Rapport général n° 140 (2016-2017) de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1 . L'aide publique au développement (APD) totale atteint son plus haut niveau historique en 2015 , tirée notamment par les dépenses en faveur des réfugiés (+ 110 %). Cet effort est particulièrement considérable en Allemagne, dont l'aide en faveur des réfugiés a été multipliée par 17 en un an, quand celle de la France diminuait de 9 % environ.

L'aide de la France est en légère hausse en 2015 (+ 2,8 %) mais demeure à un niveau très bas : 0,37 % de son revenu national brut (RNB), soit un niveau inférieur à l'effort moyen des pays donateurs (0,41 %) et éloigné de l'objectif de 0,7 %, respecté par six pays européens. Elle occupe désormais la cinquième place des donateurs en termes absolus (9,2 milliards de dollars) et se classe onzième en part du revenu national brut .

2 . Votre rapporteure spéciale Fabienne Keller souligne que la tardive « inversion de la courbe » des moyens consacrés par la France à l'aide publique au développement en 2016, confirmée en 2017, ne parvient pas à occulter un quinquennat de baisse . Malgré les hausses de l'an dernier et celles proposées par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances, le montant 2017 est inférieur de 100 millions d'euros à celui de 2012, avant examen par les députés.

Plus précisément, le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement , si l'on compare les ressources consacrées à cette politique entre 2013 et 2017 à celles des années 2008 à 2012.

3 . La volonté du Parlement , en 2016, d'affecter 270 millions d'euros à l'Agence française de développement (AFD) pour augmenter nos dons bilatéraux a été très largement contournée . Ce montant s'est essentiellement substitué à des crédits budgétaires. En définitive, la décision du Parlement n'aura eu comme conséquence que d'augmenter de 20 millions d'euros les aides budgétaires globales, qui ne sont pas gérées par l'AFD.

4 . Les moyens consacrés au développement en 2017 seraient en hausse de 133 millions d'euros s'agissant des crédits budgétaires, auxquels s'ajouteraient potentiellement 270 millions d'euros affectés par nos collègues députés à l'AFD, soit une hausse totale par rapport à 2016 de 400 millions d'euros (et de 170 millions d'euros par rapport à 2012).

L'exemple de l'an dernier invite cependant à une certaine vigilance : le Gouvernement pourrait être tenté de revenir au moins partiellement sur cette affectation et de la rediriger vers le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui concerne essentiellement l'aide multilatérale, plutôt que vers l'AFD.

Le budget pour 2017 prévoit notamment une hausse des moyens consacrés à l'AFD (80 millions d'euros en prêt et 30 millions d'euros en dons), le maintien de l'augmentation de 50 millions d'euros de la contribution de la France au Haut-commissariat aux réfugiés et une hausse de 40 millions d'euros des dépenses au titre du Fonds européen de développement (FED).

5 . Le rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations se confirme , dans le prolongement du rapport d'information des rapporteurs spéciaux sur le sujet 1 ( * ) et de l'inscription de son principe dans le projet de loi dit « Sapin II », à leur initiative 2 ( * ) . Les derniers mois ont été mis à profit pour renforcer les liens entre ces deux institutions et la convention mettant en oeuvre ce rapprochement devrait être signée début décembre.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 80 % des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux.

PREMIÈRE PARTIE - LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

Aux termes de la loi de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale 3 ( * ) , « la politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes ». Sa vocation première est de « lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l'humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l'extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau ».

Elle s'inscrit dans le cadre défini par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui fixe la liste des pays bénéficiaires et comptabilise les dépenses pouvant être prises en compte au titre de cette politique, selon des règles qui permettent de comptabiliser au sein d'un même agrégat - l'aide publique au développement au sens de l'OCDE - l'aide provenant des dons et celle provenant des prêts.

I. LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE

A. UNE APD HISTORIQUEMENT ÉLEVÉE EN 2015, MARQUÉE PAR LA HAUSSE DE L'AIDE EN FAVEUR DES RÉFUGIÉS

Le montant total de l'aide publique au développement des pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE a atteint en 2015 son plus haut niveau historique , battant pour la troisième année consécutive le record précédent.

D'après les données publiées par le CAD, en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD) versés par les membres en 2015 se sont établis à 131,6 milliards de dollars , en dollars courants, ce qui représente 0,30 % de leur revenu national brut (RNB).

Ce montant est en diminution en valeur par rapport à 2014 (135,1 milliards de dollars). Cependant, en volume, c'est-à-dire en dollars constants de 2014, après prise en compte de l'inflation et de la dépréciation importante de la monnaie de plusieurs pays du CAD face au dollar, l'aide atteint 146,7 milliards de dollars, soit une hausse de 6,9 % en un an .

La composition de l'APD montre certaines évolutions significatives, en phase avec la situation du monde.

Composition de l'APD nette émanant des pays membres du CAD

(en millions de dollars constants de 2014)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE - les données 2015 sont provisoires

Tout d'abord, les dons nets au titre des remises de dettes ont diminué de 36 % et leur baisse est de 90 % par rapport à 2012 . Ils ne représentent plus que 0,2 % de l'APD totale après en avoir représenté jusqu'à 20 % en 2005. Cette baisse illustre la fin du mouvement de désendettement de certains pays particulièrement vulnérables à la suite des initiatives « Pays pauvres très endetté », lancée en 1996, et « Allégement de la dette multilatérale », lancée en 2005.

Par ailleurs, l'aide humanitaire a crû de 10,8 % en 2015, après une hausse de 22 % en 2014 et de 25 % en 2013 ; par rapport à son niveau de 2012, l'aide humanitaire a progressé de 71 % .

Enfin, l'aide aux réfugiés dans les pays donateurs a plus que doublé en 2015 (+ 110 %), après une hausse de 37 % en 2014. Cette aide, qui représente 10 % de l'APD totale en 2015, a été multipliée par trois par rapport à 2012 et par quatre par rapport à 2009.

La comptabilisation de l'aide aux réfugiés dans l'aide publique au développement de la France

Au sens du CAD, le terme de « réfugié » désigne « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors de son pays de résidence. »

Est comptabilisée « l'aide apportée à des personnes qui ont fui leur domicile pour cause de guerre civile ou de troubles graves ». Cette comptabilisation est limitée aux douze premiers mois de séjour dans le pays hôte et concerne les dépenses de transfert des réfugiés et leur entretien temporaire (nourriture, hébergement, formation, etc.).

Pour la France, ces dépenses sont portées par le programme 303 « Immigration et asile » et calculées à partir d'une clé de répartition déterminée à partir des statistiques de l'OFPRA. Sont retenues les dépenses concernant les plates-formes d'accueil, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les hébergements d'urgence (HUDA) et d'accompagnement social, ainsi que les dépenses au titre de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Le coût des soins pris en charge au titre de la couverture maladie universelle (CMU) ne sont pas pris en compte, du fait de la difficulté à les comptabiliser.

L'Australie, la Corée du Sud et le Luxembourg ne comptabilisent pas leurs dépenses en faveur des réfugiés dans leur aide publique au développement.

Un groupe de travail a été constitué au sein du CAD de l'OCDE pour clarifier et harmoniser les règles applicables pour la déclaration et la comptabilisation des dépenses relatives aux réfugiés en aide publique au développement.

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution est particulièrement marquante dans certains pays. Ainsi, l'Allemagne a vu son APD en faveur des réfugiés multipliée par 17 en un an (+ 2,8 milliards en dollars courants) , pour atteindre 17 % de son APD totale. La Slovénie (multiplication par 70), l'Autriche (multiplication par trois), la Grèce (+ 170 %), la Finlande (+ 143 %), la Suède (+ 119 %) ou le Royaume-Uni (+ 84 %) connaissent également une évolution importante. À l'inverse, la France a vu son APD en faveur des réfugiés diminuer de 9 % environ en dollars constants. Dans cinq pays, l'aide aux réfugiés représente plus de 20 % de l'aide totale : Suède (34 %), Autriche (27 %), Italie (26 %), Pays-Bas (23 %) et Grèce (21 %).

En valeur absolue, l'Allemagne est le premier contributeur en matière d'aide aux réfugiés (3 milliards de dollars environ) , suivie de la Suède (2,4 milliards de dollars), des Pays-Bas (1,3 milliard de dollars), des États-Unis (1,2 milliard de dollars) et de l'Italie (près d'un milliard de dollars). La France est dixième (373 millions de dollars) après avoir occupé la cinquième place en 2014 et la troisième place en 2013.

L'augmentation de l'aide au titre des réfugiés n'explique cependant pas à elle seule la hausse de l'APD globale. Ainsi, en excluant ces dépenses, l'aide totale aurait tout de même crû de 1,7 % en dollars courants. Angel Gurría, secrétaire général de l'OCDE, soulignait ainsi que la plupart des pays du CAD « ont, jusqu'à présent, évité de réorienter l'argent initialement alloué aux programmes de développement ».

Alors que l'aide revenant aux pays les moins avancés était en baisse l'an dernier (- 9,3 %), la tendance s'inverse en 2015 (+ 2,2 %). Le rythme de progression demeure cependant plus lent que celui de l'aide aux autres pays (+ 8,9 %).

Enfin, selon les prévisions du CAD, le volume d'APD devrait continuer à augmenter jusqu'en 2019 .

B. UNE HAUSSE DE L'EFFORT MOYEN À 0,41 % DU RNB

En 2015, 22 pays voient leur APD augmenter et notamment la Grèce (+ 39 %), la Suède (+ 37 %), l'Allemagne (+ 26 %), les Pays-Bas (+ 24 %) et la République slovaque (+ 23 %).

APD des pays du CAD en 2015

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE (données provisoires)

Les États-Unis demeurent le principal donneur en volume, avec 31 milliards de dollars d'APD nette en 2015. Le Royaume-Uni conserve la deuxième place (18,7 milliards de dollars) devant l'Allemagne (17,8 milliards de dollars) qui connaît une croissance importante (+ 26 % en volume), notamment du fait de son aide en faveur des réfugiés (cf. supra ). La France occupe la cinquième place et repasse derrière le Japon (9,3 milliards de dollars) avec 9,2 milliards de dollars d'APD en 2015, en hausse de 2,8 % en volume .

En valeurs relatives, c'est-à-dire au regard du ratio d'aide publique au développement sur le revenu national brut (RNB), les principaux donneurs, en 2015, ont été, dans l'ordre, la Suède, la Norvège, le Luxembourg, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Ces cinq pays sont les seuls à respecter l'objectif d'une APD représentant 0,7 % du RNB, dont les Pays-Bas pour la première fois.

