité entre les citoyens et les collectivités... Il est difficile de faire pire. Nous en sommes à la septième ou huitième modification de la loi NOTRe. Marylise Lebranchu a donné cet été une interview dont le titre était : « Nous n'avons pas été bons sur la réforme territoriale ». Pour une fois, elle a dit vrai...

M. André Reichardt . - Tout ça pour ça ! Ou comment réformer pour que rien ne change. Une question : le texte prévoit, monsieur le rapporteur, que les contrats de prestation de services figureront obligatoirement dans les conventions de délégation de la région au département. Pourquoi ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Au vu de la tournure que prend le débat, il convient de rappeler que la loi NOTRe a fait l'objet d'une commission mixte paritaire. L'apport du Sénat à ce texte n'a pas été secondaire, et la loi a finalement été votée par les deux assemblées. Nous sommes nombreux ici à l'avoir votée. Lorsque l'on vote un texte, il convient de le défendre ensuite.

M. Pierre-Yves Collombat . - On ne se suicide pas à moitié !

M. Jean-Pierre Sueur . - Certes, la loi NOTRe contient des points à améliorer, mais elle apporte aussi de nombreuses évolutions positives. Si nous ne l'avions pas votée, l'Assemblée nationale l'aurait adoptée en lecture définitive.

M. Mathieu Darnaud . - Oui, nous avons voté ce texte, mais parce que c'était le seul moyen de sauver les départements. Nous avons toujours dit que le transfert de la compétence du transport scolaire était dénué de sens. Cette réforme n'est pas l'alpha et l'oméga de l'organisation territoriale : nous sommes obligés depuis d'en détricoter par petites touches certaines dispositions mortifères pour les collectivités. Dans certains endroits de mon département, le transport scolaire est organisé par taxi. Imagine-t-on l'organiser depuis Lyon, dans une région deux fois et demie plus grande que la Belgique ? La plupart des régions vont déléguer la compétence aux départements...

Même s'il y a du positif dans cette loi, d'autres points relèvent de l'hérésie. Nous serons obligés de revenir sur des champs entiers du texte
- c'est l'objet de la proposition de loi que Jacqueline Gourault et moi-même avons déposée.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nombre de lois nécessitent par la suite des correctifs. Il demeure que nous avons voté ce texte.

M. Philippe Bas, président . - Le rôle du Sénat, lorsque sa majorité n'est pas celle de l'Assemblée nationale, est d'obtenir dans un projet de loi auquel il n'adhère pas des inflexions suffisantes pour le rendre acceptable. Comme les explications de vote en séance l'ont montré, son adoption n'impliquait pas une adhésion à l'ensemble de ses dispositions. N'investissez pas ce vote d'un sens qu'il n'a pas... Au demeurant, monsieur Sueur, je ne vous crois pas dupe de votre propos qui est de bonne guerre.

M. François Pillet . - Nous aurions pu éviter cette situation si le projet de loi NOTRe avait été assorti d'une étude d'impact sérieuse.

M. Philippe Bas, président . - Les régions n'ont pas demandé le transfert de la compétence du transport scolaire. La majorité sénatoriale s'y est résignée en compensation du maintien des routes, des collèges et des ports dans le périmètre de compétence des départements. Ce transfert oblige les régions à établir, sous la houlette du président de la chambre régionale des comptes, le volume de charges qui leur sera transféré en regard du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises également transféré - pour, dans de nombreux cas, une fois ce calcul complexe effectué, déléguer à nouveau la compétence au département ! De plus, comment les agglomérations et les villes délégataires récupéreront-elles cette compétence dans le nouveau régime, les délégations de troisième niveau n'étant pas possible ? La proposition de loi ne règle que ce dernier problème. C'est un ajustement très attendu ; peut-être l'Assemblée nationale ne le votera-t-elle pas, mais point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer... Tentons notre chance, en bonne intelligence entre les groupes politiques.

M. René Vandierendonck, rapporteur . - Le Sénat peut alerter le Gouvernement, à travers une proposition de loi, sur les difficultés de mise en oeuvre de la réforme ; mais il est difficile de ne pas assortir une législation-cadre d'une étude d'impact sur les territoires. Le rapport apporte des éclairages précis sur la portée du débat, qui est plus limitée qu'on ne le pense.

Notre collègue Bruno Sido a parfaitement identifié le manque d'information des acteurs et les inquiétudes légitimes que vous évoquez. Il faut partir des territoires - une tâche que nous menons, avec Mathieu Darnaud notamment, au sein de la mission de suivi des dernières lois de réforme territoriale - dont, pour reconnaître mes torts, j'ai été le co-rapporteur avec Jean-Jacques Hyest. À travers cette mission, le Sénat a souhaité évaluer, nonobstant les aléas des calendriers électoraux, la manière dont cette loi était mise en oeuvre. Nous ne nous interdisons pas de revenir sur certains de ses aspects.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

M. René Vandierendonck, rapporteur . - Mon amendement propose la mise en place d'un système auquel le ministère des transports semble ouvert - au contraire de la DGCL. Il repose sur deux volets : une convention de délégation de compétence entre la région et le département, dans les conditions fixées par les articles L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales et L. 3111-9 du code des transports, et, au second niveau, un contrat de prestation de services que les départements auront la possibilité de passer, si ladite convention de délégation le prévoit, sans transformer pour autant le prestataire en subdélégataire. L'offre de transport restera définie dans la convention de délégation, mais elle sera mise en oeuvre dans le cadre d'une prestation de services. Cette rédaction a été acceptée par l'auteur de la proposition de loi.

