EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 22 juillet, sous la présidence de M. Jacky Le Menn, vice-président, la commission procède à l'examen, en nouvelle lecture, du rapport sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, dont M. Yves Daudigny est le rapporteur général.
M. Jacky Le Menn, vice-président . - Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, après l'échec de la CMP.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - L'Assemblée nationale a repris hier en nouvelle lecture l'essentiel du texte qu'elle avait adopté en première lecture. Trois des treize amendements déposés sur la partie recettes par le rapporteur Gérard Bapt tiennent cependant compte du travail du Sénat sur la première partie du texte ; j'y suis sensible.
Le premier, à l'article 2, fixe à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les particuliers employeurs de salariés « employés pour des services destinés aux enfants, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. » Il fallait échapper au reproche qui nous avait été adressé en séance par le Gouvernement de soutenir l'emploi de professeurs de claquettes et de coachs à domicile... Un sous-amendement de Martine Pinville a précisé qu'il s'agit de garde d'enfant et la ministre des affaires sociales et de la santé a indiqué que les personnes faiblement dépendantes seraient concernées, dans une logique de prévention. Je me félicite que ce qui n'était pas possible au Sénat le soit devenu à l'Assemblée...
Mme Muguette Dini . - Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Faire et défaire, c'est toujours travailler.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Plutôt que de supprimer cette niche fiscale et sociale au motif qu'elle profite sans doute marginalement à certains cas exotiques, il serait préférable de mieux définir les emplois auxquels elle s'applique - dans la partie réglementaire du code du travail.
Deux logiques sont à l'oeuvre : le soutien aux personnes fragiles, que l'amendement adopté par l'amendement de l'Assemblée nationale satisfait, en attendant les précisions que le Gouvernement apportera par décret ; la reconquête de l'emploi déclaré et le développement de l'emploi à domicile, auxquels il ne répond que partiellement : comment contrôler l'écart de réduction entre la garde et le soutien scolaire des mêmes enfants ? Vraisemblablement, cette disposition - que je soutiens - sera temporaire.
Il est souhaitable que le Gouvernement engage un travail sur les emplois éligibles avant d'unifier le taux. Si un emploi relève plus du confort que de la nécessité, pourquoi le faire bénéficier de la réduction, fût-elle de moitié ? Mieux vaudrait écarter ceux qui doivent l'être et appliquer aux autres un régime unique.
Il semble que nos collègues aient obtenu du Gouvernement le maximum : engrangeons cette avancée, qui n'aurait pas été possible sans le travail du Sénat. Remercions aussi Gérard Bapt d'avoir repris au moins partiellement notre initiative - ce n'est pas si courant...
A l'article 2, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination pour Mayotte. Les deux autres amendements à signaler clarifient, à l'article 3, dans le sens proposé par notre commission, la rédaction de l'intitulé du rapport sur les conséquences de l'adossement financier du régime social des indépendants au régime général. Elle a adopté un amendement rédactionnel à l'article 3 ; à l'article 5, un amendement adaptant l'article d'équilibre en conséquence de la suppression du gel des aides au logement décidée en première lecture ; à l'article 7, des amendements de coordination.
Sur la partie relative aux dépenses, que nous n'avons malheureusement pas pu examiner en séance, l'Assemblée nationale a maintenu son texte de première lecture, adoptant des amendements rédactionnels ou de précision aux articles 9 bis, 9 quater et 9 sexies.
Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
M. René-Paul Savary . - Je suis sidéré par la façon dont les choses se passent : la baisse des charges sociales est insuffisante pour maintenir ou créer des emplois à domicile, les premiers relevés de 2014 le montrent. Les demi-mesures produisent logiquement des demi-résultats ! Je suis d'accord avec notre rapporteur général, soit les emplois sont éligibles et il faut les alléger de 1,50 euro, soit ils ne le sont pas et il ne faut pas les alléger, même de 0,75 euro. Le Gouvernement a cette responsabilité. La baisse des charges pour les prestations aujourd'hui éligibles seraient un signe de respect pour les travaux du Sénat. Elle inciterait surtout à l'embauche ou à la déclaration. C'est pourquoi nous déposons un amendement généralisant la baisse de 1,50 euro. Le coût budgétaire ne serait pas exorbitant : 40 millions d'euros supplémentaires, à mettre en rapport avec le surcroît de recettes. M. Eckert dit ne pas comprendre notre discussion, puisque des déductions fiscales existent déjà : ne nous engageons pas sur ce terrain, car la question n'est pas là. Il s'agit de charges sociales, dont la diminution diminue le coût des emplois pour tout le monde.
M. Dominique Watrin . - Félicitons-nous tout de même de la prise en compte de notre initiative à l'article 2. Le vote unanime du Sénat a été efficace ! Nous soutenons la recommandation du rapporteur général de préciser réglementairement les emplois éligibles. L'aide à la personne est en crise, comme Jean-Marie Vanlerenberghe et moi-même l'avons montré dans un rapport ; elle a besoin de mesures urgentes, concernant les associations et les entreprises autant que les particuliers employeurs. Je ne comprends pas l'attitude du Gouvernement, qui nous impose un vote bloqué avec un niet définitif, pour quelques jours après se montrer conciliant avec l'Assemblée nationale. Ce n'est pas très respectueux du Sénat.
Mme Catherine Génisson . - C'est scandaleux !
M. Dominique Watrin . - Pour autant, nous craignons que les salariés et les ménages paient les largesses que le Gouvernement accorde aux entreprises sous la forme d'exonérations massives dont l'utilité est loin d'être prouvée... Nous maintiendrons donc un vote négatif.
