B. UNE NETTE AMÉLIORATION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE EN 2015
L'année 2015 a été marquée par une nette amélioration du contexte économique 22 ( * ) , qui s'est notamment caractérisé par un rebond de l'activité dans la zone euro ; pour autant, en dépit de ces facteurs favorables, la croissance s'est révélée moins dynamique en France . Malgré cela, dans son dernier avis 23 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que l'hypothèse de croissance pour l'exercice en cours retenue par le Gouvernement, soit 1 %, était « prudente » et que la prévision d'inflation, de 0,1 %, était « réaliste ».
1. L'activité économique a bénéficié de vents favorables en 2015
Différents facteurs favorables ont concouru à un rebond de l'activité économique dans la zone euro en 2015, parmi lesquels figure notamment le recul du prix du pétrole , qui s'établissait en octobre dernier à 42,8 euros par baril de Brent en moyenne, en baisse de 37,8 % par rapport à son niveau d'octobre 2014, soit 68,9 euros. Dans un contexte marqué par le ralentissement de l'économie chinoise, cette tendance baissière a aussi concerné les autres matières premières, à l'instar des métaux ; par suite, la facture des importations de matières premières des pays européens s'en est trouvée réduite , accroissant tout à la fois le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises.
Selon une récente note de Coe-Rexecode 24 ( * ) , pour la France, la baisse des prix du pétrole aurait pour effet de réduire la facture pétrolière de 16 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année - à supposer que le cours du Brent demeure proche de son niveau moyen d'août 2015, soit 44,5 euros par baril 25 ( * ) . Ce recul de la facture pétrolière correspondrait alors à un surcroît de revenu disponible brut (RDB) des ménages de 6,2 milliards d'euros et à un supplément de consommation de 5,3 milliards d'euros - pour un taux d'épargne des ménages de 15 %. En outre, les marges des sociétés non financières seraient accrues d'environ 7 milliards d'euros .
À cela vient s'ajouter les effets de la politique monétaire active de la Banque centrale européenne (BCE) . En effet, celle-ci a, en janvier dernier, engagé un programme étendu d'achats d'actifs, prévoyant des rachats mensuels cumulés de titres des secteurs public et privé à hauteur de 60 milliards d'euros, qui a favorisé la baisse des taux d'intérêt au cours des derniers mois . Cette diminution a, en premier lieu, permis de réduire le coût de l'accès au financement des entreprises et des ménages , soutenant ainsi l'investissement et la consommation. En second lieu, la politique menée par la BCE a également eu pour conséquence de contribuer au recul du taux de change de l'euro . À titre d'illustration, entre le 1 er décembre 2014 et le 1 er décembre 2015, le taux de change de l'euro a reculé de 15 %, passant de 1,25 à 1,06 dollar pour un euro. Cette baisse de la monnaie européenne, en réduisant le prix des produits proposés par les entreprises de la zone euro à l'export, a permis de renforcer la compétitivité de ces dernières et, partant, les exportations . Aussi, selon l'Insee 26 ( * ) , sur l'ensemble de l'année 2015, les exportations accélèreraient (+ 4,8 % après + 3,9 % en 2014), et ce en dépit du ralentissement de l'économie mondiale.
Toutefois, en raison de l'atonie persistante de l'inflation
(cf.
infra
), le président de la Banque centrale
européenne, Mario Draghi, a annoncé, lors d'une conférence
intervenant à la suite de la réunion du Conseil des gouverneurs
du 3 décembre dernier, une diminution du taux de facilité de
dépôt de - 0,2 % à - 0,3 %
27
(
*
)
,
un allongement de la
durée du programme étendu d'achats d'actifs jusqu'en mars
2017
, au lieu de septembre 2016,
une extension du champ des
actifs susceptibles d'être acquis dans ce cadre aux titres de dette
émis par les collectivités territoriales
; de
même, il a été décidé de
«
réinvestir les remboursements du principal sur les
titres achetés dans le cadre [du programme étendu d'achats
d'actifs] lorsqu'ils arriveront à
échéance
»
28
(
*
)
- permettant d'accroître le quantum des
rachats de titres.
Dans ces conditions, la croissance devrait atteindre 1,5 % dans la zone euro en 2015 , selon le Gouvernement ; cette hypothèse est confortée par l'Insee, qui prévoit une hausse du PIB de 1,6 % tout en jugeant, par ailleurs, que « d'ici fin 2015, la zone euro résisterait encore aux turbulences provenant des économies émergentes » 29 ( * ) , prévision partagée par l'organisme de statistique italien (Istat) et l'institut allemand Ifo 30 ( * ) , ainsi que par le Consensus Forecasts de novembre qui anticipe une progression de l'activité de 1,5 %.
