II. DES OPÉRATEURS FORTEMENT MIS À CONTRIBUTION OU SOUS-DIMENSIONNÉS POUR FAIRE FACE À L'ACCROISSEMENT DE LEURS MISSIONS

1. Un nouvel opérateur qui devra faire ses preuves : l'Agence française pour la biodiversité

Créée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) sera mise en place au 1 er janvier 2017 afin d'être l'opérateur de référence d'appui sur les politiques de préservation, de gestion et de restauration de la biodiversité. Elle est issue de la fusion de quatre opérateurs :

- l'Agence des aires marines protégées (AAMP) et les parcs naturels marins ;

- Parcs nationaux de France (PNF) ;

- le groupement d'intérêt public « GIP » Atelier technique des espaces naturels (GIP ATEN) ;

- l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA).

La mise en place de l'AFB ne devrait pas conduire à une rationalisation d'ampleur des implantations géographiques puisque les services centraux de l'AFB seront répartis sur trois pôles, reprenant les sièges de l'ONEMA à Vincennes, de l'AAMP à Brest et du GIP ATEN et de PNF à Montpellier 31 ( * ) . De même, les implantations territoriales de l'AFB viendront remplacer celles de l'ONEMA.

Par ailleurs, la loi prévoit que l'AFB puisse créer, avec les régions, des agences régionales de la biodiversité, c'est-à-dire des structures partenariales pouvant mener des politiques en matière de biodiversité - par exemple des dispositifs d'éducation à la biodiversité ou des campagnes de communication dans les médias -, pouvant prendre des formes juridiques variées (établissement public, groupement d'intérêt public, etc.).

Les moyens mis à disposition de l'Agence paraissent suffisant .

En ce qui concerne les moyens budgétaires, l'Agence bénéficiera du transfert intégral des subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs qu'elle remplace, pour un montant de 34,55 millions d'euros . Par ailleurs, l'AFB bénéficiera des ressources fiscales qui étaient versées par les agences de l'eau à l'ONEMA pour un montant de 191 millions d'euros : la contribution à l'ONEMA, plafonnée à 150 millions d'euros, et le versement de 41 millions d'euros au titre du plan Ecophyto, prélevé sur le produit de la redevance pour pollutions diffuses perçu par les agences de l'eau. Au total, l'AFB bénéficiera d'un budget d'environ 220 millions d'euros.

S'agissant des moyens humains, le plafond d'emploi de l'AFB est fixé à 1 227 ETPT . L'Agence bénéficiera des personnels issus des établissements qu'elle regroupe mais également de 45 nouveaux postes créés pour tenir compte de l'élargissement des missions de l'Agence par rapport aux structures existantes, notamment sa gestion des parcs naturels marins. En raison du faible nombre de regroupements, il n'y aura pas de mobilités géographiques forcées d'agents. La mise en place de l'AFB semble s'opérer de façon relativement peu conflictuelle, même si un nombre important d'agents (environ 20 %) a profité de la redéfinition des fiches de poste pour demander une requalification catégorielle

La création de l'AFB pose toutefois la question de l'articulation de ses missions avec les autres établissements qui agissent sur les milieux naturels , en particulier l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et les agences de l'eau. D'après le directeur d'installation de l'AFB, Christophe Aubel, des discussions sont engagées avec l'ONCFS afin de mutualiser à terme les services départementaux des deux organismes : ces services sont déjà regroupés sur un même site dans une vingtaine de départements, ils se situent dans la même ville dans une vingtaine de départements et sont dans des villes différentes dans le reste des départements. Par ailleurs, la question de l'articulation des missions de l'AFB avec les agences de l'eau, dont les missions ont été récemment élargies à la protection de la biodiversité aquatique, se pose.

En tout état de cause, l'année 2017 sera une année d'installation et de « rodage » avant qu'une feuille de route et une nouvelle stratégie ne soient définies à partir de 2018. La question des moyens de l'AFB pourrait alors se poser, notamment pour faire face aux nouvelles missions que lui a confiées la loi. 32 ( * )

2. Des opérateurs trop fortement mis à contribution : le Cérema et les agences de l'eau
a) Une baisse des moyens de fonctionnement du Cérema difficilement soutenable

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif, créé le 1 er janvier 2014 et regroupant onze services de l'État 33 ( * ) .

