EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UN TRANSFERT PAR ANTICIPATION DE LA BANDE DES 700 MHZ MOTIVÉ D'ABORD PAR DES CONSIDÉRATIONS BUDGÉTAIRES
A. UN TRANSFERT DE LA BANDE DES 700 MHZ RENDU NÉCESSAIRE PAR LE DÉVELOPPEMENT DE L'INTERNET MOBILE
1. Le besoin de nouvelles fréquences des opérateurs de télécommunication à l'horizon 2020
a) Une croissance du trafic Internet qui appelle plus de fréquences pour les télécommunications
Le développement de l'Internet mobile est aujourd'hui une réalité qui s'impose chaque jour davantage à mesure que les supports de réception se multiplient et que les usages se diversifient. Après les téléphones connectés et les tablettes, voici le temps des montres et des objets connectés et même, bientôt, celui des voitures connectées. On estime que le trafic mondial des données mobiles double chaque année et représente cinq fois le trafic vocal.
L'augmentation du volume de données échangées sur les réseaux de télécommunication est donc une certitude dans les années à venir même si, pour l'essentiel, cette hausse est aujourd'hui le fait des services de vidéo à la demande par abonnement qui occupent une part de plus en plus significative de la bande passante. Si, comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi déposée par MM. Bruno Leroux et Patrick Bloche et Mme Corinne Erhel « des fréquences nouvelles sont dès lors indispensables pour accompagner cette croissance » , rien n'indique qu'il y ait urgence, bien au contraire. C'est ainsi que Patrick Drahi, président directeur général du groupe Altice, a déclaré le 27 mai dernier qu'il allait « participer aux enchères parce (qu'il a) un devoir national et que (son) groupe a l'argent pour le faire ». Il estime cependant que « pour les 10 prochaines années il est sûr que SFR n'a pas besoin de fréquences supplémentaires » .
b) Une absence d'urgence qui ôte toute justification à un transfert précipité
Si le besoin de nouvelles fréquences pour les opérateurs de télécommunication est avéré, il doit se comprendre comme une nécessité de moyen terme, à l'horizon 2020 , afin de garantir le développement des nouveaux services qui pourront générer des externalités positives dans l'ensemble de l'économie puisque le développement de l'Internet mobile a de nombreuses répercussions sur la croissance économique. Ces nouvelles capacités permettront en particulier d'accompagner l'augmentation du trafic vidéo sur Internet qui croît à un rythme particulièrement dynamique avec le développement de la télévision à la demande par abonnement.
Dans ces conditions, le choix des modalités d'attribution des fréquences par l'État qui est déterminé en particulier par la perspective de pouvoir disposer d'une ressource budgétaire nouvelle doit également être analysé au regard des arbitrages inter temporels des autres acteurs du secteur.
2. La nécessité de moderniser les normes de la télévision numérique terrestre
a) Une généralisation du MPEG-4 indispensable à une meilleure gestion du spectre hertzien
Le transfert de la bande des 700 MHz au secteur des télécommunications suppose, au préalable, l'adoption de nouvelles normes pour la compression afin de permettre une gestion plus efficace du spectre hertzien. C'est le sens de cette proposition de loi qui organise la généralisation du MPEG-4 et accorde, en particulier, au pouvoir réglementaire et au CSA les pouvoirs nécessaires pour réorganiser les fréquences accordées au secteur de l'audiovisuel.
Alors que l'article 1 er de la proposition de loi habilite le pouvoir réglementaire pour modifier les normes techniques au cours de la période de validité des autorisations, l'article 3 permet au CSA de réorganiser les multiplexes tandis que l'article 4 permet au CSA de lancer des appels à candidatures pour tout standard de diffusion innovant de la TNT.
Un des intérêts de cette proposition de loi est donc aussi de prévoir les conditions des adaptations qui seront nécessaires pour adopter les futures normes sans nécessiter de nouvelles modifications législatives.
b) Un lancement éventuel en 2017 d'un 7e multiplexe dédié à l'ultra haute définition
Comme indiqué précédemment, l'article 4 de la proposition de loi permet au CSA de lancer des appels à candidatures pour tout standard de diffusion innovant de la TNT c'est-à-dire par exemple la ultra haute définition qui nécessitera à son tour l'adoption de nouvelles normes, le DVB-T2 pour la diffusion et le HEVC qui devrait prendre la suite du MPEG-4 pour la compression.
Toutefois, le développement de ces innovations est contraint par la nécessité de voir se développer les contenus disponibles en 4K afin de favoriser l'équipement des foyers en téléviseurs compatibles avec la norme HEVC. Un niveau d'équipement suffisant ouvrira alors la possibilité d'envisager l'extinction des normes DVB-T et MPEG-4.
Ainsi que l'a indiqué le président du CSA à votre rapporteure, le Conseil réfléchit au lancement d'un 7 e multiplexe, en 2017, dédié à l'ultra haute définition. Il apparaît toutefois que la réduction du spectre de fréquences disponibles pour l'audiovisuel constitue aujourd'hui une limite au basculement de l'ensemble des chaînes de la TNT en ultra haute définition, ceci d'autant plus que les opérateurs de télécommunications envisagent déjà un transfert à leur profit de la bande des 600 MHz.
Si l'impossibilité de faire migrer l'ensemble des chaînes de la TNT en format UHD se confirmait, il s'agirait ni plus ni moins qu'une forme de « condamnation à mort » pour la plateforme TNT. Sauf à acter cette perspective qui constituerait une très mauvaise nouvelle pour les groupes audiovisuels français qui bénéficient d'une forme d'avantage comparatif du fait de cette modalité de diffusion par rapport aux nouveaux acteurs de l'Internet en particulier, il serait utile d'envisager de nouvelles perspectives qui pourraient examiner, par exemple, la possibilité d'attribuer une partie de la bande III à l'audiovisuel. Cette bande de fréquences comprise entre 174 à 223 MHz était historiquement dédiée à l'audiovisuel en analogique et est aujourd'hui attribuée à la radio numérique terrestre. Dans la mesure où le passage au DAB+ de la RNT permettrait d'améliorer la gestion des fréquences, des opportunités pourraient se présenter pour favoriser le développement de l'ultra haute définition (UHD).
Or, une telle perspective est aujourd'hui rendue difficile par les modifications adoptées à l'Assemblée nationale à l'article 3 de la proposition de loi qui ont eu pour effet de retirer au CSA la possibilité de réorganiser les multiplexes de la RNT (article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986).