E. LES DEUX OPÉRATEURS SONT EN VOIE DE RESTRUCTURATION
Des réorganisations touchent les deux opérateurs de la mission. Les orientations qu'elles suivent doivent être approuvées mais sans que les besoins spécifiques des anciens combattants et de leurs ayants droit soient négligés.
1. L'Institution nationale des Invalides
L'Institution nationale des Invalides (INI), « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie » 17 ( * ) , est un établissement public sui generis, à forte reconnaissance législative.
Il comprend trois centres : le centre de pensionnaires (83 lits), le centre médico-chirurgical (74 lits) et le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (le CERAH).
Son contrat d'objectifs et de performance (COP) a pris fin en 2013, et aucun nouveau COP n'a encore été signé à ce jour .
Cette situation s'explique par la redéfinition en cours d'un nouveau projet d'établissement, en coordination avec la direction générale de l'offre de soins, l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et le service de santé des armées.
L'année 2016 a connu des évolutions importantes de ce point de vue qui, pour n'être pas tout à fait achevées à la date de rédaction du présent rapport, devraient permettre de sortir l'INI d'une période incertaine, mais active, et l'engager dans une contribution rationalisée mais encore plus complète au système de soins du pays, tout en lui conservant sa singularité.
Le conseil d'administration de l'établissement a adopté un nouveau projet médical pour l'INI dans sa réunion du 17 juin 2016. Il décrit le schéma général d'organisation des services et est appelé à constituer le socle du nouveau projet d'établissement. Un prochain conseil d'administration (le 25 octobre 2016) devrait examiner le nouveau projet d'établissement que le nouveau COP sera appelé à décliner.
Il s'agirait d'inscrire l'INI 18 ( * ) dans le schéma directeur du service des armées afin de rendre son offre de soins complémentaire à celles des hôpitaux Bégin et Percy. Cette orientation écarte la voie envisageable de supprimer l'INI, établissement entièrement à part pour en faire un élément à part entière de l'offre de soins.
Les anciennes compétences exercées par l'INI dans le domaine des soins seraient revues en profondeur, avec, en particulier, la fermeture du bloc opératoire au profit d'un projet médical reposant notamment sur la prise en charge physique et psychologique des militaires blessés, après la phase aigüe, pour accompagner leur réhabilitation dans la durée.
Une nouvelle priorité, justifiée par l'ampleur des besoins, aujourd'hui peu pris en charge, porterait sur l'accompagnement des syndromes post-traumatiques dont le nombre fait l'objet d'évaluation diverses (entre 460 et 1 500 cas sont évoqués) mais, en toute hypothèse, suivent une tendance, hélas, fortement croissante.
Ce rapprochement avec le service de santé des armées et, plus généralement, avec l'offre de soins, est d'ores et déjà pris en compte par la loi relative à la santé , qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à « adapter les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement et aux missions du service de santé des armées et de l'Institution nationale des invalides ».
Une fois son projet définitivement adopté l'INI pourra engager des travaux de modernisation et de recomposition de son patrimoine hospitalier , étant précisé que le volet « infrastructures » de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière est suspendu depuis 2014 19 ( * ) . Il devra également adapter ses ressources humaines à son nouveau format.
Votre rapporteur spécial présente des développements plus amples sur l'INI dans le cadre du contrôle budgétaire qu'il a conduit au cours de l'année 2016 et qui l'a conduit à formuler des encouragements pour que l'INI contribue pleinement au parcours de soin des blessés tout en conservant sa vocation historique.
Alors que, ces dernières années, dans l'attente du nouveau COP, les crédits étaient reconduits à l'identique (subvention pour charges de service public versée par le programme 169, et dotation annuelle de financement versé par le ministère de la santé), le budget programmé pour 2017 porte la trace des progrès réalisés dans la redéfinition du rôle de l'INI. Si la subvention pour charges de service public versée par le ministère de la défense est reconduite à l'identique (12,08 millions d'euros), une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros est budgétée en autorisations d'engagement afin de financer une première tranche de travaux.
2. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG)
L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) est l'opérateur chargé de l'action sociale en faveur des anciens combattants et des bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'attribution des cartes et titres.
L'Office est un établissement public administratif de l'État jouissant de l'autonomie financière dont l'une des particularités réside dans son fonctionnement original. La gestion de cet établissement est en effet partagée entre l'État et les grandes associations représentatives du monde combattant selon le principe du paritarisme . Celui-ci se traduit par le fait pour ces associations de siéger au sein du conseil d'administration de l'ONAC-VG 20 ( * ) ainsi qu'au sein des conseils départementaux.
Il participe depuis longtemps à l'exercice de cinq principales missions :
- la mission de solidarité .
Cette mission s'exerce pour l'essentiel au travers de l'action et l'assistance sociale que l'ONAC-VG met en oeuvre auprès de ses ressortissants. Elle se traduit à la fois par des interventions financières et par une assistance administrative . Cette action sociale est essentiellement mise en oeuvre au niveau des services de proximité que sont les services départementaux, les services des collectivités d'outre-mer ainsi que les trois services situés au Maghreb 21 ( * ) dont la gestion a récemment été reprise par l'opérateur.
