Rapport n° 126 (2013-2014) de M. Yves DAUDIGNY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 novembre 2013
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AVANT-PROPOS
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. UN REDRESSEMENT PROGRESSIF DES COMPTES SOCIAUX
MALGRÉ LA DÉGRADATION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE
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II. DES PERSPECTIVES AMBITIEUSES
BÉNÉFICIANT DES EFFETS DE RÉFORMES STRUCTURELLES
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I. UN REDRESSEMENT PROGRESSIF DES COMPTES SOCIAUX
MALGRÉ LA DÉGRADATION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M.
YVES DAUDIGNY, RAPPORTEUR GÉNÉRAL
N° 126
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2013 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de financement de la sécurité sociale pour 2014 ,
Par M. Yves DAUDIGNY,
Sénateur,
Rapporteur général.
Tome I :
Équilibres financiers généraux
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
1412 , 1462 , 1470 et T.A. 224 |
|
Sénat : |
117 et 127 (2013-2014) |
Les observations du rapporteur
général
Yves Daudigny, rapporteur général , fait, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, quatre séries d'observations : Les efforts accomplis pour réduire les déficits de l'ensemble des régimes obligatoires et du FSV d'une part et du régime général d'autre part ont largement porté leurs fruits en 2012 et 2013 dans un contexte économique dégradé. Ils se traduisent par : - une réduction des déficits des régimes de base et du FSV de 5,3 milliards d'euros en deux ans ; - une réduction du déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros en deux ans. Le redressement des comptes se poursuivra en 2014 grâce aux premiers effets financiers des réformes entreprises (réforme des retraites, réforme de la politique familiale et mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé). L'année 2014 devrait être marquée par : - une réduction des déficits des régimes de base et du FSV de 4,1 milliards d'euros en un an ; - une réduction du déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros en un an, qui passera sous le seuil symbolique des 10 milliards, à 9,6 milliards d'euros. Les perspectives pluriannuelles dessinent une trajectoire de retour vers l'équilibre des comptes sociaux : - les déficits des régimes de base et du FSV atteindraient 5,3 milliards d'euros en 2017 ; - le déficit du régime général s'élèverait à 2,1 milliards d'euros en 2017. Le présent projet de loi propose enfin une mesure bienvenue de reprise progressive des déficits des branches maladie et famille à prélèvements obligatoires constants dans le cadre du mécanisme défini par l'article 9 de la loi de financement pour 2011. Sans pourvoir à la reprise de l'ensemble des déficits des branches maladie et famille prévus d'ici 2017 - estimés à 35,5 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les 8,4 milliards d'euros de déficits enregistrés par les deux branches au titre de 2012 soit un total de 43,9 milliards d'euros -, ce mécanisme pourrait néanmoins permettre le transfert à la Cades de près de 30 milliards d'euros entre 2013 et 2017. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Dix-huit mois après l'élection présidentielle, votre rapporteur général a souhaité dresser, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, un premier bilan de l'action de la nouvelle majorité en matière de finances sociales.
Dans un contexte économique dégradé, l'action du Gouvernement s'est d'abord caractérisée par un véritable effort de maîtrise des comptes sociaux rompant ostensiblement avec la tendance constatée les années précédentes. Grâce aux mesures nouvelles votées depuis août 2012, le déficit de l'ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse est ainsi repassé sous les 20 milliards d'euros en 2013 et celui du régime général sous les 10 milliards d'euros en 2014.
Devant la nécessité de réformer notre système de protection sociale, l'action du Gouvernement s'est ensuite traduite par la définition, en concertation avec les partenaires sociaux, des évolutions structurelles destinée à rendre celui-ci plus juste. Tant les réformes des branches famille et retraite que la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé permettront d'atteindre cet objectif sans dégrader la soutenabilité de nos comptes sociaux.
En quelques mois, le Gouvernement s'est par conséquent donné les moyens de remettre les comptes sociaux sur le chemin de l'équilibre. Cet équilibre n'est certes pas une fin en soi : en période de crise, notre système de protection doit jouer son rôle « d'amortisseur » social. Mais, dans la mesure où il constitue une condition nécessaire à la soutenabilité des politiques sociales, cet équilibre reste un objectif indispensable à la préservation de notre pacte républicain.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UN REDRESSEMENT PROGRESSIF DES COMPTES SOCIAUX MALGRÉ LA DÉGRADATION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE
Conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, le Gouvernement s'est lancé, au cours des deux dernières années, dans un ambitieux programme de redressement des comptes publics.
Ce programme a porté ses fruits en matière de finances sociales. Grâce aux mesures prises depuis l'été 2012, le déficit de l'ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse a diminué de près de 5,3 milliards d'euros depuis 2011 en dépit d'un contexte économique dégradé.
A. DES DÉFICITS 2012 MAITRISÉS GRACE AUX MESURES PRISES EN LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
Contrairement aux perspectives inquiétantes révélées à mi-parcours par la Commission des comptes de la sécurité sociale, l'année 2012 s'est soldée par une sensible diminution des déficits sociaux et la réalisation des objectifs fixés par la loi de financement.
Ce résultat inespéré, qui rompt avec la dérive des comptes constatée sous le précédent gouvernement, est dû aux mesures responsables et nécessaires prises dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2012.
1. Des comptes sociaux à la limite du dérapage
Les données rendues publiques par la Commission des comptes de la sécurité sociale en juillet 2012 laissaient entrevoir un sensible dérapage des comptes sociaux au regard des objectifs adoptés à l'automne précédent.
Le tableau ci-dessous permet de prendre la mesure d'une situation conduisant les comptes du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à afficher un niveau de déficit - proche de 20 milliards d'euros - susceptible de remettre en cause leur soutenabilité financière.
Tableau n°
1
:
Évolution tendancielle des soldes du régime
général
et du FSV pour 2012
(en milliards d'euros) |
LFSS 2012 |
CCSS 1 ( * ) juillet 2012 |
Ecart potentiel |
Régime général |
- 13,8 |
- 15,5 |
1,7 |
FSV |
- 4,1 |
- 4,4 |
0,3 |
Soldes du régime général et du FSV |
- 17,9 |
- 19,9 |
2 |
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juillet 2012 |
2. Des objectifs atteints grâce aux mesures votées en loi de finances rectificative
Le tableau d'équilibre relatif aux comptes de l'année 2012 présenté à l'article 1 du présent projet de loi de financement permet de constater que les objectifs de réduction des déficits fixés en loi de financement pour 2012 ont été finalement dépassés tant pour l'ensemble des régimes obligatoires de base que pour le régime général.
Tableau n° 2 : Evolution des soldes des régimes de base et du FSV entre 2011 et 2012
2011 |
LFSS 2012 |
Réalisé 2012 |
|
Régime général |
- 17,4 |
- 13,8 |
- 13,3 |
Ensemble des régimes de base |
- 19,1 |
- 15,6 |
- 15,1 |
FSV |
-3,4 |
- 4,1 |
- 4,1 |
Ensemble des régimes de base et fonds |
- 22,5 |
19,7 |
- 19,2 |
Source : Lois de financement de la sécurité sociale pour 2012, 2013 et 2014
Le déficit de l'ensemble des régimes de base s'est ainsi élevé à 15,1 milliards d'euros en 2012, soit une diminution de 500 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement pour 2012 et de 4 milliards d'euros par rapport à l'année précédente.
Le solde cumulé des différentes branches du régime général s'est de son côté établi à - 13,3 milliards d'euros en 2012, soit une amélioration de 500 millions d'euros par rapport aux objectifs de la loi de financement et de 4,1 milliards d'euros par rapport aux résultats de l'année 2011.
En ligne avec l'objectif fixé en loi de financement, le déficit du FSV s'est quant à lui élevé à 4,1 milliards d'euros, soit une progression de 700 millions d'euros d'une année sur l'autre sous l'effet de la dégradation du marché du travail et de l'augmentation des prises en charge de cotisations chômage.
Ces résultats ont été obtenus grâce à l'adoption, à l'occasion du collectif budgétaire du 16 août 2012, de mesures correctrices venues compenser le ralentissement de la progression de la masse salariale.
Ces mesures concernent essentiellement, conformément aux propositions réalisées par la nouvelle majorité sénatoriale à l'occasion de la discussion de la loi de financement pour 2012, la suppression de niches sociales et le relèvement des taxes sur le capital. Elles sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 3 : Impact financier des principales mesures de recettes de la LFR du 16 aout 2012 sur les produits 2012 du régime général et du FSV
(en millions d'euros) |
|||
Suppression des allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail |
900 |
||
Augmentation de deux points du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et les produits de placement 2 ( * ) |
800 |
||
Hausse de 8 % à 20 % du taux du forfait social |
500 |
||
Augmentation du taux des cotisations d'assurance vieillesse de 0,2 point prévue pour financer l'ouverture du droit à la retraite anticipée à soixante ans |
200 |
||
Hausse de 14 % à 30 % pour la contribution patronale et de 8 % à 10 % pour la contribution salariale du prélèvement social sur les « stock-options » et les attributions gratuites d'actions |
80 |
||
Extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur des revenus immobiliers de source française |
50 |
||
Abaissement du plafond au-delà duquel les indemnités de rupture sont assujetties, dès le premier euro, à la CSG, la CRDS et aux cotisations sociales |
10 |
||
Source : Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale |
Le dynamisme des produits du régime général en 2012 contraste avec l'évolution modérée de ses charges nettes liée principalement à l'évolution des dépenses maladie et retraite 3 ( * ) .
Les prestations de la branche maladie dans le champ de l'Ondam ont ainsi été, pour la troisième année consécutive, inférieures à l'objectif fixé par la loi de financement. Selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, ces prestations se sont élevées à 170,1 milliards d'euros, soit 1 milliard de moins que l'objectif fixé. Par rapport à 2011, la croissance des dépenses a été de 2,4 % à périmètre constant, en ralentissement par rapport aux années précédentes (2,6 % en 2010 et 2,7 % en 2011). L'écart à l'objectif d'ensemble est presque intégralement imputable aux soins de ville (- 950 millions d'euros par rapport à l'objectif initial).
L'évolution des prestations de retraite du régime général a quant à elle bénéficié de l'effet de la réforme des retraites de 2010. Le relèvement de l'âge légal à 60 ans et 9 mois pour la génération 1952 (accéléré par la LFSS pour 2012) a réduit de 188 000 le nombre des départs et limité la progression des prestations versées qui s'établit à 3,9 % en 2012, taux de progression moins élevé qu'en 2010 et 2011 et nettement inférieur à la tendance moyenne des années 2005-2008 (environ 6 % par an).
3. Une amélioration de la situation financière de l'ensemble des branches du régime général
La diminution du déficit des comptes sociaux en 2012 a concerné l'ensemble des branches du régime général.
Comme l'indique le tableau ci-dessous, elle s'est essentiellement partagée entre les branches maladie (pour 2,7 milliards d'euros) et retraite (pour 1,2 milliard d'euros) qui ont été les principales bénéficiaires des apports de recettes décidés dans la cadre de la loi de finances rectificative.
Le déficit de la branche famille a quant à lui diminué de 100 millions d'euros pour s'établir à 2,5 milliards d'euros. La majoration de 25 % du montant de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) accordée sous condition de ressources aux 5 millions de ménages ayant à charge des enfants âgés de six à seize ans, a toutefois entraîné un écart justifié avec les objectifs de la loi de financement.
Tableau n° 4 : Evolution des soldes des branches du régime général entre 2010 et 2012
(en milliards d'euros) |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
- 11,6 |
- 8,6 |
- 5,9 |
AT/MP |
- 0,7 |
- 0,2 |
- 0,2 |
Vieillesse |
- 8,9 |
- 6 |
- 4,8 |
Famille |
- 2,7 |
- 2,6 |
- 2,5 |
Source : Lois de financement de la sécurité sociale pour 2012 et 2013, et PLFSS pour 2014
B. UNE NOUVELLE REDUCTION DES DÉFICITS EN 2013 MALGRÉ LA DÉGRADATION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE
Si l'action déterminée du Gouvernement durant l'été 2012 a contribué à remettre les comptes sociaux sur un chemin vertueux, le volontarisme affiché en 2013 a permis, en dépit d'un contexte économique fortement dégradé, de poursuivre la réduction des déficits des régimes de sécurité sociale.
1. Vers une nouvelle diminution des déficits sociaux
Selon les prévisions rectifiées présentées par l'article 6 du présent projet de loi de financement, l'année 2013 devrait être marquée par une nouvelle diminution des déficits sociaux.
Le déficit de l'ensemble des régimes de base diminuerait ainsi de 800 millions d'euros en 2013, pour atteindre 14,3 milliards d'euros.
Le solde du FSV, bénéficiant d'un rebond de ses recettes et d'un ralentissement de ses charges, s'améliorerait quant à lui de 1,4 milliard d'euros, pour s'établir à 2,7 milliards d'euros de déficit.
Seul le solde du régime général se dégraderait de 200 millions d'euros par rapport à 2012 pour atteindre 13,5 milliards d'euros.
Tableau n° 5 : Evolution des soldes des régimes de base et du FSV entre 2012 et 2013
(en milliards d'euros) |
2012 |
2013 (p) |
Solde du régime général |
- 13,3 |
- 13,5 |
Ensemble des régimes de base |
- 15,1 |
- 14,3 |
FSV |
- 4,1 |
- 2,7 |
Ensemble des régimes de base et fonds |
- 19,2 |
- 17 |
Source : Projet de loi de financement pour 2014, articles 1 et 6
2. La dégradation de la conjoncture économique
Les résultats attendus pour 2013 sont d'autant plus remarquables qu'ils interviennent dans un contexte de forte dégradation de la conjoncture économique.
Cette dégradation a d'ailleurs incité le Gouvernement, à l'occasion de la transmission du programme de stabilité de la France 2013-2017 à la commission européenne en avril dernier, à procéder à l'actualisation des hypothèses macro-économiques conditionnant l'évolution des comptes sociaux.
Fixé à 0,8 % à l'automne 2012 dans le cadre des travaux préparatoires à la loi de finances et à la loi de financement, le taux de croissance du PIB en volume pour 2013 a ainsi été ramené à 0,1 %.
L'hypothèse d'évolution de la masse salariale, initialement fixée à 2,3 %, a quant à elle été révisée dans les mêmes circonstances à 1,3 %.
Tableau n° 6 : Hypothèses de croissance et d'évolution de la masse salariale 2013
(en pourcentage) |
LFSS 2013 |
Programme
|
Ecart |
Croissance du PIB en volume |
0,8 |
0,1 |
0,7 |
Évolution de la masse salariale |
2,3 |
1,3 |
1 |
Source : Loi de financement pour 2012 - Programme de stabilité et de croissance |
Pour mémoire, le degré de sensibilité des résultats du régime général aux variations du taux de croissance de la masse salariale du secteur privé sont précisé dans le tableau ci-dessous.
