PREMIÈRE PARTIE - LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

I. ANALYSE DE LA MISSION

1. Une augmentation des crédits qui ne respecte pas la programmation pluriannuelle

Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » s'élèvent à 573,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 571,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , soit une hausse de 4,1 % en AE et de 1,8 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

La comparaison avec le projet de loi de finances pour 2016 fait apparaître non une augmentation, mais une diminution de 3,1 % en AE et 5,1 % en CP car la dotation budgétaire initialement prévue en faveur de France Télévisions, d'un montant de 40,5 millions d'euros, a été supprimée au cours de la discussion. Depuis 2016, plus aucun des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public ne transite via la mission « Médias, livre et industries culturelles » 1 ( * ) . Ceux-ci sont intégralement financés par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », désormais alimenté par la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) 2 ( * ) .

L'architecture de la mission prend en compte cette disparition des dotations en faveur de l'audiovisuel public : le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » a été supprimé 3 ( * ) . La mission « Médias, livre et industries culturelles » ne se compose plus que de deux programmes :

- le programme 180 rebaptisé « Presse et médias » , qui outre les crédits dédiés à la presse (Agence France-Presse et aides directes à la presse écrite), retrace les crédits consacrés au soutien aux médias de proximité, à l'expression radiophonique locale et à la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT), anciennement portés par les programmes 313 et 334 ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » , qui comprend notamment la subvention pour charges de service public des deux bibliothèques de la mission 4 ( * ) , ainsi que les crédits à destination des industries culturelles (musique et cinéma en particulier).

Changement d'architecture de la mission
en projet de loi de finances pour 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Compte tenu de la disparition anticipée de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions dès 2016 et de la redistribution au sein de la mission des actions restantes, ce changement de maquette ne modifie pas le périmètre de la mission.

Les crédits sont désormais répartis à part quasiment égale entre deux programmes, avec 294,3 millions d'euros consacrés au programme 180 « Presse et médias » et 276,9 millions d'euros au programme 334 « Livre et industries culturelles » (en CP).

Répartition des crédits entre les programmes de la mission « Médias, livres et industries culturelles », dans le projet de loi de finances pour 2017

571,2 M€

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

À périmètre constant , les crédits du programme 180 « Presse et médias » sont en hausse de 2,35 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui s'explique principalement par l'augmentation de 5 millions d'euros de la dotation accordée à l'Agence France Presse (AFP) et de 1,7 million des crédits consacrés au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) , les aides à la presse conservant un montant identique.

Les crédits alloués au programme 334 « Livre et industries culturelles » sont également en hausse . Ils marquent une variation plus importante en autorisations d'engagement (6,1 %) qu'en crédits de paiement (1,3 %), principalement pour des raisons liées à l'avancement du chantier de rénovation et d'aménagement du site Richelieu (« Quadrilatère Richelieu »).

Par ailleurs, la budgétisation 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » présente une hausse de 3,3 % par rapport aux crédits initialement programmés dans le cadre de l'annuité 2017 du triennal 2015-2017 tel que défini par la loi de programmation des finances publiques 5 ( * ) .

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et
industries culturelles » en PLF 2017 par rapport à l'annuité 2017
du budget triennal 2015-2017 à périmètre courant

(en millions d'euros)

Source : réponses de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Les écarts entre les montants de crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2017 et ceux initialement programmés sont principalement dus :

- en programme 180 « Presse et médias » , à la revalorisation de 5 millions d'euros de la dotation allouée à l'AFP au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général, à la création d'un fonds doté de 5 millions d'euros pour soutenir l'émergence de l'innovation dans le secteur de la presse et à l'accroissement des moyens alloués au FSER (+ 1,5 million d'euros) ;

- en programme 334 « Livre et industries culturelles » , à la réévaluation de la dotation accordée à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et au renforcement des dotations de la BnF et de la Bpi pour prendre en compte la revalorisation du point d'indice et la hausse des dépenses liées aux mesures de sécurité à prendre à la suite des attentats de 2015.

Les crédits budgétaires inscrits en loi de finances ne représentent toutefois qu'une petite part de l'effort public en faveur des médias, du livre et des industries culturelles. Il faut y ajouter les dépenses fiscales et les taxes affectées rattachées à la mission (cf. supra ), qui échappent à toute programmation.