Le Cérema est un centre de de ressources et d'expertise scientifique et technique qui accompagne les politiques développées par le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer (MEEM) et le ministère du logement et de l'habitat durable (MLHD). Il fournit son appui d'ingénierie et d'expertise sur des projets pluridisciplinaires d'aménagement, de transition énergétique, de gestion des ressources naturelles, de mobilité ou encore de prévention des risques à l'État ainsi que, de manière plus subsidiaire, aux collectivités territoriales ainsi qu'aux acteurs locaux.

Lors de sa création, un protocole d'accord a été signé entre les ministères de l'écologie et du logement et l'ensemble des organisations syndicales qui garantissaient au Cérema la stabilité de ses moyens budgétaires et humains au cours de ses deux premières années d'existence, en 2014 et 2015.

Mais dès l'année 2016, le Cérema a vu ses moyens fortement réduits avec une baisse de 108 ETPT de son plafond d'emplois et la réduction de sa subvention pour charges de service public (SCSP) de 7,9 millions d'euros. L'année 2017 marque la poursuite de cette restriction budgétaire, la subvention de l'État devant s'élever à 213,2 millions d'euros, en baisse de 2 % par rapport à 2016 34 ( * ) . Mais surtout, il est prévu de supprimer 125 ETPT supplémentaires, sur un total de 2 950 emplois, ce qui représente une baisse d'effectifs de 4,2 %.

Évolution des effectifs du Cérema

(en ETPT)

2014

2015

2016

2017

PLF

Emplois autorisés

Sous plafond

3 155

3 152

3 024

2 899

Hors plafond

3

4

10

15

Emplois réalisés sous plafond

3 088

3 064

2 980

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Le Cérema est confronté à une équation impossible . Malgré la baisse des effectifs, la masse salariale de l'établissement ne diminue que légèrement, du fait des mesures catégorielles et de la revalorisation du point de la fonction publique. En conséquence, comme l'a indiqué le directeur général du Cérema, Bernard Larrouturou, à votre rapporteur spécial, la subvention de l'État baisse plus vite que la masse salariale ; ainsi, le volume de subvention disponible pour développer les activités de l'établissement hors masse salariale s'est réduit de 21 à 7 millions d'euros entre 2015 et 2016.

Une préoccupation majeure concerne donc la capacité du Cérema à pouvoir investir dans le développement de ses activités , notamment en direction des collectivités territoriales 35 ( * ) , dans le renouvellement de son parc d'équipements techniques vieillissant, et l'évolution de ses missions vers davantage d'appui technique à la transition énergétique, au développement durable des territoires et à la lutte contre le changement climatique.

Le plan de développement des activités procurant des ressources propres, défini dans le cadre du projet stratégique adopté par le conseil d'administration en avril 2015, est nécessaire, mais il ne pourra vraisemblablement pas suffire à compenser la baisse de la subvention opérée par ailleurs.

Cette réduction drastique des moyens de fonctionnement du Cérema pourrait porter atteinte à la pérennité des activités développées par l'établissement , et risquerait de créer une perte dommageable de compétences techniques et de la capacité d'appui de l'établissement auprès des services de l'État et des collectivités.

b) Les agences de l'eau : un nouveau prélèvement de 175 millions d'euros malgré l'élargissement de leurs compétences aux questions de biodiversité

Les six agences de l'eau sont des établissements publics administratifs qui organisent la planification et le financement des politiques de l'eau, afin de préserver les ressources en eau et d'assurer un bon état des eaux. Leur cadre d'intervention est assuré par le dixième programme d'intervention 2013-2018.

Les agences de l'eau ne bénéficient pas de subventions de l'État, mais sont directement financées des taxes redevances affectées 36 ( * ) , dont le montant est plafonné à 2,3 milliards d'euros.

L'article 32 de la loi de finances pour 2015 a prévu un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l'eau de 175 millions d'euros par an de 2015 à 2017 (soit 525 millions d'euros sur trois ans) 37 ( * ) .

Ce prélèvement obère les moyens des agences pour effectuer les investissements nécessaires. Si elle ne remet pas en cause les fondements des interventions des agences prévues, notamment celles qui sont nécessaires pour garantir le respect des exigences communautaires dans le domaine de l'eau fixées par la directive-cadre sur l'eau (DCE), cette ponction affecte les projets les moins prioritaires, dans le domaine de l'eau potable ou de l'assainissement.

Or cette mesure intervient alors même que les missions des agences de l'eau ont été élargies dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 38 ( * ) , qui prévoit notamment que les agences de l'eau peuvent apporter une aide financière aux personnes publiques et privées pour leurs actions d'intérêt commun visant une gestion équilibrée et durable non seulement de la ressource en eau, mais également du milieu marin et de la biodiversité. Certaines agences de l'eau ont ainsi lancé des « initiatives biodiversité » afin de mobiliser les collectivités territoriales et les entreprises et de faire émerger des projets d'investissement.