Mme Muguette Dini . - Je n'arrive pas à comprendre comment on peut être aussi illogique sur la question des particuliers employeurs : deux mesures, l'une d'un gouvernement de droite, l'autre de gauche, ont fait perdre des déclarations - plus que des emplois, qui perdurent - au détriment des salariés et de la sécurité sociale. Rétablir la réduction de 1,5 euro sécuriserait l'employeur, qui reviendrait à l'emploi déclaré. Il y a certes des excès, mais ne dressons pas de liste maintenant : le ministère pourra le faire au prochain budget. Qui peut distinguer confort et nécessité ? Un jeune couple, dont les enfants vont à la crèche dans la journée, confiant son ménage ou son repassage à un employé, cède-t-il au confort ?
M. René-Paul Savary . - Il le fait pour avoir un peu de temps pour s'occuper de ses enfants !
Mme Muguette Dini . - Ces demi-mesures sont aberrantes.
Mme Catherine Procaccia . - Bravo !
Mme Laurence Cohen . - Le secrétaire d'Etat au budget a été particulièrement méprisant avec le Sénat : notre proposition unanime, issue d'un travail important, a été prise avec dédain, accréditant l'idée que le Sénat ne sert à rien. En voyant ce feuilleton à répétition, les citoyens ne voient plus dans le Sénat qu'un empêcheur de tourner en rond. C'est grave pour la démocratie. Merci au rapporteur général d'avoir gardé un esprit de responsabilité.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - L'objet du mépris du Gouvernement, c'est moins le Sénat que le Parlement. C'est incohérent, illogique : mais que peut-on faire, sinon changer de République, ce qui n'est pas directement en notre pouvoir ? Notre vote unanime a été bafoué, mais le Gouvernement joue aussi avec l'Assemblée nationale. La solution retenue est une demi-mesure. Le rapporteur général a raison de suggérer au Gouvernement de revoir la liste réglementaire des prestations. Comment distinguer confort et nécessité ? J'ai entendu ce matin le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification : il ferait bien de commencer par réformer la manière d'agir du Gouvernement !
M. Gérard Roche . - Ce qui s'est passé à la CMP est très fort : notre unanimité a impressionné les députés et les a poussés à faire ce pas dans notre sens. Une vieille femme aura un allègement si elle paie quelqu'un pour faire ses courses, non si elle se fait aider pour fendre son bois, puisque ce qui n'est pas prévu est considéré comme de confort... La reprise de 30 000 à 40 000 emplois compensera par les recettes induites la perte budgétaire.
L'article 2 ne doit cependant pas être l'arbre qui cache la forêt ; derrière se trouve le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous avions ainsi décidé de voter la première partie, nous réservant de voter contre la seconde. Finalement nous préférons voter contre en bloc après ce qui s'est passé. Le Gouvernement a présenté ce projet de loi sans étude d'impact ; lors de la discussion au Sénat, à minuit, il a fait un caprice qui a gêné nos collègues socialistes eux-mêmes. Il y a là une maladresse insigne, car nous avions travaillé pendant un jour et demi au-delà des clivages politiques... Si pour être un Parlement moderne, il faut devenir une chambre d'enregistrement, alors restons ringards !
Mme Michelle Meunier . - L'injustifiable ne peut être justifié : comme le groupe socialiste, je me sens défaite. Je partage les propos de nos collègues. Quant au vote, je suivrai l'avis du rapporteur général.
Mme Catherine Procaccia . - Il y a plusieurs années, j'avais demandé au gouvernement d'alors de revenir sur cette liste de vingt-cinq fonctions ouvrant droit à déduction, et dont certaines relèvent sans doute du confort. Or elle n'a jamais été modifiée, sinon à la marge. Et nous créons une nouvelle distinction ! Si j'embauche une femme de ménage parce que je me suis cassé la jambe, devrai-je produire un justificatif ? C'est ouvrir la voie à des jurisprudences, à de nouveaux problèmes avec l'administration, qui comme toujours, fait ce qu'elle veut - là est le fond du problème.
M. Dominique Watrin . - La notion de confort n'est pas dans le texte, me semble-t-il.
Mme Muguette Dini . - Dans la lettre non, mais dans l'esprit.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je soutiens le Gouvernement sur l'essentiel du projet de loi de financement rectificative : allègements de charges pour les entreprises et les salariés et gel de certaines prestations pour équilibrer les budgets. Sur les employeurs particuliers, j'ai le même avis que la semaine dernière. C'est moi, effectivement, qui parle de confort : un autre mot serait peut-être meilleur. Reste qu'il faudrait éliminer de la liste certaines fonctions qui empoisonnent le débat.
Mme Catherine Procaccia . - Oui. Mais cela est du domaine réglementaire !
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je souhaite marier la cohérence et le pragmatisme, voyant que l'Assemblée nationale a repris en partie notre démarche. C'est pourquoi je ne dépose pas d'amendement, sachant en outre que la rédaction n'ira pas jusqu'au bout - dans le cas contraire, peut-être l'aurais-je fait... Nous rejouons une pièce de théâtre avec des acteurs inchangés et en connaissant le dénouement.
Mme Catherine Procaccia . - Mais nous pouvons le faire, nous.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Bien sûr. Il y a effectivement un problème dans le fonctionnement des institutions, quels que soient les gouvernements en place. Tant que nous n'aurons pas trouvé de solution, des situations comme celles de la semaine dernière se reproduiront.
M. Jacky Le Menn . - Je voterai ce texte ce texte pour son économie globale, mais je partage les remarques qui ont été faites. Cet amendement voté à l'unanimité était de bon sens. Je rappelle que les amendements de séance peuvent être déposés jusqu'à l'ouverture de la discussion générale.
A la suite d'un partage des voix, la commission n'a pas adopté les conclusions du rapporteur général qui lui proposait de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.