- la mission de reconnaissance et de réparation .
Il s'agit de la gestion pleine ou partielle de différents dispositifs qui contribuent au droit à réparation , droit fondamental inscrit dès l'article 1 er du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Pour l'essentiel cela touche aux cartes, titres et mentions ainsi qu'à la retraite du combattant et aux autres indemnisations.
- la mission d'hébergement.
Cette mission se traduit par la gestion de huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui sont les héritiers des anciens foyers d'anciens combattants nés après la Première Guerre mondiale. Chaque établissement constitue en termes de gestion un budget annexe de l'ONAC-VG .
- la mission de reconversion professionnelle .
Elle est l'héritière, au travers de ses dix établissements, également gérés sous forme de budgets annexes, des écoles des mutilés de guerre nées au coeur de la Grande Guerre.
- la mission de mémoire .
Elle recoupe à la fois la promotion de la mémoire combattante et des conflits passés, l'accompagnement du calendrier commémoratif mais également la préservation et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire.
Cet ensemble de missions a été enrichi à partir de 2009, l'ONAC-VG devenant un opérateur majeur de l'État dans son action en faveur des anciens combattants.
Concernant le domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres, l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.
L'ONAC-VG exerce également des missions que le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'établissement pour les années 2014-2019 a prévu de réaménager en profondeur.
Votre commission des finances avait analysé la situation des neuf écoles de reconversion professionnelle (ERP) et du centre de pré-orientation professionnelle, ainsi que des huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) gérés par l'ONAC dans son rapport de 2013 consacré à l'établissement 22 ( * ) . La grande qualité des ERP dont la mission est de permettre le retour à l'emploi en milieu ordinaire de travail de personnes accidentées de la vie ainsi que l'utilité des EHPAD avaient été soulignées par votre commission. Cependant, outre que leur budget et leur statut ne relèvent que marginalement du ministère de la défense, force était de reconnaître que leurs usagers s'étaient progressivement éloignés du monde combattant, les EHPAD pouvant par ailleurs sembler un peu en-deçà des attentes des nouvelles générations combattantes.
Enfin, la situation financière de ces structures avait eu tendance à se dégrader devant une certaine inflation des charges et la réticence des financeurs à les accompagner.
Devant cette situation, votre commission des finances avait énoncé deux recommandations : celle de procéder à la cession des ERP dans le respect des employés et celle d'assurer l'avenir des EHPAD en les adossant à des structures locales, ce qui devait conduire à les exclure du champ des missions de l'ONAC.
Ces recommandations ont été suivies de décisions qui n'ont pas encore reçu leur pleine traduction pratique.
Dans le cadre du recentrage de l'ONAC-VG sur ses activités de solidarité, coeur de métier, le principe du transfert des 18 établissements à un ou plusieurs repreneurs dûment choisis a été acté dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). À ce titre, l'article 74 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a autorisé le transfert à titre gratuit des biens mobiliers et immobiliers des ERP et du centre de pré-orientation à l'EPNAK et des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux identifiés par les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux.
Afin de s'assurer de la préservation des intérêts du monde combattant et du personnel de ces établissements, un groupe de travail interministériel a été chargé d'expertiser les conditions et modalités de ce transfert dans les domaines de la stratégie générale à mettre en oeuvre (transfert à un acteur public ou privé non lucratif, transfert par bloc ou par établissement, etc.), de l'accompagnement statutaire pour les agents et des implications financières et juridiques de chacun des scénarios.
Les orientations suivantes ont été retenues :
- le principe du transfert des établissements médicaux-sociaux EMS à des repreneurs du secteur public ;
- le principe de l'intégration des professeurs des écoles (PERP) dans le corps des professeurs de lycées professionnels (PLP) de l'éducation nationale ;
- le principe de l'intégration collective des agents non enseignants des ERP et des agents des EHPAD dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière (FPH) ;
- le principe du transfert de l'ensemble des écoles de reconversion et du Centre de pré orientation (CPO) à l'Établissement public national médico-social Antoine Koenigswarter (EPNAK) ;
- le principe du transfert des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux indiqués par les agences régionales de santé et les départements compétents ;
- un calendrier de transfert qui pourrait débuter en 2016 et s'étaler jusqu'en 2017 ;
- un plan d'action placé sous le pilotage du cabinet du secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire et dont la mise en oeuvre associe tous les ministères concernés ainsi que l'ensemble des acteurs.
Les modalités des transferts ont été portées à la connaissance du conseil d'administration le 25 février 2016.
Lors de cette séance :
- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à fixer la contribution de l'ONAC-VG au plan de financement de la remise à niveau des bâtiments affectés à l'activité des EMS, pour un montant maximal de 11,7 M€ (soit 7 M€ pour les EHPAD et 4,7 M€ pour les ERP) par prélèvement sur les réserves du budget principal ;
- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à mobiliser le budget principal pour, préalablement au transfert, remettre à niveau la trésorerie des établissements en couvrant le fonds de roulement nécessaire pour 30 jours de fonctionnement pour les EHPAD et 45 jours pour les ERP.