Tableau n°
7
: Impact d'un
point supplémentaire de taux de croissance
de la masse salariale sur
les branches du régime général
(en millions d'euros) |
Cnam Maladie |
Cnam
|
Cnaf |
Cnav |
Total Régime général |
Impact d'un point supplémentaire de taux de croissance de la masse salariale du secteur privé |
910 |
100 |
300 |
680 |
1990 |
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juillet 2013 |
En dépit de la faible progression de la masse salariale et d'une dynamique spontanée des assiettes négative, la hausse des produits du régime général devrait s'établir à 3 % en 2013 , tirée par les 8,5 milliards de recettes supplémentaires issus de l'effet en année pleine des mesures votées lors du collectif d'août 2012 et de l'entrée en vigueur des dispositions votées dans le cadre de la loi de financement pour 2013.
L'année en cours devrait en effet bénéficier en premier lieu de recettes issues de l'application en année pleine des dispositions prises dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 et en particulier :
- de la modification du dispositif d'exonération de cotisations salariales appliquées aux heures supplémentaires pour 1,9 milliard d'euros ;
- de la hausse du forfait social à 20 % pour 1,6 milliard d'euros ;
- de l'augmentation de 13,5 % à 15,5 % du taux global des prélèvements sociaux sur les revenus du capital pour 1,7 milliard d'euros ;
- de la hausse de 0,2 point du taux de cotisation de la branche vieillesse pour 700 millions d'euros.
Elle devrait également bénéficier du produit supplémentaire tiré des différentes mesures de recettes adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 2012 rappelées dans le tableau ci-dessous.
Tableau n°
8
: Impact des
principales mesures de recettes de la LFSS 2013
sur les produits du
régime général et du FSV
(en millions d'euros) |
|
Clarification de l'assiette et de la création d'une tranche supplémentaire de la taxe sur les salaires |
500 |
Création d'une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sur les pensions de retraite au taux de 0,15 % |
450 |
Augmentation des droits sur les bières |
400 |
Suppression de l'assiette forfaitaire de cotisation permettant aux particuliers employeurs de cotiser sur une assiette inférieure au salaire réel |
340 |
Assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social |
330 |
Revalorisation des taux de cotisation AT-MP |
200 |
Alignement des structures de fiscalité des différentes formes de tabac |
150 |
Elargissement de la couverture sociale des élus |
140 |
Modification du régime social des carried interests |
80 |
Simplification de la fiscalité des produits de santé |
10 |
Source : Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale
L'année 2013 sera marquée par un taux d'augmentation des dépenses du régime général comparable à celui de ses recettes (+ 3 %).
Cette évolution correspond en premier lieu à l'augmentation de 4 % des prestations retraite. Cette hausse traduit un double phénomène : un pic de départs (715 000 au total soit 24 % de plus qu'en 2012) lié à la montée en charge de la réforme de 2010 auquel s'ajoute un important volume de retraites anticipées (138 000 au total soit 37,5 % de plus qu'en 2012) provoqué par l'assouplissement des conditions d'accès au dispositif prévu par le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.
Elle est ensuite liée à la progression de 2,8 % des dépenses maladie situées dans le champ de l'Ondam reposant essentiellement sur des facteurs épidémiologiques, en particulier l'accélération des remboursements du régime général sur les quatre premiers mois de 2012 en partie imputable à la grippe saisonnière du début d'année.
3. Des comptes pénalisés par la progression des déficits des branches maladie et famille
La légère dégradation du solde du régime général enregistrée en 2013 traduirait une évolution contrastée des résultats des branches maladie et famille d'une part et de la branche vieillesse d'autre part.
Tableau n° 9 : Evolution des soldes des branches du régime général pour 2013
(en milliards d'euros) |
2012 |
CCSS 2013 |
2013 |
Maladie |
- 5,9 |
- 7,9 |
7,7 |
AT/MP |
- 0,2 |
0,3 |
0,3 |
Vieillesse |
- 4,8 |
- 3,5 |
- 3,3 |
Famille |
- 2,5 |
- 3,2 |
-2,8 |
Source : Projet de loi de financement pour 2014 - Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juillet 2013
C'est principalement l'évolution du solde de la branche maladie qui pèserait sur les comptes du régime général en 2013. Contre toute attente, le déficit de la branche progresserait en effet de 1,8 milliard d'euros pour s'établir à 7,7 milliards d'euros. Cette situation s'explique par le faible dynamisme des ressources de la Cnam, en particulier la progression limitée des recettes nettes de CSG. Alors que ces dernières représentent 35 % des produits de la caisse, la Commission des comptes estime que leur hausse devrait se limiter à 1,1 % contre 4 % en 2012 du fait de la contraction de l'assiette des revenus du capital et de la nature du mécanisme de répartition de la CSG, qui amplifie en 2013 l'impact pour la Cnam de la dégradation du contexte économique.
Le solde de la Cnaf se dégraderait quant à lui de 300 millions d'euros. En dépit d'une moindre progression des prestations sociales (+ 2,6 %) par rapport à 2012 (3,2 %), les comptes de la branche seraient pénalisés eux-aussi par le ralentissement du produit de la CSG (+ 1,6 % contre + 4,4 % en 2012).
A contrario , les comptes de la Cnav s'amélioreraient de 1,5 milliard d'euros en 2013 grâce à la progression soutenue des recettes de la branche. La hausse des taux de cotisation de 0,2 point dans le cadre du financement de la retraite anticipée et la suppression des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires rapporteraient 2,5 milliards de recettes supplémentaires en année pleine. Parallèlement, la Cnav bénéficierait des produits liés à l'affectation d'une fraction du forfait social et à la majoration du taux de prélèvement social sur les revenus du capital pour un total de 2,6 milliards de recettes complémentaires. L'ensemble de ces recettes compenserait largement le ralentissement de l'effet négatif de la dégradation de la masse salariale plafonnée.
C. UNE AMÉLIORATION DU SOLDE STRUCTUREL DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE
En s'appuyant sur l'analyse du solde structurel des administrations de sécurité sociale (Asso), votre rapporteur a déjà eu l'occasion de mettre en évidence 4 ( * ) la lourde responsabilité du précédent gouvernement dans la dégradation des comptes de la protection sociale.
Une bonne gestion de ces comptes aurait dû en effet se traduire par l'accumulation d'excédents en période de croissance destinés à faire face à une dégradation éventuelle du contexte économique. Or les comptes des administrations de sécurité sociale, en particulier ceux du régime général, sont entrés dans la crise lestés d'un important déficit structurel.
Le Gouvernement a souhaité rompre avec cette logique en recherchant une amélioration régulière du solde structurel des administrations de sécurité sociale.
1. Un indicateur pertinent concernant l'efficacité des politiques menées en matière de finances sociales
Au sens de la comptabilité nationale, le concept d'administrations de sécurité sociale désigne un ensemble plus large que les régimes obligatoires de base 5 ( * ) inclus dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les administrations de sécurité sociale comprennent en effet, outre les régimes obligatoires, le fonds de réserve des retraites, la Cades, ainsi que les régimes complémentaires et l'Unedic. Elles représentaient, en 2012, 46,5 % des dépenses publiques et 57 % des prélèvements obligatoires.
C'est sur ce périmètre plus large qu'est calculé le solde structurel des administrations de sécurité sociale. Corrigé des effets de la croissance, ce solde structurel neutralise les effets d'aubaine des recettes dans les phases d'expansion. A contrario , il reconnaît l'importance des stabilisateurs automatiques en période de crise.
Ce solde structurel constitue donc un indicateur adéquat pour évaluer les résultats obtenus en matière de gestion des finances sociales.
2. Le retour programmé d'un excédent structurel
Comme l'indique le tableau ci-dessous, les mesures votées par la nouvelle majorité se traduisent par une amélioration substantielle du solde effectif des administrations de sécurité sociale et de leur composante structurelle.
Cette dynamique positive devrait permettre de dégager, pour la première fois depuis 2001, un solde structurel positif en 2014.
Tableau n° 10 : Répartition du solde des administrations de sécurité sociale entre solde conjoncturel et solde structurel
(en points de PIB potentiel) |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Solde conjoncturel |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,2 |
- 0,4 |
- 0,6 |
- 0,5 |
Solde structurel |
- 0,5 |
- 0,9 |
- 0,4 |
- 0,1 |
+ 0,4 |
+ 0,5 |
Solde effectif |
- 0,8 |
- 1,2 |
- 0,6 |
- 0,5 |
- 0,2 |
0 |
Source : Annexe 1 « financement » au projet de loi de financement pour 2014
Pour atteindre ce résultat, le Gouvernement a décidé de concentrer les efforts en matière de recettes en début de législature afin de pallier, dans l'urgence, leur faible dynamisme.
L'effort en dépenses sera quant à lui réparti sur l'ensemble de la période reflétant des dépenses sociales globalement moins dynamiques que la croissance potentielle, notamment les dépenses d'assurance maladie avec un Ondam progressant en valeur à 2,8 % en 2013, puis 2,4 % (soit à un rythme proche de 1 % en volume).
II. DES PERSPECTIVES AMBITIEUSES BÉNÉFICIANT DES EFFETS DE RÉFORMES STRUCTURELLES
A. LE PLFSS POUR 2014 : UNE PREMIÈRE TRADUCTION FINANCIÈRE DES RÉFORMES ENTREPRISES PAR LE GOUVERNEMENT
Si les années 2012 et 2013 se sont caractérisées par la multiplication des mesures de recettes destinées à inverser la tendance des déficits, l'année 2014 sera marquée par les premiers effets des réformes structurelles entreprises par le Gouvernement.
Ces réformes devraient contribuer à dessiner, à l'horizon 2017, une trajectoire crédible de retour à l'équilibre des comptes sociaux.
1. Les soldes tendanciels des comptes sociaux
L'analyse du compte tendanciel établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale sur la base des hypothèses macro-économiques retenues par les pouvoirs publics, permet de justifier l'ensemble des efforts entrepris par le Gouvernement pour redresser les comptes sociaux.
Ce compte, qui décrit les soldes prévisionnels estimés avant la prise en compte des mesures nouvelles intégrées dans le projet de loi retraites, le projet de loi de financement pour 2014, le projet de loi de finances pour 2014 ou prévues par voie réglementaire , met en évidence une dégradation tendancielle des comptes sociaux.
Le tableau ci-dessous retrace ainsi une hausse tendancielle de 4,3 milliards d'euros du déficit du régime général et de 4,8 milliards d'euros du déficit des régimes de base obligatoires et du FSV.
Tableau n° 11 : Soldes « tendanciels » des régimes de base et du FSV pour 2014
(en milliards d'euros) |
2012 |
2013 (p) |
2014 (t) |
Régime général |
- 13,3 |
- 13,5 |
- 17,8 |
Ensemble des régimes de base |
- 15,1 |
- 14,3 |
- 18,4 |
FSV |
- 4,1 |
- 2,7 |
- 3,7 |
Ensemble des régimes de base et fonds |
- 19,2 |
- 17 |
- 22,1 |
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013
L'analyse par branche met en évidence l'importance prise par l'aggravation du déficit de la branche maladie. Sans mesure particulière, le solde de la Cnam se dégraderait de 3,2 milliards d'euros entre 2013 et 2014 pour atteindre un déficit de 10,9 milliards d'euros.
Les branches vieillesse et famille subiraient quant à elles des dégradations plus modérées, respectivement de 400 et 500 millions d'euros.
Tableau n° 12 : Soldes « tendanciels » des branches du régime général pour 2014
(en milliards d'euros) |
2012 |
2013 (p) |
2014 (t) |
Maladie |
- 5,9 |
7,7 |
10,9 |
AT/MP |
- 0,2 |
0,3 |
0,1 |
Vieillesse |
- 4,8 |
- 3,3 |
- 3,7 |
Famille |
- 2,5 |
-2,8 |
-3,3 |
Régime général |
- 13,3 |
- 13,5 |
- 17,8 |
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013
2. Les prévisions du projet de loi de financement
Les comptes des régimes sociaux inscrits dans le présent projet de loi de financement s'écartent sensiblement des soldes tendanciels présentés en septembre dernier par la Commission des comptes de la sécurité sociale.
Bénéficiant des effets financiers des réformes structurelles entreprises par le Gouvernement, le déficit de l'ensemble des régimes de base et du FSV est fixé à 13,2 milliards d'euros en 2014.
Celui du régime général passerait sous le seuil symbolique des 10 milliards d'euros pour s'établir à 9,6 milliards d'euros, niveau proche des niveaux constatés avant la crise.
Tableau n° 13 : Evolution des soldes des régimes de base et du FSV entre 2012 et 2014
(en milliards d'euros) |
2012 |
2013 (p) |
2014 (p) |
Régime général |
- 13,3 |
- 13,5 |
- 9,6 |
Ensemble des régimes de base |
- 15,1 |
- 14,3 |
- 10 |
FSV |
- 4,1 |
- 2,7 |
- 3,2 |
Ensemble des régimes de base et Fonds |
- 19,2 |
- 17,2 |
- 13,2 |
Source : Projet de loi de financement pour 2014 - Articles 1 et 6
Cet écart positif avec l'évolution tendancielle des comptes sociaux est d'abord lié aux effets attendus des mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites dont l'impact sur les comptes de la Cnav en 2014 est évalué à 4,2 milliards d'euros 6 ( * ) . Cette réforme prévoit en particulier une hausse des cotisations vieillesse (2,2 milliards d'euros en 2014), l'inclusion des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus dans l'assiette de l'impôt sur le revenu (1,2 milliards d'euros en 2014) et le décalage de six mois de la revalorisation des pensions (800 millions d'euros).
Les soldes pour 2014 bénéficient également des mesures affectant les comptes de la branche famille . Ces mesures, qui visent à recentrer les prestations sur les publics les plus fragiles, seront principalement financées par la diminution du plafond du quotient familial - pour un montant estimé à 1,03 milliard d'euros - et la suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité.
Enfin, le redressement des comptes de la branche maladie s'appuiera sur la fixation d'un Ondam à 2,4 %. Ce taux de progression constitue un objectif plus ambitieux que celui retenu dans la loi de programmation des finances publiques votée en 2013 et dans l'annexe pluriannuelle de la LFSS pour 2013.
Le respect de cet objectif passe d'abord par le déploiement de la stratégie nationale de santé et la poursuite des efforts de maîtrise des dépenses de santé. Dans ce cadre, les mesures inscrites dans le PLFSS pour 2014 permettront de poser les premiers jalons d'une évolution en profondeur de la tarification à l'activité. Par ailleurs, des mesures spécifiques favoriseront une meilleure organisation des soins de proximité, initiée par la loi de financement pour 2013, en étendant le soutien aux structures pluriprofessionnelles et en sécurisant le financement des coopérations entre professionnels de santé.
Le respect de l'Ondam passe également par la poursuite des efforts de maîtrise des dépenses de santé, tant en ville qu'en établissements de santé. Ces actions consistent à la fois en des baisses de prix négociées par le comité économique des produits de santé et en un meilleur contrôle des volumes. Les efforts de maîtrise médicalisée seront poursuivis avec des objectifs ambitieux et, conformément aux préconisations de la Cour des Comptes, des baisses de prix ciblées permettront en outre de réguler la dépense de certains soins de ville.