Avec un ratio de 0,37 % en 2015, soit le même résultat qu'en 2014, la France regagne une place et se classe onzième, devant l'Irlande. Son APD demeure en dessous de la moyenne des pays du CAD . Les États-Unis occupent la vingtième place, avec 0,17 % de leur RNB.

APD des pays du CAD en 2015

(en pourcentage du RNB)

Objectif de 0,70 %

Effort moyen des pays du CAD (0,41 %)

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE (données provisoires)

II. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

A. LA REPRISE D'UNE TRAJECTOIRE ASCENDANTE QUI NE PEUT FAIRE OUBLIER DES ANNÉES DE BAISSE

1. Une APD française stabilisée en 2015 à un niveau peu élevé

Entre 2010 et 2014, l'APD de la France n'a cessé de diminuer, passant de 12,9 milliards de dollars (0,5% du RNB) à 10,6 milliards de dollars (0,37 % du RNB). En 2015, l'APD de la France est en diminution en dollars courants (9,2 milliards de dollars) mais en hausse de 2,8 % en dollars constants (10,9 milliards de dollars). La part du RNB consacrée à l'aide publique au développement reste stable à 0,37 % .

APD de la France entre 2000 et 2014

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE - les données 2015 sont provisoires

La France est donc loin de respecter l'objectif de 0,7 % pourtant rappelé dans la loi de programmation précitée relative à l'APD, dont le rapport annexé prévoit que « la France s'appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement ».

D'après les prévisions du Gouvernement, l'APD de la France se maintiendrait à 0,37 % de son RNB en 2016 et augmenterai à 0,41 % en 2017, soit son niveau de 2013.

2. Une tardive « inversion de la courbe » de l'APD en 2016, confirmée en 2017, qui ne parvient pas à occulter un quinquennat de baisse

Les chiffres précédents concernent l'aide publique au développement de la France au sens de l'OCDE, c'est-à-dire l'agrégat correspondant à l'ensemble des flux comptabilisés en APD selon les règles de l'organisation et réunissant des dépenses aussi diverses que les crédits budgétaires des différentes missions, l'APD résultant des prêts concessionnels ou encore les dépenses domestiques en faveur des réfugiés. Si ce chiffre est pertinent dans la mesure où c'est à son aune que s'apprécie le respect par la France de son engagement de consacrer 0,7 % de son RNB au développement et qu'il permet les comparaisons internationales, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité s'intéresser à l'évolution des ressources spécifiquement consacrées au développement, c'est-à-dire au produit des taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et, au sein de la mission « Aide publique au développement », des crédits des programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Évolution des ressources consacrées spécifiquement
à l'aide publique au développement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Évolution des ressources consacrées spécifiquement
à l'aide publique au développement

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017
(texte transmis au Sénat)

TTF affectée au FSD

-

-

-

-

-

-

60

100

140

260

528

TTF affectée à l'AFD

-

-

-

-

-

-

-

-

-

268 1

270

Taxe avion

164

173

162

163

175

185

185

204

210

210

210

Programme 110 (LFI)

988

972

1 042

1 187

1 170

1 192

1 161

1 110

1 027

938

966

Programme 209 (LFI)

2 116

2 072

2 087

2 293

2 134

2 106

1 959

1 789

1 772

1 572

1 642

Programme 110 (exéc.)

981

943

1 025

1 170

1 183

1 157

1 094

1 034

989

-

-

Programme 209 (exéc.)

2 072

2 031

2 170

2 357

2 087

1 868

1 873

1 719

1 666

-

-

Total en LFI

3 268

3 217

3 290

3 643

3 479

3 483

3 365

3 203

3 148

3 248

3 616

Total en exécution

3 217

3 147

3 357

3 690

3 445

3 209

3 212

3 057

3 005

-

-

1 Le montant définitif affecté au FSD en 2016 n'est pas encore connu, car il est défini comme un pourcentage du produit 2016 de la taxe. Ce chiffre correspond à l'estimation figurant p. 68 du tome I des Voies et moyens, qui a servi de base pour définir le montant 2017 affecté au FSD. On notera cependant que le même document estime ce montant à 273 millions d'euros (pages 148 et 159).

Source : commission des finances du Sénat

Entre 2008 et 2012, les dépenses consacrées par la France à l'aide publique au développement se sont élevées à 16,85 milliards d'euros en exécution. Le maximum a été atteint en 2010 (3,7 milliards d'euros) avant de diminuer jusqu'à un montant de 3,2 milliards d'euros en 2012.

Dans la foulée du changement de majorité, une nouvelle loi de programmation des finances publiques était adoptée en décembre 2012 4 ( * ) . Alors que la précédente loi de programmation 5 ( * ) prévoyait une stabilisation des crédits de la mission - hors compte d'affectation spéciale « Pensions » - à 3,31 milliards d'euros en crédits de paiement, la loi de décembre 2012 proposait une baisse des crédits de 240 millions d'euros à l'horizon 2015 . Cette diminution fut amplifiée par la dernière loi de programmation 6 ( * ) de décembre 2014, qui prévoyait une baisse des crédits de 470 millions d'euros supplémentaires à l'horizon 2017. Entre temps, la loi de programmation relative à la politique de développement, adoptée en juillet 2014, prévoyait que « la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu'elle s'est fixés dès lors qu'elle renouera avec la croissance », sans qu'un calendrier précis n'ait été établi.

Cette programmation financière à la baisse se confirmait en exécution, avec une diminution, entre 2012 et 2015, de 335 millions d'euros en loi de finances initiale et de 204 millions d'euros en exécution .

Fin 2015, dans la perspective de la tenue à Paris de la COP 21, le Président de la République annonçait que l'AFD réaliserait 4 milliards d'euros de prêts supplémentaires à partir de 2020 et qu'à la même date, le montant des dons serait en hausse de 370 millions d'euros 7 ( * ) . Le projet de loi de finances pour 2016 proposait cependant au Parlement une diminution de 180 millions d'euros des crédits de la mission, légèrement atténuée par une hausse de 20 millions d'euros des taxes affectées. À l'issue d'un débat parlementaire particulièrement critique envers le Gouvernement , au cours duquel votre commission avait proposé au Sénat de rejeter les crédits de la mission, plusieurs amendements avaient permis d'obtenir une hausse de 290 millions d'euros par rapport au budget initialement présenté. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, la hausse était de 100 millions d'euros.

En 2017 , le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoyait une stabilisation des taxes affectées et une hausse de 130 millions d'euros environ (voir détail infra ) des crédits de la mission. Au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, sous la pression de sa majorité, le Gouvernement a proposé une hausse supplémentaire de 150 millions d'euros des crédits de la mission (soit une augmentation totale de 280 millions d'euros). Mais les députés ont préféré affecter, dès la discussion de la première partie de la loi de finances, 270 millions d'euros à l'AFD , à partir des recettes de la TTF. Cette affectation, qui pourrait être doublement remise en cause (cf. infra ) permettrait de porter à 3,65 milliards d'euros les ressources consacrées au développement en 2017, soit un montant supérieur de 170 millions d'euros à celui de 2012 .

En définitive, votre rapporteure spéciale Fabienne Keller se réjouit certes de cette augmentation des crédits. Elle constate cependant que la courbe ascendante de l'aide publique au développement ne s'est inversée que tardivement, en 2016, et qu'elle ne réussit à retrouver le niveau de 2012 qu'au cours de la dernière année du quinquennat . De plus, cette inversion devra encore être confirmée en exécution, les données jusqu'à présent constatées - c'est-à-dire jusqu'en 2015 - ne faisant apparaître que des baisses. Enfin, si l'on compare les ressources exécutées entre 2013 et 2017 (15,80 milliards d'euros), en retenant pour les deux dernières années une hypothèse d'exécution raisonnable de 95 %, à celles exécutées entre 2008 et 2012 (16,85 milliards d'euros), l'on constate que le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement .

B. L'AUGMENTATION DES FONDS PROPRES DE L'AFD ET SON RAPPROCHEMENT AVEC LA CDC

1. Le rapprochement entre l'AFD et la CDC se concrétise

L'année 2016 a été marquée par le projet de rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), que vos rapporteurs spéciaux ont spécifiquement analysé dans leur rapport d'avril dernier 8 ( * ) . Celui-ci proposait l'intégration de l'AFD sous la forme d'une section à l'établissement public Caisse des dépôts et consignations, à condition de mettre en place une gouvernance sui generis qui concilie efficacité opérationnelle et maintien de la capacité de l'État à définir la politique d'aide publique au développement.

Une discussion législative sur le sujet avait été annoncée mais aucune disposition en ce sens n'ayant été déposée, les rapporteurs spéciaux ont souhaité en juin dernier permettre au Parlement de débattre de ce sujet et d'apporter son soutien à ce rapprochement. Ils ont ainsi déposé un amendement prévoyant la conclusion d'une convention-cadre pluriannuelle entre la Caisse des dépôts et consignations et l'Agence française de développement, d'ici la fin de l'année 2016, afin de définir leurs modalités de collaboration et de coordination . Un rapport établissant le bilan de la mise en oeuvre de cette convention était également prévu. Tel est l'objet de l'article 52 bis du projet de loi dit « Sapin II » 9 ( * ) , inséré par le Sénat à l'initiative des rapporteurs spéciaux .

D'après les informations qui leur ont été transmises, les derniers mois ont été mis à profit pour renforcer les liens entre ces deux institutions financières, que ce soit au niveau des directions générales ou des équipes. La convention précitée devrait être signée début décembre et permettra notamment d'aligner les stratégies des deux institutions. D'un point de vue opérationnel, elle devrait permettre des échanges de personnels, voire que les réseaux - local pour la CDC,  international pour l'AFD - représentent à la fois la CDC et l'AFD. Enfin, le fonds de 500 millions d'euros destiné à financer des projets d'infrastructures en Afrique - copiloté par la CDC et l'AFD - qui avait été évoqué l'an dernier devrait se concrétiser.

Le prochain Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui devrait se réunir début décembre, devrait être l'occasion de tirer les conséquences de ce rapprochement sur la stratégie de notre politique de développement.

2. Le renforcement des fonds propres de l'AFD

Comme le détaillaient les rapporteurs spéciaux dans le rapport précité, il est nécessaire d'augmenter les fonds propres de l'AFD pour lui permettre de surmonter dès aujourd'hui les limites à son activité qu'implique le respect des ratios prudentiels, mais aussi pour faire face à l'augmentation de 50 % de ses engagements à l'horizon 2020 . À défaut, le plafond règlementaire serait dépassé dès 2019 au Nigeria, au Brésil, au Maroc et en Colombie, et l'objectif de hausse de ses engagements serait difficilement atteint. Au total, le besoin en fonds propres de l'AFD à l'horizon 2020 s'élève à 2,5 milliards d'euros .

