II. POURSUIVRE LE TRAVAIL DE PERSUASION AUPRÈS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR LA PROPOSITION DE LOI
S'agissant de la proposition de loi, votre commission a souhaité, en revanche, prolonger le dialogue avec l'Assemblée nationale, en espérant qu'elle puisse revenir sur sa position et reprendre, lors de la lecture définitive, des amendements du Sénat sur le texte. Deux points de divergence demeurent sur ce texte, au terme de son adoption en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Dans un relatif consensus et sans que le Gouvernement s'y oppose en séance publique, les députés ont rétabli la réduction d'un an à six mois la durée de prise en compte des dépenses et recettes dans les comptes de campagne pour les élections locales et nationales - à commencer par les élections législatives - ( article 1 er A de la proposition de loi ) après avoir maintenu, pour la seule élection présidentielle, une durée d'un an ( article 6 de la proposition de loi organique ). Comme en première lecture, votre rapporteur constate que cette disposition est, en violation de l'article 45 de la Constitution, sans lien, même indirect, avec le texte en discussion. Dès son dépôt, la proposition de loi contenait des dispositions relatives à plusieurs élections mais qui avaient toutes pour point commun de s'appliquer également, par l'entremise de l'article 12 de la proposition de loi organique, à l'élection présidentielle. Tel n'est pas le cas de cette disposition qui, si elle mérite réflexion sur le fond, n'a pas sa place dans la présente proposition de loi. À cet égard, le changement par la commission des lois de l'Assemblée nationale de l'intitulé de la proposition de loi, au profit d'un intitulé plus général, est sans effet sur cette appréciation.
Pour ces raisons, votre commission a adopté un amendement COM-3 de suppression de l'article, présenté par son rapporteur.
A l'opposé, prenant argument des délais contraints d'examen de ce texte - en raison de la procédure accéléré qu'il avait pourtant engagé -, le Gouvernement s'est opposé, en séance publique, aux modifications proposées par le Sénat sur l'encadrement et le contrôle des sondages électoraux ( article 2 ter de la proposition de loi ). Alors que sa commission des lois avait maintenu, contre l'avis de sa rapporteure, ces dispositions, l'Assemblée nationale, en séance publique, les a supprimées en adoptant un amendement gouvernemental.
Or, le Sénat avait, en première lecture, unanimement souhaité traduire les recommandations de nos collègues Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur dans leur rapport d'information d'octobre 2010, en limitant les dispositions introduites à la méthodologie des sondages d'opinion ainsi qu'au contrôle exercé par la Commission des sondages, étant entendu que les sondages visés sont ceux en lien, direct ou indirect, avec « le débat électoral » 6 ( * ) . À l'inverse de l'article 1 er A, l'article 2 ter était donc en lien avec le texte discuté puisque les modifications de la loi du 19 juillet 1977 s'appliqueraient, comme d'autres dispositions du texte, à l'ensemble des élections, y compris donc l'élection présidentielle. Elles s'appliqueraient même au premier chef à cette élection, la prochaine dans le calendrier électoral et celle pour laquelle les sondages jouent, au regard de leur fréquence et de leur reprise, un rôle éminent au cours de la campagne.
L'Assemblée nationale n'a donc pas retenu cette rédaction qui avait pourtant recueilli l'assentiment de sa commission des lois le 1 er juin 2011. Adoptant un amendement COM-4 de son rapporteur et un amendement COM-1 de notre collègue Jean-Pierre Sueur , votre commission a rétabli ces dispositions. Toutefois, dans une approche constructive, elle a modifié la rédaction de première lecture afin de prendre en compte les observations techniques que le Gouvernement avait fait valoir en séance publique devant notre assemblée.
Ainsi, à la différence de la rédaction initiale, le caractère représentatif de l'échantillon n'est plus mentionné comme un élément de définition du champ d'application de la loi - qui aurait pour effet d'exclure de ce champ les sondages non représentatifs - mais comme une règle s'imposant aux sondages dès lors qu'ils entreraient dans la définition prévue au premier alinéa de l'article 1 er de la loi du 19 juillet 1977.
Par souci de clarté, ces règles s'appliqueraient aux sondages répondant à la définition retenue par l'article 1 er de la loi du 19 juillet 1977, quelle que soit leur dénomination, le législateur privilégiant ainsi une définition matérielle à une approche formelle des sondages.
Enfin, le champ d'application de la loi est précisé par référence au principe de territorialité de la loi française. Le critère retenu pour l'application de la loi est que le sondage électoral serait porté à connaissance du public (diffusion, publication, etc.) sur le territoire national, sans référence à la « nationalité » de l'organe d'information.
Dans le même esprit, l'interdiction de publier, diffuser ou commenter un sondage sur une élection générale ne serait pas applicable à l'élection des députés en Polynésie française et à l'étranger. En effet, ces élections sont, par exception, organisées, le deuxième samedi précédant le tour de scrutin en métropole, soit huit jours avant 7 ( * ) . Appliquer cet embargo dès l'organisation de ces tours de scrutin pour l'ensemble du territoire national conduirait à porter une atteinte excessive à la liberté de communication, la Cour de cassation ayant jugé qu'une durée d'une semaine avant le scrutin violait la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 8 ( * ) .
Par cohérence, votre commission a également rétabli, par l'adoption de l' amendement COM-5 de son rapporteur , l'intitulé initial de la proposition de loi, dès lors que les dispositions qu'elle contenait s'appliquaient toutes à l'élection du Président de la République.
*
* *
Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 6 Il est d'ailleurs fait référence à ces sondages d'opinion, à l'article 4 de la proposition de loi organique, pour l'appréciation du principe d'équité dans l'accès des candidats à l'élection présidentielle aux médias audiovisuels pendant la « période intermédiaire ».
* 7 Articles L. 330-11 et L. 397 du code électoral.
* 8 Cour de cassation, 4 septembre 2001, n° 00-85329.