EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue le mardi 15 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Avant d'entrer dans le détail des crédits de la culture pour 2017, je souhaite, comme certains d'entre nous ont déjà eu l'occasion de le faire, exprimer un regret qui a trait aux conditions dans lesquelles le projet de loi de finances pour 2017 pourrait être examiné par le Sénat. La majorité sénatoriale, semble-t-il, devrait décider de ne pas débattre de ce budget en séance publique.
M. Philippe Dallier . - Ne soyez pas impatients !
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Cela serait doublement dommageable : une telle décision dévaloriserait les travaux de la commission des finances et déprécierait le rôle de l'institution sénatoriale dont la voix ne sera pas entendue. Si la majorité considère que ce budget est indigne d'être présenté en séance publique, nous ne pouvons que l'inviter à en proposer un autre !
Ceci étant dit, j'en viens au projet de loi de finances pour 2017 de la mission « Culture » dont je suis le co-rapporteur spécial avec André Gattolin.
La mission « Culture », qui devrait être dotée de 2,9 milliards d'euros en 2017, regroupe 85 % des crédits consacrés aux politiques publiques culturelles de l'État. Les 15 % restants sont présentés dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » et dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ». La mission comporte trois programmes : le programme 131 « Création », le programme 175 « Patrimoines » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », lequel représente 42 % des crédits de la mission et comprend des crédits destinés au ministère et aux politiques transversales, en particulier l'enseignement supérieur culturel et la démocratisation culturelle. Le programme « Patrimoines » atteint 904 millions d'euros, un peu plus de 30 % du total des crédits de la mission ; le programme « Création » est doté de 777 millions d'euros, 27 % du total.
Le budget de la culture s'appuie sur un large réseau d'acteurs qui maille le territoire : l'administration centrale ne représente qu'un cinquième des crédits. Pour le reste, les dépenses sont des subventions aux opérateurs, pour 30 %, et des dépenses d'intervention, c'est-à-dire des aides financières, par exemple aux propriétaires de monuments historiques, des bourses aux étudiants de l'enseignement supérieur artistique... Ces crédits d'intervention représentent 34 % du total de la mission.
En outre, 35 % des crédits sont déconcentrés et gérés par les directions régionales des affaires culturelles (Drac). À la suite de l'adoption de la loi dite « NOTRe », en 2016, un ralentissement du rythme de décaissement des crédits par les Drac a été constaté. Il est lié à la réorganisation des services. Ainsi, les directions régionales ayant connu une fusion présentent au 30 septembre 2016 un taux d'exécution des crédits inférieur de dix points en autorisations d'engagement et de six points en crédits de paiement aux niveaux observés dans les autres régions. Sur les crédits liés aux monuments historiques, l'écart atteint douze points en autorisations d'engagement et neuf points en crédits de paiement. D'après les informations recueillies en audition, le décalage constaté sur les neuf premiers mois de l'année devrait être partiellement compensé par une accélération des décaissements en fin de gestion pour les Drac fusionnées. Il faudra le vérifier. La réorganisation des administrations culturelles déconcentrées devrait être achevée en 2017 et ne plus avoir d'incidence sur le rythme de décaissement des crédits.
J'en viens maintenant aux observations que le budget pour 2017 de la culture nous inspire, à mon co-rapporteur André Gattolin et à moi. Je commencerai par les points positifs.
La progression des crédits prévue en 2017 est justifiée par le lancement de dispositifs ambitieux. Elle témoigne d'un réel engagement du Gouvernement, après plusieurs années de resserrement des moyens. Le budget de la culture représente à nouveau 1 % du budget de l'État, ce qui n'était pas le cas depuis 2012 : de 2010 à 2014, les crédits n'ont cessé de baisser et ont connu sur la période une réduction que nous avons chiffrée à 14,4 %. La hausse des crédits en 2017, qui prolonge celle de 2016, compense donc la forte diminution intervenue précédemment, avec une budgétisation initiale équivalente à l'exécution constatée en 2009.