Tableau n° 14 : Evolution des soldes des branches du régime général entre 2012 et 2014
(en milliards d'euros) |
2012 |
2013 (p) |
2014 (p) |
Maladie |
- 5,9 |
- 7,7 |
- 6,2 |
AT/MP |
- 0,2 |
0,3 |
0,1 |
Vieillesse |
- 4,8 |
- 3,3 |
- 1,3 |
Famille |
- 2,5 |
-2,8 |
- 2,3 |
Source : Projet de loi de financement pour 2014
3. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a modifié ou ajouté 7 articles ayant un impact sur l'équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Comme l'indique le tableau ci-dessous, l'incidence de ces votes sur les soldes est cependant limitée.
Tableau n° 15 : Impact des votes de l'Assemblée nationale
(en millions d'euros) |
2014 |
Modalités transitoires de collecte des cotisations sur produits financiers (article 8) |
- 60 |
Affectation C3S |
+60 |
Reroutage CASA (article 15) |
-100 |
Lissage possible de la hausse de cotisations retraites RSI (article 10) |
-30 |
Paume aides au logement |
-16 |
TSCA (article 15 ter) |
90 |
Boissons énergisantes (article 15 bis) |
65 |
Total avant gage |
+ 9 |
Source : Votes de l'Assemblée nationale, estimations du Gouvernement
Le solde des régimes obligatoires de base serait ainsi quasiment identique à celui prévu dans le texte initial du Gouvernement. À l'inverse, le solde du FSV serait quant à lui dégradé de 100 millions d'euros pour s'élever à 3,3 milliards d'euros.
Au titre des principales mesures adoptées à l'Assemblée nationale, il convient de citer :
- le reroutage d'une partie du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie vers la CNSA pour 100 millions d'euros ;
- la hausse du taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) sur les contrats d'assurances maladie dits « non responsable » pour un montant évalué à 90 millions d'euros.
- la création d'une taxe sur les boissons énergisantes dont le rendement est évalué à 60 millions d'euros ;
- la définition de modalités transitoires de collecte des cotisations sur produits financiers pour 60 millions d'euros.
B. DES PERSPECTIVES PLURIANNUELLES TENDANT VERS UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX
Les objectifs ambitieux fixés par le projet de loi de financement pour l'exercice 2014 s'inscrivent dans la trajectoire pluriannuelle de redressement des finances publiques définie par le Gouvernement.
1. Un solde excédentaire pour les administrations de sécurité sociale dès 2015
Pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale, au sens de la comptabilité nationale, les projections du Gouvernement font état d'un retour à l'équilibre en 2014, avec un excédent de 0,8 point de PIB à l'horizon 2017.
Graphique n° 16 : Evolution du solde des administrations de sécurité sociale depuis 2006 et projections du Gouvernement sur la période 2013-2017
(en points de PIB)
Source : rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2014, tome II et annexe au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
2. Un déficit limité pour les régimes entrant dans le champ du projet de loi de financement
S'agissant des régimes entrant dans le champ du projet de loi de financement, les projections proposées par le Gouvernement font état d'une amélioration progressive et continue des soldes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général jusqu'en 2017.
Le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV serait divisé par deux et demi et passerait de 13,2 milliards en 2014 à 5,3 milliards d'euros en 2017.
Le déficit du régime général serait quant à lui divisé par plus de quatre sur la même période pour s'élever à 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2017.
Tableau n° 17 : Prévisions relatives aux soldes des régimes de base de sécurité sociale et du FSV
(en milliards d'euros) |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Régime général |
- 9,6 |
- 7,6 |
- 4,9 |
- 2,1 |
Ensemble des régimes de base |
- 10 |
- 8,1 |
- 5,8 |
- 3,3 |
Fonds de solidarité vieillesse |
- 3,2 |
- 3,1 |
- 2,6 |
- 2 |
Ensemble des régimes de base et Fonds |
- 13,2 |
- 11,2 |
- 8,4 |
- 5,3 |
Source : Annexe B du projet de loi de financement pour 2014
L'amélioration des soldes des différents régimes de base de sécurité sociale s'accompagnerait d'une hausse sensible du taux de couverture des dépenses avec les recettes.
Le tableau ci-dessous précise que ce taux atteindrait 99,4 % en 2017, contre seulement 92,3 % en 2010 et 96 % en 2013 pour le régime général.
Tableau n° 18 : Evolution du taux d'adéquation des dépenses avec les recettes
(en %) |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Régime général |
97,2 |
97,9 |
98,7 |
99,4 |
Ensemble des régimes de base et Fonds |
97,9 |
98,3 |
98,8 |
99,4 |
Source : Annexe 1 « Financement » du projet de loi de financement pour 2014
3. Le retour à l'équilibre pour certaines branches du régime général à l'horizon 2018
Selon les prévisions établies dans le cadre de l'annexe B du présent projet de loi, la période 2014-2017 serait par ailleurs marquée par l'amélioration soutenue de l'ensemble des soldes des branches.
La branche AT-MP serait excédentaire sur l'ensemble de la période.
La branche vieillesse, bénéficiant de la montée en charge des différentes mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites, atteindrait l'équilibre en 2016.
Les comptes des branches maladie et famille se caractériseraient par des déficits se limitant respectivement à 2,6 milliards et 1 milliard d'euros, laissant ainsi présager un retour à l'équilibre en 2018.
Tableau n° 19 : Prévisions relatives aux soldes des branches du régime général
(en milliards d'euros) |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Maladie |
- 6,2 |
- 5,4 |
- 4 |
- 2,6 |
AT-MP |
0,1 |
0,4 |
0,6 |
0,9 |
Famille |
- 2,3 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1 |
Vieillesse |
- 1,2 |
- 0,6 |
0,1 |
0,6 |
Source : Annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
C. UN TRANSFERT PARTIEL À LA CADES DES DÉFICITS DES BRANCHES MALADIE ET FAMILLE
Contrairement à l'année passée, le présent projet de loi de financement comprend une disposition prévoyant le transfert annuel d'une partie des déficits des branches maladie et famille à la Cades dans le cadre du dispositif de reprise automatique défini par l'article 9 de la loi de financement pour 2011.
Cette disposition ne permet sans doute pas de transférer l'ensemble des déficits de ces deux branches - plus de 18 milliards d'euros au titre de 2012 et 2013 - actuellement gérés en trésorerie par l'Acoss. Mais elle contribue à alléger partiellement la contrainte financière pesant sur l'Agence sans entrainer d'augmentation des prélèvements liée au remboursement de la dette sociale et de ses intérêts.
1. Une reprise des déficits partielle et conditionnée
L'article 9 de la loi de financement pour 2011 a organisé la reprise par la Cades d'une partie substantielle des déficits du régime général de la sécurité sociale.
Ce dispositif prévoyait d'abord la reprise, avant le 31 décembre 2011, de la dette du régime général correspondant aux déficits 2009 et 2010 des branches maladie, vieillesse et famille et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et des déficits prévisionnels 2011 des branches maladie et famille. Cette reprise, plafonnée à 68 milliards d'euros, était intégralement financée par l'affectation à la Caisse de 0,28 point de contribution sociale généralisée (CSG) auparavant affecté à la Cnaf. Réalisée au cours de l'année 2011, cette reprise a porté sur 65,3 milliards d'euros de dette.
Ce dispositif prévoyait ensuite, la reprise annuelle, dans la limite de 62 milliards d'euros sur la période considérée et de 10 milliards d'euros par an, des déficits de la branche vieillesse et du FSV pour les années 2011 à 2018. Ce second volet du dispositif était quant à lui financé par deux nouvelles ressources : le versement à la Cades de 2,1 milliards d'euros par an entre 2011 et 2024 issus des actifs financiers gérés par le FRR et l'affectation à celle-ci du produit de 1,3 point du prélèvement social sur les revenus du capital auparavant affecté au FRR.
Le présent projet de loi propose d'élargir ce dispositif de reprise en autorisant le transfert automatique à la Cades, dans la limite des plafonds existants, du déficit des branches maladies et famille du régime général. Cet ajustement tire les conséquences du rééquilibrage progressif des comptes du FSV et de la branche vieillesse du régime général résultant de la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.
Comme l'indique le tableau ci-dessous, cette réforme devrait faire passer le déficit cumulé de la Cnav et du FSV de 6 milliards d'euros en 2013 à 1,3 milliard d'euros en 2017 et dégager des marges de manoeuvre substantielles pour la reprise par la Cades des déficits des deux autres branches dans la limite de 10 milliards d'euros par an.
Sans pourvoir à la reprise de l'ensemble des déficits des branches maladie et famille prévus d'ici 2017 - estimés à 35,5 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les 8,4 milliards d'euros de déficits enregistrés par les deux branches au titre de 2012 soit un total de 43,9 milliards d'euros -, ce mécanisme pourrait néanmoins permettre le transfert à la Cades de près de 30 milliards d'euros entre 2013 et 2017 s'échelonnant entre 4 milliards d'euros au titre de 2013 et 8,7 milliards au titre de 2017.
Tableau n° 20 : Evolution des déficits de la branche vieillesse du régime général et du FSV
(en milliards d'euros) |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Vieillesse |
- 3,3 |
- 1,2 |
- 0,6 |
0 |
+ 0,6 |
FSV |
- 2,7 |
- 3,2 |
- 3 |
- 2,6 |
- 1,9 |
Total |
- 6 |
-4,4 |
- 3,6 |
- 2,6 |
- 1,3 |
? vis-à-vis du plafond de 10 M€ |
4 |
5,6 |
6,4 |
7,4 |
8,7 |
Maladie |
- 7,7 |
- 6,2 |
- 5,4 |
- 4 |
- 2,6 |
Famille |
- 2,8 |
- 2,3 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1 |
Total |
- 10,5 |
- 8,5 |
- 7,3 |
- 5,6 |
- 3,6 |
Source : Annexe B du projet de loi de financement pour 2014, calculs de l'auteur
2. Des modalités de reprise des déficits adaptées au contexte
Considérant qu'il propose des modalités de reprise des déficits des branches maladies et famille adaptées au contexte économique et politique, votre rapporteur général se félicite de la présence de cet article dans le projet de loi de financement.
Ce dispositif permet d'une part de tirer parti des taux d'intérêt particulièrement attractifs auxquels continuent de se refinancer les organismes publics. L'Acoss, moyennant une nouvelle augmentation de son plafond d'avance prévue à l'article 26 du présent projet de loi, devrait ainsi pouvoir financer en trésorerie la partie des déficits des branches maladie et famille qui ne serait pas transférée à la Cades dans le cadre de ce nouveau dispositif.
Ce dispositif permet d'autre part, en bénéficiant d'un mécanisme existant, d'éviter d'avoir à recourir à une nouvelle hausse des prélèvements destinés à financer l'amortissement de la dette transférée à la Cades. Votre rapporteur général tient en effet à rappeler qu'aux termes de l'article 4 bis de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale tout nouveau transfert de dette à la Cades doit s'accompagner des ressources nécessaires à son remboursement à date d'extinction inchangée.
Sur le plan des principes de bonne gestion, votre rapporteur général tient néanmoins à rappeler sa position constante : dette et trésorerie ne doivent pas être confondues. Une opération de reprise de dette par la Cades, avec transfert de ressources correspondantes, sera indispensable dans un proche avenir pour couvrir le besoin de financement né du reliquat des déficits des branches « famille » et « maladie ».
EXAMEN EN COMMISSION
I. AUDITION DES MINISTRES
Audition de M. Bernard CAZENEUVE, ministre délégué chargé du budget
Réunie le mercredi 9 octobre 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l' audition de M. Bernard Cazeneuve , ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 .
Mme Annie David, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je le remercie d'avoir bien voulu venir devant nous pour présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 adopté ce matin en Conseil des ministres.
Bien que ce PLFSS ait été élaboré et présenté conjointement par le ministre des affaires sociales et le ministre chargé du budget, il m'a paru plus judicieux de prévoir deux auditions distinctes. L'audition de Mme Marisol Touraine, mercredi prochain, nous permettra ainsi d'évoquer plus en détail les problématiques particulières des différentes branches.
Je laisse immédiatement la parole à M. Cazeneuve pour aborder les questions liées au financement et aux grands équilibres de la sécurité sociale.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. - Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de présenter devant votre commission les principales dispositions financières du PLFSS pour 2014. Celles-ci s'inscrivent dans la volonté du gouvernement de redresser l'ensemble des comptes publics et de créer les conditions d'une réduction de nos déficits et de nos dettes. Nous y voyons la condition de la pérennisation du modèle social français et du financement de nos priorités politiques et budgétaires.
Nous avons pris, depuis 2012, des mesures destinées à réduire le déficit nominal et à honorer les engagements pris devant la Commission européenne en matière de réduction des déficits structurels.
Si je neutralise l'effet de la lutte contre la fraude fiscale, les prélèvements obligatoires augmenteront d'un milliard d'euros en 2014. Exprimée en pourcentage, cette hausse représente 0,05 % pour 2014 contre 0,5 % chacune de ces quatre dernières années.
Les efforts réalisés nous permettent d'enregistrer une diminution des déficits nominaux. Ceux-ci passeront de 5,3 % du PIB en 2012 à 4,8 % en 2013, l'écart avec l'objectif initial de 4,5 % résultant de la nécessaire recapitalisation de Dexia et de la sous-évaluation, par le gouvernement précédent, des crédits de paiement destinés au budget européen dans le cadre du prélèvement sur recettes (PSR).
Le projet de loi de finances pour 2014, qui présente un objectif de déficit nominal de 3,6 %, se situe dans cette séquence de réduction régulière des déficits. Cette réduction est sans doute moins importante que certains pourraient le souhaiter, mais nous avons choisi, au plus fort de la crise, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques afin de ne pas ajouter la récession à la récession et de laisser toutes ses chances à la croissance. Ce choix semble porter ses fruits puisque le fonds monétaire international (FMI) a révisé à la hausse ses prévisions de croissance pour la France : 0,2 % en 2013 contre 0,1 % initialement et 1 % en 2014 plutôt que 0,9 %.
Concernant la réduction des déficits structurels, la Cour des comptes a qualifié l'effort réalisé en 2012 d'historique. Cette réduction atteindra 1,7 % en 2013 puis 1 % en 2014 conformément aux engagements pris devant l'Union européenne.
L'effort engagé en 2012 se poursuivra également en matière de comptes sociaux. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit avait augmenté de 160 milliards d'euros entre 2002 et 2012. Le déficit des régimes de sécurité sociale a atteint un niveau record - 28 milliards d'euros - en 2010, alors que la croissance était de 1,6 %.
Les efforts demandés aux Français, au travers d'une hausse des prélèvements obligatoires et d'une véritable maîtrise des dépenses d'assurance maladie ont entraîné, en 2013, une diminution du déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 1,3 milliard d'euros. Sans ces mesures, ces déficits se seraient établis à 25 milliards d'euros.
S'agissant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), nous avons réalisé une économie d'un milliard d'euros par rapport aux objectifs 2012 et de 500 millions d'euros sur les objectifs fixés pour 2013.
La réduction des déficits se réalise dans un contexte économique difficile. Les résultats obtenus doivent être comparés à ceux de 2010. Cette année-là, le déficit s'était accru de 4,5 milliards d'euros, pour atteindre 28 milliards d'euros, dans un contexte où la croissance était de 1,6 %, soit près de quinze fois supérieure à ce qu'elle est cette année.