Lors de la réunion du comité national de l'eau du 4 octobre 2016, les présidents des comités de bassin ont contesté le maintien du prélèvement de 175 millions d'euros prévu en 2017 compte tenu des nouvelles missions attribuées en matière de biodiversité.

Lors de son audition par votre rapporteur spécial, la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature a d'ailleurs indiqué que l'extension du champ de compétences des agences de l'eau à la biodiversité rendrait un tel prélèvement plus difficile à réaliser les prochaines années. Mais c'est bien dès 2017 qu'il conviendrait de supprimer, ou à défaut de réduire le montant de ce prélèvement .

3. Des opérateurs qui ne sont pas assez dotés pour faire face à l'évolution de leurs missions : l'ADEME et l'ASN
a) Les ressources de l'ADEME sont maintenues mais sont insuffisantes pour atteindre les objectifs de la loi « transition énergétique »

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est un établissement public à caractère industriel et commercial qui participe à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les domaines de l'environnement, de l'énergie et du développement durable.

En 2017, l'ADEME voit son budget consolidé par rapport aux années précédentes ; le produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui lui est affecté reste stable, à 448,7 millions d'euros 39 ( * ) . Outre les recettes de cette taxe affectée, l'agence bénéficie de ressources propres, qui proviennent de subventions contractualisées avec des tiers (Union Européenne, État, collectivités territoriales), des ventes de biens et services (formations, colloques, éditions) et de produits divers de gestion.

Évolution des moyens de l'ADEME en 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015
(Exécuté)

2016
(Budget initial)

TGAP affectée

448,7

448,7

Subvention pour charges de service public (SCSP)

0

0

Ressources propres

59,3

28,9

Total

508

477,6

Source  réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Toutefois, le fonds de roulement de l'agence a fortement diminué sous l'effet du plafonnement des recettes et des prélèvements opérés successivement (dont 100 millions d'euros en 2016). Le montant du fonds de roulement est actuellement d'environ 10 millions d'euros et devrait être épuisé à la fin de l'année 2017. Or, ce fonds de roulement permet à l'opérateur de faire face au décalage entre les dépenses engagées et la perception des recettes de TGAP, versée par les redevables entre avril et mai .

En conséquence, le fonds de roulement ne sera pas suffisant, en 2017, pour compenser ce décalage. D'après le président de l'ADEME, Bruno Lechevin, l'agence devra donc diminuer les avances qu'elle effectue dans le cadre de ses programmes d'aide afin d'économiser 40 à 50 millions d'euros, en plus de prendre d'autres mesures exceptionnelles de trésorerie. On atteint ici les limites de la logique du « rabot » qui a prévalu s'agissant de la contribution des opérateurs à la maîtrise des dépenses publiques .

Du point de vue de l'évolution des effectifs, l'ADEME a été plutôt préservée par rapport aux autres opérateurs. En effet, alors que le triennal 2015-2017 prévoyait une réduction de 19 ETPT par an, cette baisse n'a été que de 7 ETPT en 2015 et de 9 ETPT en 2016 (afin notamment de tenir compte du surcroît d'activité lié à la gestion d'enveloppes du programme d'investissements d'avenir). La réforme territoriale et la création de nouvelles régions a conduit l'ADEME à repenser son organisation territoriale. Les directions régionales ont été fusionnées mais il n'y a pas eu de fermetures de sites.

Cependant, la stagnation des ressources de l'ADEME paraît contradictoire avec la volonté d'accroître les missions et les aides versées par l'agence dans le cadre du développement de la chaleur renouvelable et de la politique de prévention et de valorisation des déchets.

(1) L'annonce du doublement du fonds « chaleur » d'ici 2017 ne connaît aucune traduction budgétaire

À travers les crédits du fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Le soutien à chaleur renouvelable constitue le principal poste de dépense de l'ADEME, pour un montant de 221 millions d'euros en 2017.

Principaux postes de dépense de l'ADEME en 2017

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides pouvant être versées (par exemple via l'éco-prêt à taux zéro) ; les installations biomasses de grande taille dans les secteurs agricole et tertiaire, mis en place dans le cadre des appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Depuis sa création en 2009, le fonds « chaleur » a permis de soutenir un nombre important de projets : 1,4 milliard d'euros ont été engagés entre 2009 et 2015 afin de soutenir plus de 3 600 opérations d'investissement (dont 47 % des projets de production de chaleur à partir de la biomasse bois et 36 % de soutien aux réseaux de chaleurs).

