EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile (n° 566, 2014-2015).
Ce projet de loi, qui vise à remédier aux dysfonctionnements du dispositif d'asile, a pour ambition de réduire le délai de traitement des demandes d'asile dans le respect des nouvelles garanties accordées aux demandeurs par les directives européennes du « paquet asile » 1 ( * ) .
Examiné selon la procédure accélérée, ce projet de loi n'a fait l'objet que d'une seule lecture par l'Assemblée nationale puis par le Sénat avant la convocation d'une commission mixte paritaire. Celle-ci, réunie le 10 juin 2015, a constaté qu'elle ne pouvait élaborer un texte commun en raison d'un désaccord sur les moyens à mettre en oeuvre pour préserver le droit d'asile de tout dévoiement et pour assurer l'éloignement des personnes déboutées de leur demande d'asile.
Pourtant, les rapporteurs de chacune des chambres avaient conjugué leurs efforts afin de rapprocher les points de vue de nos deux assemblées sur un certain nombre de dispositions. Votre rapporteur se félicite d'ailleurs que, lors de la nouvelle lecture, Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale, se soit non seulement inspirée de certaines des propositions qu'il lui avait soumises lors de leurs échanges préalables à la réunion de la commission mixte paritaire, mais ait également appelé ses collègues députés à adopter conformes certaines dispositions introduites ou modifiées par le Sénat en première lecture.
Souhaitant poursuivre cette démarche constructive, votre commission a donc pris acte lors de l'établissement de son texte des points sur lesquels les deux rapporteurs s'étaient entendus. Elle a par ailleurs adopté des amendements susceptibles d'être repris par l'Assemblée nationale lors de sa lecture définitive afin d'améliorer encore certains dispositifs. Elle n'a cependant pas renoncé à certaines dispositions indispensables à la réussite de la réforme du droit d'asile : pour atteindre l'objectif d'un traitement plus rapide des demandes d'asile, le législateur ne peut faire l'économie de mesures à même de décourager les tentatives de détournement de la procédure d'asile à d'autres fins.
I. DES AVANCÉES RÉSULTANT D'EFFORTS CONJUGUÉS
À l'issue de la première lecture, cinq articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées. S'il s'agit pour deux d'entre eux de dispositions se bornant à modifier des intitulés ( articles 1 er et 11 ), les autres articles sont plus conséquents.
L' article 9 A tire les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'État en matière de demande d'asile en rétention. Il garantit ainsi à l'étranger le bénéfice d'une assistance juridique et linguistique pour formuler sa demande d'asile en rétention et prévoit la faculté de déposer une demande d'asile postérieurement au délai de cinq jours fixé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est motivée par des faits survenus après l'expiration de ce délai.
L' article 16 bis vise à inciter les communes à accueillir des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) sur leur territoire en prenant en compte les places dans ces centres pour le calcul du seuil minimum de logements locatifs sociaux imposé à certaines communes au titre de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU ».
L' article 22 , enfin, permet aux agents contractuels de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'accéder à la fonction publique par l'intermédiaire de voies d'accès réservées.
En dépit de l'échec de la commission mixte paritaire, la nouvelle lecture permet de faire émerger des convergences de vue entre les deux assemblées.
A. L'ADOPTION CONFORME PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, DE DISPOSITIONS INTRODUITES OU MODIFIÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
L'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, adopté sans modification six articles supplémentaires.
L'
article 1
er
bis
crée l'obligation de préciser dans le rapport sur les
orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et
d'intégration
- intitulé depuis 2014 «
Les
étrangers en France
» - le nombre d'étrangers
ayant obtenu le statut d'apatride et le nombre de demandes rejetées.
Introduit par l'Assemblée nationale, cet article n'avait fait l'objet
que de modifications rédactionnelles lors de son examen au
Sénat.
L' article 6 bis , introduit par votre rapporteur en première lecture, est relatif à la communication au procureur de la République des informations ayant conduit au rejet définitif d'une demande d'asile fondé sur une clause d'exclusion. Cette disposition est issue d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et figurait initialement à l'article 5. Elle avait été déplacée et réécrite par le Sénat de façon à bien en préciser la portée. L'Assemblée nationale a approuvé ces modifications.
L' article 9 B permet l'accès du délégué du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou de ses représentants aux lieux de rétention administrative. Introduit par votre rapporteur pour transposer l'article 10, paragraphe 3, de la directive « Accueil », cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.
L' article 14 ter inscrit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la faculté de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'une personne déboutée de sa demande d'asile ou ne bénéficiant pas du droit de se maintenir sur le territoire français durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Adopté par le Sénat à l'initiative du Gouvernement en séance publique, cet article a été adopté conforme par l'Assemblée nationale.
L' article 16 ter intègre les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) dans le périmètre de recensement du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux dit « RPLS ». Ce répertoire a pour objectif d'améliorer la connaissance du parc locatif social et d'alimenter l'inventaire « SRU ». Introduit par un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat, cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.
L' article 19 bis étend l'obligation de motivation des refus de visa aux membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire ou des apatrides, alignant ainsi le régime de la réunification familiale des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides sur celui des réfugiés. Adoptée à l'initiative de votre rapporteur, cette disposition a été entérinée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
* 1 Le « paquet asile » est composé de trois directives :
- directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dite directive « Qualification » ;
- directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dite directive « Accueil » ;
- directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, dite directive « Procédures ».