M. Alain Richard . - Le dispositif que vous proposez est tout à fait opportun. Soulignons que le contrat de services par lequel la collectivité délégataire - le département - confie l'exécution de tout ou partie de la mission déléguée n'est pas une délégation au sens plein ; il répond aux règles qui régissent la commande publique...

M. Philippe Bas, président . - ... ce qui suppose une mise en concurrence dont le résultat est par nature incertain. Or l'objectif de ce texte est de faire en sorte que les villes puissent continuer à organiser le transport scolaire. Il n'est pas à exclure, dans ce système, qu'un opérateur autre qu'une collectivité remporte le marché de la prestation de services.

M. Alain Richard . - Je ne crois pas qu'une entreprise trouverait avantage à faire, pour moins cher, ce que font les collectivités dans des conditions qui ne sont pas celles du marché. Il y a aussi des enjeux de loyauté de la comparaison.

Les règlements communautaires prévoient une disposition dite in house exemptant de l'obligation de mise en concurrence les prestations exercées par une autre collectivité dans les mêmes conditions que l'assumerait la collectivité adjudicataire. Un transfert du département à une commune ou à une agglomération, par exemple dans le cadre d'un syndicat mixte, relève-t-il de ce cas de figure ?

M. Alain Anziani . - Si l'on veut que les prestataires de services soient des collectivités, il faut exclure du périmètre de la mise en concurrence les associations de parents d'élèves ou les associations familiales.

M. René Vandierendonck, rapporteur . - Le rapport répond en partie à cette dernière question.

Il pourrait être nécessaire, pour atteindre l'objectif évoqué par Alain Richard, de constituer, par exemple, une société publique locale juridiquement distincte. Mais la réflexion sur cet aspect de la question se poursuit.

La proposition de loi ne modifie pas la loi NOTRe ; elle permet simplement une généralisation du mode de fonctionnement adopté en Seine-et-Marne. En Île-de-France, l'attributaire de la compétence du transport scolaire n'est pas la région, mais le Stif, un syndicat mixte qui associe la région et les départements franciliens. Rappelons néanmoins que le Stif représente 70 % du trafic ferroviaire en France et 40 % des voyageurs transportés.

Modestement, la proposition de loi identifie un problème important et propose une solution transitoire en attendant la mise en oeuvre des dispositions de la loi NOTRe - laquelle est suivie par notre mission au long cours, guidée, selon les habitudes de la commission des lois, par une éthique de la neutralité d'autant plus remarquable en période pré-électorale.

M. Philippe Bas, président . - Souhaitons que le texte prospère dans la rédaction que vous nous proposez...

L'amendement COM-1 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Bruno Sido , auteur de la proposition de loi

Direction générale des collectivités locales (ministère de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et ministère de l'intérieur)

M. Bruno Delsol , directeur général

M. Christophe Conti , chef du bureau du financement des transferts de compétences

M. Lionel Lagarde , adjoint au chef du bureau des services publics locaux

Direction des services des infrastructures, des transports et de la mer (ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer)

M. Franck Agogué-Escaré , directeur adjoint

M. Manuel Martinez , adjoint au chef du bureau des politiques de déplacements, sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains

Assemblée des départements de France (ADF)

M. Bruno Sido , sénateur, président du conseil départemental de la Haute-Marne

M Amaury Duquesne , collaborateur du groupe de la droite, du centre et des indépendants (DCI)

M Augustin Rossi , conseiller en charge des transports

Mme Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement

Régions de France

M. Michel Neugnot , président de la commission transport

M. David Hergott , conseiller transport

Mme Marie-Reine du Bourg , conseillère aux relations parlementaires

Groupement des autorités responsables de transport (GART)

M. Louis Nègre , sénateur, président

M. Guy Le Bras , directeur général

Syndicat des Transports d'Ile-de-France (STIF)

M. Laurent Probst , directeur général

M. Philippe Tardy , responsable des transports scolaires et adaptés

Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (ANATEEP)

Mme Nicole Bonnefoy , sénatrice, présidente

M. Christophe Trébosc , secrétaire général

M. Éric Breton , directeur d'études


* 1 Rapport d'information n° 319 (2011-2012), « Les transports publics locaux en France : mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie » de M. Yves Krattinger, fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-319-notice.html.

* 2 Réponse publiée dans le Journal Officiel Sénat du 22 septembre 2016 - page 4105, à la question écrite n° 18148 de M. Claude Nougein, publiée dans le Journal Officiel Sénat du 08 octobre 2015 - page 2362.

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