Toutefois, ce fonds parait sous dimensionné au regard des objectifs . En effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à 38 % de la consommation final de chaleur d'ici 2030 et de multiplier par cinq la quantité de renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid. Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe par ailleurs des objectifs intermédiaires en 2018 et 2023 ambitieux 40 ( * ) .

Contrairement à l'année 2014, la totalité des crédits du fonds ont été engagés en 2015 41 ( * ) et sont en voie de l'être en 2016. Malgré cela, les bilans des années 2015 et 2016 montrent que les réalisations sont inférieures aux objectifs en termes de production de chaleur renouvelable. Ainsi, le septième appel à projet BIACT a permis, en 2015, de soutenir 11 nouvelles installations produisant 77 000 tonnes d'équivalent pétrole (tep) par an, soit un montant inférieur à l'objectif initial de 125 000 tep.

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

(prévision)

2017

(prévision)

Fonds « chaleur »

231

206

165

216

220

221

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Afin de soutenir le développement de la production de chaleur renouvelable, la ministre de l'environnement avait annoncé le doublement du budget du fonds « chaleur » pour atteindre 420 millions d'euros d'ici 2017 42 ( * ) , de même que son élargissement à de nouveaux projets.

Cette annonce n'a pas été traduite par une augmentation des moyens alloués à l'ADEME dans le présent projet de loi de finances . Si le doublement du fonds peut paraître difficile à atteindre à court terme, compte tenu de la difficulté qu'il y a à trouver des projets à financer, du fait notamment du faible prix des énergies fossiles et de la tonne de CO 2 qui n'incite pas les industriels à investir dans des énergies thermiques renouvelables, son augmentation est un signal nécessaire pour encourager le développement de cette filière.

(2) La politique « déchets » dans l'attente d'une réforme de la TGAP

L'ADEME a également pour mission d'accompagner la politique « déchets » de l'État.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LETCV) a, là aussi, fixé des objectifs ambitieux de diminution de 10 % des déchets ménagers et assimilés par habitant par an d'ici 2020, d'atteinte de 55 % de valorisation de l'ensemble des déchets non dangereux ménagers et industriels d'ici 2020 et de division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025.

L'ADEME intervient au travers des crédits du fonds « déchets » - dont le montant prévisionnel est de 189 millions d'euros en 2017 - en soutenant les collectivités territoriales dans la définition et la mise en place de leurs plans et programmes locaux de prévention, en apportant des aides à l'investissement au recyclage des déchets ménagers, industriels et du BTP.

Évolution des montants engagés par le fonds « déchets » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

(prévision)

2017

(prévision)

Fonds « déchets »

103

153

218

203

185

177

191

194

189

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Là encore, l'adoption de la LETCV n'a pas conduit à une augmentation des moyens alloués à l'ADEME pour permettre d'accompagner les opérations de prévention et de valorisation des déchets . Cependant, après avoir été repoussée plusieurs fois, le Gouvernement pourrait proposer une réforme de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets (TGAP « déchets ») dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016. Cette réforme nécessaire pourrait reprendre une grande partie des orientations arrêtées par le comité pour la fiscalité écologique dans son avis du 10 juillet 2014.

L'avis du comité pour la fiscalité écologique sur la fiscalité des déchets et le financement de l'économie circulaire

Le comité pour la fiscalité écologique (CFE), renommé en janvier 2015 comité pour l'économie verte, a été créé le 18 décembre 2012 afin de formuler des avis sur les mesures fiscales écologiques proposées par le Gouvernement et de faire des propositions.

Dans un avis du 10 juillet 2014, le comité a fait des propositions de réforme de la fiscalité des déchets, articulées autour de quatre volets :

1) Le développement de la tarification incitative pour financer le service public des déchets municipaux : le CFE propose d'accélérer la tarification incitative, c'est-à-dire l'introduction dans le financement par l'usager du service municipal de collecte et de traitement des déchets une part variable qui reflète la quantité de déchets qu'il produit, afin qu'elle concerne 15 millions d'habitants en 2020 et 25 millions en 2025. Pour cela, le comité propose de renforcer les incitations économiques via une augmentation des aides de l'ADEME aux collectivités.