En mars 2014, le Gouvernement avait déjà décidé de renforcer les fonds propres de l'AFD en jouant sur la « ressource à condition spéciale » (RCS) , qui désigne les montants prêtés par l'État à l'AFD chaque année, à partir du programme 853 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », à des conditions extrêmement favorables (crédit à 0,25 % sur trente ans dont dix ans de différé du remboursement en capital). La RCS est comptabilisée en tant que fonds propres de troisième catégorie ( Tier 2 ) ; en 2015 et 2016, 280 millions d'euros de RCS ont été « convertis » en obligations perpétuelles de l'AFD détenues par l'État, comptabilisés en fonds propres de deuxième catégorie ( Additionnal Tier 1 ).

Le présent projet de loi de finances poursuit cette logique en « convertissant » une dernière tranche de 280 millions d'euros de RCS en obligations perpétuelles (cf. infra ).

Par ailleurs, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, 2,4 milliards d'euros du « stock » de RCS seraient convertis en dotation au capital social de l'AFD, c'est-à-dire en fonds propres de première catégorie ( Common equity tier 1 ). Ce renforcement des fonds propres de l'agence pourrait être conduit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année. Le remboursement anticipé de 2,4 milliards d'euros de RCS viendrait alimenter le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » tandis que le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » serait abondé d'un même montant, afin de souscrire au capital social de l'AFD.

C. UNE REMISE EN CAUSE PROFONDE DE LA DÉCISION DU PARLEMENT D'ACCORDER 270 MILLIONS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES À L'AFD

L'an dernier, le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait d'affecter 100 millions d'euros supplémentaires - à partir du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) - au Fonds de solidarité pour le développement. Au cours des débats, le Parlement a souhaité affecter une part supplémentaire de cette taxe (270 millions d'euros) directement à l'AFD . Cette affectation figure dans le texte définitivement adopté (article 43 de la loi de finances initiale). Cependant, les chiffres 2016 disponibles montrent que la volonté du Parlement n'a pas été respectée, que ce soit dans sa lettre ou dans son esprit .

Tout d'abord, ces 270 millions d'euros ne bénéficieront finalement pas à l'AFD : l'agence reversera ces sommes au FSD. On peut comprendre le souhait du Gouvernement de ne pas multiplier les canaux de financement de l'aide publique au développement. Cependant, au-delà du canal de financement, ce choix contredit l'intention du législateur, qui avait souhaité augmenter notre aide bilatérale . Or le FSD finance pour l'essentiel des fonds multilatéraux.

Par ailleurs, les dépenses effectuées en 2016 à partir du FSD montrent que les 270 millions d'euros affectés en 2016 ont en grande partie servi à compenser des annulations de crédits sur la mission budgétaire :

- 160 millions d'euros ont été annulés sur la mission « Aide publique au développement » dès la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016 à l'Assemblée nationale ;

- 90 millions d'euros environ ont été utilisés - en substitution à des crédits budgétaires - pour bonifier des prêts accordés par l'AFD ;

- 20 millions d'euros environ ont été utilisés pour accorder des aides budgétaires globales, en sus des crédits budgétaires .

Dépenses du FSD en 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015

2016

2016/2015

Facilité internationale de financement pour la vaccination

25

26

+ 1

Global Alliance for Vaccines and Immunization (Gavi)

-

22

+ 22

Unitaid

62

88

+ 26

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

173

328

+ 155

Initiative santé solidarité Sahel (I3S)

-

8

+ 8

Initiative eau

14

-

- 14

Fonds vert pour le climat

104

62

- 42

Dépenses climat (diverses)

-

85

+ 85

Partenariat pour l'éducation

-

8

+ 8

Aides budgétaires globales

-

21

+ 21

Coopération technique

-

2

+ 2

Bonifications de prêts de l'AFD

-

88

+ 88

Total

378

738

+ 360

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

En définitive, la décision du Parlement d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD n'aura eu comme conséquence que d'augmenter de 20 millions d'euros les aides budgétaires globales, qui constituent certes des dons bilatéraux, mais ne sont pas gérées par l'AFD .

D. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE FRANÇAISE

L'aide bilatérale nette française s'élève en 2015 à environ 4,7 milliards d'euros selon l'enquête définitive d'APD transmise à l'OCDE. Cette aide est majoritairement destinée à l'Afrique (44 % de l'aide bilatérale), particulièrement aux pays d'Afrique sub-saharienne pour lesquels l'APD atteint 1,7 milliard d'euros, soit 37 % de notre aide bilatérale.

Répartition géographique de l'aide
bilatérale française en 2014 et 2015

Zone géographique

2014

2015

Afrique, total

45 %

44 %

dont Afrique sub-saharienne

32 %

35 %

dont Afrique du Nord

12 %

8 %

Asie

13 %

10 %

Amérique du Sud

12 %

18 %

Europe

5 %

1 %

Amérique du nord et centrale

5 %

5 %

Moyen-Orient

3 %

5 %

Océanie

2 %

2 %

Multi-pays

14 %

15 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En 2015, les principaux pays bénéficiaires de l'aide bilatérale française sont la Colombie (459 millions d'euros), le Maroc (214 millions d'euros), la République dominicaine (199 millions d'euros), le Brésil (181 millions d'euros), le Cameroun (162 millions d'euros), le Mali (148 millions d'euros), l'Afrique du Sud (123 millions d'euros), la Jordanie (116 millions d'euros), le Sénégal (110 millions d'euros) et Madagascar (99 millions d'euros).

S'agissant de l'aide multilatérale , le tableau ci-dessous retrace les dix premiers bénéficiaires en 2014, les données 2015 n'étant pas encore disponibles. L'aide multilatérale est imputée à un pays donateur en fonction de sa part dans le financement de l'institution concernée.

Dix premiers bénéficiaires l'APD française
multilatérale 2014

(en millions de dollars)

Turquie

412

Éthiopie

110

Inde

108

Pakistan

103

Nigéria

103

Kenya

93

République démocratique du Congo

90

Tanzanie

89

Viet Nam

83

Maroc

76

Total dix premiers bénéficiaires

1 266

Total aide multilatérale imputée

3 969

Part des dix premiers bénéficiaires dans le total

32%

Source : réponse au questionnaire budgétaire

SECONDE PARTIE - LES PRINCIPAUX MOYENS CONSACRÉS À L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

La mission « Aide publique au développement » est la principale mission budgétaire concourant à la politique d'aide publique au développement . En 2015, elle représentait ainsi 40 % de l'aide publique au développement résultant de crédits budgétaires. Les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action extérieure de l'État » et « Immigration, asile et intégration » contribuent, notamment, également à l'APD française.

À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l'aide transitant par le budget communautaire.

I. LES PRINCIPAUX FINANCEMENTS CONSACRÉS À L'APD

A. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » : UNE HAUSSE DE 133 MILLIONS D'EUROS EN CP

Pour 2017, les crédits de la mission « Aide publique au développement » demandés s'élèvent à 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Évolution des crédits de la mission « Aide publique au développement »
à périmètre constant

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

110 « Aide économique et financière au développement »

389,2

2 164,5

938,0

988,0

+ 456,2 %

+ 5,3 %

209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »

1 597,1

1 680,2

1 572,4

1 655,8

+ 5,2 %

+ 5,2 %

Total de la mission

1 986,2

3 844,7

2 510,4

2 643,7

+ 93,6 %

+ 5,3 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire budgétaire

Les CP sont en hausse par rapport à 2016 de 133 millions d'euros (+ 5,3 %) à périmètre constant.

Les AE doublent pratiquement par rapport à 2016 (+ 94 %). Cependant, ceci ne fait que refléter la traditionnelle irrégularité du montant des AE sur le programme 110 , qui dépend du rythme de reconstitution des différents fonds multilatéraux. Ainsi, en 2017, sont reconstitués l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale (1,06 milliard d'euros d'AE) et le Fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel de la Banque africaine de développement (381 millions d'euros d'AE). Si l'on regarde le seul programme 209, l'évolution des AE (+ 5,2 % à périmètre constant) est en phase avec celle des CP de l'ensemble de la mission.

La maquette de la mission subit plusieurs changements de périmètre, dont les principaux sont présentés infra . Au total, à périmètre courant, les crédits de personnel sont diminués de 17,5 millions d'euros tandis que les crédits hors personnel sont augmentés de 13,1 millions d'euros.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » : UNE BAISSE HORS MESURES EXCEPTIONNELLES

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Évolution des crédits du compte de concours financier « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2015

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

Exécutés 2015

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

851 - Réserve pays émergents

115,8

372,0

300,0

182,9

300,0

300,0

+ 221,3 %

- 19,4 %

+ 64,0 %

-

852 - Prêts pour consolidation de dettes

129,2

734,7

148,0

129,2

734,7

148,0

+ 468,6 %

- 79,9 %

+ 468,6 %

- 79,9 %

853 - Prêts à l'AFD (Ressource à condition spéciale)

480,0

400,0

1 552,0

380,0

58,5

250,0

- 16,7 %

+ 288,0 %

- 84,6 %

+ 327,4 %

854 - Prêts aux États membres dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total du compte

725,0

1 506,7

2 000,0

692,2

1 093,2

698,0

+ 107,8%

+ 32,7%

+ 57,9%

- 36,2%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La principale évolution notable concerne la forte augmentation des AE au titre de la ressource à condition spéciale, pratiquement multipliée par trois. Cette hausse s'explique par une mesure exceptionnelle représentant plus d'un milliard d'autorisations d'engagements : l'AFD mettra en oeuvre, pour le compte de l'État, un prêt de concessionnel à l'association internationale de développement (AID) et au Fonds africain de développement, dans le cadre de leur reconstitution.

C. LES TAXES AFFECTÉES AU DÉVELOPPEMENT : LE SOUHAIT DES DÉPUTÉS D'AFFECTER 270 MILLIONS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES À L'AFD

Bien qu'il ne s'agisse pas de crédits budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont choisi de présenter dans le présent rapport l'évolution des taxes affectées au développement - et plus précisément, pour l'essentiel, au Fonds de solidarité pour le développement -, dans la mesure où ces recettes viennent souvent compenser des baisses de crédits budgétaires.

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD)

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé en 2005 10 ( * ) pour gérer le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Il a pour objet de contribuer « au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les objectifs du millénaire pour le développement » .