Les crédits alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques sont maintenus à un niveau similaire à celui prévu en loi de finances pour 2016, à rebours du budget triennal qui prévoyait leur baisse. Ce maintien paraît nécessaire au regard des contraintes budgétaires des collectivités territoriales.
La mise en place d'un dispositif d'intervention d'urgence sur le patrimoine en péril, bien que l'enjeu budgétaire soit limité (1 million d'euros), constitue un symbole important. Il s'agit de créer un fonds de soutien qui aura vocation à financer des missions sur le terrain, en particulier en matière de formation et de soutien pour la protection et la reconstruction des biens patrimoniaux. C'est la première fois que la mission « Culture » dispose de crédits dédiés à des interventions d'urgence pour préserver le patrimoine en péril.
M. André Gattolin , rapporteur spécial . - À cela s'ajoutent deux autres points positifs. La priorité accordée à la jeunesse se traduit par une ambition forte en matière d'action éducative artistique et culturelle auprès des jeunes publics. Ainsi, grâce à une nouvelle hausse des crédits, les moyens sont doublés par rapport au début du quinquennat : ils passent de 30,8 millions d'euros en 2012 à 64 millions d'euros en 2017. Cela s'accompagne d'un relèvement de la cible de performance et d'une maîtrise du coût moyen par enfant des actions menées. Celui-ci a diminué de 23 % entre 2011 et 2015, de 13,40 euros à un peu plus de 10 euros. La maîtrise des coûts doit être saluée et maintenue afin de sécuriser les dispositifs d'éducation artistique et culturelle au niveau élevé auquel les a portés le Gouvernement.
Les moyens alloués aux conservatoires, après les coupes budgétaires en 2015 qui avaient fragilisé l'action de ces établissements, augmentent. Le rattrapage commencé l'an dernier se poursuit. D'après la ministre elle-même, le niveau initial n'est pas tout à fait retrouvé, mais ces crédits retrouvent une trajectoire positive. Ainsi, près de 8 millions d'euros sont destinés en 2017 à pérenniser les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et la diversité.
L'accroissement des moyens rend également possible le lancement d'un programme de 2 millions d'euros visant à renforcer la présence artistique, notamment des jeunes artistes, dans les projets d'éducation artistique en milieu scolaire. L'appel à projets « Création en cours » est conduit en lien avec l'établissement public de coopération culturelle Médicis-Clichy-Montfermeil et le ministère de l'éducation nationale. Il s'agit d'installer, chaque année, 100 artistes en résidence dans les écoles et collèges éloignés de l'offre culturelle - par exemple, quartiers de la politique de la ville, zones rurales et périurbaines, outre-mer, etc. - afin de favoriser des échanges soutenus entre les artistes et les enfants et adolescents du cycle 3, c'est-à-dire en classe de CM1, CM2 et 6 e .
L'accompagnement par l'État des opérateurs culturels fragilisés à la suite des attentats doit être salué. En effet, le budget culturel public subit le contrecoup des attentats de deux façons. D'une part, l'État finance la sécurisation des opérateurs culturels publics : une augmentation de 6 millions d'euros est prévue à ce titre en 2017. D'autre part, l'État participe au financement du fonds d'urgence pour le soutien au spectacle vivant, Vincent Eblé et moi vous avions présenté une communication sur le sujet au printemps dernier, qui vise à indemniser une partie des surcoûts supportés par les établissements de spectacle privés et qui sera doté de 17,4 millions d'euros en 2017. La réduction des flux de touristes étrangers, particulièrement à Paris, n'a pas été sans conséquence pour les opérateurs de la mission « Culture » qui ont subi des pertes de recettes parfois considérables. L'État doit continuer de s'engager à leurs côtés, pour les aider à passer cette période difficile.
