EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 octobre 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia, sur le projet de loi n° 863 (2015-2016) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Autriche relatif au statut juridique des personnels de l'armée fédérale autrichienne au cours de leur séjour dans la collectivité territoriale française de Guyane.
M. Robert del Picchia , rapporteur . - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif au statut juridique des personnels de l'armée autrichienne au cours de leur séjour en Guyane dans le cadre d'échanges militaires entre nos deux pays.
Avant de vous présenter cet accord de 4 articles, d'une portée, somme toute assez limitée, quelques mots sur la coopération militaire franco-autrichienne et l'armée autrichienne.
Je vous rappelle que l'Autriche est un pays neutre militairement depuis l'adoption, une fois l'indépendance retrouvée, de la loi constitutionnelle du 26 octobre 1955. Sa neutralité ne l'a pas empêchée d'adhérer à toutes les organisations internationales, dont l'ONU, en 1955, et l'Union européenne, en 1995, ni de jouer un rôle de médiateur dans diverses situations de conflits et de tensions (Est-Ouest ou Israël- Pays arabes), ni même encore de participer à de nombreuses missions de maintien de la paix (Congo, Chypre, Suez, Golan, ex-Yougoslavie). Dans les années 1990, l'Autriche a autorisé le survol de son territoire par les avions de la coalition internationale pour frapper l'Irak et a reconnu les décisions obligatoires prises par le Conseil de sécurité de l'ONU. L'Autriche est un partenaire neutre de l'OTAN qui a signé, le 10 février 1995, le document cadre du Partenariat pour la paix (PpP) de l'OTAN, ce qui lui permet de coopérer avec l'Alliance, sans en devenir membre. D'ailleurs, à cet égard, s'il y avait un référendum sur la question d'une adhésion pleine et entière à l'OTAN, « le non » l'emporterait. De fait, l'Autriche participe au spectre complet des opérations du PpP, même si l'envoi de soldats autrichiens à l'étranger ne peut se faire que dans le cadre exclusif de missions placées sous l'égide d'organisations internationales et est soumis à l'autorisation préalable du Parlement - très difficile à obtenir en dehors du théâtre d'opérations traditionnelles des Balkans, du fait de l'opposition très forte de l'extrême droite et des verts à tout engagement extérieur.
La coopération militaire franco-autrichienne est modeste mais diversifiée. La France est avec l'Allemagne et l'Italie, un des trois pays avec lesquels l'Autriche veut concentrer sa coopération. La coopération « terre » porte principalement sur des actions de formation dans le cadre du semestre international de Saint-Cyr et de l'École de guerre et des échanges d'expertise ou des stages dans le domaine du combat en montagne. La coopération « air » consiste en un échange entre les écoles de formation de pilotes de chasse. Une coopération s'est également établie entre les services de santé et commence à se formaliser dans le domaine des affaires civilo-militaires, où les compétences autrichiennes sont particulièrement reconnues. On notera également que les militaires autrichiens font preuve d'un intérêt grandissant pour les problématiques de sécurité sur le continent africain et qu'en réponse à l'invocation par la France, en novembre 2015, de l'article 42.7 du Traité de l'Union européenne qui exige la solidarité des États membres en cas d'attaque extérieure sur le territoire de l'un d'eux, Vienne a légèrement renforcé sa présence en République centrafricaine et a proposé une mise à disposition de 100 heures de vol de C-130 utilisables dans le cadre de missions de l'ONU et de l'Union Européenne, dont les modalités n'ont pas encore été finalisées dans un arrangement technique.
Enfin, l'armée autrichienne compte environ 55 000 hommes et repose sur la conscription, à laquelle les Autrichiens, qui sont environ 8 millions, restent très attachés. Sur les 21 000 militaires d'actives, seuls 2 200 d'entre eux sont des professionnels. 24 000 hommes proviennent de la réserve active. Depuis les attentats de novembre 2015, la crise migratoire et le réveil de l'opinion qui s'en est suivi, le nouveau ministre de la défense Hans Peter Dokosil, nommé en janvier 2016, a décidé de renforcer l'outil de défense avec une nouvelle organisation des forces armées et une modernisation des équipements et infrastructures au cours de la période 2016-2020. Le budget de la défense devrait ainsi passer de 0,58 % du PIB en 2015 à 0,81 % du PIB en 2020 et les forces d'intervention de 2 200 à 6 000 soldats professionnels.