Les administrateurs ont également été informés des mesures législatives et réglementaires devant permettre la mise en oeuvre du transfert :
- l'article 90 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet l'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière ;
- un décret en Conseil d'État pris en application de l'article 90 de la loi n° 2016-483 précitée fixe les conditions d'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans la fonction publique hospitalière ;
- un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'intégration des professeurs des écoles de reconversion professionnelle dans le corps des professeurs de lycée professionnel de l'Éducation nationale ;
- deux décrets de transfert pris en application de l'article 74 de la loi n° 2015-1785 précitée, fixent respectivement les dates et le cadre général du transfert de l'activité, des biens, droits et obligations des ERP et des EHPAD. Ces décrets sont complétés par des conventions qui détaillent les modalités juridiques, patrimoniales et financières des transferts. Elles seront approuvées par arrêté interministériel ;
- un décret de modification du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) prend acte du transfert des ERP et des EHPAD.
En tout état de cause, conformément aux termes de la loi de finances pour 2016, ces transferts doivent prendre effet le 31 décembre 2016 pour les écoles et au plus tard le 31 décembre 2017 pour les EHPAD .
Le projet de loi de finances pour 2017 ne porte pas la trace des décisions prises et il n'apparaît pas tout à fait cohérent avec leur esprit .
En particulier, si une baisse des ETPT sous plafond (- 6) intervient qui est imputée sur la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG, elle s'accompagne d'une forte augmentation des ETPT hors plafond (+ 21 pour 786 emplois) qui correspondent pour l'essentiel aux entités dont s'agit et sera supportée par les budgets annexes correspondants. Ceci revient à consolider la situation de quelques agents des entités appelées à sortir du périmètre de l'établissement, ce qui est heureux, mais dans un contexte d'évolution qui devrait incliner à quelque retenue.
En toute hypothèse, votre rapporteur souhaite que les recommandations formulées dès 2013 par votre commission des finances puissent trouver une traduction effective dans les délais fixés au mieux des intérêts de l'État et de ceux des anciens combattants accueillis dans ces structures.
Évolution des subventions pour charges de service public
(AE=CP, en milliers d'euros)
Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017
Dans ce contexte, les subventions pour charges de service public de ces deux opérateurs sont presque stables. Avec une légère baisse de 0,348 million d'euros, elles se montent à 68,9 millions d'euros. À cette somme, il faut ajouter en 2017, une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros destinée à l'INI de sorte qu'au total le coût des opérateurs atteint pour la mission 73,89 millions d'euros.
La subvention versée à l'ONAC-VG baisse légèrement du fait de la suppression de 6 ETPT indiquée ci-dessus dans un contexte où les objectifs de performance fixés à l'opérateur ne sont pas atteints tandis que l'ONAC-VG demeure chargé de l'importante mission d'exercer une nécessaire action sociale en faveur du monde combattant qui demande un grand discernement.
Évolution des effectifs
(en équivalents temps plein travaillés)
Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017
Dans l'attente de son nouveau COP, le schéma d'emplois de l'INI est maintenu . Il devra évoluer assez sensiblement pour être en mesure de répondre aux attentes nouvelles adressées à l'établissement, du moins dans la composante de l'INI dédiée aux fonctions médicales.
Dans le cadre de son COP, l'ONAC-VG s'est engagé à une maîtrise des effectifs qui peut être évaluée à 43 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sur la période 2014-2018 , avec une réduction de 13 ETPT de son plafond d'emploi entre 2014 et 2018, et le transfert des missions en faveur des harkis et rapatriés anciennement assurées par l'ANIFOM (2 ETPT en 2013), la MIR (15 ETPT en 2013) et des préfectures (13 ETPT) dont les effectifs n'ont pas été transférés à l'office.
Comme on l'a vu, l'office procèdera à la suppression de 6 ETPT en 2017 dans un contexte de titularisations nombreuses d'emplois précaires qui concernent des emplois hors plafond, qui ne sont pas financés par la subvention pour charges de service public.
* 16 Selon l'article 885 K du CGI, « La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant ».
* 17 Article L. 529 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 18 Créée par ordonnance royale de Louis XVI en 1670 « pour y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques ».
* 19 Certaines opérations de sécurité et de mise en conformité obligatoires ont été effectuées par l'INI en 2014 et 2015 pour garantir la sécurité des usagers et des patients.
* 20 Initialement composé de 70 membres nommés pour quatre ans, le Conseil d'administration a fait l'objet d'une refonte lors du dernier renouvellement de février 2012 en passant de 70 à 40 administrateurs. La composition du deuxième collège, collège des anciens combattants, a également été révisée pour garantir la représentation de l'ensemble des composantes du monde combattant et prendre en compte les nouvelles générations du feu. Il demeure présidé par le ministre chargé des anciens combattants.
* 21 Alger, Casablanca et Tunis.