II. EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 2 juillet 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, puis de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 .
M. François Marc , rapporteur général . - Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), que nous présentera dans une semaine notre collègue Jean-Pierre Caffet, constituent la première traduction législative du Pacte de responsabilité et de solidarité. Ce Pacte vise à concilier le soutien à la croissance et à l'emploi, grâce à des baisses ciblées de prélèvements, et la consolidation des finances publiques, sous la forme d'un plan d'économies de 50 milliards d'euros entre 2015 et 2017. Pour ce qui est des prélèvements, le Pacte de responsabilité et de solidarité prévoit la poursuite de l'allègement du coût du travail, grâce à la suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et à la révision du barème des allègements pour le rendre plus favorable jusqu'à 1,6 SMIC à partir de 2015 (pour un montant total estimé à 4,5 milliards d'euros). À compter de 2016, interviendrait également un abaissement des cotisations familiales de 1,8 point entre 1,6 et 3,5 SMIC (4,5 milliards d'euros). À cela s'ajouterait une réduction des cotisations familiales pour les travailleurs indépendants (1 milliard d'euros). Compte tenu du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le coût du travail serait allégé de 30 milliards d'euros au total en 2017.
Le Pacte prévoit, en outre, la modernisation de la fiscalité des entreprises, qui fait suite aux concertations intervenues dans le cadre des Assises de la fiscalité. Elle intègre la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), soit une diminution de 6,2 milliards d'euros bruts, avec une première réduction de 1 milliard d'euros dès 2015, puis une deuxième d'un même montant en 2016. À cela s'ajoutent la fin de la contribution exceptionnelle - dite « surtaxe » - sur l'impôt sur les sociétés, dont la suppression est prévue en 2016 par le présent PLFR, et la diminution du taux d'impôt sur les sociétés de 33 1/3 % à 28 % d'ici à 2020, avec une première étape en 2017.
Enfin, des mesures de solidarité pour les ménages modestes seront mises en place, comprenant une mesure provisoire d'allègement sur l'impôt sur le revenu de 1,16 milliard d'euros en 2014, qui figure dans le présent PLFR, une mesure pérenne portant également sur l'impôt sur le revenu, d'un montant de 2,5 milliards d'euros à compter de 2015, et la mise en place d'un dispositif de réduction des cotisations salariales entre 1 et 1,3 SMIC à partir de 2015. Au total, le Pacte de responsabilité et de solidarité conduirait à une baisse des prélèvements obligatoires d'environ 25 milliards d'euros entre 2015 et 2017.
Il convient de rappeler que la trajectoire pluriannuelle des finances publiques présentée par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017 repose, entre 2015 et 2017, sur un effort en dépenses de 50 milliards d'euros, réparti entre les différents sous-secteurs d'administrations publiques, en fonction de leur poids dans les dépenses publiques. L'effort en dépenses représenterait 21 milliards d'euros dès 2015. En outre, le programme de stabilité précise que « le total des économies sera porté à 37 milliards d'euros environ en 2016, et atteindra les 50 milliards d'euros en 2017 ».
Le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 1,0 % pour 2014. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé, dans son avis du 5 juin 2014, que les évolutions conjoncturelles récentes rendaient « l'atteinte de l'objectif de croissance en 2014 moins probable », même si la prévision n'est pas « hors d'atteinte ». Dans son précédent avis portant sur le programme de stabilité, publié en avril dernier, il avait estimé que « la prévision de croissance [...] de 1,0 % pour l'année 2014 [était] réaliste ». Le changement intervenu dans l'appréciation du Haut Conseil s'explique, notamment, par la publication par l'Insee, le 15 mai dernier, de données faisant apparaître une croissance du PIB nulle au premier trimestre. Les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement pour 2014 sont, malgré tout, en ligne avec celles de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI) qui, dans leurs prévisions, anticipent également une hausse du PIB de 1 % ; l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit, quant à elle, une croissance de 0,9 %. Enfin, des évolutions encourageantes doivent être soulignées, comme les décisions de politique monétaire annoncées par la Banque centrale européenne (BCE) qui ont vocation à favoriser la croissance économique. Ces éléments laissent penser que l'atteinte d'un taux de croissance de 1 % en 2014 demeure crédible même s'il apparaît désormais qu'il se situe dans le « haut de la fourchette » des prévisionnistes.
Le principal aléa entourant le scénario économique pour l'année 2014 réside dans la trajectoire d'inflation. Le Haut Conseil des finances publiques a jugé que « la prévision d'une inflation de 1,2 % en moyenne sur l'année 2014 [était] manifestement élevée au vu de celle constatée depuis l'automne 2013 (0,7 % en glissement annuel) et des anticipations des chefs d'entreprise sur l'évolution de leurs prix de vente ». L'Insee estime, dans sa note de conjoncture de juin, que l'inflation resterait inférieure à 1 % en 2014, mais qu'elle « pourrait croître à nouveau notamment si les mesures annoncées par la BCE début juin permettent de faire baisser l'euro ».