Géré par l'Agence française de développement (AFD), ce fonds est régi par le décret du 12 septembre 2006 11 ( * ) , qui prévoit notamment un comité de pilotage, qui veille à la bonne gestion du fonds, et la conclusion d'une convention entre l'État et l'AFD sur les modalités de gestion et de suivi du FSD.

Ce décret fixe les modalités d'utilisation des ressources affectées au fonds, qui peuvent notamment financer le secteur de la santé (vaccination, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, UnitAid) et de l'environnement (Fonds vert pour le climat notamment). Il finance essentiellement de l'aide publique au développement multilatérale.

Le décret devrait être modifié début novembre 2016 afin de modifier la gouvernance du fonds et d'étendre ses bénéficiaires, notamment à l'Agence française de développement.

1. La taxe sur les billets d'avion : un montant toujours plafonné à 210 millions d'euros

Le produit de la taxe sur les billets d'avions - dite « taxe Chirac » -, prévue à l'article 302 bis K du code général des impôts, est assise sur le nombre de passagers et le fret embarqués en France sur chaque vol commercial. Son produit est affecté au fonds de solidarité pour le développement (FSD), dans la limite - depuis 2014 12 ( * ) - d'un plafond de 210 millions d'euros. Celui-ci a été atteint en 2015 et depuis lors le dynamisme de cette taxe bénéficie exclusivement au budget général de l'État, ce qui représente une moindre recette de 20 millions d'euros pour le FSD en 2016 et, d'après les prévisions, en 2017.

Répartition du produit de la taxe sur les billets d'avions

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant budget général

-

-

-

-

-

12

20

20

Montant FSD

163

175

185

185

204

210

210

210

Total

163

175

185

185

204

222

230

230

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. La taxe sur les transactions financières : le choix des députés d'affecter de nouveau 270 millions supplémentaires à l'AFD

La taxe sur les transactions financières (TTF), codifiée à l'article 235 ter ZD du code général des impôts, a été créée par la première loi de finances rectificative pour 2012 13 ( * ) . Elle est assise sur les opérations d'achat d'actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1 er janvier de l'année d'imposition.

La loi de finances pour 2013 14 ( * ) a prévu d' en affecter une part au fonds de solidarité pour le développement , initialement fixée à 10 % du produit de la taxe, dans la limite d'un plafond de 60 millions d'euros. Cette part a progressivement augmenté pour en représenter 15 % en 2014, dans la limite d'un plafond de 100 millions d'euros, puis 25 % en 2015, dans la limite d'un plafond de 140 millions d'euros. La loi de finances pour 2016 15 ( * ) (article 41) a supprimé le pourcentage d'affectation du produit de la taxe au FSD, augmenté le plafond à 260 millions d'euros et (article 43), prévu d' affecter 25 % du produit de la taxe à l'Agence française de développement (AFD), sans spécifier de plafond.

Au total, en 2016, près de la moitié du produit de cette taxe a bénéficié au développement . Au cours de son intervention dans le cadre de la semaine des ambassadeurs, le 30 août dernier, le Président de la République s'est engagé à augmenter ce pourcentage : « nous irons au-delà l'année prochaine pour qu'une part encore plus substantielle de la taxe puisse être affectée à ces objectifs ». Pourtant, le projet de loi de finances pour 2017 ne comprenait aucune disposition en ce sens. Ce n'est qu'au cours du débat à l'Assemblée nationale que nos collègues députés ont décidé, avec l'avis défavorable du Gouvernement, d'affecter 270 millions d'euros supplémentaires à l'Agence française de développement 16 ( * ) .

Répartition du produit de la taxe sur les transactions financières

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

PLF 2017

Texte transmis

Produit total de la taxe

766

871

1 057

1 093

1 106

1 659

Part affectée au FSD

10 %

15 %

25 %

-

-

-

Plafond de l'affectation au FSD

60

100

140

260

-

-

Écrêtement de la part revenant au FSD du fait du plafonnement

17

31

124

-

-

-

Montant affecté au FSD

60

100

140

260

528

528

Part affectée à l'AFD

-

-

-

25 %

-

-

Montant affecté à l'AFD

-

-

-

268

-

270

Montant revenant au budget général de l'État

706

771

917

565

578

861

Part de la taxe bénéficiant au développement

7,8 %

11,5 %

13,2 %

48,3 %

47,7 %

48,1 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La proposition des rapporteurs spéciaux de mettre à contribution
les secteurs des transports aériens et maritimes

Dans leur rapport d'information sur l'aide publique au développement en matière de changement climatique 17 ( * ) , les rapporteurs spéciaux appelaient à surmonter la contrainte budgétaire actuelle en mettant notamment en place une taxation - au niveau international, afin d'éviter une délocalisation de la base taxable - des secteurs des transports aériens et maritimes, dont le produit serait affecté au Fonds vert pour le climat. Ils avaient estimé que la taxation de ces deux secteurs se justifiait par le fait qu'ils représentent 5 % des émissions de gaz à effet de serre - une part destinée à croître de façon importante - et qu'ils ne sont pas intégrés aux mécanismes européens de quotas carbone.

Au premier semestre 2016, ils ont souhaité approfondir le sujet au cours d'auditions à Paris et d'une mission à Londres, siège de l'Organisation maritime internationale (OMI). Ont ainsi notamment été entendus Loïc Aballéa, chef de la mission de la flotte de commerce au ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, Frederick Kennedy, directeur des affaires juridiques de l'OMI et Nicole Taillefer, représentante permanente de la France auprès de l'OMI. Ces entretiens ont permis d'identifier auxquelles se heurte la mise à contribution de ces secteurs, mais aussi les avancées qui étaient en gestation en matière de réglementation environnementale.

Ainsi, très récemment, la réglementation applicable à ces deux secteurs a évolué de façon importante.

S'agissant du secteur maritime, l'OMI a adopté le 27 octobre dernier une résolution visant à réduire, d'ici 2020, de 3,5 % à 0,5 % la teneur maximale en soufre du carburant utilisé par les porte-conteneurs. Cette évolution réglementaire, si elle est bénéfique pour l'environnement et la santé des populations, n'aura cependant pas d'effet sur les émissions de gaz à effet de serre. L'OMI devrait présenter une feuille de route sur ce sujet d'ici 2018, soutenue en cela par certains pays membres.

Concernant le secteur des transports aérien, dont le trafic devrait doubler d'ici quinze ans, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté le 6 octobre dernier une résolution prévoyant un mécanisme de compensation des émissions carbone de ce secteur. L'objectif est de les limiter en 2035 à leur niveau de 2020.

En définitive, les rapporteurs spéciaux se félicitent naturellement de ces évolutions réglementaires, mais ils souhaitent que soient étudiés, d'une part, la possibilité que ce marché du carbone alimente le Fonds vert pour le climat et, d'autre part, un mécanisme de régulation des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime.

II. L'ÉVOLUTION THÉMATIQUE DES CRÉDITS

A. L'AIDE BILATÉRALE

1. L'AFD : une hausse des moyens en ligne avec les objectifs

Le présent paragraphe retrace les moyens financiers mis à disposition de l'Agence française de développement (AFD), quel que soit le canal de financement.

Moyens mis à disposition de l'AFD

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

PLF 2016

Demandés en PLF 2017

Subventions projets de l'AFD
(action 02 du programme 209)

217,0

246,3

194,0

227,0

Bonification des prêts outre-mer 18 ( * )

(action 02 du programme 110)

0,0

0,0

12,0

12,1

Bonifications de prêts dans les États étrangers

(action 02 du programme 110)

235,0

315,0

180,0

191,0

Bonifications pour l'initiative de lutte contre le changement climatique

(action 02 du programme 110)

0,0

0,0

5,2

0,0

Ressource à condition spéciale (RCS)
(uniquement fonctionnement courant de l'AFD)

(programme 853)

400,0

502,0

58,5

0,0

Rémunération de l'AFD (dons projets, assistance technique, ONG, C2D, crédits délégués)

(action 02 du programme 209)

27,0

35,7

27,0

35,7

Rémunération de l'AFD pour les opérations réalisées pour le compte de l'État

(action 02 du programme 110)

3,0

3,0

3,0

3,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

a) Une hausse limitée des subventions

L'AFD reçoit tout d'abord des subventions pour financer des projets sous forme de dons . Ces crédits s'élèvent à 246 millions d'euros en AE en 2017, en hausse de 30 millions d'euros par rapport à 2016 . Cette augmentation met fin à quatre années de stabilité quasi parfaite , le montant de ces subventions étant de 216 millions d'euros en 2012. Ce montant peut sembler limité, d'autant plus que le Président de la République a fixé l'objectif d'augmenter de 400 millions d'euros le total des dons à l'horizon 2020 et que les crédits du programme 209 sont en hausse de 77 millions d'euros environ, hors dépenses de personnel. Il s'explique notamment par le fait que ces 77 millions d'euros sont, en 2017, en grande partie absorbés par des appels de fonds du Fonds européen de développement en hausse de 42 millions d'euros par rapport à 2016.

b) Une hausse significative des ressources permettant d'octroyer des prêts concessionnels

Par ailleurs, l'AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels , cette concessionnalité étant financée sous plusieurs formes. D'une part, l'État lui accorde des crédits permettant de « bonifier » les prêts, c'est-à-dire d'abaisser directement le taux d'intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours. Ces bonifications sont en hausse de 80 millions d'euros (+ 34 %) par rapport à la loi de finances pour 2016. Cette hausse ne serait toutefois que de 30 millions d'euros par rapport au montant qui serait effectivement engagé en 2016, dans la mesure où le Gouvernement a annoncé qu'il demanderait un abondement de 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative.

D'autre part, l'AFD bénéficie de la part de l'État de la « ressource à condition spéciale » (cf. supra ) qui lui également d'accorder des prêts concessionnels. La RCS correspondant aux activités courantes de l'AFD est en hausse de 100 millions d'euros en 2017. L'absence de CP s'explique par un besoin de 280 millions d'euros entièrement compensé par l'annulation du même montant de CP, au titre du renforcement des fonds propres de l'agence. En effet, celui-ci passe entre autre (cf. supra ) par la conversion de 280 millions d'euros de RCS en obligations perpétuelles de l'AFD, souscrites à partir du compte d'affectation spéciale « Participation financière de l'État ».