2) Une révision de la TGAP sur les installations de traitement des déchets (stockage et incinération) : le CFE propose une trajectoire d'augmentation du taux de TGAP entre 2016 et 2025, passant de 40 euros par tonne à 48 euros par tonne, ainsi qu'une réduction du nombre de réfactions, c'est-à-dire les réductions du taux de TGAP appliqué aux installations présentant des performances environnementales et de valorisations plus élevées

3) Le développement éventuel d'une taxe « amont » sur les produits non soumis à des programmes de responsabilité élargie du producteur (REP) : le CFE propose de réfléchir à développer une fiscalité incitative « amont » sur les produits non couverts par une REP, pour que le signal prix ne concerne pas seulement les produits faisant déjà l'objets d'efforts en matière de recyclage et d'écoconception.

4) Un taux réduit de TVA sur la prévention des déchets et la valorisation matières : le CFE propose de fixer le taux de TVA sur les activités de prévention, de collecte, de tri et de recyclage des déchets à 5 %, contre 10 % actuellement.

(3) Les moyens des programmes d'investissements d'avenir (PIA) au service de la transition énergétique

Lors de la mise en place du premier programme d'investissements d'avenir (PIA) en 2010, l'ADEME s'est vue confier quatre actions pour un montant initial de 2,85 milliards d'euros. Sur ce montant, 200 millions ont été prélevés au profit de la BPI, 150 millions ont été redéployés vers le fonds « Écotechnologies ADFEME-BPI France » dédié aux PME et deux redéploiement sont intervenus en 2013 et 2014 pour un montant de 370 millions d'euros.

Crédits du PIA 1

(en millions d'euros)

Actions

Budget initial

BPI

Fonds « Écotechnologies »

Redéploiements 2013-2014

Budget final

Véhicules du futur

1 000

- 50

- 30

0

920

Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

1 350

- 75

- 88

- 270

917

Tri et valorisation des déchets, dépollution, écoconception de produits

250

- 40

- 16

- 50

144

Réseaux électriques intelligents

250

- 35

- 75

- 75

149

Total

2 850

- 200

- 150

- 370

2 130

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

La mise en place du PIA 2, prévu par la loi de finances pour 2014, a conduit à ouvrir 1,1 milliard d'euros supplémentaires sur deux programmes « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » et « Véhicules et transports du futur », qui se sont substitués aux programmes précédents 43 ( * ) et ont fait l'objet de trois redéploiements minorant l'enveloppe de 410 millions d'euros.

Crédits du PIA 2

(en millions d'euros)

Actions

Budget initial

Redéploiements 2014-2015-2016

Budget final

Véhicules et transports du futur

300

- 210

90

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

800

- 200

600

Total

1 100

- 410

690

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Des montants très substantiels des PIA gérés par l'ADEME ont donc été redéployés vers d'autres programmes, ce qui peut notamment s'expliquer par la difficulté qu'il y a pu y avoir à trouver des projets à financer par appel d'offre.

D'après le président de l'ADEME, l'ensemble des engagements des PIA 1 et 2 devrait être terminé d'ici mi-2017 . Dans le cadre du PIA 3 proposé 700 millions d'euros sont prévus pour le volet « Démonstrateurs de recherche de la transition énergétique et écologique » 44 ( * ) .

b) Une hausse des moyens humains de l'ASN qui pourrait être insuffisante à terme

Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est assuré par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) , autorité administrative indépendante financée à titre principal par le programme 181 « Prévention des risques » 45 ( * ) , qui bénéficie d'un appui technique assuré par l'institut de sûreté nucléaire et de radioprotection (IRSN) financé par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

Les moyens budgétaires et humains de l'ASN ont été relativement stables ces dernières années, comme en témoigne le tableau ci-dessous, avant qu'une inflexion apparaisse à partir de 2015. Une augmentation des moyens humains de l'ASN a été décidée sur le triennal 2015-2017 . En effet, l'ASN fait face à une charge plus lourde compte tenu  du renforcement de la sûreté du parc nucléaire français suite à l'accident de Fukushima, du vieillissement des centrales nucléaires et de l'instruction des demandes de prolongation de leur fonctionnement, de la mise en service du réacteur EPR sur le site de Flamanville ou encore du développement du projet d'enfouissement CIGEO.

Évolution des moyens budgétaires et humains de l'ASN
financés par le programme 181

2012

2013

2014

2015

2016

2017

(prévision)

Moyens budgétaires

(en millions d'euros)

58,05

58,28

59,17

59,19

59,87

62,6

Moyens humains

(en ETPT)

Plafond d'emplois autorisés

361

363

363

375

392

422

Personnels mis à disposition

102

104

105

95

88

-

Total

463

467

468

470

480

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit ainsi un schéma d'emplois positif de 30 ETPT l'année prochaine. L'ASN et l'IRSN demandaient, pour faire face à ces charges accrues, un renforcement de leurs moyens de 160 ETPT sur le triennal 2015-2017.