Mais ce budget pour 2017 présente aussi quelques points qui appellent une grande vigilance. Première observation : la réduction d'impôt au titre des dons n'est pas rattachée à la mission « Culture » bien qu'elle contribue à soutenir le secteur culturel. Or, l'absence de données précises relatives à la part de ce dispositif bénéficiant à des actions culturelles est problématique : le montant de dépense fiscale présenté au sein des documents budgétaires est agrégé et le ministère n'est pas en mesure de préciser le montant global des dons affectés à la culture déclarés à l'administration fiscale, ni leur répartition. Le montant de la dépense fiscale engagée au profit de fondations privées non reconnues d'utilité publique n'est pas non plus publié par le Gouvernement. Une enquête annuelle menée avec les services du ministère chargé du budget et les instances représentatives du mécénat et des fondations serait utile pour mieux cerner la répartition du mécénat déductible entre les différents secteurs de l'intérêt général. Il faudrait également identifier la répartition de la dépense fiscale entre les différentes structures : connaître le montant de dépense fiscale lié à un mécénat envers des organismes publics ou à l'inverse privés, avec le détail des statuts juridiques des structures bénéficiant du mécénat. Ainsi nous pourrions mieux appréhender les effets sur le secteur culturel et l'efficacité de la dépense fiscale.
Ma deuxième observation concerne le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), créé par le présent projet de loi de finances et doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. Il paraît dans son principe justifié, au regard des difficultés rencontrées par le secteur et de la nécessité de soutenir l'emploi. Cependant, la répartition des crédits entre les différentes aides à créer n'est pas encore connue, ni les modalités exactes d'attribution ; l'administration du fonds reste à définir. Il s'agira donc en 2017 de veiller à ce que les règles soient à la fois efficientes et en accord avec les objectifs initiaux.
Troisième point qui me paraît problématique : la très forte hausse des crédits d'intervention. Ceux-ci représentent, en crédits de paiement, 34 % du total des dépenses et près de 45 % des crédits hors titre 2 (c'est-à-dire hors masse salariale). Le projet de loi de finances prévoit une hausse des dépenses d'intervention de 12,3 %. Depuis 2013, l'augmentation totale serait de plus de 17 %, hors travaux de la Philharmonie de Paris et rebudgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP).
Certes, les aides accordées sont une réponse à de réels besoins. Mais la multiplicité des dispositifs financés et la forte hausse des dépenses d'intervention appellent un examen attentif. Peut-être faudrait-il recentrer la dépense sur les dispositifs les plus efficients.
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Deux autres points doivent faire l'objet d'un suivi vigilant. De très nombreuses opérations immobilières sont lancées, annoncées ou se poursuivent en 2017. Le montant inscrit en 2017 s'élève à 150 millions d'euros en crédits de paiement mais le coût des travaux annoncés dépasse 1,5 milliard d'euros. Sur ce total, au moins 500 millions d'euros pèseraient sur l'État. Je pense en particulier à la rénovation du Grand Palais, qui devrait coûter 466 millions d'euros, au regroupement des administrations ministérielles sur trois sites et au déménagement de certaines archives à la suite de la fermeture du site de Fontainebleau. Comme nous l'avions déjà souligné l'an dernier, le programme immobilier de la mission doit faire l'objet d'un suivi particulièrement attentif. Les estimations initiales de coût doivent être très prudentes afin de garantir la soutenabilité budgétaire de la mission pour les années à venir car, chacun le sait, les enveloppes initiales sont souvent dépassées...
Ma deuxième remarque porte sur le fait que seuls 33 % des opérateurs font l'objet d'un contrat d'objectifs et de performance (COP). C'est un net recul par rapport à 2013 : 55 % des subventions pour charges de service public étaient alors couvertes par un tel contrat. Il est urgent que les contrats en cours de préparation soient conclus.
M. André Gattolin , rapporteur spécial . - Nous avions fait part l'an dernier de notre satisfaction concernant le budget alloué à la culture, qui traduisait son caractère prioritaire pour le Gouvernement. Le budget pour 2017 confirme la priorité accordée à la culture. Les quelques points de vigilance que nous avons signalés ne nous paraissent pas suffisants pour justifier un rejet. La hausse des crédits est justifiée par des dispositifs ambitieux, tournés vers la jeunesse et l'emploi. Ce budget est à la fois sincère et soutenable. Nous proposons donc l'adoption des crédits de la mission.
M Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La loi de finances pour 2016 a rebudgétisé la redevance d'archéologie préventive (RAP). Cela a créé une difficulté pour les services d'archéologie des collectivités territoriales, qui ne perçoivent plus son produit. Des subventions de remplacement sont indispensables. Qu'en est-il en 2017 ?