Cette augmentation des moyens permettant d'accorder des prêts est en ligne avec l'objectif fixé à l'Agence d'augmenter de 4 milliards d'euros, par rapport à 2015, ses engagements annuels à l'horizon 2020. Cette hausse devrait ainsi lui permettre de passer de 9 milliards d'euros d'engagements en 2016 à 9,5 milliards d'euros en 2017, en attendant d'atteindre l'objectif de 12,5 milliards d'euros.

c) Une affectation de 270 millions d'euros doublement incertaine

Comme indiqué précédemment, nos collègues députés ont souhaité attribuer 270 millions d'euros du produit de la taxe sur les transactions financières. Cependant cette affectation semble doublement menacée :

- d'une part, le Gouvernement pourrait être tenté - comme il l'a fait l'an dernier - de revenir au moins partiellement sur cette affectation ; en effet, en séance, Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a proposé aux députés une hausse de 150 millions d'euros et accueilli le vote de l'amendement précité avec un enthousiasme mesuré : « Et même s'il considère qu'on aurait pu en rester à une augmentation de 150 millions d'euros, le Gouvernement accepte que cet amendement puisse prospérer » ;

- d'autre part, le Gouvernement a montré sa préférence pour une affectation de ces 270 millions d'euros au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et non pas à l'AFD. Certes, multiplier les canaux de financement n'aide pas à la lisibilité de notre politique d'aide publique au développement. Cependant, les rapporteurs spéciaux ont une préférence pour une affectation directe à l'AFD, c'est-à-dire à un canal d'aide bilatérale, qui offre une visibilité bien plus grande à notre politique d'aide publique au développement. Ce montant pourrait notamment permettre de financer la facilité consacrée spécifiquement aux pays en crise , proposée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 19 ( * ) .

À ce stade, cette affectation n'a pas été remise en cause.

*

Enfin, la rémunération de l'AFD augmente de 32 % (+ 9 millions d'euros). Cette rémunération, calculées à partir de formules basées en particulier sur les volumes d'engagement, correspond aux opérations réalisées par l'AFD pour le compte de l'État (aides budgétaires globales, opérations de conversion de dettes, etc.) et pour des actions confiées à l'AFD (dons projets, C2D, crédits délégués, etc.).

L'AFD met également en oeuvre le programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC), une partie des subventions aux ONG, les aides budgétaires globales et les contrats de désendettement et de développement (C2D), qui sont traités dans les paragraphes suivants.

2. Des crédits d'aide liée en baisse

L'aide liée est constituée des dispositifs pour lesquels une part minimale des contrats financés doit correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises. Pour pouvoir être liée, l'aide doit répondre à des critères de l'OCDE, notamment en matière de concessionnalité.

Les deux principaux outils de l'aide liée française sont la Réserve pays émergents (RPE) et le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). La RPE, mise en oeuvre par la direction générale du Trésor, prend la forme de prêts très concessionnels, tandis que le FASEP permet de financer, sous forme de dons, des études de faisabilité ou d'assistance technique.

Évolution des crédits de l'aide liée en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Développement du commerce extérieur (dont RPE)

(programme 851)

372,0

300,0

300,0

300,0

FASEP

(action 02 du programme 110)

18,3

18,3

22,2

21,5

Évaluation préalable et appui pour le montage des projets (RPE et FASEP)

(action 02 du programme 110)

0,3

0,3

0,3

0,3

Rémunération de Natixis au titre de la RPE

(action 02 du programme 110)

3,4

3,4

3,4

3,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les crédits des prêts à des États étrangers destinés à développer notre commerce extérieur connaissent une diminution importante (- 72 millions d'euros, soit - 20 %). Cette baisse est d'autant plus inquiétante que le taux d'exécution de ce programme est en chute libre : 99,9 % en 2013, 75 % en 2014 et 35 % à peine en 2015. Les rapporteurs spéciaux réaffirment leur grand intérêt pour ce dispositif, dans la mesure où ces prêts servent notamment à financer la construction d'infrastructures de transport - comme par exemple la ligne à grande vitesse entre Casablanca et Kenitra -, qui sont des projets à la fois extrêmement structurants pour les grandes villes des pays en développement et où la France bénéfice d'un savoir-faire et d'entreprises de pointe reconnus.

3. La coopération technique : la montée en puissance d'Expertise France

Le développement des pays du sud nécessite une expertise technique, pour renforcer leurs capacités à mettre en place des politiques publiques complexes en matière d'infrastructures ou de santé par exemple, qui peut être apportée à travers l'aide publique au développement.

Il s'agit également pour la France de diffuser des modèles d'organisation et des normes conformes à ses valeurs et à ses intérêts. L'aide technique, qui représente un marché considérable évalué à près de 100 milliards d'euros par an, constitue en effet un moyen privilégié de mettre en valeur nos savoirs faires et d'influer sur des choix qui peuvent se traduire in fine par des contrats pour des entreprises françaises. La coopération technique relève ainsi à la fois de la solidarité et de l'influence.

Le tableau ci-dessous présente les crédits de divers dispositifs de coopération technique. Cependant, ils sont loin de couvrir à eux seuls la politique de coopération technique bilatérale de la France, qui représentait 1 584 millions d'euros d'APD selon l'OCDE, en 2013 .

Évolution des crédits de l'aide technique en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Dotation Expertise France

(action 02 du programme 110)

3,9

4,5

4,9

4,5

Agence française d'expertise technique internationale « Expertise France »

(action 02 du programme 209)

3,4

12,7

3,4

12,7

Programme de renforcement des capacités commerciales (géré par l'AFD)

(action 02 du programme 110)

13,6

-

1,5

1,5

Bourses

(action 02 du programme 209)

5,8

5,8

5,8

5,8

Échanges d'expertise

(action 02 du programme 209)

2,4

2,4

2,4

2,4

Volontariat international

(action 02 du programme 209)

19,2

19,2

19,2

19,2

Canal France international

(action 02 du programme 209)

9,5

9,5

9,5

9,5

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

« Expertise France » , créé en 2014 par la fusion de divers organismes de coopération technique, bénéficie de deux lignes de financement, l'une provenant du ministère de l'économie et l'autre provenant du ministère des affaires étrangères.

La première est en hausse (+ 666 000 euros) par rapport à 2016, ce qui correspond à la part 2017, à partir du programme 110, de la « subvention additionnelle de transformation » prévue par le contrat d'objectif et de moyens signé en juin 2016. En effet, celui-ci prévoit une croissance régulière du chiffre d'affaire de la nouvelle agence qui atteindrait 200 millions d'euros en 2019-2020, contre 100 millions d'euros en 2014 et 157 millions d'euros en 2017. À cet horizon, l'agence atteindrait l'équilibre et ne nécessiterait plus cette subvention (9 millions d'euros sur l'ensemble de la période).

La dotation provenant du ministère des affaires étrangères est pour sa part en hausse de 8,59 millions d'euros, qui correspondent au transfert à Expertise France des experts techniques internationaux du ministère.

4. L'aide humanitaire et alimentaire en légère hausse

Le fonds d'urgence humanitaire permet de financer par exemple des interventions humanitaires d'urgence mises en oeuvre par l'État, l'expédition de matériels ou de personnels, des subventions accordées à des ONG, etc.

L'aide alimentaire française s'oriente en priorité vers les populations victimes de crise.

Ces crédits sont en très légère hausse (+ 1 million d'euros en AE).

Évolution des crédits relatifs à l'aide humanitaire et d'urgence en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Fonds d'urgence humanitaire

(action 02 du programme 209)

11,9

12,9

11,9

12,9

Aide alimentaire

(action 02 du programme 209)

37,1

37,1

37,1

37,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

5. La coopération décentralisée

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres. Mais le ministère des affaires étrangères intervient pour des cofinancements, en fonction des priorités retenues.

Ces crédits permettent donc de soutenir - et d'orienter, sur la base d'appels à projets - les actions des collectivités territoriales françaises en matière de coopération avec des autorités locales étrangères. On rappellera que l'APD des collectivités représentait, en 2014, 53 millions d'euros au total. Ces crédits sont stables par rapport à 2016 . En 2015, 8,2 millions d'euros ont été consommés.

Évolution des crédits relatifs à la coopération décentralisée en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées
en PLF 2017

LFI 2016

Demandés
en PLF 2017

9,3

9,3

9,3

9,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (action 02 du programme 209)

6. Les autres dispositifs d'aide bilatérale : une relative stabilité

Le présent paragraphe présente les autres dispositifs d'aide bilatérale, dont le montant peut être très variable. Globalement, ces crédits sont en hausse de 12 millions d'euros en AE.

Évolution des crédits des autres dispositifs d'aide bilatérale en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Fonds français pour l'environnement mondial

(action 02 du programme 110)

-

-

22,0

23,0

Aides budgétaires globales

(action 02 du programme 110)

35,0

37,0

35,0

37,0

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

(action 02 du programme 209)

0,3

0,3

0,3

0,3

Dotations pour opérations aux EAF

(action 02 du programme 209)

0,4

0,4

0,4

0,4

Autres moyens bilatéraux d'influence

(action 02 du programme 209)

7,3

8,9

7,3

8,9

Fonds de solidarité prioritaire (FSP)

(action 02 du programme 209)

34,0

34,0

32,1

32,3

Subventions ONG (géré par l'AFD)

(action 02 du programme 209)

79,0

87,0

74,0

77,8

Fonds Pacifique

(action 02 du programme 209)

1,5

1,5

1,5

1,5

Aide budgétaire post-conflit et sortie de crise

(action 02 du programme 209)

22,3

22,3

22,3

22,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La principale évolution observée concerne les subventions aux organisations non gouvernementales (ONG), dont les crédits sont en hausse de 8 millions d'euros et atteignent 87 millions d'euros. Si l'on y ajoute les 3 millions d'euros gérés par le centre de crise et de soutien, le total s'élève à 90 millions d'euros, soit le double du montant consacré aux ONG en 2012. Ainsi, l'engagement du Président de la République de multiplier par deux de canal de financement sur l'ensemble du quinquennat a bien été respecté .

B. TRAITEMENTS DE DETTES : 330 MILLIONS D'EUROS D'ANNULATIONS DE DETTES MULTILATÉRALES AUPRÈS DE LA BANQUE MONDIALE ET DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

Le traitement de la dette des pays en développement peut prendre trois formes :

- une annulation de dette , qu'elle soit décidée dans un cadre bilatéral (accords de Dakar I et II et conférence de Paris) ou multilatéral (G8 de Gleneagles de juillet 2005 par exemple) ; ces annulations doivent être compensées à l'AFD ;

- un refinancement par dons des échéances dues sous la forme de « contrats de désendettement et de développement » ( C2D ) : le pays bénéficiaire continue d'honorer sa dette, mais la France reverse le montant perçu pour financer des programmes de développement spécifiques ; ces contrats sont gérés par l'AFD ;

- un refinancement au moyen d'un nouveau prêt , accordé dans des conditions plus favorables.