Afin d'évaluer les besoins réels de ces établissements, une mission inter-inspection a été constituée. Le rapport 46 ( * ) , paru en décembre 2015, juge cette demande est excessive. D'après la mission, « les besoins réellement justifiés de l'ASN et de l'IRSN peuvent être évalués entre 14 et 25 ETP pour la première et 31 pour le second. En conséquence, si 13 ETP supplémentaires seraient nécessaires à l'IRSN pour répondre à ses besoins en matière d'appui technique pour la sûreté nucléaire, la décision d'affecter 30 ETP à l'ASN pour le triennal 2015-2017 permet non seulement de couvrir ses demandes avérées mais également, le cas échéant, de dégager une réserve comprise entre 5 et 16 ETP, de nature à faire face aux besoins que la mission estime aujourd'hui insuffisamment justifiés mais dont la nécessité pourrait être démontrée à l'avenir ».

Cependant, l'évolution des charges de l'ASN pourrait conduire à faire apparaître des besoins supplémentaires . Comme l'indique la mission inter-inspection, « un réexamen sera nécessaire début 2017 afin d'évaluer à nouveau les besoins au vu de l'évolution du contexte et des progrès d'efficience des deux organismes » 47 ( * ) .


* 31 Le seul regroupement envisagé concerne les services du GIP ATEN, de PNF et de l'AAMP situés à Montpellier.

* 32 Le rapport de la mission de préfiguration de l'Agence française pour la biodiversité du 25 juin 2015 indiquait : « les moyens budgétaires et humains des quatre organismes qui vont être intégrés à l'Agence ne pourront pas suffire pour les mission qui sont attendues de celle-ci Les préfigurateurs précédents avaient estimé en 2013 que les besoins supplémentaires s'élevaient à 200 millions d'euros par an pour le budget de l'Agence et à autant pour le soutien aux acteurs de la biodiversité, estimations qui ne paraissent pas devoir être remises en cause ».

* 33 Les huit centres d'études techniques de l'équipement (Cete), le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu), le centre d'études techniques, maritimes et fluviales (Certmef) et le service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Setra).

* 34 La subvention pour charges de service public représente environ 85 % des ressources de l'opérateur.

* 35 Le projet stratégique du Cérema fixe à 5 % en 2016 et 7 % en 2017 la part de la subvention pour charges de service public (SCSP) mobilisable par l'établissement pour développer de nouvelles actions de partenariat et d'innovation en direction des collectivités territoriales, avec pour objectif d'atteindre un montant d'au moins 10 % en 2020.

* 36 Taxe pour obstacle sur les cours d'eau, taxe pour stockage d'eau en période d'étiage, taxe pour la protection du milieu aquatique, redevance pour pollutions diffuses, Redevances pour pollution de l'eau et redevance pour modernisation des réseaux de collecte.

* 37 Ce montant est réparti, chaque année, entre les agences de l'eau au prorata de leur part respective dans le produit total prévisionnel pour l'année concernée des redevances pour atteintes aux ressources en eau mentionnées à l'article L. 213-10 du code de l'environnement.

* 38 Article 29 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 39 Ce montant correspond au montant de taxe affectée plafonné par la loi de finances initiale pour 2012 - en conséquence, le reliquat de TGAP reversé au budget général est de 49,9 millions d'euros. L'ADEME ne bénéficie plus de subvention pour charges de service public depuis 2015.

* 40 Voir le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

* 41 En 2015, 216 millions d'euros de crédits ont été engagés et ont soutenu 378 opérations d'investissement permettant de générer 252 ktep par an de production thermique renouvelable.

* 42 Communiqué de presse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 21 avril 2015.

* 43 Le programme « Véhicules et transports du futur » s'est substitué au programme « Véhicule du futur » et le programme « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » s'est substitué aux actions « Démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte », « Économie circulaire » et « Réseaux électriques intelligents ».

* 44 Voir le projet annuel de performances « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2017.

* 45 Outre le programme 181, les moyens budgétaires de l'ASN se répartissent sur les programmes 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer », 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » et 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

* 46 IGF, CGEDD et CGE, « Le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection », décembre 2015.

* 47 Ibid.

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