2. Une hypothèse de croissance de 1 % en 2015 « prudente »...
Bien que bénéficiant des mêmes facteurs favorables que les autres pays européens, la France affiche une reprise moins rapide de l'activité . Selon l'Insee, ce moindre dynamisme s'expliquerait « essentiellement du fait du recul de l'investissement en construction » 31 ( * ) . À cet égard, une récente étude publiée par la société Euler Hermes a estimé que le secteur de la construction connaîtrait de nouveau un recul de son activité de 1,6 % en 2015, soit une baisse cumulée de 20,4 % depuis 2008 32 ( * ) .
Après une interruption au deuxième trimestre 2015 , qui s'expliquerait essentiellement par le ralentissement des dépenses de consommation des ménages - par contrecoup sur les dépenses de chauffage - et de l'investissement, ainsi que par la baisse des stocks de matériels de transport et de produits pétroliers raffinés 33 ( * ) , la croissance a augmenté de 0,3 % au cours du troisième trimestre 34 ( * ) (cf. graphique ci-après).
Celle-ci a été, tout d'abord,
portée par la hausse de la demande intérieure
,
liée à l'accélération de l'investissement des
sociétés non financières (+ 0,7 %) et de la
consommation des ménages (+ 0,3 %), notamment en raison du
rebond des dépenses d'énergie (+ 1,6 % après
- 2,1 %) ; toutefois, l'investissement de ces derniers, en
logements, a continué à reculer (- 0,5 %). Par
ailleurs,
l'augmentation des stocks a contribué à hauteur
de 0,7 point à la croissance du PIB
, dont 0,4 point sont
à attribuer aux matériels de transport, sans doute du fait de
l'amélioration des perspectives dans le secteur automobile et celui des
autres matériels de transport entre les mois d'août et septembre -
dans un contexte d'amélioration du climat des affaires. À
l'inverse,
le solde extérieur a fortement pesé sur la
croissance
, le repli des exportations
(- 0,6 %
après + 1,9 %) s'ajoutant à l'accroissement des
importations (+ 1,7 % après + 0,5 %).
Graphique n°
3
: Évolution
du produit intérieur brut (PIB)
et contributions à cette
évolution
(en %, contributions en points)
Source : Insee (novembre 2015)
Quoi qu'il en soit, le PIB devrait poursuivre sa progression au dernier trimestre de l'année 2015 , l'Insee 35 ( * ) et la Banque de France prévoyant une croissance trimestrielle de 0,3 % 36 ( * ) - en baisse de 0,1 point par rapport à la prévision de la fin du mois de novembre en raison des attentats. Si la consommation en biens des ménages a marqué le pas en octobre dernier, reculant de 0,7 % 37 ( * ) , notamment du fait de la baisse des achats d'automobiles (- 3,4 %), l'hypothèse de croissance pour 2015 retenue par le Gouvernement ne semble pas remise en cause . En effet, à la fin du troisième trimestre, l'acquis de croissance 38 ( * ) atteignait déjà 1,1. Par ailleurs, cette hypothèse est confortée par les anticipations de la Commission européenne 39 ( * ) (+ 1,1 %), du Fonds monétaire international 40 ( * ) (+ 1,2 %), de l'OCDE 41 ( * ) (+ 1,1 %), ou encore du Consensus Forecasts de novembre (+ 1,1 %).
Aussi, dans son avis relatif au présent projet de loi 42 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a-t-il considéré que « la prévision de croissance de 1,0 % en 2015 [était] prudente ».
Tableau n° 4 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour la France de la Commission européenne, du FMI, de l'OCDE et du Consensus Forecasts
(évolution en %)
2015 |
2016 |
2017 |
2020 |
||
Commission européenne (1) |
PIB |
1,1 |
1,4 |
1,7 |
|
Prix à la consommation |
0,1 |
0,9 |
1,3 |
||
FMI (2) |
PIB |
1,2 |
1,5 |
1,9 |
|
Prix à la consommation |
0,1 |
1,0 |
1,7 |
||
OCDE (3) |
PIB |
1,1 |
1,3 |
1,6 |
|
Prix à la consommation |
0,1 |
1,0 |
1,2 |
||
Consensus Forecasts (4) |
PIB |
1,1 |
1,5 |
||
Prix à la consommation |
0,1 |
1,0 |
(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , nov. 2015.
(2) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.
(3) OCDE, OECD Economic Outlook , novembre 2015.
(3) Consensus Forecats , novembre 2015.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
3. ... et une prévision d'inflation « réaliste »
Tout au long de l'année 2015, l'inflation est restée atone . Ainsi, en octobre 2015, l'indice des prix à la consommation (IPC) affichait en France une progression sur un an de 0,1 % seulement, après deux mois de stabilité 43 ( * ) . De même, dans l'ensemble de la zone euro, l'inflation annuelle a été évaluée à 0,1 % par Eurostat en novembre dernier 44 ( * ) .