Le présent projet de loi de finances rectificative poursuit, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) l'effort de consolidation des comptes publics engagé par le Gouvernement en 2012. Toutefois, la problématique est modifiée en 2014, en raison du déclenchement du mécanisme de correction budgétaire, le Haut Conseil ayant identifié, dans son avis du 23 mai 2014, un « écart important » (- 1,5 point de PIB) entre le solde structurel constaté en 2013 (- 3,1 % du PIB) et les orientations arrêtées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (- 1,6 % du PIB). Ce mécanisme, créé par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, répond à une exigence du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Il vise à garantir le respect de la trajectoire du solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques. Le mécanisme de correction sera analysé plus en détail lors de l'examen du projet de loi de règlement et du rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) - jeudi 10 juillet en commission des finances - dans le cadre duquel le Gouvernement doit exposer les mesures qu'il entend prendre à l'automne. Pour autant, le Haut Conseil a noté que « par rapport à la loi de programmation, l'ajustement supplémentaire prévu par le gouvernement dans le collectif (0,2 point de PIB) corrig[eait] peu l'écart à la trajectoire inscrite dans cette loi (1,5 point de PIB en 2013) ».
L'article liminaire fait apparaître une prévision de solde effectif de - 3,8 % du PIB pour 2014 et de solde structurel de - 2,3 % du PIB. Ce dernier serait donc plus dégradé de 1,2 point de PIB que la cible retenue dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, qui retenait un objectif de - 1,1 % du PIB. La réduction de l'écart de solde structurel à la trajectoire des finances publiques par rapport à celui constaté en 2013 montre que l'effort budgétaire prévu en 2014 permet d'engager la correction de l'« écart important » constaté par le Haut Conseil.
Anticipant le déclenchement du mécanisme de correction, le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi de finances pour 2014, un effort structurel de 0,9 point de PIB, supérieur de 0,4 point de PIB à celui prévu dans la loi de programmation. Il reposait à hauteur de 0,2 point de PIB sur les mesures nouvelles en recettes et à hauteur de 0,7 point sur un effort en dépenses. Toutefois, les évolutions intervenues depuis l'automne 2013 ont conduit à réviser l'ampleur de l'effort structurel en raison du moindre dynamisme des recettes constaté en début d'année - l'élasticité étant désormais évaluée à 0,9 contre 1 dans le projet de loi de finances initiale - ainsi que de la révision à la baisse du rendement des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Deux autres phénomènes atténuent l'effort en dépenses initialement envisagé : le dynamisme des dépenses de collectivités territoriales - le programme de stabilité ayant réévalué à la hausse la croissance en valeur des dépenses locales en 2014 de 1,2 % à 1,7 % - et la révision à la baisse de l'inflation. Selon le Gouvernement, l'effort structurel en recettes en 2014 serait abaissé à 0,1 point de PIB. Quant à l'effort en dépenses (0,7 point de PIB), il serait maintenu grâce aux économies supplémentaires prévues dans les textes financiers rectificatifs pour 2014 (qui correspondent à un effort de 0,2 point de PIB). En l'absence de composante non discrétionnaire, l'ajustement structurel serait égal à l'effort structurel, soit 0,8 point de PIB.
Les projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale prévoient des économies supplémentaires d'un montant de 4 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une révision à la baisse de 1,8 milliard d'euros de la charge de la dette de l'État. Ces économies supplémentaires reposent sur l'État, à hauteur de 1,6 milliard d'euros. L'absence temporaire de revalorisation des prestations sociales - logement et retraites - conduirait à une économie de 0,3 milliard d'euros en 2014. La consolidation de l'acquis de la maîtrise des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) représenterait un effort supplémentaire de 0,8 milliard d'euros. Enfin, un ensemble de mesures ne nécessitant pas de traduction législative dans les textes financiers rectificatifs complèterait ces dispositions. Il s'agit de moindres dépenses de l'Unédic en 2013, qui se reportent en 2014 (0,6 milliard d'euros), de la révision du rythme de décaissement des investissements d'avenir, compte tenu des dernières informations émanant du Commissariat général à l'investissement (CGI) et, notamment, de la sous-consommation constatée en 2013 (0,4 milliard d'euros) et, enfin, des économies réalisées en 2013 dans le champ du Fonds national d'action sociale (FNAS) de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui sont également pérennisés en 2014 à hauteur de 0,3 milliard d'euros.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit une mesure fiscale en faveur des ménages modestes, figurant à l'article premier, qui consiste en une réduction de l'impôt sur le revenu dû en 2014 pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence n'excède pas le montant imposable d'un salaire de 1,1 SMIC. Le coût de ce dispositif est estimé à 1,16 milliard d'euros ; son incidence sur le solde de l'État est en grande partie compensée par les bons résultats de la lutte contre la fraude fiscale, qui devrait être à l'origine d'un surcroît de recettes d'environ 1 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
L'article liminaire du PLFR fait apparaître une prévision de solde effectif de - 3,8 % du PIB et de solde structurel de - 2,3 % du PIB. L'Assemblée nationale a modifié cet article contre l'avis du Gouvernement, en dégradant la prévision de solde conjoncturel de - 1,5 % du PIB à - 1,9 % et en améliorant celle de solde structurel de - 2,3 % du PIB à - 1,9 %, ce qui nous rapproche de 0,4 point du retour vers l'équilibre structurel. Compte tenu du caractère inédit de cette initiative et afin de comprendre les raisons pour lesquelles elle ne nous paraît pas souhaitable, il semble utile de revenir dans le détail sur les notions de solde structurel et de solde conjoncturel.
Notre trajectoire des finances publiques est désormais orientée vers un objectif à moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel. Deux composantes du solde public effectif peuvent être identifiées : le solde conjoncturel, qui correspond à la part des fluctuations du solde public dépendant des facteurs conjoncturels ou temporaires, et le solde structurel, soit le solde public constaté si le PIB est égal à son potentiel.