Évolution des crédits relatifs aux traitements de dettes en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Compensation à l'AFD des annulations de dette bilatérale (action 03 du programme 110)

-

-

42,9

37,6

Compensation des annulations de la dette multilatérale (action 03 du programme 110)

-

330,3

62,6

66,0

Contrats de désendettement et de développement (C2D) (action 02 du programme 209)

51,8

53,2

51,8

53,2

Consolidation de dettes des PPTE

(programme 852)

734,7

148,0

734,7

148,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Aucune nouvelle annulation de dette bilatérale n'est prévue en 2017. S'agissant des dettes multilatérales, à l'occasion de la reconstitution des guichets concessionnels de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, la France s'est engagée à annuler auprès de la première 241 millions d'euros de dettes, qui ne seront toutefois payables qu'à compter de 2026, et auprès de la seconde 89 millions d'euros, payables à partir de 2027 . Les AE demandées au titre des contrats de désendettement et de développement correspondent à ceux qui devraient être signés avec la République démocratique du Congo d'ici la fin de l'année 2016. Enfin, les AE ouvertes au titre des consolidations de dettes des pays pauvres très endettés concernent Grenade et le Zimbabwe.

Comme évoqué précédemment, la diminution des traitements de dette s'observe dans l'ensemble des pays donateurs et illustre la fin d'un grand mouvement de désendettement. Cependant, si ces initiatives semblent avoir permis de desserrer la contrainte budgétaire pesant sur les pays concernés afin qu'ils se concentrent sur leur développement, l'objectif d'une dette soutenable de façon pérenne n'est que partiellement satisfait et la perspective que certains pays replongent dans le surendettement n'est pas écartée 20 ( * ) .

C. L'AIDE MULTILATÉRALE

1. Aide multilatérale hors aide communautaire : le maintien de la contribution supplémentaire de 50 millions d'euros en faveur des réfugiés

L'aide économique et financière multilatérale occupe une place prépondérante parmi ces crédits : il s'agit essentiellement de la reconstitution des différents fonds multilatéraux de développement , ce qui explique les variations très importantes des AE d'une année à l'autre, selon le rythme de reconstitution (cf supra ).

Évolution des crédits de l'aide multilatérale en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Aide économique et financière multilatérale

(action 01 du programme 110)

76,2

1 452,3

597,9

586,6

Contributions volontaires ONU

(action 05 du programme 209)

99,1

99,1

99,1

99,1

Jeunes experts associés

(action 05 du programme 209)

3,5

3,5

3,5

3,5

Francophonie (hors loyer) (action 05 du programme 209)

47,4

47,4

47,4

47,4

Francophonie (loyer) (action 05 du programme 209)

-

0,4

5,5

6,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Parmi ces crédits, les contributions volontaires à l'Organisation des Nations unies (ONU) portent notamment la contribution de la France au Haut commissariat aux réfugiés, qui avait été augmentée de 50 millions d'euros l'an dernier. Cette augmentation est maintenue en 2017 .

Par ailleurs, on note que désormais le fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) n'est plus financé par des crédits budgétaires , mais exclusivement à partir des taxes affectées au Fonds de solidarité pour le développement. En 2016, le projet de loi de finances prévoyait encore 127 millions d'euros de crédits budgétaires, sur une contribution totale de la France de 360 millions d'euros. Mais l'amendement de nouvelle lecture adopté par l'Assemblée nationale avait finalement supprimé ce montant.

2. La coopération communautaire : une hausse de 40 millions d'euros

La mission « Aide publique au développement » porte les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement (FED), principal instrument de l'aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP).

Cet outil se situe hors budget communautaire et les contributions des États membres relèvent donc d'une clé de répartition différente . Dans la perspective de son intégration éventuelle au budget communautaire à l'horizon 2020, la clé de contribution de la France a été diminuée afin de se rapprocher progressivement de celle du budget (15,9 %) : elle est ainsi passée de 24,3 % dans le neuvième FED (2000-2007 ; 13,8 milliards d'euros) à 19,55 % dans le dixième (2008-2013 ; 22,7 milliards d'euros) et enfin 17,81 % dans le onzième FED (30,5 milliards d'euros ; 2014-2020).

Le montant des crédits demandés est basé sur les prévisions des appels à contribution de la Commission européenne. Il est cette année en hausse de 42 millions d'euros.

Évolution des crédits de la coopération communautaire en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées
en PLF 2017

LFI 2016

Demandés
en PLF 2017

700,8

742,4

700,8

742,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (action 07 du programme 209)

D. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN BAISSE

Les crédits de personnel sont en hausse de 7 millions d'euros en 2017, à périmètre constant. Ils correspondent essentiellement à une partie des personnels de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements culturels pluridisciplinaires.

Évolution des dépenses de personnel en 2017 à périmètre constant

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées
en PLF 2017

LFI 2016

Demandés
en PLF 2017

195,5

202,0

195,5

202,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire (action 08 du programme 209)

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

En seconde délibération, à l'initiative du Gouvernement, nos collègues députés ont minoré de 22 millions d'euros, en AE et en CP, les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement » et de 14 millions d'euros, en AE et en CP, ceux du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », soit une baisse totale de 36 millions d'euros des crédits de la mission . Cette minoration vise à gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 52 quater - Enrichissement du document de politique transversale « Politique française en faveur du développement »

Commentaire : le présent article vise à enrichir le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » afin qu'il distingue l'effort consenti en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

L'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 prévoit que sont annexés aux projets de loi de finances des documents de politique transversale (DPT) - communément appelés les « oranges » du fait de la couleur de leur couverture - relatifs à des politiques publiques interministérielles et qui concernent des programmes n'appartenant pas à une même mission.

Le 2° du I prévoit notamment un document de politique transversale « Politique française en faveur du développement », dont le contenu est détaillé aux vingt-troisième à trente-deuxième alinéas.

Introduit à l'initiative de notre collègue députée Catherine Coutelle, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, le présent article enrichit le document de politique transversale en le complétant :

- par une présentation des effets des principaux outils de coopération de la France  sur les différents publics et en particulier sur les femmes ;

- par la présentation de l'effort français en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes ;

- par une présentation des effets des actions de l'Agence française de développement sur les différents publics et en particulier sur les femmes.

Le présent article permet donc une amélioration du document de politique transversale en le complétant par des informations qui ne sont actuellement pas disponibles.

ARTICLE 52 quinquies - Rapport sur l'évolution de la composition du budget de l'aide publique au développement, sa répartition et son utilisation

Commentaire : le présent article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'évolution de la composition du budget de l'aide publique au développement, sa répartition et son utilisation.

Introduit à l'initiative de notre collègue député Jean-Marie Tétart, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, le présent article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'évolution de la composition du budget de l'aide publique au développement, sa répartition et son utilisation. Lors de sa présentation en séance, l'auteur de l'amendement a précisé qu'il souhaitait que le rapport concerne la période 2012-2016.

Les rapporteurs spéciaux considèrent, de façon générale, que les demandes de rapport doivent être limitées et qu' il n'est pas souhaitable de « déléguer » au Gouvernement le travail de contrôle .

En l'occurrence, le budget de l'aide publique au développement est présenté, chaque année, dans le rapport annuel de performance, dans le document de politique transversale puis, en exécution, dans le rapport annuel de performance. De plus, les rapporteurs spéciaux disposent, en application de l'article 57 de la LOLF 21 ( * ) , d'importants pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, qu'ils utilisent chaque année, notamment dans le cadre de leur « questionnaire budgétaire ». Dès lors, c'est à eux - et non au Gouvernement - qu'il appartient de dresser le bilan de l'évolution du budget de l'aide publique au développement, comme le présent rapport spécial ambitionne de le faire .

ARTICLE 52 sexies - Rapport sur l'affectation et l'utilisation du fonds de solidarité pour le développement sur la période 2012-2016

Commentaire : le présent article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'affectation et l'utilisation du fonds de solidarité pour le développement sur la période 2012-2016.

Introduit à l'initiative de notre collègue député Jean-Marie Tétart, avec l'avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, le présent article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'affectation et l'utilisation du fonds de solidarité pour le développement sur la période 2012-2016.

Les rapporteurs spéciaux considèrent, de façon générale, que les demandes de rapport doivent être limitées et qu' il n'est pas souhaitable de « déléguer » au Gouvernement le travail de contrôle .

Ils considèrent, comme évoqué précédemment 22 ( * ) , qu'il appartient aux rapporteurs spéciaux de chaque assemblée d'utiliser leurs pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place pour obtenir les informations visées au présent article, de les analyser et d'en tirer les conséquences qui leur sembleront nécessaires.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 3 novembre 2016 sous la présidence de Mme Michèle André, la commission a examiné le rapport de Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Avant de vous présenter les moyens consacrés à la politique d'aide publique au développement en 2017, je souhaitais rappeler succinctement les évolutions de l'aide internationale, marquées par la crise migratoire, et dresser un premier bilan du quinquennat qui s'achève.

Tout d'abord, l'aide publique au développement (APD) connaît une hausse importante au niveau international, notamment du fait des dépenses en faveur des réfugiés.

L'APD de 2015 - dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres - est marquée par le poids des dépenses en faveur des réfugiés, qui, sous certaines conditions, peuvent être comptabilisées comme de l'aide. En une seule année, ces dépenses ont plus que doublé. En Allemagne, la hausse est de 2,8 milliards de dollars, soit une multiplication par dix-sept ! En Italie, l'aide en faveur des réfugiés représente désormais plus du quart des dépenses totales.

La progression importante de l'aide de l'ensemble des pays donateurs, qui atteint un niveau record de 132 milliards de dollars, soit une hausse de 7 % en un an, tient pour une bonne part à ces évolutions.

Dans ce contexte, la France se démarque par une baisse de ses dépenses en faveur des réfugiés et par une hausse modérée de son aide, de 2,8 %. Dans le même temps, l'APD allemande augmente de 26 % et celle de la Grèce de 39 %.

Ainsi, notre pays occupe la cinquième place parmi les pays donateurs en volume, mais la onzième place en pourcentage du revenu national brut (RNB), avec une aide de 0,37 %. Elle se fait distancer par l'Allemagne - à 0,52 % -, qui était encore classée derrière la France en 2013.

À cet égard, il ne vous aura pas échappé qu'Angela Merkel a récemment effectué une tournée diplomatique au Mali, au Niger et en Éthiopie et reçu les présidents tchadien et nigérian. L'Allemagne croit au développement et y voit sans doute une part de la réponse à la crise migratoire, de même qu'un outil pouvant bénéficier à son industrie. La France devrait sans doute s'inspirer de cet exemple. Mais tel n'a pas été le cas durant le quinquennat qui s'achève, dont je voudrais maintenant dresser le bilan.