L'année 2014 marque une nouvelle étape, celle des réformes structurelles destinées à rénover le modèle social français. Notre démarche s'articule autour de trois idées simples.
Nous voulons en premier lieu que le modèle social français soit économiquement, budgétairement et financièrement soutenable.
Nous ne voulons pas laisser les différentes branches du régime général s'enfoncer dans le déficit et dans les dettes. Nous ne pouvons-nous satisfaire d'une situation où ce que l'on prétendrait donner aujourd'hui serait pris sur ceux qui viendront demain !
Nous proposons donc, dans le cadre du PLFSS pour 2014, d'effectuer un effort de 8,5 milliards d'euros afin de limiter le déficit cumulé des branches du régime général et du FSV à 12,8 milliards d'euros. Sans les mesures que je vais vous présenter, ce déficit cumulé atteindrait plus de 21 milliards d'euros. Cela signifie que nous allons doubler l'effort par rapport à 2013, et que nous parviendrons à diminuer le déficit non pas de 1,3 milliard d'euros, comme cela a été le cas cette année, mais de 3,4 milliards d'euros par rapport à 2013 !
Si nous parvenons à atteindre ce but - et il n'y a aucune raison que nous n'y parvenions pas - nous aurons ramené le déficit des comptes sociaux en 2014 au niveau auquel il était avant la crise, en 2008. Le déficit du seul régime général passera sous la barre des 10 milliards d'euros pour atteindre 9,6 milliards d'euros...
Nous souhaitons en second lieu que les réformes que nous menons s'inscrivent dans la durée : réforme des retraites, réforme de la politique familiale, stratégie nationale de santé présentée par le ministre des affaires sociales il y a quelques jours... A l'horizon 2017, le déficit du régime général et du FSV devrait revenir à 4 milliards d'euros soit une division par cinq du déficit des comptes sociaux entre 2012 et 2017 !
Nous voulons enfin que le rétablissement des comptes sociaux ne se fasse pas au détriment de la croissance et de l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de préserver la diminution du coût du travail. Nous avons pris une mesure qui peut faire l'objet de débats, mais qui commence à faire connaître ses effets : le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) représente une enveloppe de 20 milliards d'euros d'allégements nets de charges sur les entreprises. C'est une mesure assez différente de la TVA sociale, qui diminuait les cotisations et transférait intégralement la diminution du coût du travail résultant des cotisations sur le consommateur, par le truchement de la TVA. Par ailleurs, la diminution des cotisations sociales transférées intégralement sur la TVA permettait de bonifier le bénéfice des sociétés, et élargissait l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS). Nous ne récupérions donc pas, à travers l'IS, ce que nous avions donné à travers la baisse de cotisations.
Les calculs auxquels nous avons procédé montrent que, pour réaliser 20 milliards d'euros d'allégements nets de charges à travers le dispositif de la TVA sociale, il aurait fallu faire 33 milliards d'euros de TVA sociale. Voyez ce que peut représenter, en termes d'augmentation du taux de TVA, le transfert des entreprises vers les ménages...
Le CICE représente quant à lui un allégement net de charges. Il s'agit d'un crédit d'impôt sur l'IS qui ne sera pas intégralement financé par la TVA. En effet, la clé de financement du CICE, ce sont 10 milliards d'euros d'économies en dépenses, 6 milliards d'euros d'augmentation de la TVA et un peu plus de 3 milliards d'euros d'augmentation de la fiscalité écologique.
Afin que la réduction du coût du travail résultant du CICE ne soit pas altérée par la réforme des retraites, nous avons décidé de compenser l'augmentation des cotisations vieillesse imposée aux entreprises, et cela sur toute la durée de la réforme, par une diminution des cotisations à la branche famille.
Le choix de l'emploi est donc réalisé à travers un effort de compétitivité maintenu, mais également avec la réforme de la politique familiale visant à multiplier les solutions d'accueil pour les jeunes enfants dont les parents travaillent. 275 000 solutions d'accueil seront ainsi financées par les mesures que nous prenons en matière de quotient familial.
Le choix de la croissance se traduit enfin par un effort particulier en matière de réduction des dépenses en matière sociale. L'effort structurel engagé dans le cadre du PLFSS représente plus de 4 milliards d'euros et se décompose de la manière suivante : 3 milliards d'euros au titre de l'enveloppe assurance maladie dont 2,5 milliards d'euros issus de la maîtrise du taux de croissance de l'Ondam, 800 millions d'euros d'économies réalisés grâce au décalage de la revalorisation des pensions dans le cadre de la réforme des retraites et 200 millions d'euros supplémentaires dans le cadre de la réforme des prestations familiales. Nous attendons également des économies de la renégociation des conventions de gestion des organismes de sécurité sociale, notamment grâce à la dématérialisation et à la numérisation du fonctionnement d'un certain nombre de caisses.
Les économies réalisées en matière de dépenses permettent de limiter les prélèvements supplémentaires. Elles ne nous empêchent pas d'apporter des ressources à la sécurité sociale, grâce aux réformes structurelles qui ont été annoncées.
Dans le cadre de la réforme de la politique familiale, le produit de l'abaissement du plafond du quotient familial sera bien entendu intégralement affecté à la branche famille. Les montants dégagés permettront de réduire le déficit de la branche famille, qui s'élève à 2,5 milliards d'euros, et de financer des mesures nouvelles, comme les 270 000 places de crèche que j'évoquais à l'instant. Ils permettront également d'augmenter respectivement de 50 % et de 25 % le complément familial et l'allocation de soutien familial.
S'agissant de la réforme des retraites, les mesures en faveur des petites pensions agricoles seront financées par des ressources nouvelles. Je pense notamment à l'encadrement des pratiques d'optimisation consistant à distribuer une partie des revenus de l'exploitation aux membres de la famille de l'exploitant.
Par ailleurs, nous franchirons, dans le cadre des lois financières de cet automne, une étape décisive dans la mise en oeuvre de l'engagement pris par le Président de la République en faveur d'une complémentaire santé pour tous. Les premières pierres de ce chantier ont été posées cette année dans le cadre de la loi de sécurisation de l'emploi garantissant l'élargissement des conditions d'accès à la CMU-c et à l'aide à la complémentaire santé. Au total, 750 000 personnes supplémentaires bénéficieront d'une couverture dont, jusqu'à présent, elles ne bénéficiaient pas.
Avec le projet de loi de finances et le PLFSS, nous poursuivons dans cette voie. Conformément aux recommandations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, nous proposons d'une part la suppression de l'exonération fiscale des sommes versées par les entreprises au titre des contrats collectifs de complémentaire santé, mesure dont le rendement d'un milliard d'euros sera affecté à l'assurance maladie. Nous proposons d'autre part la mise en place d'une régulation accrue des complémentaires santé en redéfinissant le concept de contrat responsable.
Ces mesures relèvent d'une réforme globale, centrée sur la réduction des niches fiscales, permettant la généralisation de la complémentaire santé au titre des contrats collectifs et l'accompagnement des contrats responsables. Cette réforme appelle une fiscalisation accrue des contrats qui ne le sont pas, afin de valoriser et de promouvoir les premiers.
En complément des mesures issues des grandes réformes - retraites, politique familiale, complémentaires santé - le PLFSS 2014 comprend une mesure modifiant les modalités d'application des prélèvements sociaux applicables à certains produits de placements. Elle permettra d'appliquer le taux de 15,5 % à l'ensemble de ces produits. Il s'agit d'une mesure de justice permettant de dégager 600 millions d'euros de recettes, dont 450 millions d'euros seront affectés à la sécurité sociale.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Monsieur le ministre, merci de la précision de votre exposé. Je voudrais apporter ici mon soutien à cette démarche cohérente visant à refonder notre système de santé.
Je tiens par ailleurs à me féliciter de l'affectation intégrale du produit des mesures fiscales transitant par le budget de l'Etat aux différentes branches de la sécurité sociale. Je pense plus particulièrement à l'affectation à la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) du rendement de la baisse du plafond du quotient familial, et de l'affectation à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) du rendement de la fiscalisation de la participation de l'employeur aux contrats complémentaires santé collectifs.
Je constate que le ministère du budget n'a pas succombé à la tentation de préempter une partie de ces recettes pour financer les dépenses ou les déficits du budget général.
Je voudrais également faire part de ma satisfaction au sujet du transfert progressif à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) d'une partie des déficits des branches maladie et famille, actuellement gérés en trésorerie par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). L'idée consistant à effectuer ce transfert en tirant profit de l'effet positif des mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites sur le solde de la branche vieillesse me paraît pertinente, même si elle n'est pas suffisante à la résorption complète du déficit géré par l'Acoss.
Par ailleurs, je note que le PLFSS propose d'attribuer au FSV les réserves constituées par le montant de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) non affecté avant 2011. Ces réserves représentent près de 1,3 milliard d'euros. Pourriez-vous expliciter comment, compte tenu du contexte financier particulièrement tendu que nous connaissons, un tel montant a pu s'accumuler sans avoir été affecté à l'un des trois attributaires de la C3S, que sont la Mutualité sociale agricole (MSA), le Régime social des indépendants (RSI) et le FSV ?
En second lieu, j'ai noté qu'une partie des économies sur les dépenses sociales prévues dans le cadre de ce PLFSS seraient issues d'économies de gestion sur les caisses de sécurité sociale. Comment, selon vous, se traduiront ces économies de gestion sur les moyens alloués aux caisses et sur leurs modalités de fonctionnement ?
Enfin, un grand quotidien rapporte aujourd'hui que les taxes sur le tabac font de moins en moins recette. Malgré l'augmentation du prix du tabac, on constaterait une baisse des recettes fiscales de l'ordre de 1,4 %, correspondant à une décrue en volume des ventes de 8,3 %. N'arrivons-nous pas à une limite en matière de taxation du tabac dans notre pays ? Si ces résultats traduisaient une amélioration en termes de santé publique, tout le monde pourrait s'en féliciter, mais l'on sait qu'une grande partie de cette diminution est due à des achats qui ne sont pas réalisés sur les territoires français ou qui le sont auprès de sources illégales. Existe-t-il un élément de réflexion sur ce sujet ?
Mme Annie David, présidente. - Cette réflexion mérite en effet d'être menée pour toutes les taxes comportementales...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Certains montants de C3S ont effectivement été encaissés jusqu'en 2011, sans jamais être inscrits dans les comptes d'aucun organisme, du fait de règles comptables non adaptées. Avant 2011, le RSI recevait des acomptes de C3S en fonction de ses points bas de trésorerie mais n'inscrivait dans ses comptes que les montants nécessaires pour équilibrer son déficit.
Le FSV comptabilisait dans ses comptes les recettes qu'il avait reçues, en l'occurrence ce qui restait après le versement des acomptes au RSI ; on pouvait donc constater chaque année un reliquat de produits qui n'était comptabilisé nulle part. Ce système a été réglé pour le flux en 2011. Nous proposons d'affecter le stock au FSV...
Les 500 millions d'euros d'économies de gestion comportent 200 millions d'euros de sous-exécution 2013, fruits des efforts déjà réalisés par les caisses, et qui seront reprises en base en 2014, ainsi que 200 millions d'euros de gains d'efficience, dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion arrivées à échéance fin 2013. Les 100 derniers millions d'euros sont issus de diverses mesures d'efficience - unification de la gestion des régimes maladie et accidents du travail des non-salariés agricoles, confiée à la MSA, économies d'échelle et simplification pour les assurés concernés, guichet unique à la MSA pour toutes les prestations de sécurité sociale. Tout cela représente un ensemble de petites économies qui, mises bout à bout, aboutissent à des montants non négligeables.
Concernant le tabac, les ventes diminuent en 2013. Il s'agit de l'effet attendu d'une taxation de santé publique. Le chiffre correspond à une baisse des volumes de 8,3 % et à une hausse de prix de 6,5 %. On ne peut dire ici que la taxe tue la taxe : c'est le bon niveau de taxe qui diminue la consommation, conformément à l'objectif poursuivi.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la branche AT-MP. - C'est un plaisir pour moi, monsieur le ministre, de vous interroger aujourd'hui...
Le Sénat ayant une réputation d'obstination, je vais vous poser à nouveau des questions qui nous interpellent dans le cadre de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP).
Mme Catherine Deroche et moi-même avons souligné dans un récent rapport le fait qu'1,7 milliard d'euros de dettes issus de la branche AT-MP dormait aujourd'hui dans les comptes de l'Acoss. Alors que la branche devrait dégager des excédents, je souhaitais savoir si l'apurement de ces dettes était envisagé, sachant qu'il ne nous paraît pas pertinent de transférer à la Cades une charge incombant aux entreprises.
Le projet de PLFSS prévoit par ailleurs une augmentation significative du transfert de la branche AT-MP vers le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Je constate que, dans le même temps, la part de l'Etat prévue dans la mission santé sera une nouvelle fois égale à zéro. Si la situation de 2012 pouvait se justifier au regard des réserves du Fiva, je comprends mal pourquoi l'intégralité du poids des dépenses liées à l'indemnisation des victimes de l'amiante repose désormais sur la branche AT-MP. Dans notre rapport, nous avions suggéré que la participation de l'Etat, du fait de sa responsabilité, avoisine 30 %. Nous pensons en effet que l'Etat a l'obligation de participer à cette indemnisation.
Enfin, on note également dans le projet de PLFSS l'absence de transfert de la branche AT-MP vers la branche vieillesse au titre de la pénibilité. S'agit-il d'une disparition définitive, liée à la mise en place du compte individuel de pénibilité ?
M. Marc Laménie. - Monsieur le ministre, je vous remercie de votre intervention très pédagogique, que vous avez axée sur la réduction des déficits.
J'aimerais tout d'abord savoir si le PLFSS répond aux recommandations de la Cour des comptes.
En second lieu, envisagez-vous de réaliser des économies en luttant contre la fraude ?
M. Gilbert Barbier. - Monsieur le ministre, le montant actuel de l'encours de l'Acoss figure-t-il dans le document qui vient de nous être distribué ?
Vous prévoyez par ailleurs de passer 12,5 milliards d'euros sur la Cades. Le plafond de 10 milliards d'euros n'est-il pas un plafond autorisé par année ?
Enfin, vous fixez un taux K à 0,4 %. Avec un tel taux, le désinvestissement des entreprises pharmaceutiques ne risque-t-il pas de se poursuivre, comme c'est le cas en matière d'emploi, malgré les objectifs que vous vous êtes fixés ?
Mme Catherine Deroche. - Je souscris entièrement aux remarques de Jean-Pierre Godefroy concernant la branche AT-MP. Je ne les reprendrai donc pas...
Un travail est-il effectué en vue d'unifier la gestion de la branche maladie, par le transfert des missions déléguées aux mutuelles de fonctionnaires et aux mutuelles étudiantes, comme le préconise la Cour des comptes ?
Par ailleurs, j'estime que les réductions des aides aux familles retient un seuil qui peut paraître élevé, mais qui, en réalité est assez bas et pénalise les classes moyennes.
Enfin, ce PLFSS tient-il davantage compte des remarques de la Cour des comptes que l'an passé ?