M. Aymeri de Montesquiou . - Il faudrait rendre cela compréhensible par tous.
M. Philippe Marini , président . - La méthodologie est complexe. Donnons-lui toute l'attention nécessaire.
M. François Marc , rapporteur général . - Une méthode simplifiée de calcul du solde structurel consiste à considérer que le solde conjoncturel est proche de la moitié de l'écart de production, qui correspond à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Ceci s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, en France, près de la moitié du PIB et que l'élasticité des prélèvements obligatoires est de l'ordre de 1. En bref, plus le PIB effectif est éloigné de son potentiel - en « bas de cycle » - plus le solde conjoncturel est dégradé, et inversement. Le solde structurel se calcule en soustrayant le solde conjoncturel du solde effectif, soit - 3,8 % - (- 2,9% /2) = - 2,3 %.
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale revient à modifier la trajectoire du PIB potentiel pour l'ensemble de la période de programmation. Une telle réévaluation en cours de route n'est pas souhaitable et n'est conforme ni à la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ni au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. En effet, ces textes imposent la définition d'une trajectoire des finances publiques orientée vers un objectif à moyen terme, pour éviter le « syndrome de la cible mouvante ». Une permanence dans les méthodes et les hypothèses fondamentales utilisées pour le calcul du solde structurel est indispensable. C'est ce qui a justifié la définition d'une trajectoire de PIB potentiel dans la loi de programmation des finances publiques. La loi organique précitée impose également au Haut Conseil des finances publiques - à la suite d'une modification apportée par le Sénat, à l'initiative de Jean-Pierre Caffet - de retenir « la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé [à la loi de programmation] ». Le non-respect du cadre budgétaire mis en place pourrait porter atteinte à la crédibilité de la France auprès de ses partenaires et fragiliser les règles européennes de gouvernance économique et financière. Les autorités françaises donneraient l'impression qu'elles s'arrogent le droit d'améliorer comme bon leur semble leur trajectoire de solde structurel. Enfin, Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a mis en évidence le risque d'inconstitutionnalité qu'une telle modification ferait planer sur l'ensemble du projet de loi, au regard du principe de sincérité budgétaire. En effet, comme nous allons le voir, les modalités selon lesquelles l'Assemblée nationale a modifié la prévision de solde structurel posent question.
L'Insee a révisé, en 2014 notamment, les comptes nationaux pour les années 2011 et 2012. Ces révisions font apparaître un déficit public effectif plus élevé en 2012, soit 4,9 % du PIB au lieu de 4,5 % dans la LPFP. Elles conduisent également à constater que le PIB effectif en 2011 et 2012 était plus élevé que ce qui était prévu lors du vote de la loi de programmation des finances publiques.
M. Philippe Marini , président . - C'était le bon temps !
M. François Marc , rapporteur général . - Ces révisions du PIB effectif ont eu une incidence majeure sur la trajectoire des finances publiques. Le solde conjoncturel étant à peu près égal à la moitié de l'écart de production, le resserrement de l'écart de production constaté en 2011 et 2012 a eu pour conséquence d'améliorer le solde conjoncturel et de dégrader le solde structurel pour ces années. Ajouté à la réévaluation à la baisse du solde public en 2012, ceci a eu pour effet d'abaisser le point de départ de la trajectoire pluriannuelle de solde structurel : elle commence par un déficit structurel de 4,2 % du PIB en 2012 et non de 3,6 % comme le prévoyait la loi de programmation. Ces révisions expliquent une part importante de l'écart du solde structurel à la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques. En 2013, l'écart de - 1,5 point de PIB s'expliquait, à hauteur de - 0,6 point de PIB, par ces révisions. Par conséquent, l'effort structurel total à consentir pour atteindre l'objectif de moyen terme est plus important que ce qui était prévu initialement.
C'est dans ce contexte que l'Assemblée nationale a souhaité rééquilibrer les parts conjoncturelle et structurelle du solde public, sans que cette modification ne repose sur des fondements techniques très solides. Elle revient à réduire l'ajustement structurel à accomplir, et à modifier implicitement la trajectoire du PIB potentiel, ce qui nuirait à notre crédibilité en Europe. Sur le fond, on peut également s'interroger sur les hypothèses retenues pour le calcul sur lequel repose la modification proposée par l'Assemblée nationale. Elle impliquerait une croissance potentielle proche de 1,6 % en moyenne sur la période 2011-2014, ou une revalorisation du PIB potentiel de près de 1 % pour 2011.
Dans le souci de respecter la permanence des hypothèses et des méthodes à partir desquelles est estimé le solde structurel qui sert à définir et à suivre la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, je vous proposerai un amendement rétablissant l'article liminaire dans la version du projet initial du Gouvernement.
Quant au budget de l'État pour 2014, la prévision de recettes fiscales nettes s'élève à 279 milliards dans le PLFR, en baisse de 5,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cela résulte essentiellement du rendement moins élevé qu'anticipé de l'impôt sur le revenu (- 3,2 milliards d'euros) et de l'impôt sur les sociétés (- 2,9 milliards d'euros), qui est en partie compensé par une réévaluation à la hausse des prévisions de recettes de TVA (+ 0,5 milliard d'euros) et de TICPE (+ 0,2 milliard d'euros). Cette révision à la baisse de la prévision de recettes fiscales nettes s'explique par la reprise en base des moins-values de recettes fiscales de 2013, la révision à la baisse de la prévision d'évolution spontanée des recettes fiscales et la révision à la baisse du rendement des mesures nouvelles. Comme l'a rappelé le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, devant notre commission, la prévision des recettes a tenu compte de l'ensemble des moins-values de l'exercice 2013 ; il a précisé que lorsqu'il y avait eu des plus-values, le Gouvernement n'en avait, par prudence, retenu qu'une partie.
