B. UN OBJECTIF DE 60 % DES CRÉDITS DU PIA DÉDIÉ À LA « CROISSANCE VERTE » LARGEMENT SURESTIMÉ : UN MODE DE CALCUL PEU CONVAINCANT
Dans l'esprit du rapport précité de MM. Michel Rocard et Alain Juppé, qui invitait à ce que le « Grand emprunt » soit principalement dirigé, non seulement vers « l'économie de la connaissance », mais également vers « l'économie "verte" », le Gouvernement prévoit que 60 % des actions du PIA 3, soit 6 milliards d'euros, contribuent au développement durable et à la croissance verte.
Le projet annuel de performances indique les trois modalités qui devraient permettre d'atteindre ces trois objectifs :
- « financer des technologies nouvelles relatives à la transition énergétique, l'économie circulaire, la chimie verte, la préservation de la biodiversité, la maîtrise de la mobilité, l'amélioration du fonctionnement urbain ».
Bien entendu, des actions directement portées par l'Adème devraient entrer dans cette catégorie mais ne représentent au total que 1 des 10 milliards d'euros du PIA 3. Il s'agit du volet « démonstrateurs » de l'action 03 « démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » et action 05 « Accélération des écosystèmes d'innovation performants » du programme 422, pour un total de 850 millions d'euros, et de l'action 05 « Concours d'innovation » du programme 423 pour 150 millions d'euros.
Le projet annuel de performances cite également l'exemple de la première commercialisation de technologies dans le solaire ou l'aérien ou encore l'expérimentation d'un nouveau mode de livraison en milieu urbain.
Si d'autres actions pourraient également répondre à cet objectif de financement de technologies « vertes », par exemple dans le cadre de la valorisation de la recherche, il est difficile de s'en assurer a priori, la sélection des projets devant surtout retenir les projets les plus innovants et à fort potentiel :
- « imposer une éco-conditionnalité au soutien apporté aux projets, notamment dans l'industrie ». Le développement durable et la croissance verte seront susceptibles, lorsque les appels à projets le permettent, de figurer parmi les critères de sélection pour les jurys. Le Gouvernement espère ainsi que les candidats seront incités à « privilégier un processus de production qui a un impact plus significatif sur la réduction de consommation énergétique » ;
- « privilégier des projets qui contribuent indirectement aux économies d'énergie et au développement durable, lorsqu'il n'est pas pour autant possible d'en faire un déterminant objectif dans la sélection » .
Cette dernière modalité est particulièrement large et permettrait ainsi de répondre à l'exigence de « croissance verte » ou de participation de développement durable dès lors qu'un projet aurait pour conséquence, même indirecte, de réduire la production de papier ! Ainsi, le développement de ressources numériques à l'école pourrait entrer dans cette catégorie. De même, le projet annuel de performances cite le cas d'un supercalculateur ou d'un nouveau procédé de miniaturisation des puces électroniques qui entreraient dans la catégorie des dépenses contribuant à la « croissance verte » et au développement durable.
L'atteinte de l'objectif de 60 % d'actions destinées au développement durable et à la croissance verte apparaît totalement irréaliste compte tenu des caractéristiques du PIA 3.
Déjà, le PIA 2 prévoyait l'application d'un critère d'éco-conditionnalité pour l'attribution d'au moins 50 % des 12 milliards d'euros qui lui étaient affectés . Étaient ainsi retenues les actions ayant un lien direct ou indirect avec le développement durable.
Certes, l'éco-conditionnalité est effectivement prévue parmi les critères de sélection de certains projets et le Commissariat général au développement durable est membre de plusieurs comités de pilotage relatifs à des actions du PIA 2.
Pour autant, il semble peu vraisemblable que cet objectif de 50 % soit atteint , alors qu'un nombre important de projets ne peuvent être retenus , à l'instar, par exemple, des deux milliards d'euros consacrés à la défense et des 248 millions d'euros alloués au projet de réacteur nucléaire « Jules Horowitz »...
Interrogé sur ce critère en juillet 2016, le Commissariat général à l'investissement a indiqué qu'il n'y avait pas, à ce stade de « révision de l'objectif de 50 % d'éco-conditionnalité du PIA 2 » et qu'il « était encore un peu tôt pour [l'] évaluer dans la mesure où les engagements ont débuté en 2015 . » Il convient d'ailleurs de noter qu'il n'est aucunement fait mention du respect de ce critère dans le « jaune » budgétaire consacré à la mise en oeuvre des PIA et annexé au projet de loi de finances pour 2017.
Votre rapporteur spécial ne peut que regretter l'affichage d'un tel objectif qui est, dès l'origine, soit inatteignable, soit respecté uniquement grâce à un mode de calcul reposant sur des interprétations extensives et contestables.