M. Claude Domeizel. - Monsieur le ministre, il semblerait que le PLFSS prévoit le transfert de 200 millions d'euros, en provenance du fonds pour l'emploi hospitalier, vers la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui est également celle des agents hospitaliers. Cette information est-elle exacte ? Comment cette économie a-t-elle pu être réalisée sur les dotations hospitalières ?
M. Dominique Watrin. - Mme Marisol Touraine a pris un certain nombre d'engagements en faveur des centres de santé. Ceux-ci constituent une réponse de premier recours dans les territoires. Ils permettent l'accès des plus démunis aux soins, et ont besoin d'être confortés, dans la mesure où leurs frais de gestion sont extrêmement importants. Ils participent à la prévention, et peuvent également être une source d'économies dans le budget de l'assurance maladie, dans la mesure où ils pourraient être associés à la permanence des soins dans les territoires. Où peut-on retrouver ces engagements dans les lignes budgétaires ?
Mme Annie David, présidente. - Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de vous attaquer à la lutte contre les dépassements d'honoraires excessifs, qui constituent un coût important pour notre système de protection sociale ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Pour ce qui concerne la relation entre l'Etat et le Fiva, le budget triennal 2013-2015 prévoyait que la dotation de l'Etat reste à zéro dans le PLF 2014. Les moyens du fonds sont bien entendu préservés, la dotation de la branche AT-MP étant relevée à 435 millions d'euros, pour tenir compte du ressaut des charges d'indemnisations observées depuis 2013.
Ce ressaut démontre que le service rendu aux victimes s'améliore. Le stock de demandes non traitées se résorbe et les délais de traitement diminuent. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir sur la capacité du fonds à procéder à l'ensemble des indemnisations nécessaires en 2014. Ceci montre à quel point, bien loin du désengagement, les services de l'Etat sont vigilants, à la fois en ce qui concerne les moyens alloués au fonds et son bon fonctionnement.
La branche AT-MP sera légèrement excédentaire pour la seconde année consécutive - de l'ordre de 100 millions d'euros - et pourra ainsi engager la résorption de sa dette. L'accroissent ponctuel des charges liées au Fiva n'empêche pas de poursuivre sur la voie du désendettement de cette branche.
Le montant du transfert de la branche AT-MP vers la branche vieillesse au titre de la pénibilité dans la réforme de 2010 sera égal à zéro en 2014 comme en 2013. Les transferts opérés en 2012 sont en effet suffisants pour couvrir les dépenses de 2013 et 2014.
S'agissant de la question de M. Laménie, nous sommes bien entendu désireux de nous conformer aux recommandations de la Cour des comptes. Un rapport a d'ailleurs été publié récemment concernant l'assurance maladie et l'organisation des hôpitaux. Conformément aux voeux de la Cour, l'Ondam progresse de façon maîtrisée, historiquement basse, puisque cette progression se limite à 2,4 % contre une moyenne de 4 % au cours des dix dernières années.
La gestion des déficits de trésorerie de l'Acoss est maîtrisée à travers l'intégration d'une partie des déficits maladie et famille dans le plafond de reprise prévu en 2010. Compte tenu de la diminution des déficits de la Cnavts résultant des mesures prises au titre de la réforme des retraites, nous avons en effet l'opportunité de reprendre en 2014 près de 4 milliards d'euros de dettes pour la famille et la maladie, sans avoir à prendre de mesures à caractère général.
Le taux K est quant à lui maintenu au même niveau qu'en 2013, l'effort demandé à l'industrie pharmaceutique étant le même.
Concernant les mutuelles étudiantes, nous prenons en compte les recommandations de la Cour des comptes et du Sénat. Parmi les 500 millions d'euros d'économies de gestion, nous attendons des économies d'une révision des remises de gestion attribuées aux organismes délégataires, dont font partie les mutuelles étudiantes.
Pour ce qui est de la CNRACL, la disposition du PLFSS consiste à transférer à cette caisse 200 millions d'euros de réserve issues du fonds pour l'emploi hospitalier, qui finance les actions de reconversion pour les agents hospitaliers. Ce fonds compte actuellement 270 millions d'euros de réserves et génère 40 millions d'euros d'excédents annuels.
Concernant la fraude, les résultats de la lutte progressent régulièrement. Selon le bilan de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), la lutte contre le travail dissimulé, qui représente la grande majorité de la fraude sociale, a atteint un record en 2012.
Nous sommes déterminés à conduire la lutte contre la fraude sociale avec autant de vigilance que celle que nous conduisons contre la fraude fiscale. Le PLFSS comporte, comme chaque année, des mesures de lutte contre la fraude, par exemple en matière de perception frauduleuse d'aides au logement via des sociétés-écrans. La fraude sociale, comme la fraude fiscale, mobilise les mêmes dispositifs opaques, qu'il faut arriver à identifier pour en contrarier le fonctionnement et pouvoir faire passer le droit.
Je suis désolé de ne pouvoir répondre à la question sur les contrats de santé, qui ne relèvent pas de ma compétence. Il en va de même pour les dépassements d'honoraires. Je préfère que Mme Marisol Touraine s'en explique elle-même.
La révision du cahier des charges des contrats responsables est un sujet extrêmement important. Notre volonté est de les encourager dans le cadre de la généralisation des complémentaires santé. Les contrats responsables permettront de plafonner la prise en charge des dépassements par les complémentaires. C'est une façon de réguler les dépenses, dans la ligne de l'accord intervenu l'an dernier avec les médecins. Ce travail de régularisation se poursuivra.
Mme Annie David, présidente. - Merci pour vos réponses, Monsieur le ministre.
Audition de Mmes Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales et de la santé, Michèle DELAUNAY, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, et Dominique BERTINOTTI, ministre déléguée chargée de la famille
Réunie le mercredi 16 octobre 2013 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l' audition de Mmes Marisol Touraine , ministre des affaires sociales et de la santé, Michèle Delaunay , ministre chargée des personnes âgées et de l'autonomie et Dominique Bertinotti , ministre chargée de la famille sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 .
Mme Annie David, présidente . - Avant de poursuivre nos auditions sur le PLFSS, je rappelle que Mme Carlotti nous exposera la semaine prochaine les conclusions du comité interministériel sur le handicap. A cette occasion, nous l'interrogerons aussi sur le projet de loi de financement.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Les comptes sociaux se rétablissent. Lorsque nous sommes arrivés, le déficit de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se montait à 21 milliards. Nous l'avons ramené à 17,5 milliards en 2012, à 16 milliards en 2013 et nous visons 12,8 milliards l'année prochaine. Le déficit social cumulé entre 2002 et 2012 s'élève à 160 milliards. Cet effort se traduit par des politiques structurelles. Ainsi, le projet de loi sur les retraites, sur lequel je ne reviens pas, aura un effet direct sur la branche vieillesse dès 2014.
Pour la branche famille, le projet de loi de financement met en oeuvre les mesures annoncées en juin. Si l'abaissement du plafond du quotient familial figure dans le projet de loi de finances, les mesures prises pour soutenir les familles modestes et pour financer des places de crèches sont dans le projet de loi de financement : 275 000 places d'accueil pour les enfants de moins de trois ans seront créées dont 100 000 places de crèche. La modulation de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), la revalorisation du complément familial pour les ménages modestes et l'uniformisation du montant du complément de libre choix d'activité figurent également dans ce projet de loi. La branche famille est donc en train de se rééquilibrer.
Des économies importantes ont été réalisées en matière de santé l'année dernière : nous entendions économiser 2,5 milliards et nous avons dépensé 500 millions de moins que prévu malgré la grippe en début d'année qui a pesé sur les comptes de l'assurance maladie. Notre objectif de dépenses pour 2013 était de 2,7 % ; nous prévoyons pour l'année prochaine 2,4 %, taux extrêmement volontariste qui se décompose en 2,4 % pour la médecine de ville, 2,3 % pour l'hôpital, 3 % pour le médico-social. Après avoir consulté la commission des affaires sociales des deux assemblées, nous avons créé le Fonds d'intervention régional (FIR) qui répondra à des situations locales identifiées, notamment en matière de santé publique (+ 2,4 %).
Un effort sans précédent a été réalisé l'année dernière en faveur des personnes âgées et handicapées. Pour ces dernières, nous financerons la première annuité du plan autisme, annoncé en avril. Pour les personnes âgées, 130 millions de crédits supplémentaires sont prévus pour la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Le Premier ministre a annoncé pour 2014 une loi d'orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement de la population. Des concertations s'engageront dès le mois prochain avec les conseils généraux et les associations d'établissements concernés. Cette loi d'orientation débouchera, dès 2015, sur des mesures en faveur de la prévention de la perte d'autonomie, de l'adaptation et de l'aménagement de l'environnement des personnes vieillissantes ainsi que de l'accompagnement à domicile des personnes perdant leur autonomie. Une deuxième étape concernera l'accompagnement en établissement des personnes en perte d'autonomie.
Pour ce qui est de la santé au sens strict, la stratégie nationale de santé repose sur la prévention, la révolution du premier recours et une nouvelle étape de la démocratie sanitaire. Ces trois piliers se retrouvent dans le projet de loi de financement : le travail des équipes pluridisciplinaires sera mieux valorisé, la place du médecin traitant mieux reconnue, ce qui implique de nouveaux modes de rémunération. Cette stratégie nationale de santé prend également mieux en charge les personnes vieillissantes et les personnes atteintes de maladies chroniques. Notre système de santé est très performant pour prendre en charge des maladies aigües, nous devons l'adapter aux personnes durablement malades. Nous vivons aujourd'hui avec des maladies dont on mourait il y a encore une ou deux décennies, ainsi du sida, du cancer, du diabète...
Nous devons définir des financements pour ces parcours de soins en ville et à l'hôpital, ce qui implique de réformer la tarification à l'activité (T2A) qui n'est pas totalement adaptée : ainsi, il faudra mieux tenir compte des établissements isolés. Une expérimentation autour de l'insuffisance rénale chronique sera lancée. Enfin, nous allons dissuader la course à l'activité constatée dans certains établissements ce qui implique des tarifs dégressifs dans certains cas.
Nous réorganiserons aussi notre offre de soins en valorisant la médecine de premier recours. Il convient en outre de faire reculer les inégalités face à la santé en généralisant et en simplifiant le recours à la complémentaire santé, notamment pour les étudiants isolés qui pourront accéder plus facilement à la CMU-c. Des appels d'offres seront lancés pour identifier les bons contrats de complémentaire santé. Nous avons la volonté de mieux encadrer ces contrats en définissant un minimum pour la prise en charge à l'hôpital, mais aussi un maximum afin d'éviter les effets inflationnistes de certaines complémentaires qui remboursent trop bien les dépassements d'honoraires ou les lunettes.
En matière de santé publique, lutter contre le tabagisme et faciliter l'accès à la contraception, surtout pour les mineures, restent mes grandes priorités. La régulation du médicament est également essentielle : notre pays continue à consommer plus de médicaments que ses voisins. Nous allons poursuivre le développement des génériques tout en réduisant leur prix et encouragerons de nouveaux comportements en expérimentant la distribution à l'unité des médicaments.
Inscrit dans notre politique de redressement des comptes, ce projet de loi de financement ne sacrifie rien de notre pacte social puisque aucun déremboursement, aucune franchise, aucune contribution ne seront instaurés. Les économies résulteront de réorientations ou de restructurations de nos politiques sociales : retraites, politique familiale. Enfin, ce projet de loi renforce l'équité de notre système solidaire.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. - Les choix et les efforts consolident les politiques engagées. La progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social (3 %) contribue à l'effort demandé à tous, dans la mesure où les besoins demeurent très dynamiques. Un prélèvement de 70 millions sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sera opéré pour maintenir un niveau de dépense suffisant.
Le taux de reconduction des budgets des établissements et services augmentera de 1,1 % pour la base salariale et de 0,55 % pour les prix. Cette progression couvre les effets du glissement vieillissement technicité (GVT) et les mesures catégorielles.
Seront consacrés 140 millions à la politique de médicalisation, dont 10 millions pour la réouverture partielle du tarif global, afin d'aider certains établissements en convergence tarifaire - un rapport récent démontre que le tarif global dégage des économies sur la contribution de la sécurité sociale.
Comme s'y était engagé le Président de la République, avec 15 millions d'euros, le plan Alzheimer se poursuivra sans solution de continuité. Au-delà, cinquante nouvelles maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia) pourraient être autorisées en 2014.
Enfin, l'objectif global de dépense (OGD), qui agrège l'Ondam et la contribution solidarité autonomie (CSA), intègre enfin l'affectation de 2 % de la CSA au financement du plan d'investissement pour rénover les établissements.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - En juin, le Premier ministre a exposé le sens de la politique familiale du Gouvernement : pérenniser la branche famille tout en améliorant les services rendus aux familles, avec la création d'ici cinq ans de 275 000 places d'accueil pour les enfants de moins de trois ans et un soutien à la parentalité. Ces mesures solidaires bénéficient en priorité aux familles modestes. Ainsi en est-il de l'allocation de soutien familial qui concerne les familles monoparentales dont le taux de précarité est plus important que la moyenne nationale, et de la revalorisation du complément familial qui concerne les familles de trois enfants et plus.
La baisse du plafond du quotient familial ne touche que les 12 % des familles les plus aisées : une famille avec deux enfants devra percevoir au moins 5 800 euros par mois avant d'atteindre le plafond.
Nous pérennisons la branche et intensifions les services rendus aux familles, qu'il s'agisse de l'accueil petite enfance ou du soutien à la parentalité.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Mon soutien vous est bien évidemment acquis sans réserve.
Depuis 2010, l'évolution des dépenses de santé en général, et de celles d'assurance maladie en particulier, est en rupture avec les cinquante dernières années, puisqu'elles progressent à un rythme inférieur à 3 % par an. Malgré cela, le déficit de la branche maladie reste à un niveau élevé. Une maîtrise durable de l'Ondam est essentielle. Comment expliquer la sous-consommation des dépenses d'assurance maladie sur les quatre derniers exercices et comment maintenir l'Ondam à 2,4 % ?
Le projet de loi de financement pour 2014 contient un nombre important de mesures relatives à l'assurance maladie. La stratégie nationale de santé y est déclinée, avec notamment la réorientation de notre système vers les soins primaires. Cette réforme d'ensemble devra être parachevée dans la future loi de santé publique que vous avez annoncée pour 2014. Le projet de loi de financement reprend plusieurs propositions de notre commission. J'avais ainsi déposé l'an passé un amendement sur les médicaments biologiques similaires. En accord avec le rapport que nous avons adopté l'année dernière, le projet de loi de financement prend en compte la spécificité des établissements situés dans des zones isolées ou peu denses et lutte contre l'effet potentiellement inflationniste de la T2A.
Toujours en ce qui concerne l'hôpital, ce texte prévoit un nouveau report, de 2016 à 2018, de la mise en oeuvre de la facturation individuelle, pourtant indispensable pour avancer sur les parcours de santé. Sans facturation clairement identifiée par patient, est-il possible d'imaginer des parcours financés de manière transversale en amont et en aval de l'hôpital ?