M. Vincent Delahaye . - On ne peut qu'avoir de bonnes surprises...
M. François Marc , rapporteur général . - La participation de l'État aux 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires prendra la forme d'annulation de crédits pour un montant de 1,6 milliard d'euros, prévues dans le périmètre « zéro valeur », soit hors charge de la dette et pensions. La baisse des dépenses relevant de la norme « zéro valeur » est portée à 3,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2013, à périmètre constant. Les dépenses totales de l'État en 2014, relevant du périmètre « zéro volume », seraient inférieures de 3,4 milliards d'euros à la prévision initiale en raison de la révision à la baisse de la charge de la dette (- 1,8 milliard d'euros), permise par la faiblesse de l'inflation et des taux d'intérêt, historiquement bas, avec un taux à dix ans autour de 1,6 % pour la dette française et un spread avec l'Allemagne de l'ordre de 40 points de base.
Les annulations de crédits prévues portent essentiellement sur des crédits « frais », qui n'avaient pas été mis en réserve en début d'année (965 millions d'euros), et 635 millions d'euros sont annulés au sein de la réserve de précaution. D'importantes marges de manoeuvre sont conservées pour assurer le respect de la norme en exécution, puisque les crédits mis en réserve seraient encore de 6,8 milliards d'euros après les annulations du projet de loi de finances rectificative. Cela devrait permettre de faire face aux aléas de l'exécution budgétaire, comme les dépenses qui pourraient résulter des contentieux agricoles avec la Commission européenne.
L'ensemble des ministères contribuent à l'effort supplémentaire en dépenses consenti en 2014. Comme l'a rappelé Christian Eckert, lors de son audition par notre commission, les annulations de crédits ont été réparties de manière différenciée afin de garantir la soutenabilité et l'effectivité des économies projetées. Ainsi, les crédits de personnel, pour lesquelles les marges de manoeuvre disponibles en gestion sont limitées, ne sont pas concernées, à l'exception d'une annulation de 36 millions d'euros sur les crédits du ministère de l'intérieur. En outre, les annulations ne portent pas sur les dépenses obligatoires ou les prestations qui ne peuvent être modulées en gestion. En bref, le Gouvernement a fait porter les économies sur les crédits maîtrisables par les gestionnaires.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit un solde budgétaire de - 83,9 milliards d'euros, deuxième programme d'investissements d'avenir compris, soit un déficit accru de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette révision résulte d'une réévaluation à la baisse des recettes (- 4,8 milliards d'euros), partiellement compensée par les économies supplémentaires (+ 1,6 milliard d'euros) et par la diminution de la charge de la dette (+ 1,8 milliard d'euros). Le besoin annuel de financement de l'État résulte de l'addition de son déficit budgétaire et des amortissements de dette à moyen et long termes ou reprise par l'État. Il augmenterait de 1,9 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale, mais resterait en baisse sensible par rapport à 2012 et 2013. Cette hausse serait financée par une augmentation à due concurrence des bons du Trésor à taux fixes et intérêts précomptés.
M. Philippe Marini , président . - Monsieur le rapporteur général, nous vous remercions de cet exposé pédagogique, que j'oserai qualifier de méritoire tant la situation est délicate et la méthodologie complexe. Vous avez raison d'insister sur la portée de l'amendement de l'Assemblée nationale à l'article liminaire, qu'il paraît nécessaire de corriger. La tentation serait grande de manipuler les chiffres, ce qui achèverait de nuire à la lisibilité de nos prévisions budgétaires. J'ai publié un texte récemment, intitulé « Le solde structurel, un rideau de fumée ? », où je montre que le caractère intellectuel du solde structurel ne peut que compliquer la relation avec l'opinion publique sur les questions budgétaires.
Vous avez à juste titre insisté sur la nécessité de faire des économies. Cela tourne au paradoxe, lorsque vous présentez un collectif budgétaire qui dégrade le solde budgétaire d'un peu moins de 1,5 milliard d'euros, en prenant en compte les recettes issues du rapatriement des capitaux et, cela, alors que nous ne disposons d'aucun élément de détail pour dire ce qui sera récurrent ou non dans l'estimation de ces recettes - je pense à l'estimation des pénalités par exemple. Or, ces recettes sont le gage qui rend possibles les mesures d'aménagement du barème de l'impôt sur le revenu - dont l'on ne peut pas supposer qu'elles ne soient pas permanentes. Quant à l'effort global sur la période, il faut soustraire aux 50 milliards d'euros d'économies annoncées, la diminution des prélèvements obligatoires d'environ 25 milliards d'euros. Par conséquent, on n'obtiendra que la moitié au mieux des économies prévues, soit 10 milliards d'euros en 2015 d'amélioration du solde en compensant les économies prévisionnelles et les baisses de fiscalité annoncées. Ne m'en veuillez pas, Monsieur le rapporteur général, de regarder la bouteille à moitié vide, quand vous la regardez à moitié pleine. Nous sommes dans le droit fil des fonctions que nous exerçons.