La faiblesse de l'inflation tant en France que dans les autres pays de la zone euro semble avant tout s'expliquer par le recul des prix de l'énergie . En effet, pour ce qui est de l'économie française, les prix de l'énergie avaient baissé, en octobre, de 6,1 % sur un an, essentiellement en raison de la nouvelle contraction des prix des produits pétroliers (- 13,6 %). Dans l'ensemble de la zone euro, les prix de l'énergie ont reculé de 8,5 % sur un an - la différence observée quant à l'ampleur de la diminution des prix de l'énergie en France s'expliquant par la moindre dépendance pétrolière de notre pays comparativement à ses partenaires européens.
L'inflation sous-jacente, soit hors énergie et autres composantes volatiles, s'est élevée à 0,7 % sur un an en octobre en France et à 1,1 % dans la zone euro . Toutefois, le niveau relativement bas de l'inflation sous-jacente semble indiquer que certaines spécificités de la zone euro exercent également des pressions désinflationnistes , au-delà de la seule baisse des prix de l'énergie.
En effet, d'autres phénomènes semblent contribuer à l'écrasement des prix, dont notamment la réappréciation du taux de change de l'euro , qui a atteint son point le plus bas en mars de cette année, au cours des derniers mois. À cet égard, les économistes de la société financière Oddo estimaient, en octobre, que « sur les six derniers mois, l'euro s'[était] renchéri d'environ 7,5 % face à un panier large comprenant 38 devises » 45 ( * ) . Par ailleurs, le faible dynamisme de l'activité - en particulier de la demande - dans la zone euro contribue aussi à l'apathie des prix , comme de la progression limitée des coûts unitaires salariaux , qui correspondent aux coûts unitaires de la main d'oeuvre rapportés à la productivité horaire du travail, dans un contexte de chômage élevé.
En tout état de cause, les prévisions d'inflation des différentes organisations internationales (cf. supra ) tendent à valider l'hypothèse gouvernementale d'évolution des prix à la consommation en 2015 , soit + 0,1 %. En outre, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé que cette hypothèse était « réaliste ».
* 22 Le contexte économique de l'année 2015 a fait l'objet d'une analyse approfondie lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 (cf. rapport n° 134 (2015-2016), op. cit., p. 10-17.
* 23 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-04 du 6 novembre 2015 relatif au projet de loi de finances pour 2016.
* 24 Coe-Rexecode, « Baisse des prix du pétrole : un impact non négligeable sur l'économie française en 2015 », À noter , 3 septembre 2015.
* 25 Le 1 er décembre 2015, le prix du baril de Brent était de 41,7 euros.
* 26 Insee, « La demande reste bien orientée, l'activité progresse par à-coups », Point de conjoncture , octobre 2015.
* 27 Le taux de la facilité de dépôt correspond au taux d'intérêt fixé par la Banque centrale européenne pour rémunérer les dépôts que font, à la banque centrale, les banques commerciales qui ont des excès de liquidité.
* 28 Conférence de presse du 3 décembre 2015 de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne [traduction de la commission des finances du Sénat].
* 29 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015, p. 3.
* 30 Ifo, Insee et Istat, « Recovery driven by domestic demand », Eurozone economic outlook , 6 octobre 2015.
* 31 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015, p. 5.
* 32 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.
* 33 Insee, « Stabilité du PIB au deuxième trimestre 2015 », Informations Rapides , n° 195, 14 août 2015.
* 34 Insee, « Au troisième trimestre 2015, le PIB augmente de 0,3 % », Informations Rapides , n° 275, 13 novembre 2015.
* 35 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015.
* 36 Banque de France, Conjoncture à fin novembre 2015 , 8 décembre 2015.
* 37 Insee, « En octobre 2015, la consommation des ménages en biens se replie (- 0,7 %) », Informations Rapides , n° 291, 27 novembre 2015.
* 38 L'acquis de croissance du PIB pour l'année en cours correspond au taux de croissance annuel qui serait observé si le PIB restait, jusqu'à la fin de l'année considérée, stable à son dernier niveau trimestriel observé.
* 39 Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , novembre 2015.
* 40 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.
* 41 OCDE, op. cit. , novembre 2015.
* 42 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-04 du 6 novembre 2015, op. cit.
* 43 Insee, « En octobre 2015, les prix à la consommation augmentent de 0,1 % sur un mois comme sur un an », Informations Rapides , n° 273, 12 novembre 2015.
* 44 Communiqué de presse 212/2015 d'Eurostat du 2 décembre 2015.
* 45 S. Poullennec, « Les économistes écartent une amplification du QE dès octobre », L'AGEFI Quotidien - Édition de 7 H , 20 octobre 2015.