B. LA PROFESSION DE CHAUFFEUR DE TAXI DOIT ÊTRE DAVANTAGE PROTÉGÉE ET L'ACCÈS À LA LICENCE FACILITÉ
1. Des statuts différents pas tous aussi protecteurs
Il existe trois statuts pour les chauffeurs de taxis.
- Les artisans exploitent eux-mêmes leur licence.
- Les salariés travaillent pour une entreprise de transport qui détient des licences.
- Les « locataires taxi » , statut plus atypique, ne sont ni titulaires d'une licence, ni salariés.
Ce dernier statut a été créé par la loi du n° 95-235 du 17 août 1995 qui prévoit que le titulaire d'une licence peut assurer son exploitation « en consentant la location à un conducteur de taxi ». Le chauffeur locataire verse à son loueur, titulaire d'une licence, une redevance mensuelle correspondant à la location du véhicule, les frais d'assurance éventuels et l'entretien du véhicule, ainsi que la part salariale des charges sociales. Ces chauffeurs sont donc astreints à une charge fixe très lourde qui peut atteindre jusqu'à 4 500 euros par mois. Pour gagner dignement leur vie, ils doivent donc faire un nombre d'heures très important.
Le rapport Thévenoud dénonce ce régime qu'il qualifie « d'esclavagisme moderne » , et qui conduit certains locataires à une grande précarité.
Au-delà des conditions de travail difficiles, leur régime juridique est ambigu. En effet, le contrat prévu par le décret du 28 août 2009 est un contrat « de louage » au sens du code civil. En revanche, le Conseil d'État, dans un avis du 12 novembre 2003, a qualifié cette location prévue par la loi de « location-gérance au sens du code de commerce ».
En outre, selon l'Urssaf, le « locataire taxi » est assimilé à un salarié au sens de la Sécurité sociale . Les cotisations au régime général de la Sécurité sociale sont ainsi acquittées par le loueur à l'Urssaf.
En revanche, bien qu'assimilé à un salarié en droit de la Sécurité sociale, le locataire n'est pas reconnu comme salarié au sens du droit du travail : il n'y a pas de lien de subordination avec le loueur. Le locataire n'est donc pas affilié au régime d'assurance chômage et il n'y a pas d'obligation d'établir un bulletin de salaire. Il ne bénéficie pas non plus d'indemnités en cas de perte d'emploi.
Enfin, s'agissant du régime fiscal, le locataire taxi est imposé dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC).
Selon les chiffres de l'INSEE, on dénombre aujourd'hui 32 000 entreprises de taxi en France parmi lesquelles 80 % sont exploitées par des artisans, 11 % par des locataires, 6 % par des sociétés et 3 % par des salariés.
À Paris, la situation est un peu différente et il est difficile de quantifier le nombre exact de locataires taxis. Cependant, on peut estimer que 8 000 des 20 000 licences parisiennes sont exploitées par des locataires, dont 6 000 dans les sociétés de location .
2. Des dysfonctionnements dans le système de délivrance des licences
Tous les chauffeurs de taxis ne bénéficient donc pas des mêmes conditions de travail. En outre, et de manière plus générale, la profession est largement tributaire des dysfonctionnements du système de délivrance des autorisations de stationnement .
Ces licences étaient à l'origine délivrées à titre gratuit et attribuées par ordre chronologique d'enregistrement des demandes, en fonction d'impératifs d'intérêt général. Jusqu'en 1995 toutefois, le titulaire d'une licence disposait d'un droit de présentation de son successeur à l'administration. S'est alors développée une pratique officieuse de cessions onéreuses de licences, pratique légalisée par la loi du 20 janvier 1995 qui a encadré cette possibilité de vendre une licence par des délais : une exploitation effective et continue de cinq ans, portée à quinze ans pour les titulaires d'autorisations nouvelles délivrées après la loi de 1995 ainsi que pour les titulaires qui n'avaient pas la faculté de présenter un successeur.
Ce système de délivrance connaît aujourd'hui des limites :
- le temps sur liste d'attente est de l'ordre de 15 à 20 ans en région parisienne ;
- la possibilité de céder à titre onéreux les licences produit un effet d'aubaine : certains s'inscrivent sur les listes d'attente, alors même qu'ils n'exercent pas la profession de chauffeur de taxi mais pour en tirer un bénéfice financier, conséquence de l'explosion de la valeur patrimoniale des licences, ce qui allonge la durée sur liste d'attente pour les autres ;
- certaines personnes s'inscrivent sur plusieurs listes d'attente afin d'être sûrs d'obtenir une licence le plus rapidement possible.
On assiste donc à un dévoiement du système d'attribution des licences , qui handicape les professionnels les plus fragiles du secteur et qui bloque l'évolution d'une profession pourtant tournée vers l'avenir.