M. Serge Dassault . - Notre dette atteint 2 000 milliards d'euros. Pour la rembourser, il faudrait dégager un excédent budgétaire - ce dont nous sommes éloignés aujourd'hui. La dette continuera donc à croître. Jusqu'à quand ? Chaque année nous lui ajoutons 60 à 80 milliards d'euros supplémentaires. Le retour du déficit public en deçà de 3 % en 2015 paraît hors de portée ; peut-être cet objectif sera-t-il atteint, au mieux, en 2017. Les 50 milliards d'économies sur trois ans sont largement insuffisants. Il faudrait que la baisse des dépenses conjuguée à l'augmentation des recettes ramène 200 à 250 milliards d'euros. Nous n'atteindrons jamais l'objectif de 1,0 % de croissance. Il faudrait faire des budgets à croissance zéro pour n'avoir que des bonnes surprises. Les recettes fiscales sont moins élevées que prévu, car nos concitoyens s'en vont. Combien quittent la France chaque année, nous privant de leur capacité d'investir, à cause des impôts trop élevés ? Je suis inquiet. Il faut être inquiet. Les prévisions de réduction des dépenses de fonctionnement devraient être plus fermes et ne pas réaliser des économies sur les dépenses d'investissement. L'État devrait plafonner la dette. Depuis vingt ans, elle n'a cessé d'augmenter. 2 000 milliards d'euros, c'est une limite à ne pas dépasser ! Sinon, nous risquons de voir notre notation dégradée. Et quand il faudra trouver 180 milliards à emprunter, personne ne voudra nous prêter. Allons plus loin dans la réduction des dépenses.
M. Philippe Marini , président . - Merci, Monsieur Dassault, pour votre analyse constante, toujours inspirée par la même conviction et la même ténacité.
M. Francis Delattre . - Depuis que le PLFR a été présenté à l'Assemblée nationale, puis ici, au Sénat, la presse ne parle plus que du million de citoyens qui échappera à l'impôt sur le revenu. Le rapport de la Cour des comptes n'est pas aussi optimiste que celui du rapporteur général sur la situation de notre pays. Le projet prévoit des dépenses supplémentaires et 5,3 milliards de recettes fiscales en moins. Cela aura des conséquences sur la dette, ainsi que sur les choix que nous devrons faire. L'ensemble des investissements du pays sont menacés, qu'il s'agisse du secteur du bâtiment, du logement, etc. Ce secteur fonctionnait encore il y a peu ; il entre dans une crise grave que le budget tel qu'il est prévu ne fera qu'aggraver. Le Premier ministre disait, hier soir, après le vote du budget à l'Assemblée nationale, qu'il fallait faire encore plus d'économies. C'est difficile, nous pouvons le concevoir. Les autorités européennes et le FMI souhaitent que nous menions un certain nombre de réformes structurelles. Nous n'avons pas su les mettre en place dans le domaine social, sur la flexibilité du travail. Nous n'avons pas été plus efficaces sur les retraites, ni sur la formation professionnelle - les crédits alloués aux chambres de commerce ont diminué. Alors, pour faire passer les mauvais résultats et les mauvaises prévisions, on brandit la réforme territoriale, et on nous la propose en catastrophe, sans étude d'impact sérieuse. Alors que l'impôt sur les sociétés diminue gravement, on ajoute à l'assiette fiscale des entreprises les intérêts sur l'investissement qui pouvaient autrefois être déduits. Cette mesure purement technique représente 4 milliards d'impôts supplémentaires.
La « surtaxe » sur l'impôt sur les sociétés est, de plus, prolongée. Le Gouvernement a le double visage de Janus : l'un parle d'économies et de compétitivité et l'autre laisse voir des chiffres réels désolants.
Nous sommes presque à 2 000 milliards de dette ; le Premier ministre parle d'un déficit de 3 % l'année prochaine, ce qui sera impossible à tenir. Le Gouvernement parle d'une politique tournée vers les jeunes... C'est totalement inadapté, sachant qu'il aggrave une dette qui devra être remboursée par les générations futures.
- Présidence de Mme Fabienne Keller , vice-présidente -
M. Vincent Delahaye . - La distinction entre solde structurel et conjoncturel est évidemment artificielle. J'ai toujours pensé que la croissance potentielle était surestimée. Bien que le fait de retenir le solde structurel comme base de référence de notre politique budgétaire ne me plaise pas, je voterai l'amendement de suppression des dispositions introduites par les députés. Ces dernières nuisent à la crédibilité de notre pays, qui ne peut changer de mode de calcul tous les ans.
Les tableaux présentés montrent des baisses ciblées de prélèvements. Les 10 milliards d'euros de baisse de prélèvements sur le travail sont-ils bien à ajouter aux 20 milliards du CICE pour atteindre les 30 milliards annoncés ? Ce qu'il faut bien appeler des cadeaux fiscaux - qui n'ont pas eu les résultats escomptés, c'est le moins qu'on puisse dire, en termes électoraux - seront-ils poursuivis en 2015 ? Ils seraient, semble-t-il, financés par les recettes supplémentaires à attendre de la régularisation de la fraude fiscale ; cela ne me semble pas de bonne gestion s'ils s'agit de mesures fiscales pérennes. Le tableau des dépenses gagnerait à inclure l'exécution réelle telle que retracée dans la loi de règlement 2013. L'intégration progressive des investissements d'avenir dans le déficit n'est pas encore clarifiée pour moi : ils n'entrent pas dans le déficit maastrichtien, mais sont pris en compte dès qu'ils sont transformés en dotations ? Comme pour le CICE, j'aimerais un tableau récapitulatif. Les sommes consacrées aux investissements d'avenir ne sont pas empruntées dès 2014 ?