La politique de soutien à l'industrie du livre et du cinéma en régions
en cours d'évaluation

En mai 2016, une évaluation de la politique de soutien à l'industrie du livre et du cinéma en régions a été lancée dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). Cette évaluation est conduite sous la coordination de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires culturelles.

Elle a pour but de dresser un état des lieux des différents soutiens de l'État en régions et en particulier d'analyser la pertinence de la répartition des aides et de leur ciblage au regard de ses objectifs . Elle vise également à analyser la cohérence dans la répartition des rôles entre l'État et les collectivités territoriales et entre les administrations centrales et les établissements publics nationaux, notamment en vue d'améliorer la lisibilité et l'accessibilité des aides pour les usagers-bénéficiaires.

Elle portera en particulier :

- sur les contrats territoires-lecture lancés en 2010 par le Centre national du livre (CNL) qui devraient être au nombre de 120 fin 2016 ;

- et les conventions triennales de coopération cinématographique et audiovisuelle signée entre l'État (DRAC), le CNC et les collectivités territoriales , dont 25 régions (soit la totalité des régions de métropole et trois d'outre-mer), 14 départements, l'eurométropole de Strasbourg et la ville de Paris.

2. Le cinéma, principal bénéficiaire des dépenses fiscales

Les dépenses fiscales rattachées à la mission marquent une hausse importante de 41 %, avec un montant global évalué à 476 millions d'euros , contre 337 millions pour l'année 2016 6 ( * ) . Ce renchérissement avait été anticipé l'année dernière 7 ( * ) et est principalement la conséquence du renforcement des dispositifs en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle votés en deuxième loi de finances rectificative pour 2014, puis en loi de finances initiale pour 2016 8 ( * ) . Les crédits d'impôts en faveur du cinéma représentent près de 60 % des dépenses fiscales rattachées à la mission .

Le crédit d'impôt cinéma est désormais ouvert à certaines oeuvres en langue étrangère. En outre, l'ensemble des oeuvres cinématographiques tournées en langues françaises, ainsi que les films d'animation et les fictions dites à forts effets visuels peuvent à présent bénéficier d'un taux majoré à 30 % . Enfin, le plafond du crédit d'impôt pour une même oeuvre a été porté à 30 millions d'euros , contre 4 millions d'euros précédemment.

Dépenses fiscales principales sur impôts d'État rattachées à la mission
« Médias, livre et industries culturelles » en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

La principale dépense fiscale en faveur de la presse est l'application d'un taux « super-réduit » de TVA de 2,10 % , qui, depuis 2014 est également applicable à la presse en ligne 9 ( * ) , ce qui a suscité l'envoi d'un courrier de mise en demeure de la part de la Commission européenne. Ce contentieux semble être en bonne voie de règlement, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes, Pierre Moscovici, ayant annoncé qu'il allait proposer « dans les semaines qui viennent l'inscription de la presse en ligne et des livres électroniques sur la liste des produits à taux réduit. Un livre, qu'il soit en papier ou non, reste un livre. Cette décision, très attendue par nos médias, lèverait le contentieux entre la Commission et la France » 10 ( * ) . Cette dépense est estimée à 165 millions d'euros , la part liée à la presse en ligne étant évaluée à 5 millions d'euros.

Le taux réduit de TVA applicable au livre

Contrairement au taux « super-réduit » de TVA de 2,10 % appliqué à la presse, le taux réduit de TVA de 5,5 % appliqué au livre 11 ( * ) n'est pas classé comme dépense fiscale, mais comme une règle générale 12 ( * ) . Sous réserve d'une estimation plus précise par la direction de la législation fiscale, la DGMIC évalue le coût de cette mesure à 200 millions d'euros par an par rapport au taux intermédiaire relevé à 10 % à compter du premier janvier 2014 13 ( * ) .

La logique qui conduit à considérer le taux réduit de TVA en faveur de la presse comme une dépense fiscale, et non celui appliqué au livre, semble difficile à comprendre . L'explication qui figure dans les documents budgétaires est la suivante :

« En principe, sont traitées comme des règles générales les dispositions qui, pour l'ensemble des contribuables visés, contribuent à rendre supportable cet impôt sur la consommation ou qui ont pour effet de préserver l'accès de tous à certains produits ou services. C'est le cas des taux réduits de TVA destinés non à stimuler un secteur ou un comportement, mais visant la consommation de certains produits de base. »

Les autres dépenses fiscales en faveur de la presse présenteraient un coût inférieur à 0,5 million d'euros 14 ( * ) . Cette évaluation pourrait évoluer de manière marginale. La proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias qui vient d'être votée de manière définitive par l'Assemblée nationale 15 ( * ) étend la réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse créée par la même loi (relèvement des plafonds, extension aux sociétés d'amis ou de lecteurs, extension des journaux éligibles).