Venons-en à l'accord proprement dit. Il a pour objet de conférer un statut juridique protecteur aux forces autrichiennes présentes sur le territoire guyanais : la France est partie au traité de l'Atlantique Nord sur le statut des forces de 1951, dit SOFA OTAN, ainsi qu'à la Convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participants au Partenariat pour la paix de 1995, dit SOFA PpP. L'Autriche, quant à elle, n'est partie qu'au SOFA PpP, qui renvoie à l'application du SOFA OTAN dans les relations entre les forces armées françaises et autrichiennes, lorsque celles-ci se trouvent sur le territoire métropolitain des parties. En l'absence d'un accord spécifique, comme celui qui vous est soumis, il n'est pas possible d'appliquer le SOFA OTAN sur le territoire de la Guyane, situé hors du territoire métropolitain et hors du champ d'application géographique du SOFA OTAN, limité aux territoires situés au nord du Tropique du Cancer. Dans ces conditions, les membres des forces armées autrichiennes qui se trouvent en Guyane sont exclusivement soumis aux lois et règlements en vigueur sur le territoire de la République française. Faisant suite à la demande des autorités autrichiennes en 2010 et alors même qu'il n'y a jamais eu d'incident grave, le présent accord vise à combler cette lacune et à permettre aux membres des forces armées autrichiennes de bénéficier du statut du SOFA PpP, et donc par le jeu des renvois, du statut SOFA OTAN, qui leur octroie notamment les traditionnels privilèges diplomatiques en matière de juridictions s'ils commettent des infractions, des exonérations fiscales ou douanières, le bénéfice de règles protectrices concernant les dommages commis ou subis ainsi qu'un certain nombre de facilités dans l'accomplissement de leurs missions comme celles relatives au port d'arme, de l'uniforme et à la reconnaissance du permis de conduire.
Cet accord répond à un besoin ciblé : celui des stagiaires de l'armée autrichienne en Guyane. Il a en effet vocation à s'appliquer aux quelques élèves-officiers autrichiens - une quinzaine depuis 2006 - envoyés en échange, dans le cadre du semestre international de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan, pendant le stage de 2 semaines d'aguerrissement en milieu jungle qu'ils effectuent au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE), situé à Régina sur les rives du fleuve Approuague, en Guyane, une des 4 « écoles de la jungle » reconnues internationalement. Ce stage, qui prépare aux opérations extérieures, notamment en Afrique, permet aux membres des forces armées de mieux se connaître et facilitent l'interopérabilité entre les armées sur le théâtre d'opérations extérieures.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Il s'agit du premier accord portant sur le statut des forces étrangères pendant leur séjour en Guyane avec un État participant au Partenariat pour la paix. Parfaitement compatible avec les engagements internationaux de la France, il aura des conséquences très limitées sur le plan financier, juridique et administratif, compte tenu du peu de personnes concernées. Les autorités autrichiennes ont fait savoir que leur procédure d'approbation parlementaire était achevée.
L'examen en séance publique devrait avoir lieu le jeudi 10 novembre 2016, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
À la fin de la présentation du rapporteur, un court débat s'est engagé.
M. André Trillard . - Je me réjouis de cette convention mais je me demande si ces militaires autrichiens viennent en France à titre gratuit ou à titre onéreux.
M. Robert del Picchia , rapporteur . - Ces échanges d'élèves officiers de l'armée française et de l'armée autrichienne constituent des « opérations blanches ». C'est la même chose que lorsque l'on envoie des militaires français s'entraîner au combat dans les montagnes autrichiennes.
À l'issue de ce débat, la commission, suivant la proposition du rapporteur, a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité. Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, elle a autorisé la publication du présent rapport synthétique.