M. Yves Krattinger . - Le rapporteur parle du dynamisme des dépenses des collectivités territoriales. Je ne critique rien et je voterai ce projet de loi. Mais d'où vient cette hausse ? La TVA des transports est passée de 7 à 10 % : les collectivités ne l'ont pas décidé ; l'allocation et le nombre d'allocataires du RSA augmente : les collectivités ne l'ont pas décidé.
M. Philippe Dallier . - Je sens venir l'anaphore !
M. Yves Krattinger . - L'accessibilité, la mise aux normes énergétiques des bâtiments sont intenables. Le désamiantage représente un coût astronomique. Nous subissons la multiplication des diagnostics, l'explosion des coûts préalables aux projets - réalisés au plus en un an, mais qui nécessitent six ans de procédure - la hausse solidaire des cotisations de la CNRACL, la revalorisation de la catégorie C, les rapports à fournir - dont je crains qu'ils ne soient peu lus. Si un agent doit monter sur la troisième marche d'un escabeau, il doit passer un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité ! Il faudrait essayer de limiter la hausse des dépenses de ce type ; c'est aussi vrai pour les entreprises. Nous sommes les champions de la transposition des directives... Et je pourrai faire un inventaire plus riche encore !
Je n'ai pas trouvé de réponse à mes questionnements sur le financement du fonds national pour la société numérique (FSN) : la caravane est immobilisée. Il y a ceux qui ont obtenu un financement et ceux dont le dossier est bloqué, faute de financement. Celui-ci devait provenir de trois sources : subvention, prêt - inopérant pour des investissements non rentables - et vente de fréquences à des opérateurs ; ceux-ci ne se précipitent pas pour acheter et le Gouvernement ne se précipite pas pour vendre - il est vrai que la conjoncture ne s'y prête pas. Les dossiers, validés par le fonds, s'accumulent dans l'entonnoir de Matignon. Ils sont présentés par des groupements régionaux ou des territoires départementaux : aujourd'hui, 95 % des départements se sont engagés dans des schémas qui sont l'exemple même d'investissements porteurs d'avenir. Il faudrait les réaliser avant que les pays voisins aient fini. Il serait vraiment dommage de repousser ce problème à la loi de finances pour 2015 : compte tenu des délais de mise en place des crédits, cela signifierait un retard d'un an.
M. Richard Yung . - Merci au rapporteur de nous avoir guidés dans un domaine pour le moins abscons ; ne pas pouvoir expliquer à ses mandants ce que l'on vote finit par poser une difficulté politique. Monsieur Dassault, demander 250 milliards d'euros d'économies n'est pas raisonnable, avec un budget de l'État de 370 milliards d'euros. Soyons sérieux ! J'ai retrouvé, en écoutant Francis Delattre, la lettre envoyée par le Medef - notez que je ne suis pas contre le Medef. Mais vous le savez, le problème en France est qu'il est impossible de négocier. Je me réjouis de voir que l'on s'engage dans la diminution de l'impôt sur les sociétés (IS) et la suppression de la surtaxe, même si elle est tardive, comme celle de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), cet impôt idiot. Le taux général de l'IS doit aussi être fixé à la baisse à 28 % - je serais pour aller plus loin, vers le taux européen de 25 %.
M. Philippe Dallier . - Bravo !
M. Richard Yung . - La dette m'inquiète. Nous bénéficions actuellement d'un taux extrêmement bas, mais tout a une fin. Pouvons-nous espérer des recettes supplémentaires liées à la régularisation ? Certes, nous avons signé un accord avec la Suisse et la cellule qui y est consacrée a été renforcée.
M. Philippe Dallier . - Concernant le solde structurel, je ne cherche plus à comprendre. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les Français de l'étranger, mais personne n'est jamais venu me demander de lui expliquer... L'Assemblée nationale a supprimé la disposition de l'article 6 gelant les allocations logement : le Gouvernement a cédé aux demandes des députés. Pourtant, le guichet ouvert fait que les crédits manquent à chaque fois en fin d'année, et je n'ai pas vu pour autant de changement dans les crédits affectés à la mission. À nouveau, c'est insincère. Monsieur le rapporteur général, seriez-vous prêt à voter un amendement qui rétablisse le gel ?
Le ministre des affaires étrangères, chargé du tourisme, a trouvé léger le dispositif prévu pour les taxes de séjour. En Île-de-France, nous sommes condamnés à la double peine, avec une taxe régionale de deux euros. Allons-y ! Cela compense-t-il les exonérations sur le versement transport pour les associations qui travaillent dans certains secteurs ? J'ai plus que des inquiétudes concernant le financement du Grand Paris Express. Il serait bon que la commission des finances se penche sur le dossier. Il faudrait faire mieux que colmater les brèches : il en va de l'attractivité économique de la région Île-de-France, qui représente 30 % du PIB français.
M. Dominique de Legge . - Le budget de la défense est réduit de 350 millions pour financer la réserve servant au surcoût des opérations extérieures (Opex), en complète contradiction avec la loi de programmation militaire, qui dispose que ce financement ne doit pas être pris sur le budget de la défense. Les financements pris sur les investissements d'avenir le sont pour équilibrer le budget de la défense, pour honorer des factures anciennes ; c'est grave, pour des crédits qui doivent, selon les mots mêmes de Louis Schweitzer, préparer l'avenir et non gérer le présent - sans parler du passé ! Il y a enfin de sérieuses incertitudes sur les recettes exceptionnelles provenant de la cession de biens immobiliers et de fréquences hertziennes dont le budget de la défense est injustement privé.