Les crédits alloués au patrimoine sont maintenus, il faut s'en réjouir. Mais, comme nos rapporteurs spéciaux l'ont souligné, au total il y a moins d'argent pour le patrimoine, puisque les collectivités territoriales font face à des contraintes budgétaires qui les forcent à se retirer du financement du patrimoine. Or à côté des financements de l'État, les financements complémentaires des collectivités locales sont considérables : est-il possible d'avoir quelques précisions sur ce point ?
Comme rapporteur spécial de la mission « Investissement d'avenir », j'avais évoqué la possible débudgétisation du financement de la restauration du Grand Palais : est-ce confirmé ? Si le PIA finance le Grand Palais, pourquoi pas les Invalides ? Le Louvre ? Versailles ? Où se situera la ligne de partage ? Quelle est la doctrine, s'il y en a une, qui permet d'affirmer que le chantier du Grand Palais relève du PIA et non des crédits du ministère de la culture ? C'est la voie ouverte à toutes les débudgétisations
M. David Assouline , rapporteur pour avis de la commission de la culture (programme 131 « Création ») . - Le budget de la culture augmente cette année de manière assez exceptionnelle au regard du contexte budgétaire global : 5 % de hausse. Les deux premières années du quinquennat, j'ai été mécontent de constater qu'il diminuait à la suite de décisions comptables un peu aveugles, et très content quand il a ensuite été stabilisé, puis augmenté. Cette année, la hausse est réelle, je m'en réjouis. Car la culture est la première visée par les terroristes. Or elle fait vivre les citoyens ensemble, les fait communier le temps d'un spectacle ou d'un concert, quelles que soient les difficultés des temps.
Un effort très significatif est accompli sur les crédits de la création. Il sera donc possible de pérenniser ce qui semblait fragilisé, je pense notamment aux compagnies, aux festivals structurants ou innovants, aux résidences d'artistes, aux ateliers de fabrication et aux arts du cirque, de la marionnette, etc. Au-delà des aides, il s'agit d'un véritable investissement de l'État, très bien reçu dans ces secteurs. En outre, la création du Centre national des arts visuels, la photographie, qui a toujours été traitée comme le parent pauvre de la création, est un acte fort qu'il faut souligner.
Les performances de l'industrie du cinéma en France sont remarquables. En effet, 300 films ont été tournés l'an dernier et le danger principal, une fuite des tournages à l'étranger, a été endigué grâce à une mesure que j'avais proposée et que le Sénat a reprise : le crédit d'impôt, pourfendu par certains mais efficace. Même les tournages en cours ont été rapatriés. Des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu, ainsi que le rayonnement de la France via son cinéma. L'effort se poursuit, afin que le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) soutienne la distribution et l'exportation et encourage les salles d'art et d'essai, souvent menacées de fermeture dans les petites villes ou en campagne. Le plan de numérisation totale que nous avons soutenu l'an dernier a fonctionné ; toutes les salles sont numérisées. En Espagne ou en Italie, où cela n'a pas été fait, on constate une chute brutale de la fréquentation. La France est le deuxième exportateur, après les États-Unis...
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Et l'Inde ?
M. David Assouline , rapporteur pour avis . - Je ne parle pas de marché intérieur mais d'exportation. Bien sûr, les Indiens sont plus nombreux que nous et leur marché domestique est le deuxième plus grand au monde.
M. Dominique de Legge . - Vous avez mentionné que les crédits de paiement dans certaines directions régionales ne sont pas, pour l'heure, dépensés à hauteur de leur inscription en loi de finances. Vous l'avez expliqué notamment par la réorganisation des régions. Pourtant la Bretagne n'a pas été réorganisée, or depuis fin août, il n'y a pas eu une seule délégation de crédits ! Est-ce en raison d'un gel de crédits ?