L'article 4 prévoit les modalités de participation des organismes d'assurance maladie complémentaire (Ocam) au forfait « médecin traitant » pour un montant de 150 millions par an, comme prévu dans l'avenant n° 8. N'aurait-on pas pu prévoir d'autres modalités de financement ?
L'article 45 engage une réforme de la qualité des contrats des complémentaires santé, en insistant sur ceux qui peuvent bénéficier de l'aide complémentaire santé ainsi que sur les contrats solidaires et responsables. Cette réforme ne va-t-elle pas de pair avec une différenciation plus sensible des taux de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) ?
Enfin, l'an passé, vous aviez évoqué une remise à plat du dossier médical personnel, dispositif que la Cour des comptes a jugé très sévèrement. Vous avez récemment envisagé un dossier médical personnel de deuxième génération. Qu'en est-il ?
Mme Isabelle Pasquet, rapporteure pour la branche famille . - Je regrette qu'une nouvelle fois, avec la compensation de la hausse des cotisations patronales retraite par une baisse des cotisations patronales famille, la branche famille fasse office de variable d'ajustement, alors que sa structure de financement n'a cessé d'être fragilisée ces dernières années. De plus les ménages, avec la réforme du quotient familial, compenseront in fine cette perte de recettes pour la branche.
Le projet de loi de financement prévoit 500 millions d'économies de gestion pour les caisses de sécurité sociale. A quelle hauteur les CAF seront-elles amenées à participer à cet effort ? Comment concilier cet objectif avec les engagements pris dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion ?
L'article 56 instaure une modulation du montant de l'allocation de base de la Paje selon le niveau de ressources des familles. N'y aura-t-il pas là une complexité supplémentaire pour les caisses alors que vous défendez l'idée d'un choc de simplification administrative ? Ce même article prévoit le gel de revalorisation de l'allocation de base de la Paje jusqu'à ce que le montant du complément familial soit égal ou supérieur au montant de l'allocation de base en vigueur au 1 er avril 2013. Or le rattrapage entre ces deux prestations ne devrait intervenir que d'ici 2019 ou 2020. Comment justifier ce choix ?
Afin d'encadrer les tarifs pratiqués par les micro-crèches, l'article 58 subordonne le versement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) aux familles, au respect par la microcrèche d'un plafond tarifaire. N'aurait-il pas été possible d'encadrer directement ces tarifs plutôt que de passer par le CMG ?
Enfin, lors des débats sur le projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes, je vous avais interrogée sur le tiers payant pour les familles les plus modestes faisant appel à une assistante maternelle. A-t-on évalué la charge de travail que cette mesure qui profitera aux familles comme aux assistantes maternelles, pouvait représenter pour les caisses ?
M. Georges Labazée, rapporteur pour le secteur médico-social . - Quelle est la situation financière exacte de la CNSA ? On nous dit qu'elle dispose de beaucoup d'argent mais lorsqu'on demande aux agences régionales de santé (ARS) des financements pour nos établissements, elles nous répondent que la CNSA ne dispose pas de fonds suffisants. Les départements qui co-décident avec les ARS n'arrivent pas à financer leurs schémas d'autonomie et en faveur des personnes âgées et handicapées, faute de crédits de la CNSA.
La loi de financement pour 2013 a créé la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) en la fléchant vers la dépendance. Cette année, elle a été intégralement reversée au FSV et l'on pouvait espérer qu'elle contribue en 2014 à l'adaptation de notre société au vieillissement et à la dépendance. Or l'on nous explique que la CNSA dispose des ressources nécessaires...
L'examen de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement aura lieu en 2014, avez-vous dit. Pourquoi avoir scindé en deux le texte, avec la prise en charge à domicile puis la prise en charge en établissement ? Toutes les analyses montrent pourtant qu'il convient de fluidifier le passage de l'un à l'autre.
Enfin, les services d'aide et d'accompagnement à domicile, créés par la loi de finances pour 2012 et par la loi de financement pour 2013, bénéficieront-ils d'un soutien durable ?
Mme Marisol Touraine, ministre . - Il est indispensable de maintenir l'Ondam à un niveau historiquement bas, afin de sortir des déficits actuels. L'opposition affirme volontiers que la crise explique les dérapages de ces dernières années, comme si le déficit de la sécurité sociale était une fatalité. Son budget a été équilibré jusqu'en 2001. Le déséquilibre est apparu en 2002 et il s'est creusé à partir de 2004, alors que nous n'étions pas en crise. Nous devons bien engager des réformes structurelles pour réorienter les dépenses et mieux répondre aux défis. La clef est là, et non dans les déremboursements et les franchises.
La sous-consommation de l'Ondam de ville, qui va au-delà des objectifs, n'est pas nécessairement durable. Elle tient au moindre recours aux indemnités journalières, c'est-à-dire au chômage. On ne peut pas exclure non plus qu'en ces temps de crise, certains salariés hésitent à recourir à des indemnités journalières, de peur d'être licenciés.
Nous amorçons un processus sur la T2A : le comité pour la réforme de la T2A, où siègent tous les acteurs concernés, poursuit ses activités. Il nous a déjà aidés à définir trois nouveaux critères : établissements isolés, dégressivité en cas d'actes importants, expérimentation du parcours de soins. Ce processus sera amplifié dès l'année prochaine.
La facturation individuelle doit améliorer les relations entre les assurés et la sécurité sociale, rapprocher les activités ambulatoire et hospitalière. Pour cette dernière, les objectifs fixés pour les actes et les consultations externes sont respectés. Deux décrets sont en cours de concertation pour que cette facturation individuelle se mette progressivement en place. En revanche, la facturation individuelle des séjours pose toujours des difficultés, d'où son report à 2018. Les systèmes d'informations ne sont pas encore fiables.
Lors de la négociation sur la maîtrise des dépassements d'honoraires, les complémentaires ont accepté de financer pour près de 150 millions d'euros certains actes des médecins qui s'engageaient à ne pas pratiquer de dépassements. Ces organismes souhaitent désormais que leur participation apparaisse clairement au patient. Or celle-ci finance des actes forfaitaires, ce qui revient à faire financer entièrement certains actes par les assurances complémentaires. Je m'y refuse : les complémentaires ne peuvent contribuer qu'aux dépenses payées principalement par l'assurance maladie obligatoire. Lorsque nous aurons déployé le tiers payant généralisé, les complémentaires pourront contribuer directement. Pour l'heure, cette contribution ne peut être que globale, par le biais du PLFSS, et de façon transitoire.
La première génération du dossier médical personnel n'a pas atteint les résultats souhaités. J'annoncerai la deuxième génération dans quelques semaines. Je m'apprête à nommer un nouveau chef de projet. Le déploiement commencera pour les personnes âgées et celles atteintes de maladies chroniques, afin que les professionnels, libéraux et hospitaliers, y voient un intérêt immédiat.
Je ne peux pas laisser dire que la branche famille sert de variable d'ajustement à la politique de la sécurité sociale. Si cela a été le cas sous de précédentes majorités, nous avons pris des mesures dès 2012 pour lui apporter des recettes complémentaires. Il ne s'agit nullement de diminuer ses ressources mais bien, dans le cadre de la réflexion sur le financement de la protection sociale que tout le monde appelle de ses voeux, de distinguer les dépenses contributives et les prestations de solidarité. Les premières doivent être financées par les cotisations sociales, les secondes par l'impôt. Le financement de la politique familiale est assis sur le travail : nous avons fait le choix de diminuer les cotisations sociales patronales affectées à la branche famille, et de les compenser par le budget de l'Etat.
Les réserves de la CNSA s'élevaient à 448 millions d'euros en 2012. Les décisions que nous avons prises devraient les ramener à 230 millions d'euros. La sous-exécution des crédits atteint 130 millions d'euros en 2013. Cela signifie que des projets peuvent continuer à se développer avec un financement garanti.
Nous procéderons en deux étapes, que la loi d'orientation annoncera d'emblée : la première comprendra les mesures que j'ai dites ; la seconde sera relative à l'hébergement. Pourquoi ne pas tout faire d'un coup ? Soyons responsables : nous n'en avons pas les moyens. Plutôt que de monter un dispositif non financé ou de revoir à la baisse nos ambitions, nous lançons un processus qui montera en puissance progressivement à partir de 2015. Nous l'assumons.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée . - Dire que la branche famille est une variable d'ajustement n'est pas acceptable. La convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et le niveau du fonds national d'activités sociales (Fnas) en témoignent : les efforts financiers sont substantiels. Non, la branche famille ne perd pas de recettes : d'une part, la baisse de cotisations patronales familiales sera intégralement compensée par le budget de l'Etat ; d'autre part, elle percevra l'ensemble des gains dégagés par la modulation du quotient familial. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion globale sur le financement de la branche famille et de la sécurité sociale en général.
Quant aux 500 millions d'euros d'économies de gestion, celles qui sont demandées à la branche famille figurent déjà dans la convention d'objectifs et de gestion : aucune demande d'économie supplémentaire n'a été faite.
La modulation des allocations de base de la Paje sert à cibler les familles qui en ont le plus besoin. Elle ne visera que les familles dont les enfants sont nés à compter du 1 er avril 2014. Elle ne concernera que 13 % d'entre elles.
Les microcrèches peuvent être financées soit par la prestation de service unique, à l'instar des établissements d'accueil du jeune enfant, soit par le complément de libre choix de mode de garde « structure », comme c'est le cas pour 63 % des microcrèches. Or la rémunération des assistantes maternelles est plafonnée, mais pas le tarif exigé par les microcrèches. La justice commande d'harmoniser le reste à charge des familles, qui n'ont pas toujours le choix de leur mode de garde.
La Cnaf a jugé soutenable la charge de travail qu'implique le tiers payant inscrit dans la loi relative à l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle a toutefois demandé de réfléchir à un délai de mise en oeuvre. La politique familiale a en effet vocation à aider les familles modestes, c'est-à-dire à leur fournir les moyens d'éduquer leurs enfants convenablement. Or 95 % des familles pauvres n'ont accès à aucun mode de garde pour leurs enfants de zéro à trois ans. Le mode de garde dans la petite enfance a pourtant un impact direct et de long terme sur les inégalités scolaires.
En dépit d'un contexte budgétaire difficile, nous avons maintenu les effectifs ces deux dernières années, autorisé le remplacement des départs à la retraite par du personnel qualifié, et soutenu l'embauche de 500 à 700 emplois d'avenir. Le travail des caisses d'allocations familiales est indispensable à la cohésion sociale, et nous l'avons préservé. Nous n'en devons pas moins poursuivre nos efforts pour donner à la branche famille les moyens de ses ambitions, et ainsi témoigner de la confiance que nous plaçons dans notre jeunesse.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - Les réserves de la CNSA s'élèvent à 220 millions d'euros et non 440 millions puisqu'une partie a servi à abonder le fonds d'urgence à destination des départements. Sur les 220 millions restants, une partie est déjà gagée, et le reste contribuera à soutenir cet Ondam à 3 %.
J'ai l'ambition de réduire au maximum la sous-consommation des crédits. En 2011, elle était de 246 millions d'euros, avant de revenir à 189 millions en 2012. En 2013, elle est estimée à 130 millions d'euros, en raison notamment d'un retard d'installation de places.
Nous souhaitions tous que la loi relative à l'autonomie intervienne le plus tôt possible. Aucune décision n'avait été prise avant que le Premier ministre annonce une loi d'orientation et de programmation. Or ce type de lois est soumis au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Nous commencerons la concertation en novembre, avec les départements d'abord, puis avec les partenaires sociaux et les professionnels. Ajoutez à cela un mois d'examen par le Conseil d'Etat, deux par le Cese. L'on peut imaginer un passage en Conseil des ministres à la fin mars ou au début du mois d'avril. Je plaide pour une présentation au Parlement avant l'été, afin d'éviter toute collusion avec le PLFSS. En tout état de cause, le Premier ministre nous a indiqué que ses dispositions entreraient en vigueur au 1 er janvier 2015.
Vous connaissez les impératifs de redressement des comptes publics auxquels nous sommes soumis. En 2014, comme les années précédentes, la Casa abondera le FSV.
La loi autonomie comportera trois volets, relatifs à la prévention, à l'adaptation de la société au défi de la longévité ainsi qu'à l'accompagnement dans la perte d'autonomie. Fil rouge de ce texte : la priorité sera donnée au maintien à domicile. Le Président de la République a annoncé en janvier dernier une montée en charge de la réforme par paliers successifs : dans un premier temps, au moyen d'un nouveau texte ou par l'insertion de disposition dans le PLFSS, nous prendrons les mesures de régulation susceptibles d'améliorer le pouvoir d'achat des familles. Un second temps législatif sera consacré aux établissements. Aux affaires depuis dix-huit mois seulement, alors que nous avons moins d'argent et plus de personnes âgées, nous mettons en oeuvre de grandes ambitions en matière d'autonomie, ce qui témoigne des priorités du Gouvernement.
L'Etat copilote la politique d'aide à domicile avec les conseils généraux. C'est ensemble que nous voulons la refonder, monsieur Labazée, en réunissant l'ensemble des grandes fédérations, les caisses centrales d'activités sociales et les caisses de retraite. L'inclusion de l'aide à domicile dans le champ de la loi était incertaine, compte tenu du chef-de-fil des départements. Le premier volet législatif s'attachera quoi qu'il en soit à l'amélioration de l'Apa à domicile, au soutien aux aidants, à l'accès aux aides techniques, ainsi qu'à la prévention.
M. Alain Milon . - Nous examinons en ce moment un projet de loi sur les retraites, qui n'a finalement pas l'audace qu'il aurait dû avoir. Puis nous examinerons le rapport général sur le PLFSS le 6 novembre, et les amendements du rapporteur le même jour. Nous pourrons déposer les nôtres jusqu'au 8 novembre à 11 heures. Le texte passe en séance le 12 novembre, sachant que nous sommes tous dans nos départements le 11 novembre... Ce ne sont pas des conditions de travail respectueuses des sénateurs. J'imagine que vous en diriez autant si vous étiez dans l'opposition.
Mme Annie David, présidente . - Les délais sont constitutionnels : le PLFSS n'arrive au Sénat qu'après son examen à l'Assemblée nationale. Ils sont difficiles à tenir, je vous l'accorde, mais ont fait l'objet d'un accord en conférence des présidents.
M. Alain Milon . - C'est la réponse que je vous aurais faite si, à ma place, vous m'aviez interpellé sur ce point.
Mme Catherine Procaccia . - Y compris sur la conférence des présidents !
M. Alain Milon . - En 2011, le déficit du régime général était de 21 milliards d'euros, 17,5 milliards en 2012, il devrait être de 16 milliards en 2013 et de 12,8 milliards en 2014. Or le déficit, c'est le retranchement des dépenses aux recettes. Et celles-ci augmentent de 4,5 milliards d'euros, il n'est pas inutile de le rappeler.