M. Philippe Dominati . - J'aurais aimé avoir une explication du collectif budgétaire dans son contexte politique. L'ancien Premier ministre nous annonçait, en novembre, que l'événement majeur de ce printemps serait la grande réforme fiscale promise lors de sa campagne par celui qui allait devenir Président de la République. Ce collectif aurait pu en être l'instrument ; or il n'en contient pas une ligne. Entre temps, les Français se sont prononcés, le Gouvernement a changé... La loi de finances rectificative aurait pu être un tournant - mais nous manquons d'une lecture politique. Nous en voyons les prémices, avec la réflexion sur la baisse de l'IS et des prélèvements sociaux. Le citron a été trop pressé, qu'il s'agisse des entreprises ou des contribuables. Cela aurait pu être un tournant pris par réalisme ; or, la baisse des recettes n'engendre pas d'amélioration du solde.
Mme Nicole Bricq . - Nous en parlerons en séance !
Mme Fabienne Keller , présidente . - Les économies structurelles devant être réalisées avant 2017 sont toujours très peu documentées. Le déficit budgétaire s'aggrave d'1,4 milliard, et tous les changements de base n'y changeront rien. Le déficit effectif, pour la Cour des comptes, serait plus proche de 4 % que de 3,8 %.
En fait, ces documents sont pleins d'astuce. La surtaxe de l'IS est prolongée pour une année supplémentaire : prévue seulement pour 2011 et 2012, elle continuera jusqu'en 2015 avec une perception en 2016 ! Je ne vois là que recettes de poches et coups de rabot, alors que la France aurait besoin de choix structurels.
M. François Marc , rapporteur général . - Certaines de vos questions s'adressent au Gouvernement : je n'ai fait que donner mon appréciation et mon analyse.
La dégradation du solde budgétaire atteint effectivement 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances pour 2014 ; elle est essentiellement due à la constatation que l'exécution 2013 a été pire que prévue, et non à des décisions hasardeuses ou à un dérapage. Le rapatriement des avoirs produit effectivement une recette non pérenne, mais elle est présentée comme telle, pour une seule année. Il faudra trouver un financement durable dans la loi de finances initiale pour 2015 en ce qui concerne les mesures fiscales pérennes.
Un budget reposant sur une croissance zéro serait prudent, mais insincère : la création du Haut Conseil des finances publiques permet des prévisions réalistes, plus sincères qu'autrefois. Le besoin de financement de l'État, de 180 milliards d'euros, se réduit par rapport aux années antérieures. L'investissement public est une vraie préoccupation, et pas seulement en France : l'initiative commune prise dans le cadre de l'Union européenne par François Hollande et Matteo Renzi le montre. C'est une question de conjoncture mais aussi de croissance potentielle. Pourquoi le produit de l'IS baisse-t-il ? Sans doute à cause de la forte sensibilité de cet impôt à la conjoncture économique, et à l'effet mécanique du CICE.
Les investissements d'avenir sont comptabilisés dans le tableau de financement au fur et à mesure de leur décaissement dans la ligne « autres besoins de trésorerie ». L'information est donc présente - même si je reconnais qu'elle n'est pas très lisible. L'exécution de 2013 n'apparaît pas dans le tableau des dépenses car celui-ci montre le respect des normes de dépenses, qui s'apprécie en comparant une loi de finances initiale avec une autre loi de finances initiale. L'écart est de 3,1 milliards d'euros avec l'exécution 2013.
Il est vrai que l'expression « dynamisme des dépenses des collectivités territoriales » peut susciter des interrogations. Dans mon esprit, il ne s'agissait que d'une présentation sans jugement de valeur sur ses causes : à ce propos, je partage le diagnostic d'Yves Krattinger. Espérons que le Conseil national d'évaluation des normes, pour lequel nous avons procédé à la désignation de nos représentants, diminuera les contraintes parfois inutiles qui pèsent sur les collectivités. S'agissant de l'évolution des recettes liées à la régularisation des avoirs non déclarés, le nombre de fonctionnaires affectés à ces dossiers va doubler. Compte tenu du nombre de régularisations en instance et de leur montant moyen - 900 000 euros - le produit peut en être évalué à 1,85 milliard d'euros en 2014, soit un milliard d'euros de plus que la prévision de la loi de finances initiale.
Je partage les préoccupations de Richard Yung concernant l'IS. Mais la France est comparable à ses voisins dans ce domaine : si le taux facial est fort, le taux réellement appliqué est proche du leur. S'agissant des initiatives de l'Assemblée nationale concernant la taxe de séjour, j'ai imaginé des amendements qui tiennent compte de certaines observations de Philippe Dallier. Suis-je prêt à rétablir le gel des allocations logement ?
M. Philippe Dallier . - ...ou à augmenter les crédits budgétaires, si vous préférez.
M. François Marc , rapporteur général . - ... Je n'ai pas l'intention de revenir sur la décision des députés.
Madame Keller, le déficit prévisionnel se détériore par rapport à la loi de finances initiale, mais il s'améliore par rapport à 2013.
Monsieur Dominati, vous rappelez le tintamarre autour de la réforme fiscale... Mais de nombreuses mesures annoncées dans ce projet de loi procèdent de la réflexion lancée en février et mars : suppression de la C3S, de la surtaxe, baisse annoncée de l'IS.
Enfin, je ne suis pas en mesure de donner une réponse précise concernant la défense ; bien des rapporteurs spéciaux pourraient avoir des commentaires à faire sur leur secteur.