M. Dominique de Legge . - Il est bien fâcheux de ne pas payer des entreprises dont les savoir-faire doivent être protégés et qui offrent des emplois non délocalisables. Il n'est pas normal que les engagements pris ne soient pas honorés. Plus aucun paiement n'est parvenu aux gestionnaires de monuments historiques depuis fin août.
M. Philippe Dallier . - Je voudrais revenir sur le programme immobilier de la mission. Le cumul des projets en cours représente, avez-vous dit, 1,5 milliard d'euros de dépenses. Pas moins de 466 millions d'euros seront consacrés au Grand Palais, financés en partie par le PIA, mais l'État ne financera pas la totalité de l'opération. Vous indiquez que l'État portera au moins 500 millions d'euros du total des dépenses liées au programme immobilier. D'où vient le reste ?
M. Vincent Capo-Canellas . - Le seuil de 1 % est franchi à nouveau, tant mieux. Mais tous les gouvernements ont la tentation de jouer sur des effets de périmètre pour se rapprocher de 1 %. Cette année, quels sont les effets de périmètre ?
M. Antoine Lefèvre . - Le niveau des crédits en matière de restauration et d'entretien des monuments historiques est maintenu, je m'en réjouis. Ce patrimoine fait aussi notre force et notre attractivité touristique. Les opérateurs et les propriétaires privés seront soutenus, tant mieux.
Dans les Hauts-de-France, ont été maintenues une Drac Picardie, dont le siège est à Amiens, et une Drac Nord-Pas-de-Calais qui se situe à Lille. S'agit-il d'une période transitoire ? Ou ce maintien est-il destiné à être pérenne ?
Mme Marie-France Beaufils . - L'aide à la création est un sujet très important. Une partie de la hausse des crédits orientée vers le spectacle vivant est liée aux besoins nouveaux qui ont émergé après les attentats. Les montants sont-ils suffisants, alors que le secteur de la création a déjà été très affecté par une baisse des crédits les années précédentes ? J'ai connaissance de certains cas dans lesquels on attend toujours des réponses de la Drac sur l'accompagnement qui pourrait être apporté ; quant aux collectivités, elles ne sont plus en mesure de compenser un éventuel désengagement de l'État.
Malgré les nombreuses négociations sur le régime des intermittents du spectacle, la situation de ces derniers est toujours fragile. Que pouvez-vous nous en dire pour 2016 ?
M. Michel Bouvard . - Le regroupement des anciennes régions entraîne celui des Drac. On découvre alors que le retard des décaissements par rapport à la programmation des travaux est très variable selon les territoires. Un décalage de un ou deux ans n'est pas très grave, mais il atteint parfois cinq ans ! Ne doit-on pas craindre que les fusions soient l'occasion de purger les plus gros retards, au détriment des services les plus sérieux ?
La loi dite « Raffarin » prévoyait la possibilité d'une décentralisation temporaire de la gestion des crédits du patrimoine historique, au niveau des régions ou, à défaut, des départements. Quel bilan peut-on en tirer aujourd'hui ? Les périmètres des régions sont à présent modifiés, les compétences culturelles du département assurées. Ne serait-il pas opportun de reprendre ce mouvement de décentralisation ?
M. Vincent Delahaye . - Sur le programme immobilier, je suis surpris que les rapporteurs spéciaux ne puissent pas nous fournir d'éléments financiers plus précis. Sur 1,5 milliard d'euros de programmation - avant dépassements, systématiques - on ignore d'où proviendront les deux-tiers des financements. Le regroupement des services ministériels se traduira par la cession de deux bâtiments et d'une résiliation de bail : des économies ne sont-elles pas à en attendre ?
Annoncer des projets ambitieux six mois avant la fin d'un mandat qui risque de se terminer assez mal ne me semble pas très correct sur le plan démocratique.
Enfin, je ne comprends pas cette hausse de 6 %. J'ai lu tous les documents budgétaires du Gouvernement depuis 2012, et la culture n'y apparaît jamais comme l'une des priorités. Et voilà que, d'un coup, le budget de la mission monte en flèche... C'est l'une des missions qui connait l'augmentation la plus importante. Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. La hausse est, selon moi, inconsidérée.