Notre rapporteur général faisait remarquer que la consommation médicale avait baissé, légèrement en médecine de ville, plus significativement à l'hôpital. Mais avec un Ondam de 2,7 %, la consommation médicale n'augmenterait que de 1 % d'après ce que me dit la Fédération hospitalière de France. Bref, une nette augmentation des recettes et une quasi-stagnation des dépenses. Sans compter qu'en 2014, vous annoncez une nouvelle hausse de cotisations vieillesse, de nouvelles cotisations pour le régime social des indépendants, une baisse du quotient familial, ainsi que de nouvelles taxes sur l'industrie du médicament. Je conçois qu'il n'est pas facile de revenir à l'équilibre sans recettes nouvelles, mais les classes moyennes ont ras-le-bol des augmentations d'impôts.
Les remarques d'Isabelle Pasquet rejoignent celles que Valérie Rabault, qui n'est pourtant pas du même bord politique, a faites à l'Assemblée nationale. Vous augmentez les cotisations patronales retraite de 1,2 milliard d'euros, et vous diminuez en compensation la cotisation patronale famille d'autant. Si ce n'est pas une variable d'ajustement, comment appelez-vous cela ? Nous ne voterons pas les amendements du rapporteur sur le sujet, mais admettez que vous agissez comme les gouvernements que vous dénonciez.
L'article 25 du texte pointe les difficultés de la caisse minière. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) avancerait 250 millions d'euros dès 2013 pour les quatre ans à venir, en complément des avances et prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Certains contestent l'intervention de la Caisse des Dépôts, la confirmez-vous ? Enfin, la généralisation des complémentaires santé serait prévue dans le PLFSS. Qu'en est-il réellement ?
M. Ronan Kerdraon . - Je me réjouis du plan annoncé par Mme Delaunay, attendu depuis de nombreuses années, ainsi que des réponses apportées sur la Casa - certains acteurs considéraient en effet une réaffectation comme une captation des ressources. Dès lors, comment se présente le financement futur de cette réforme ?
Catherine Procaccia et moi-même avons réalisé un rapport sur la protection sociale et la santé des étudiants. La stratégie nationale de santé prévoit la généralisation du tiers payant en 2017. C'est une excellente chose. Envisagez-vous d'en faire bénéficier les étudiants plus tôt, dès 2014 ? L'expérimentation lancée en 2012 n'a pu passer le filtre du Conseil constitutionnel. A défaut, ne pourrait-on, ainsi que le préconisait l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2009 sur la prévention des grossesses non désirées, instaurer le tiers payant pour la contraception ?
Envisagez-vous d'aménager les critères d'accès à l'aide pour une complémentaire santé (ACS) et à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) ? La multiplication des taxes sur les assurances complémentaires et les transferts de charge vers ces organismes, décidés par les gouvernements précédents, pèsent lourdement puisque sur 100 euros de cotisation d'un étudiant, 13 euros partent en taxes.
Un souhait pour finir : que la stratégie nationale de santé comporte un volet qui prenne en compte les préoccupations de notre jeunesse.
Mme Catherine Procaccia . - Nous avons lu que vous comptiez réintroduire les dispositions sur l'accord national interprofessionnel (Ani) censurées par le Conseil constitutionnel : est-ce vrai ? Vous vous attaqueriez en outre aux réserves du groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles (Gamex), sauvées par le Conseil constitutionnel, pour les affecter à la Mutualité sociale agricole (MSA). Qu'en est-il réellement ?
Que faites-vous pour enrayer la grève des urgentistes et améliorer la gestion des urgences ? Enfin, dans le cadre de notre rapport avec Ronan Kerdraon, nous avions fait de nombreuses propositions relatives à la sécurité sociale étudiante. Lorsque j'ai tenté d'en introduire quelques-unes dans le projet de loi sur l'enseignement supérieur, on m'a répondu que les mutuelles étudiantes s'y opposaient, alors qu'elles nous les avaient soumises !
M. René-Paul Savary . - Je partage les inquiétudes de M. Labazée sur la CNSA. Il est difficile d'entendre qu'elle dispose de 440 millions d'euros de réserve...
M. Jacky Le Menn . - Moins que cela !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - 220 millions !
Mme Marisol Touraine, ministre . - Les réserves étaient de 440 millions d'euros en début d'année. Elles ont été ramenées à 220 millions, la sous-consommation s'élevant à 130 millions d'euros.
M. René-Paul Savary . - Il reste difficile d'entendre cela alors que les départements sont en difficulté, que ni l'Apa ni les prestations handicap ne sont compensées, et que nous faisons fonctionner les maisons départementales des personnes handicapées avec nos subventions davantage qu'avec les contributions de la CNSA... La vérité est que les fonds de solidarité pour l'autonomie sont détournés chaque année ! Dans mon département, le taux directeur d'augmentation des budgets des structures d'hébergement n'est que de 0,5 %, cette année encore.
Le fonds national de la petite enfance fait l'objet d'un litige entre l'Etat et les collectivités territoriales, qui le financent alors qu'il relève davantage d'une politique nationale de l'immigration ou de la justice. L'avez-vous abondé ?
Mme Marisol Touraine, ministre . - Dès notre arrivée, nous avons pris les mesures qui s'imposaient pour rééquilibrer les comptes. En 2014, le déficit baissera de 8 milliards d'euros par rapport à son évolution tendancielle : 4 milliards en ressources, 4 milliards en dépenses. Les dépenses de santé des assurés ne subiront aucun prélèvement supplémentaire. Les sources de financement sont bien identifiées : il s'agit des cotisations vieillesse. En 2013, 2,5 milliards d'euros seront économisés, à quoi il faut ajouter 500 millions d'euros non prévus, et 2,5 milliards d'euros le seront à nouveau en 2014. Les soldes que j'ai indiqués concernent à la fois la sécurité sociale et le FSV.
La caisse des mines a passé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous prévoyons de sécuriser son financement afin de répondre aux difficultés du régime pour les quatre prochaines années.
Il n'y a pas généralisation des complémentaires au sens strict. Des étapes sont toutefois franchies : d'abord, le relèvement du seuil de la CMU et de l'aide à la complémentaire santé, entré en vigueur le 1 er juillet. Financée pour un semestre cette année, entièrement en 2014, cette mesure assurera une couverture à 750 000 personnes supplémentaires. Pour les soixante ans et plus, cette aide représente 500 euros par an, ce qui n'est pas négligeable.
L'article 45 du PLFSS revient sur les critères des contrats responsables et solidaires, car une couverture complémentaire répond évidemment à un double objectif, quantitatif et qualitatif. Il contient également des mesures pour les jeunes, notamment l'accès facilité à la CMU pour les étudiants isolés. La stratégie nationale de santé ne les oubliera pas : la jeunesse est l'une de ses cinq priorités.
Les mineures de quinze à dix-huit ans peuvent d'ores et déjà bénéficier de la gratuité de la contraception. Nous leur ouvrons l'accès au tiers payant pour la consultation et pour les actes liés, ceux de biologie par exemple.
Mme Catherine Procaccia . - A moins de dix-huit ans, il ne s'agit pas des étudiants !
Mme Marisol Touraine, ministre . - Certes, mais les centres de santé étudiants ouvrent déjà le recours au tiers payant. L'année prochaine, nous souhaitons qu'il soit accessible aux bénéficiaires de l'ACS, donc à une partie de la population étudiante.
Le Conseil constitutionnel a annulé la clause de désignation de l'Ani, qui faisait baisser les tarifs des complémentaires grâce à la mutualisation des contrats. Ceux-ci sont en effet d'autant plus chers qu'ils sont segmentés. La mutualisation peut porter sur l'âge, mais aussi sur des pathologies : les assureurs ne pratiquent pas les mêmes tarifs pour couvrir des personnes ayant souffert d'un cancer ou pour couvrir une branche ou une entreprise.
Mme Catherine Procaccia . - Les personnes âgées sont toujours exclues !
Mme Marisol Touraine, ministre . - L'objectif de l'Ani est de soutenir les mécanismes de mutualisation. Nous l'approuvons et poursuivons les discussions en ce sens.
Les dispositions de l'année dernière concernant la MSA et le Gamex, mal rédigées, n'ont pas été maintenues. La fraction des cotisations agricoles que perçoit le Gamex au titre de ses frais de gestion étant trop élevée, il n'est pas anormal que la différence revienne à la MSA.
La question des urgences ne relève pas du PLFSS. Les urgentistes ont le sentiment de passer beaucoup de temps et d'énergie à trouver des lits d'aval pour leurs patients. J'ai rencontré les acteurs et lancé un programme de gestionnaires de lits, qui mobilise 160 hôpitaux. C'est la première fois qu'un plan gouvernemental mobilise les hôpitaux et non les seuls services d'urgences. Sans attendre la mise en place du système de gestion de lits, j'ai demandé aux directions d'hôpitaux de s'organiser pour soulager les urgentistes. Des moyens humains pourraient être déployés et des restructurations immobilières conduites là où c'est nécessaire. La situation a d'ores et déjà été rétablie dans certains établissements.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée . - Le fonds national de la petite enfance a été abondé par la Cnaf à sa création, en 2007. Son financement a été de nouveau complété en 2012 à l'issue d'une discussion entre l'Etat et l'ADF, sans passer par le PLFSS.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - La première étape législative sera engagée dans le montant de la Casa. Quant à la seconde, rien n'est arbitré à ce stade. La CNSA, monsieur Savary, a fourni les 170 millions d'euros du fonds d'urgence à destination des départements, soit plus que ce qu'exigent la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA)... Elle a ainsi financé le revenu de solidarité active (RSA).
M. René-Paul Savary . - Et oui !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - Le conseil de la CNSA a donc été...
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Particulièrement responsable !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - ... responsable et solidaire à votre égard.
M. René-Paul Savary . - Pour 25 millions d'euros sur 7 milliards...
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - Les réserves de la CNSA que tout le monde regarde avec attention sont pour la plupart déjà gagées. Nous essaierons de limiter la sous-consommation et de préserver leur usage pour les personnes vulnérables auxquelles elles sont destinées.
Mme Annie David, présidente . - Mesdames les ministres, nous vous remercions pour le temps que vous avez passé à nos côtés pour répondre à nos questions.
II. AUDITIONS DE LA COUR DES COMPTES ET DE L'ACOSS
Audition de M. Didier MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes
Réunie le mercredi 18 septembre 2013 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes , afin qu'il nous présente le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale .
Il est accompagné de MM. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre , et Jean-Pierre Laboureix, conseiller maître, rapporteur général de ce rapport.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - Je suis heureux de vous présenter notre rapport 2013 sur la sécurité sociale. Il est élaboré chaque année par la Cour en application de sa mission constitutionnelle d'assistance au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il est destiné à accompagner le projet de loi de financement pour 2014 qui sera prochainement déposé sur le bureau des Assemblées, mais s'adresse aussi au citoyen.
La sécurité sociale est en effet l'une des expressions majeures de cette République démocratique et sociale qu'affirme l'article 1 er de notre Constitution. Elle est ainsi l'affaire de tous. Chacun la finance sous une forme ou une autre, chacun en bénéficie à différents moments de sa vie. Dans une conjoncture économique difficile, son rôle pour protéger les plus fragiles est plus que jamais essentiel. Mais la permanence de ses déficits sape sa solidité. Elle entraîne une montée constante de la dette sociale dont la charge croissante peut finir par miner sa légitimité aux yeux des nouvelles générations.
C'est là le message principal de ce rapport : enrayer sans délai l'engrenage des déficits de la sécurité sociale, revenir au plus vite à l'équilibre des comptes sociaux, casser la spirale de la dette sociale sont autant d'enjeux fondamentaux. Le réussir est possible. A tous les niveaux des dépenses sociales, des économies peuvent être faites sans remettre en cause notre modèle social ni prendre les mesures drastiques d'austérité que d'autres pays ont parfois mises en oeuvre. Il y faut la contribution de tous - professionnels de santé, assurés sociaux, caisses de sécurité sociale -, un effort rapide, continu et opiniâtre pour éviter les dépenses inutiles et improductives et faire en sorte que chaque euro affecté à la sécurité sociale soit dépensé le plus justement au regard de l'intérêt général.
Les analyses et recommandations de la Cour cherchent à apporter une contribution pour relever cet enjeu collectif primordial. Elle met sur la table de nouvelles propositions sur les sujets qu'elle a étudiés cette année. Il appartient, bien entendu, aux représentants du suffrage universel de faire les choix nécessaires, en fonction des objectifs et priorités qu'ils définissent.
J'ai à mes côtés pour vous les présenter Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour qui a préparé ce rapport et Jean-Pierre Laboureix, conseiller maître, rapporteur général de ce rapport. Mais de nombreux autres rapporteurs y ont aussi travaillé. Je souhaite leur exprimer devant vous ma reconnaissance.
Je n'entrerai naturellement pas dans le détail des dix-huit chapitres de ce rapport. Je me contenterai de tenter de vous présenter les grands axes autour desquels s'organisent nos analyses.
Premier constat : malgré de premiers résultats, le déséquilibre persistant des comptes sociaux appelle rapidement de nouvelles mesures.
Depuis 2011, notre pays a engagé l'indispensable effort de redressement de ses finances publiques. Il s'est fixé une trajectoire de retour à l'équilibre, à laquelle doivent contribuer non seulement l'Etat et les collectivités territoriales mais aussi les organismes de protection sociale.
De premiers résultats ont certes été obtenus dans la réduction des déficits sociaux. En 2010, le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) avait atteint un niveau sans précédent : 29,6 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB. Il a diminué de 7 milliards d'euros en 2011 et a continué à baisser en 2012 de 3,5 milliards d'euros. Il a été ramené à 19,1 milliards d'euros, soit 0,9 point de PIB.
Ce déficit 2012 présente trois caractéristiques qui montrent cependant que, s'agissant des comptes sociaux, l'essentiel du chemin reste à faire :
- le rythme de sa réduction s'est très sensiblement ralenti : il a été divisé par deux entre 2011 et 2012 par rapport à celui enregistré entre 2010 et 2011 ;
- il demeure massif : son montant est comparable au budget de la recherche et de l'enseignement supérieur ;
- sa part structurelle, celle qui n'est pas influencée par la conjoncture et qui est durable, reste très importante : pour le régime général, elle est de 70 % environ.
En 2013, le redressement des comptes du régime général et du FSV connaîtra toutefois un véritable coup d'arrêt, contrairement à la baisse de 3 milliards d'euros prévue par la loi de financement pour 2013. Au mieux, il devrait se stabiliser cette année au niveau très élevé de 2012, deux fois supérieur à celui de la période 2006-2008. Pour la seule branche maladie, il pourrait augmenter de 2 milliards d'euros, pour atteindre près de 8 milliards d'euros.
Cette interruption du mouvement de réduction du déficit du régime général est préoccupante, même si elle résulte largement de l'atonie de la croissance et de la moindre progression des recettes qui en est la conséquence.
Elle conduit à entretenir une spirale de la dette sociale particulièrement anormale et particulièrement dangereuse. Son encours global devrait passer de 147 milliards d'euros à 159 milliards d'euros entre 2011 et 2013. Notre pays reporte ainsi sur les générations à venir la charge de régler une part sans cesse croissante des consultations médicales, des prestations familiales, des retraites dont nos concitoyens bénéficient aujourd'hui.