Enfin, il convient de mentionner la réduction d'impôt accordée aux particuliers pour les dons effectués à des associations qui soutiennent les entreprises de presse (amendement « Charb ») votée dans le cadre de la loi sur la modernisation de la presse 16 ( * ) . La réduction d'impôt sur le revenu est égale à 66 % du montant des dons et versements aux associations d'intérêt général 17 ( * ) exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse, par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou encore de prêts bonifiés à des entreprises de presse d'information politique et générale au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts, dans la limite de 20 % du revenu imposable.

3. Des crédits budgétaires largement dépassés par les taxes affectées

Deux organismes rattachés à la mission, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et le Centre national du livre (CNL), bénéficient de taxes affectées qui ne transitent pas par le budget général de l'État . Ces taxes sont estimées à 704 millions d'euros pour 2017 18 ( * ) , soit un montant bien supérieur aux crédits budgétaires de la mission. 96 % des taxes affectées le sont au profit d'une CNC.

Évolutions des principales taxes affectées de la mission depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations de recettes », annexés aux projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2017

Les deux taxes affectées au CNL sont plafonnées . La taxe sur l'édition des ouvrages de librairie à hauteur de 5,3 millions d'euros et la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression à hauteur de 29,4 millions d'euros 19 ( * ) . Toutefois, seul un reversement dans le budget général de l'État est intervenu depuis la mise en place du plafonnement . Il a concerné la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression. 0,2 million d'euros ont été reversés au budget général en 2012.

Les taxes affectées au CNC ne sont pas plafonnées . Les dispositions du projet de loi de finances pour 2017 n'introduisent aucun plafonnement à venir, par exception au principe fixé à l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques 20 ( * ) .

Évolutions des principales taxes affectées au CNC depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations de recettes », annexés aux projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2017

Un amendement au projet de loi de finances pour 2017 de la commission des finances de l'Assemblée nationale envisageait de créer une septième taxe affectée au CNC, la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, en prévoyant cette fois-ci un plafond de 70 millions d'euros 21 ( * ) . Il a été rejeté en séance.


* 1 Hors un reliquat de 237 139 euros en faveur de France Télévisions.

* 2 Article 302 bis KH du code général des impôts.

* 3 En projet de loi de finances pour 2015, le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » a déjà été supprimé. La mission passe de quatre à deux programmes en l'espace de deux ans.

* 4 Bibliothèque nationale de France (BnF) et Bibliothèque publique d'information (Bpi).

* 5 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Les montants ont été retraités par le ministère pour prendre en compte les transferts.

* 6 Pour mémoire, en 2016, cinq dépenses fiscales ont été rattachées à titre principal au programme 334 « Livre et industries culturelles », soit les crédits d'impôts en faveur de la production cinématographique, audiovisuelle et phonographique et des SOFICA.

* 7 Voir le rapport n° 164 (2015-2016), tome III - Annexe 19, page 15.

* 8 Article 111 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Cet article a lui-même modifié l'article 77 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014

* 9 Article 298 septies du code général des impôts, tel que modifié par loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

* 10 Audition devant la commission des finances du Sénat le 26 septembre 2016 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160926/fin.html#toc8

* 11 Article 278-0 bis du code général des impôts, modifié par l'article 28 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 12 Voir « Évaluation des voies et moyens », Tome II « Dépenses fiscales », annexé au projet de loi de finances pour 2017, page 10.

* 13 Et à 67,5 millions d'euros pour l'année 2013, première année de son application, lorsque le taux intermédiaire était de 7 %.

* 14 Signalé par « å » dans le tableau.

* 15 Loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

* 16 Loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse

* 17 Ou aux fonds de dotation conduisant les mêmes actions ; voir l'article 200 f bis ) et g) du code général des impôts.

* 18 Voir « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations des recettes », annexé au projet de loi de finances pour 2017.

* 19 Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 20 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Les taxes affectées devraient toutes être plafonnées à compter du 1 er janvier 2016.

* 21 Amendement n° I-302 (Rect).

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