M. Éric Doligé . - J'étais hier en Haute-Vienne, représentant la délégation du Sénat aux collectivités territoriales qui se penche sur l'évolution des missions de l'État au service des collectivités. La directrice-adjointe de la Drac nous a expliqué le fonctionnement des services de la culture dans la Nouvelle-Aquitaine : on a scindé en trois les responsabilités pour maintenir les directions de Poitiers, Bordeaux et Limoges. Ainsi mon interlocutrice, s'occupant de culture populaire, reçoit à présent les dossiers des douze départements. Comment faire face, alors que les moyens ne sont pas à la hauteur ? Les rapporteurs spéciaux pourraient peut-être s'intéresser à la réorganisation des Drac.
M. Michel Bouvard . - Tout à fait !
M. Maurice Vincent . - Ce budget est très positif et nous le voterons. Cependant, nous déplorons le refus de la majorité sénatoriale de débattre en séance plénière et, en conséquence, nous nous abstiendrons de débattre ici, puisque cela ne débouchera sur rien. Nous ne laisserons pas instrumentaliser le débat de commission. Puisqu'aucune suite concrète n'est à en attendre, nous ne présenterons pas non plus d'amendements.
M. Michel Canevet . - Ce rapport me laisse perplexe : le niveau de 1 % en dépenses n'est calculé que sur un périmètre réduit, qui inclut par exemple les dépenses en faveur du cinéma : si celles-ci étaient réintégrées, l'on s'apercevrait que l'effort total de l'État en faveur du secteur culturel est bien supérieur à 1 % !
Et comment augmenter de 5,8 % les crédits de la culture quand on cherche à réduire les dépenses dans tous les domaines d'intervention de l'État ? Cela n'est pas réaliste. Les dépenses de personnel augmentent de 4 % alors que la fusion de certaines régions est censée permettre de réaliser des économies sur les administrations déconcentrées !
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Plusieurs questions ont été posées concernant la redevance d'archéologie préventive, rebudgétisée en loi de finances pour 2016.
D'abord, s'agissant des mesures de périmètre évoquées par Vincent Capo-Canellas, il y a bien un petit effet périmètre, lié justement à la rebudgétisation, mais il ne s'élève qu'à 118 millions d'euros ce qui n'est pas très important au regard du montant global du budget de la culture. Ce montant n'a donc pas grande incidence sur le seuil de 1 %.
Ensuite, quant aux conséquences de la rebudgétisation sur le financement de l'archéologie préventive, il faut d'abord souligner que c'est une opération importante pour les opérateurs de l'archéologie préventive. Ils étaient jusque là - et nous l'avions constaté ici-même - dans une grande difficulté pour percevoir les recettes issues de la redevance. Désormais, la rebudgétisation offre une certaine fiabilité aux opérateurs quant aux moyens sur lesquels ils peuvent compter pour accomplir leurs missions.
Le rebudgétisation a aussi, c'est vrai, un effet sur les collectivités territoriales puisque la redevance finançait à la fois l'Institut national de recherches archéologiques préventives (l'Inrap), le fonds national d'archéologie préventive (Fnap) mais également les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales qui avaient fait le choix de créer un service propre - ce qui n'est pas le cas, bien évidemment, de toutes les collectivités locales. 10 millions d'euros sont budgétés sur la mission « Culture » en 2017 pour subventionner ces services, soit un montant équivalent à la fraction du produit de la redevance dont bénéficiaient les services territoriaux. Il n'y a donc, me semble-t-il, pas de crainte à avoir sur ce point, sauf situation très particulière qui appellerait alors une analyse approfondie.
Concernant l'ensemble des crédits mobilisés en faveur du patrimoine, il y a en effet une question, comme plusieurs d'entre vous l'ont évoqué, relative à la clé de répartition entre la dépense d'État et les dépenses des collectivités territoriales. Cela dit, la dépense de l'État vise d'abord à financer l'entretien et la restauration des monuments historiques dont il est le propriétaire. Le budget de l'État comprend aussi des aides pour les propriétaires privés, et les collectivités apportent des aides complémentaires d'un montant très variable. Elles disposent à ce titre d'une pleine autonomie de décision et de gestion. Certaines d'entre elles privilégiaient par exemple les édifices inscrits pour rattraper le différentiel de subventionnement par l'État qui privilégie souvent les monuments classés.