M. François Marc , rapporteur général . - Le projet de loi, qui comptait 7 articles initialement, en compte 36 après son passage à l'Assemblée nationale, dont le remplacement de l'écotaxe. Je ne propose pas de nouvel article et me contenterai de quelques ajustements.
Mme Nicole Bricq . - Bravo !
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 1 rétablit la prévision initialement proposée par le Gouvernement de solde structurel et de solde conjoncturel pour 2014, pour être plus conforme au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et à la loi organique.
L'amendement n° 1 est adopté.
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 2 simplifie la gestion de portefeuilles de valeurs mobilières de placements par les établissements financiers et par les contribuables, en faisant partir le décompte du délai de détention de ces valeurs pour le calcul de l'abattement sur les plus-values au 1 er janvier de l'année suivant l'acquisition de ces titres ou droits, au lieu de la date réelle.
L'amendement n° 2 est adopté.
Article premier ter
L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté.
Article 2
L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 5 apporte de la souplesse au dispositif introduit à l'article 2 bis par l'Assemblée nationale, modifiant la répartition homothétique de la réduction du plafond de recette applicable à l'ensemble des chambres régionales de métiers et de l'artisanat : l'Assemblée permanente de ces chambres pourrait désormais voter une répartition du plafonnement tenant compte de la santé financière des établissements régionaux ; le principe des plafonds individuels homothétiques prévu par le code général des impôts serait conservé en cas d'absence de décision.
L'amendement n° 5 est adopté.
M. François Marc , rapporteur général . - Les amendements n° 6 et n° 7 concernent la taxe de séjour. Le premier reporte l'entrée en vigueur prévue immédiatement au 1 er janvier 2015 du relèvement de 1,5 euro à 8 euros du plafond de la taxe de séjour décidé par l'Assemblée nationale, afin d'attendre la remise du rapport sur la fiscalité touristique de nos collègues députés Monique Rabin, Éric Straumann, et Éric Woerth.
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 7 reporte l'entrée en vigueur de la taxe de séjour spécifique à l'Île-de-France au 1 er janvier 2015 au lieu du 1 er septembre 2014. Cela laissera une marge pour l'analyse et, le cas échéant, pour l'ajustement.
M. Philippe Dallier . - Votre solution est préférable au texte de l'Assemblée, mais je ne peux pas la voter : voter le report serait voter le principe. Je proposerai des amendements de suppression pure et simple. Nous verrons s'il y a lieu d'engager cette mesure lorsque le rapport sera remis.
M. Roland du Luart . - Tout à fait. Laurent Fabius lui-même se dit très réservé.
Mme Nicole Bricq . - Il semblerait bien que les députés aient oublié leur mission en cours... La mesure que propose le rapporteur général est sage et calmera les esprits.
Mme Fabienne Keller , présidente . - Il ne s'agit que d'un plafond.
Mme Nicole Bricq . - ... Cela a été adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement et en vertu d'un arbitrage pas très clair. L'exécutif doit se mettre d'accord. Pour l'Île-de-France, cela représenterait un produit de 140 millions. J'ai participé, il y a quelques années, à la mission de Gilles Carrez sur le financement du Grand Paris...
M. Philippe Dallier . - Moi aussi !
Mme Nicole Bricq . - Nous sommes convenus qu'il s'agissait d'un rapport correct : cette proposition y figurait, avec la hausse des amendes de stationnement.
M. Philippe Dallier . - C'est l'accumulation des deux taxes qui est un peu lourde.
Mme Nicole Bricq . - Le report laisserait du temps pour la concertation avec les professionnels. Cette mesure conservatoire laisserait aussi au Gouvernement le temps de régler son problème...
M. Philippe Dallier . - ...politique !
Mme Nicole Bricq . - Il ne faut pas exagérer. Il ne s'agit pas non plus de la trajectoire de solde structurel ; cela ne remet pas en cause la politique du Gouvernement. Les députés ont été un peu légers...
- Présidence de M. Philippe Marini, président -
M. François Marc , rapporteur général . - Un élément supplémentaire : le dispositif ajoutant deux euros supplémentaires en Île-de-France a des effets indésirables, par exemple pour l'hébergement en hôtel des personnes en situation de grande précarité. Pour le Samu social, cela reviendrait à 20 millions d'euros de charges supplémentaires en année pleine. Le report nous permettra d'y réfléchir avant le budget 2015.
L'amendement n° 6 est adopté.
L'amendement n° 7 est adopté.
Article 5 sexies
L'amendement rédactionnel n° 8 est adopté.
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 9 aligne la sanction prévue pour non présentation de la comptabilité analytique lors d'un contrôle fiscale sur celle prévue pour non présentation de la comptabilité informatisée, plus juste et dissuasive que la sanction forfaitaire de 20 000 euros prévue par l'Assemblée.
L'amendement n° 9 est adopté.
M. François Marc , rapporteur général . - L'amendement n° 10 remplace la remise d'un rapport au Parlement sur la création d'un observatoire des contreparties du CICE et du Pacte de responsabilité par un élargissement des missions du comité de suivi déjà placé auprès du Premier ministre et composé de représentants des partenaires sociaux et des administrations.
M. François Fortassin . - C'est judicieux !
M. Philippe Marini , président . - Vous ne créez donc pas un nouveau comité Théodule, mais vous étendez sa compétence.
L'amendement n° 10 est adopté.
Article 7
L'amendement n° 11 de coordination est adopté.
M. Philippe Marini , président . - Il nous reste à émettre un vote sur l'ensemble du projet de loi.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2014 .