En effet, l'aide française est en baisse : un milliard d'euros en moins pour le développement sur le quinquennat.

Loin de la tendance allemande, l'aide française a fortement décru au cours des dernières années. Ce constat se vérifie que l'on prenne en compte l'agrégat de l'OCDE - passé de 0,45 % en 2012 à 0,37 % aujourd'hui - ou les ressources financières consacrées à cette politique, dont vous trouverez l'évolution depuis 2007 dans la note de présentation qui vous a été distribuée.

La tendance est simple : une baisse continue par rapport au niveau de 2012, encore aggravée en exécution. Le budget 2016 a permis d'inverser cette courbe - passez-moi l'expression -, à l'initiative du Parlement, puisque le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoyait d'accentuer encore la baisse. Le budget 2017 devrait confirmer cette tendance à la hausse, même s'il existe un risque élevé de voir le montant qui vous est présenté « raboté », lorsque l'Assemblée nationale examinera la mission en séance.

Quoi qu'il en soit, cette inversion est tardive et ne suffit pas à occulter les années de baisse. Quand on compare les dépenses réalisées chaque année entre 2013 et 2016 à la moyenne des dépenses exécutées entre 2007 et 2012, on constate que le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Je partage les regrets de Fabienne Keller quant au sort qui a pu être réservé aux crédits de cette politique, mais je voudrais souligner que la tendance s'est véritablement inversée.

En loi de finances pour 2016, les crédits étaient en hausse de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette année, le projet de loi de finances nous propose une nouvelle augmentation de 133 millions d'euros.

Le budget pour 2017 prévoit notamment une augmentation des moyens de l'Agence française de développement (AFD), qu'il s'agisse des prêts ou des dons. Les crédits destinés à bonifier les prêts sont en hausse de 80 millions d'euros, en ligne avec l'objectif assigné à l'Agence d'accorder 12,5 milliards d'euros de prêts chaque année à compter de 2020, contre 9 milliards d'euros aujourd'hui. S'agissant des dons, l'enveloppe progresse de 30 millions d'euros.

On peut également souligner qu'en 2017, les subventions aux organisations non gouvernementales (ONG) atteindront 90 millions d'euros, soit le double du montant qui leur était consacré 2012. Ainsi, l'engagement du Président de la République de multiplier par deux ce canal de financement sur l'ensemble du quinquennat a bien été respecté.

Par ailleurs, la contribution de la France au Haut-commissariat pour les réfugiés avait exceptionnellement augmenté de 50 millions d'euros l'an dernier. Cette augmentation est maintenue.

Enfin, le montant des crédits demandés au titre du Fonds européen de développement (FED) progresse de 42 millions d'euros, du fait d'appels à contribution de la Commission européenne supérieurs à ceux des années précédentes.

En outre, nos collègues députés ont choisi d'aller au-delà de cette progression de 133 millions d'euros, en affectant 270 millions d'euros à l'AFD, à partir du produit de la taxe sur les transactions financières. La hausse serait alors de 400 millions d'euros par rapport à l'an dernier et le budget 2017 serait supérieur de 100 millions d'euros à celui de 2012.

Cependant, cette affectation est doublement menacée.

D'une part, le Gouvernement pourrait être tenté - comme il l'a fait l'an dernier - de revenir, au moins partiellement, sur le montant affecté. À ce stade, seule la première partie du projet de loi de finances a été examinée à l'Assemblée nationale et la position du Gouvernement sur les crédits de la mission n'est pas encore connue.

D'autre part, le Gouvernement souhaiterait affecter ce montant au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui finance essentiellement de l'aide multilatérale, plutôt qu'à l'AFD, qui offre pourtant une visibilité bien plus grande à notre aide. Vous l'aurez compris, notre préférence va à une affectation directe à l'AFD, qui permettrait par exemple de mettre en place la facilité consacrée aux pays en crise proposée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souligne, à ce propos, que le Gouvernement est en train de contourner la décision prise par le Parlement, l'an dernier, d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD, en transférant ce montant au FSD. Qui plus est, cette enveloppe s'est essentiellement substituée à des crédits budgétaires. En définitive, la décision du Parlement n'aura eu pour conséquence que d'augmenter de 20 millions d'euros les aides budgétaires globales, qui ne sont pas gérées par l'AFD.

Je souhaitais, enfin, faire un point sur les annulations de dette. En 2017, la France annulera 330 millions d'euros de dettes multilatérales auprès de diverses institutions internationales, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros de contrats de développement et de désendettement.

Ces chiffres sont modestes par rapport aux années précédentes et correspondent à une tendance internationale : les annulations de dette ne représentent plus que 0,2 % de l'APD totale, après en avoir représenté jusqu'à 20 % en 2005. Nous assistons à la fin du grand mouvement de désendettement lancé au milieu des années 1990. Ces initiatives semblent avoir permis de desserrer la contrainte budgétaire qui pesait sur les pays concernés pour leur permettre de se concentrer sur leur développement. Mais l'objectif d'une dette soutenable dans la durée n'est que partiellement satisfait et la perspective que certains pays replongent dans le surendettement n'est pas écartée.

Dernier sujet que je souhaitais aborder : le renforcement des fonds propres de l'AFD. Comme nous vous l'avons exposé à plusieurs reprises, les fonds propres de l'Agence doivent être renforcés pour lui permettre de poursuivre son activité à son niveau actuel et, a fortiori , pour respecter l'objectif de hausse qui lui a été assigné. Le présent projet de loi de finances prévoit, comme en 2015 et 2016, de convertir une créance de l'État vis-à-vis de l'AFD en obligations perpétuelles, ce qui améliorera ses ratios financiers. Mais l'essentiel de cette opération devrait se faire dans le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons bientôt. En tout état de cause, le renforcement des fonds propres de l'Agence suit son cours, ce dont nous nous félicitons.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Avant de conclure, quelques mots sur le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur lequel nous vous avons présenté un rapport détaillé en avril dernier, comprenant notamment des comparaisons avec l'Italie et l'Allemagne.

À notre initiative, le rapprochement a été introduit dans le projet de loi « Sapin 2 » et suit son cours, même si sa forme en est très atténuée par rapport au projet initial, qui prévoyait une intégration de l'AFD dans la grande maison qu'est la CDC. Les derniers mois ont été mis à profit pour renforcer les liens entre ces deux institutions financières, tant au niveau des directions générales que des équipes.

Une convention devrait être signée début décembre et permettra notamment d'aligner les stratégies, de prévoir des échanges de personnels, voire de mutualiser les réseaux. Enfin, le fonds de 500 millions d'euros évoqué l'an dernier, qui est destiné à financer des projets d'infrastructures en Afrique et sera copiloté par la CDC et l'AFD, devrait se concrétiser.

En conclusion, c'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous invitons à proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Michel Bouvard . - Je souhaite intervenir sur les deux derniers points qui viennent d'être évoqués par nos rapporteurs spéciaux.

Le Président de la République avait annoncé, à l'occasion du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, un projet d'intégration entre l'AFD et la CDC. Faute d'adhésion au modèle qui aurait consisté à créer, au sein de la Caisse, un troisième pilier, à côté de la section générale et de la section du fonds d'épargne, le projet se révèle finalement plus modeste et je dois d'ailleurs dire qu'il n'aurait même pas pu voir le jour sans la détermination de nos rapporteurs spéciaux.

À ce stade, j'ai trois interrogations.

Les rapporteurs spéciaux nous indiquent que la convention entre l'AFD et la CDC devrait être signée en décembre, mais sera-t-elle soumise à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ?

Le besoin en fonds propres de l'AFD est estimé à 2,5 milliards d'euros d'ici à 2020. Quel est l'échéancier de mise en place de ces fonds ? Surtout, cette enveloppe est-elle basée sur le périmètre actuel des engagements de l'Agence ou sur une projection incluant ses interventions futures et les ambitions qu'elle est censée porter ?

Enfin, le projet d'intégration de l'AFD ne correspondait pas seulement à un besoin de recapitalisation, il visait aussi à éviter que cet outil, qui relève de la souveraineté nationale, se retrouve sous le contrôle de l'autorité européenne de régulation basée à Francfort. Où en est-on de ce point de vue ?

M. Marc Laménie . - Les rapporteurs spéciaux peuvent-ils nous donner des précisions sur le statut juridique, la gouvernance et le nombre d'employés de l'AFD ? De la même manière, quel est le rôle d'Expertise France dans ce schéma ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Comme le relève Michel Bouvard, nous sommes en effet très loin du projet initial de rapprochement, avec une AFD complètement intégrée à la CDC, dont elle constituerait le troisième pilier. Cette solution demandait d'importantes modifications législatives et il aurait fallu définir la responsabilité de chaque entité par rapport aux créances de l'autre. C'est pourquoi une version allégée a été retenue, qui met en oeuvre une convention entre les deux institutions. L'augmentation des fonds propres vise à résoudre le problème de la limite d'intervention de l'AFD dans certains pays, où elle a atteint le plafond d'encours possibles, mais le volume prévu devrait aussi lui permettre de faire face à l'augmentation de ses engagements. Nous devrons vérifier cela lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative.

Plus généralement, l'AFD est un établissement public industriel et commercial, dont Yvon Collin et moi-même sommes d'ailleurs membres du conseil d'administration. Elle a par ailleurs le statut d'établissement de crédit mais devrait prochainement se transformer en une société de financement, qui relèvera par conséquent du contrôle prudentiel de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et non plus de l'autorité européenne. L'objectif est que ce changement de statut soit opérationnel au premier semestre 2017.

M. Michel Bouvard . - Nous échappons donc au contrôle européen ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Oui. Cela dit, les règles prudentielles sont les mêmes, que l'organisme financier soit contrôlé au niveau national ou européen. Mais il est vrai que l'AFD est un établissement particulier du fait de son champ d'intervention et des objectifs qu'elle poursuit, et qu'il est juste qu'elle soit placée sous contrôle national.

Marc Laménie m'interroge sur la gouvernance de l'AFD : l'État y joue un rôle très important. Nous avons rencontré le nouveau directeur général et avons passé en revue les questions qui se posent, notamment en termes de pilotage des objectifs, l'augmentation souhaitée des encours devant aller de pair avec la mise en oeuvre des projets concernés. L'Agence devra en particulier être attentive au suivi des pays les plus fragiles : il est plus facile d'augmenter massivement les encours dans les pays émergents, et répondre ainsi aux objectifs affichés, que de s'engager fortement dans ceux qui ont peut-être des besoins plus importants.