La tension sur les budgets locaux a certes des conséquences sur les montants alloués par les départements, les régions, voire les communes, à l'entretien du patrimoine monumental mais on pourrait faire la même remarque pour tous les secteurs : transports, routes, accompagnement social, logement... Nos interlocuteurs nous ont indiqué que l'inflexion à la baisse des contributions des collectivités territoriales concernant le patrimoine monumental était sensible à partir de 2010 et s'est accentuée à partir de 2015.
Il faut donc continuer de suivre ces questions avec vigilance, ce que nous nous efforçons de faire. Mais il faut aussi noter qu'un effort particulier de l'État peut inciter les partenaires à se désengager, comme on l'a parfois constaté. Prudence, donc.
M. André Gattolin , rapporteur spécial . - Concernant l'ampleur du programme immobilier de la mission, que vous avez été nombreux à évoquer, je voudrais d'abord remettre les montants en perspective. Les 466 millions d'euros du Grand Palais équivalent au coût du bâtiment de la Fondation LVMH dans le bois de Boulogne - payé aux deux tiers par un dégrèvement d'impôt. Je partage tout à fait le souci de rigueur budgétaire qui anime Vincent Delahaye, mais au moins, dans le cas du Grand Palais, les inscriptions budgétaires sont-elles claires.
Il s'agit en outre d'un projet stratégique pour l'attrait de Paris. Le Grand Palais fonctionne à 84 % sur ses recettes commerciales, il ne coûte donc pas cher à l'État. Mais aujourd'hui, certaines salles ne peuvent être ouvertes au public, pour des raisons de sécurité. Les travaux viseront aussi à rénover le Palais de la Découverte et il est envisagé de créer une agora entre le Petit et le Grand Palais. Les bornes ont été posées en 2013, le financement a été déterminé en 2016 et les travaux commenceront en 2020.
Depuis un an, les recettes de la billetterie ont chuté tandis que les charges liées à la sécurité augmentaient fortement.
Sur le total du financement, je rappelle que l'État apportera 136 millions d'euros au titre du programme 175, comme il le fait chaque année ; le PIA fournira 200 millions d'euros si le projet est retenu par le jury sur la base d'un projet qui devra faire la preuve d'une réelle rentabilité économique ; l'établissement pourra s'endetter à hauteur de 145 millions d'euros et le complément proviendra des fonds propres de l'opérateur.
M. Michel Bouvard . - L'opérateur fait partie de ceux qui sont autorisés à s'endetter ?
M. André Gattolin , rapporteur spécial . - Oui. C'est par ailleurs l'un des établissements culturels les plus performants en termes de ressources propres. Son inscription dans le PIA 3 est une exception, je le reconnais.
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Encore un mot à propos de la redevance d'archéologie préventive : il n'y avait avant la réforme de 2016 pas de corrélation entre sa perception et la réalité des opérations d'archéologie, puisqu'elle était due par les aménageurs quelles que soient les prescriptions archéologiques. En loi de finances initiale pour 2016, 10 millions de crédits ont été inscrits dans l'action 9 du programme 175, soit 9,2 millions à répartir entre les collectivités locales dotées de services d'archéologie, selon des critères qui seront définis par un décret.
M. Michel Bouvard . - Sauvons le soldat Inrap...
M. André Gattolin , rapporteur spécial . - Pour répondre à Michel Canevet, la hausse des dépenses de personnel s'explique par la faiblesse des primes distribuées jusqu'alors au ministère de la culture. La ministre Audrey Azoulay a fait part, lors de son audition devant la commission de la culture, des problèmes de recrutement de professionnels qualifiés. Le ministère mène donc une politique de réajustement des statuts et de rattrapage indemnitaire.
M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Pour conclure, un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles traite de la réorganisation des Drac et évoque la perspective de la stabilisation de l'organisation des Drac sur le territoire. Je vous invite à vous y reporter.
À l'issue de ce débat la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».
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Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.