M. Maurice Vincent . - Je souhaite également remercier les rapporteurs pour leur travail, notamment en ce qui concerne le projet de rapprochement entre l'AFD et la CDC. L'examen de la convention mentionnée n'est pas encore prévu à l'ordre du jour de la commission de surveillance, mais je pense que cet examen est nécessaire, et je ne doute pas qu'il sera conduit.

Même si le processus se révèle plus complexe que prévu, le rapprochement entre les deux organismes me semble très positif. Nous avançons dans la bonne direction mais devrons rester attentifs au bon déroulement des étapes à venir, tant dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative que pour celles qui interviendront après les élections de 2017...

En tout cas, l'orientation choisie doit permettre à la France de mettre en place une meilleure capacité d'intervention à l'international, ce que j'appelle de mes voeux.

M. Daniel Raoul . - À la lecture de la note de présentation qui nous a été distribuée, il me semble que les rapporteurs spéciaux pourraient indiquer, comme le montrent les différents graphiques, que les dépenses d'APD n'ont pas seulement diminué durant le quinquennat, mais bien depuis 2011.

Vous proposez d'adopter les crédits de la mission et du compte spécial. Cela concerne-t-il la version qui devrait être adoptée par l'Assemblée nationale ou celle du projet de loi initial ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Nous votons ici sur les crédits de la mission, qui n'ont pas encore été examinés en séance par l'Assemblée nationale. S'ils devaient être modifiés, nous modifierons éventuellement notre position. Nous pourrons faire le point le 24 novembre, lors de l'examen définitif de l'équilibre des missions. Par ailleurs, nous sommes favorables à la proposition de l'Assemblée nationale d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD. Je vous rappelle cependant qu'en 2016, le Parlement avait voté une augmentation de même montant, qui se soldera finalement, en exécution, par un montant de 20 millions d'euros seulement...

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Il est vrai qu'il est encore un peu tôt pour savoir ce que décidera finalement l'Assemblée nationale, mais nous ne voulons pas que ce qu'il s'est passé en 2016 se reproduise en 2017 !

Je précise, pour compléter la réponse de Fabienne Keller, que l'AFD emploie environ 1 800 personnes, dont 1 200 recrutées par contrat en France métropolitaine et 600 environ en contrat local. Plus de 700 personnes sont en poste en agence à l'étranger ou en outre-mer.

Le rapprochement entre les deux structures vise aussi à créer des synergies entre les réseaux de la CDC et ceux de l'AFD. Ainsi, l'Agence pourra bénéficier du réseau de la Caisse des dépôts en France, ce qui doit permettre de mieux travailler avec les collectivités territoriales qui mettent en oeuvre des actions de développement via la coopération décentralisée. Et à l'étranger, nous pourrons nous appuyer sur un « pavillon France » pour être collectivement plus efficaces.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Pour répondre à la remarque de Daniel Raoul, nous pourrions tout à fait modifier la formulation du rapport, mais il y a une logique à faire le bilan du quinquennat.

De ce point de vue, je rappelle que l'aide publique au développement française atteint 0,36 % du RNB, soit la moitié du taux des Britanniques... Nous sommes loin du compte ! Je signale d'ailleurs qu'au Royaume-Uni, il existe un consensus politique très large sur la nécessité d'obtenir ce niveau d'APD. Nous pourrions nous en inspirer !

Alors que nous sommes confrontés à la question des migrations, si nous n'accompagnons pas les pays du sud, dont la démographie va doubler en trente ans, nous ne pourrons pas limiter la pression à long terme. Car même si le revenu global de ces pays augmente, le revenu par personne est appelé à diminuer, ce qui aggravera le phénomène. Nous devons donc nous engager pour demain ! C'est en favorisant le développement endogène que l'on contiendra la pression migratoire.

M. Claude Raynal . - Vous nous dites que l'Allemagne fait plus que la France, mais la France est un pays qui cherche à rééquilibrer ses comptes, pas l'Allemagne. On ne peut donc pas les comparer aussi facilement. Pour redresser les comptes, il faut trouver des économies. Si ce n'est sur telle politique publique, ce sera sur telle autre. Laquelle ?

J'ajoute que la France fournit un effort de défense considérable, qui profite à l'Europe, ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne, dont il n'est pas illogique que l'effort en matière d'aide au développement soit plus important. Les choses doivent être considérées dans leur ensemble. Dans la période compliquée que nous traversons, chacun doit prendre sa part !

Mme Michèle André , présidente . - Le rapport qui vient de nous être présenté fait apparaître combien il est important de mettre en lumière les évolutions démographiques dans le monde. Il me semble que notre commission pourrait tenter, peut-être au début de 2017, après cette période chargée, de porter un regard prospectif sur ces évolutions, afin d'éclairer les grands enjeux d'avenir.

Dans le cadre de mes travaux à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, j'ai été frappée du nombre important d'enfants qui, en Afrique, ne sont pas déclarés à l'état civil dans leur propre pays et se trouvent de ce fait, au sens strict, sans papiers. C'est un phénomène inquiétant.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Cette proposition est tout à fait pertinente et des auditions pourraient nous apporter des éclairages fort utiles. Je rappelle que, dans le cadre de la délégation à la prospective du Sénat, j'ai publié, en 2012, un rapport sur le défi alimentaire à l'horizon 2050, qui abordait déjà un certain nombre de ces questions.

Je reviens à une question qui nous a été posée tout à l'heure, relative à la saisine de la commission de surveillance sur la convention entre l'AFD et la CDC. À notre initiative, la rédaction de l'article 52 bis de la loi « Sapin 2 » précise explicitement que la commission de surveillance doit rendre un avis à ce sujet. Vous voyez que nous n'avons rien oublié !

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Certes, comme le rappelle Claude Raynal, l'heure est aux économies budgétaires, mais je signale tout de même que, parmi les missions de l'État, c'est l'aide publique au développement qui a le plus diminué en 2015. Or, je ne suis pas certaine que cela constitue réellement une économie, car l'aide au développement est bien plutôt un investissement. L'argument du redressement budgétaire n'est pas recevable ; soyons-y attentifs : les budgets qui concernent le long terme sont toujours les plus pénalisés dans ces périodes...

Dans notre rapport de l'an passé, nous avons mis en avant le fait que l'Allemagne déploie une aide technique très importante, considérablement supérieure à la nôtre, et est attentive aux synergies qui peuvent exister avec l'industrie. Le modèle de l'Agence allemande de coopération technique, la GiZ, est, de ce point de vue, très bien pensé. Les études n'y sont pas sous-traitées ; elles sont produites en interne, et fort bien adaptées, ce faisant, aux capacités de réponse industrielle allemandes. Ainsi, l'aide au développement peut aussi se concevoir comme un outil d'accompagnement pour d'autres politiques.

Comme la présidente de la commission, je crois que nous devons nous placer dans la perspective démographique et je signale, à mon tour, un intéressant rapport de la délégation à la prospective, celui de Jean-Pierre Sueur relatif aux villes du futur, qui apporte de précieux enseignements sur les phénomènes de concentration urbaine.

Enfin, je rejoins également Michèle André sur le problème des enfants sans identité. Alors qu'on a l'image d'une société africaine inclusive, dans laquelle les solidarités familiales jouent à plein, nous avons été frappés, lors d'un déplacement à Dakar, par le nombre des enfants dans cette situation. Croiser les différents regards et les grandes tendances, y compris dans les pays émergents, doit aussi nous aider à rester pleinement présents dans le jeu économique. La force inertielle de la démographie est telle qu'elle permet de prévoir ce qu'il en sera en 2050. Voyez le problème que cela pose à l'Allemagne...

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - La remarque de Fabienne Keller sur l'importance de l'aide technique en Allemagne rejoint une question - qui ne nous a pas été posée cette année... -, celle de l'aide liée. L'idée étant que les entreprises françaises puissent bénéficier de l'aide au développement consentie par la France. Or, le principe veut que l'aide ne soit pas liée, à l'exception de certains dispositifs très concessionnels et limités. Pour autant, cela ne nous interdit pas de réfléchir aux moyens de mieux flécher notre aide, comme le font nos voisins d'outre-Rhin...

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.


* 1 Fabienne Keller et Yvon Collin, Pour un rapprochement ambitieux de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations , rapport d'information n° 532 (2015-2016), 6 avril 2016.

* 2 Article 52 bis du projet de loi n° 691 (2015-2016) relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, introduit au Sénat en première lecture à l'initiative des rapporteurs spéciaux (article 153 dans le texte définitif adopté par le Parlement mais non encore promulgué).

* 3 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 4 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques 2012-2017.

* 5 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques 2011-2014.

* 6 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques 2014-2019.

* 7 Pour plus de détail sur ces annonces, voir le rapport spécial de la mission « Aide publique au développement » de vos rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2016 (rapport n° 164 (2015-2016) - annexe 4).

* 8 Fabienne Keller et Yvon Collin, Pour un rapprochement ambitieux de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations, rapport d'information n° 532 (2015-2016), 6 avril 2016.

* 9 Projet de loi n° 691 (2015-2016) relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 10 Article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 11 Décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement pris en application de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 instaurant une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

* 12 24° du I de l'article 47 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 13 Article 5 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 14 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 modifiant l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 15 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 16 Sous réserve d'une erreur technique qui a conduit nos collègues députés à fixer à 270 millions d'euros le plafond du produit de TTF affecté à l'AFD, en oubliant de supprimer l'abrogation (28° du I de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017) de l'article 43 de la loi de finances pour 2016 qui affecte 25 % de la TTF à l'AFD. En d'autres termes, en l'état, il n'y aurait aucune taxe affectée à l'AFD, le plafond n'impliquant pas à lui seul une telle affectation.

* 17 Fabienne Keller et Yvon Collin, Financements climat : n'oublions pas les pays les plus pauvres , rapport d'information n° 713 (2014-2015), 30 septembre 2015.

* 18 Les bonifications de prêts en outre-mer ne correspondent pas à de l'aide publique au développement et relèvent, depuis 2010, de la mission « Outre-mer » (les CP correspondent exclusivement à des engagements antérieurs).

* 19 Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, Sahel : repenser l'aide publique au développement , rapport d'information n° 728 (2015-2016), 29 juin 2016.

* 20 Voir notamment Anaïs Le Gouguec, L'Afrique aura-t-elle besoin d'une nouvelle initiative « Pays pauvres très endettés » , in Trésor-Éco n° 164, mars 2016.

* 21 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 22 Voir commentaire de l'article 52 quinquies .

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