C'est là un mal spécifiquement français, qui ne touche pas nos grands voisins européens. Aucun d'entre eux n'accepte que son système de protection sociale puisse être durablement en déficit. Les comptes sociaux compris au sens le plus large, ce que l'on appelle les comptes des administrations sociales et qui incluent la sécurité sociale, l'assurance chômage et les régimes complémentaires obligatoires de retraite, sont revenus à l'équilibre dans la zone euro en trois ans, alors que ceux de la France sont en déficit de 0,6 point de PIB en 2012. Ceux de l'Allemagne dégagent un excédent de 0,6 point de PIB. Dans la zone euro, seules la Grèce et l'Espagne ont connu l'an dernier un déficit des administrations sociales supérieur à celui de la France.
Enrayer la spirale de la dette sociale entretenue par l'accumulation des déficits est indispensable. Des mesures ont été récemment annoncées pour rétablir la situation des régimes de retraite et seront prochainement examinées par le Parlement. Chacun comprendra que la Cour ne se prononce pas sur des mesures qui n'ont pas encore été débattues ni adoptées par ce dernier. Elle note simplement qu'elles apporteront une contribution indispensable au redressement des comptes de l'assurance vieillesse et du FSV : leur déficit cumulé à l'horizon 2018 se serait sinon monté, selon les projections de la Cour, à 70 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux 62 milliards d'euros dont la reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la Cades, a été organisée fin 2010.
Cela étant, du seul fait des déficits des branches maladie et famille et selon les projections qu'a réalisées la Cour, si aucune mesure nouvelle n'était prise, près de 72 milliards d'euros de dettes supplémentaires s'accumuleraient à l'horizon 2018 - même après la prise en compte des décisions arrêtées pour la branche famille en juin dernier. Ces dernières n'auront en effet leur plein impact que progressivement.
Contrairement à ce que la Cour avait préconisé, tous les déficits déjà constatés au titre de 2011 et 2012 n'ont pas été repris par la Cades, mais seulement celui de la branche vieillesse, conformément à la loi de financement pour 2011. Dès lors, les déficits de l'assurance maladie et de la branche famille s'accumulent depuis 2011 dans les comptes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'Acoss. Cet organisme a pour vocation d'assurer la trésorerie quotidienne de la sécurité sociale, pas de préfinancer durablement des déficits massifs. Les découverts que l'Acoss doit financer par des billets de trésorerie à moins de trois mois atteindront 26 milliards d'euros fin 2013 et devraient approcher 40 milliards d'euros fin 2014. Cette banalisation du financement à très court terme des déficits sociaux n'est pas normale. Elle crée une situation de dépendance à la liquidité disponible sur les marchés financiers dangereuse pour la sécurité sociale, en particulier si venaient à remonter les taux d'intérêt, actuellement très bas, dont bénéficie l'ACOSS. Les mouvements de ces derniers jours montrent qu'il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école.
Différer ces transferts de dettes, de toute façon inéluctables, alourdirait en outre un peu plus le coût de l'amortissement et de la charge d'intérêt, qui s'élève au total à 15 milliards d'euros par an, à mesure que le terme de la Cades se rapproche, d'ici une dizaine d'année. Repousser l'amortissement de la dette sociale au-delà du milieu de la prochaine décennie reviendrait à faire payer encore davantage les transferts sociaux d'aujourd'hui par la génération suivante. Chacun voit bien que risquerait alors de se poser la question de la légitimité même d'une sécurité sociale dont le financement effectif serait sans cesse différé et supporté par ceux qui n'ont pas bénéficié de son soutien. C'est pourquoi la résorption rapide du déficit de la sécurité sociale est un enjeu de tout premier rang. Ne nous y trompons pas. Le déficit d'aujourd'hui, c'est l'impôt de demain.
Deuxième constat : la voie du redressement des comptes par la mobilisation de recettes supplémentaires atteint des limites.
Les années 2011 et 2012 ont été marquées par un apport très important de nouvelles recettes supplémentaires à la sécurité sociale : pour la seule année 2012, elles ont représenté 6,2 milliards d'euros et se sont ajoutées aux 7 milliards d'euros de ressources nouvelles dont elle a bénéficié en 2011. Cette mobilisation de ressources complémentaires s'est poursuivie en 2013.
Indépendamment même du niveau élevé atteint par les prélèvements obligatoires dans notre pays, l'affectation de recettes supplémentaires à la sécurité sociale peut de plus en plus difficilement passer par de nouvelles augmentations de la CSG, la contribution sociale généralisée. Celle-ci, qui est analysée après l'examen l'an dernier du financement des régimes sociaux par les impôts et taxes affectés, a permis d'élargir très substantiellement les ressources de la sécurité sociale et de financer depuis vingt ans la progression soutenue de ses dépenses. Mais la CSG n'est plus une recette miracle, à même de permettre par son dynamisme de différer des choix structurants pour la maîtrise de ces dernières, comme elle a pu longtemps apparaître. Il subsiste certes encore quelques possibilités d'élargissement d'assiette. Mais les contraintes juridiques résultant de la décision du Conseil constitutionnel de décembre dernier sur la loi de finances tendent à limiter désormais les possibilités d'augmentation générale de ses taux, en particulier sur les revenus du capital.
Si des ressources nouvelles devaient être affectées à la sécurité sociale, la Cour recommande qu'elles soient consacrées d'abord au financement de la dette sociale et qu'elles passent prioritairement par une réduction des « niches sociales », c'est-à-dire des mesures dérogatoires au versement des prélèvements finançant la sécurité sociale. La Cour avait mis en cause à plusieurs reprises l'opacité et le coût croissant de ces niches. Elle constate que des remises en cause ciblées ainsi que l'augmentation du forfait social ont d'ores et déjà permis d'apporter des ressources supplémentaires significatives, de l'ordre de 4 milliards d'euros en moyenne par an de 2011 à 2013. Mais ces mesures n'ont pas permis de maîtriser ces niches dont le coût global n'a qu'à peine diminué, en raison de la dynamique propre de chacun des dispositifs. La Cour appelle à les répertorier plus précisément, et à engager, sur les cinq prochaines années, une évaluation du coût et de l'efficacité de la totalité de ces dispositifs dérogatoires - évaluation que la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 a prévue mais qui reste encore à organiser.
Dans les conditions actuelles de faibles marges de manoeuvre sur l'augmentation des recettes, et comme les pouvoirs publics l'ont indiqué, c'est essentiellement en pesant fortement sur la dépense que la trajectoire de retour à l'équilibre doit se poursuivre et s'accélérer.
La Cour ne préconise nullement une baisse des dépenses sociales. Elle considère comme indispensable un ralentissement de leur croissance. Cette modération peut être obtenue en mobilisant tous les acteurs dans le cadre d'efforts justement partagés. La protection sociale comporte en effet à tous niveaux des marges considérables d'efficience et de progrès, en particulier dans le domaine de l'assurance maladie.
Troisième constat : des gisements d'économies considérables existent dans l'assurance maladie sans compromettre, bien au contraire, la qualité des soins ni l'égalité d'accès au système de santé.
L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été tenu en 2012, pour la troisième année consécutive, bien que son taux de progression ait été resserré à 2,5 % contre 3 % en 2010 et 2,9 % en 2011. Ce taux de 2,5 % est le plus volontariste depuis 1998. Ce résultat très positif témoigne des progrès effectués dans le pilotage de la dépense et dans la réalisation effective des économies prévues. Pour autant, la progression de l'Ondam au cours des quatre dernières années a été de près de 18 milliards d'euros, ce qui représente un accroissement de 11,4 % des dépenses, soit un rythme bien plus soutenu que celui de la richesse nationale, le PIB n'ayant augmenté que de 5,1 % sur cette période. La Cour, par ses travaux, a acquis la conviction qu'en mettant en place les mesures de maîtrise de la dépense qu'elle préconise, il est possible d'intensifier et d'accélérer encore l'effort. C'est pourquoi elle propose de diminuer d'au minimum 0,2 point chaque année le taux de progression de l'Ondam par rapport à celui affiché dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 : soit + 2,4 % pour 2014, au lieu de + 2,6 %, et + 2,3 % pour 2015 et 2016, au lieu de + 2,5 %.
Comme les rapports des années précédentes, le rapport de cette année identifie de nombreuses pistes de réorganisation à même à la fois de dégager des gains d'efficience et d'améliorer la qualité des prises en charge.
Le premier point d'appui de ces réorganisations dans le système de soins doit être le système hospitalier qui recèle des gisements considérables d'économies. La dépense hospitalière, qui représente plus de 75 milliards d'euros, soit 44 % de la dépense d'assurance maladie, a fait l'objet cette année de la part de la Cour, de travaux approfondis.
Les hôpitaux ont été soumis ces dernières années à des contraintes d'économies relativement modestes, comme le montre l'analyse détaillée des modalités de fixation de leur objectif annuel de dépenses à laquelle la Cour a procédé. Les économies affichées pour 2012 ne représentaient que 0,7 % de l'enveloppe de dépenses allouée, soit 550 millions d'euros, dont un cinquième n'était qu'une économie de constatation sur un fonds de modernisation. Celles demandées à la médecine de ville s'élevaient à 2,15 milliards d'euros, soit 2,7 % de son enveloppe. L'« Ondam hospitalier », peu transparent dans sa détermination, est de fait construit à ses différentes étapes de telle manière que les établissements ne sont pas soumis au même effort que le secteur des soins de ville, en particulier en n'ajustant pas suffisamment les tarifs pour réguler efficacement l'activité hospitalière. Les hôpitaux ne sont pas ainsi suffisamment obligés à mettre en oeuvre les réformes structurelles indispensables au redressement durable de leurs comptes. Dès lors, les réorganisations devraient être amplifiées pour consolider leur situation financière et maîtriser plus rigoureusement la progression de la charge que l'assurance maladie supporte.
Le retour à l'équilibre des hôpitaux publics en 2012, après plusieurs années de déficit et un doublement de la dette hospitalière en six ans pour l'amener à 28 milliards d'euros, apparaît encore fragile et largement circonstanciel : il est en bonne partie imputable à des recettes exceptionnelles et des ajustements comptables. Les efforts de meilleure gestion et de réorganisation doivent être accrus. Ainsi, par exemple, au centre hospitalier de Digne, qui a adopté cinq plans de retour à l'équilibre en cinq ans sans effets sur son déficit structurel, ou encore au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint Germain-en-Laye, issu d'une fusion en 1997 et qui a accumulé en quinze ans les déficits d'exploitation et accru sa dette sans parvenir à un projet médical permettant de rationaliser son activité.
Le retard considérable et persistant dans notre pays de la chirurgie ambulatoire - c'est-à-dire la réalisation des opérations dans des conditions qui permettent au patient de rentrer chez lui le soir même du jour où a lieu l'intervention -, apparaît emblématique à cet égard des lenteurs de modernisation des pratiques hospitalières. Pourtant, son développement rejoint l'intérêt des patients, qui n'ont pas à séjourner à l'hôpital avant comme après l'opération, comme celui de l'assurance maladie par les économies majeures qu'elle permet.
En France, quatre interventions seulement sur dix sont pratiquées en ambulatoire contre jusqu'à huit sur dix dans certains pays qui nous sont comparables, soit moitié moins, avec un très net retard du secteur public sur le secteur privé. Le nombre de places en chirurgie ambulatoire a certes nettement progressé depuis quelques années, grâce une tarification incitative, mais elles restent très fortement sous-utilisées au regard des pratiques relevées dans des pays voisins. De fait, la chirurgie ambulatoire reste souvent réservée chez nous à de la petite chirurgie, comme les opérations sur les varices, ou, au mieux, la cataracte, alors qu'à l'étranger, c'est la pratique de référence qui concerne pratiquement tous les types d'intervention, même lourdes, sauf quand l'état du patient y fait obstacle, ce qui ne représente que 20 % des cas. Dans le même temps, le nombre de lits de chirurgie conventionnelle n'a pratiquement plus diminué depuis près de dix ans et leur taux d'occupation, de seulement, 67 %, se révèle très insuffisant. Selon certaines estimations, jusqu'à 5 milliards d'euros d'économies seraient possibles à terme en utilisant mieux les capacités de chirurgie ambulatoire existantes et en fermant en conséquence les lits de chirurgie conventionnelle sous-utilisés. Ce chiffre de 5 milliards d'euros d'économies potentielles représente près de 7 % de la dépense hospitalière financée par l'assurance maladie.
La Cour propose notamment pour accélérer cette substitution indispensable que la tarification des actes de chirurgie conventionnelle soit désormais alignée sur les coûts de la chirurgie ambulatoire pour des actes identiques. Cette nouvelle stratégie serait de nature à apporter progressivement des économies, qui, sur la durée, seraient très importantes. Il s'agit d'un exemple qui illustre un constat que fait souvent la Cour : certaines évolutions peuvent être à la fois source d'économies et d'amélioration de la qualité des soins.
A une autre échelle puisqu'elle ne représente que moins de 1 % des dépenses hospitalières, l'hospitalisation à domicile est un autre exemple de prise en charge moins onéreuse qu'en établissement de pathologies lourdes et complexes, comme par exemple en cancérologie. Un pilotage plus ferme du ministère de la santé, des référentiels d'activité plus nombreux, la rénovation d'un modèle tarifaire obsolète, des évaluations médico-économiques rigoureuses devraient permettre de développer sa place au-delà de l'objectif actuel, encore quatre fois inférieur au niveau atteint dans certains pays étrangers.
Tous les acteurs du système hospitalier devraient s'engager résolument dans cet effort de modernisation et de réorganisation, qu'il s'agisse des établissements les plus importants comme les centres hospitaliers universitaires, comme la Cour l'a souligné dans son rapport de 2011, ou d'autres plus modestes, comme ceux dont la Cour analyse cette année le positionnement. Il s'agit d'une part des établissements de santé privés à but non lucratif, dits désormais d'intérêt collectif, gérés le plus souvent par des associations, des fondations ou des mutuelles, et qui regroupent 14 % des capacités d'hospitalisation, d'autre part des anciens hôpitaux locaux, qui représentent le tiers des établissements publics mais n'assurent qu'une très faible part de l'activité hospitalière. Les mutations de ces établissements doivent s'amplifier, en utilisant dans le premier cas les atouts d'un statut original, notamment la souplesse que leur confèrent les règles de droit privé qui s'appliquent à eux et, dans le second cas, en s'appuyant sur la spécificité que constitue leur recours à des professionnels libéraux, en particulier dans certains territoires en risque de désertification médicale.
Si les hôpitaux doivent être mis bien davantage sous tension de réorganisation, les autres acteurs du système de soins ne sauraient rester à l'écart du surcroît d'effort indispensable pour accélérer le rééquilibrage des comptes de l'assurance maladie. La Cour a déjà illustré les importantes possibilités d'économies qui existent à cet égard dans nombre de secteurs : l'imagerie médicale et les soins dentaires en 2010, les médicaments en 2011, les transports sanitaires en 2012, en documentant notamment 450 milliards d'euros d'économies à ce seul titre.
L'examen cette année de la réforme de permanence des soins ambulatoires instaurée il y a dix ans montre qu'une augmentation des dépenses n'est en rien garante d'un meilleur service pour la population. La permanence des soins la nuit, les week-ends et les jours fériés a longtemps reposé sur un tour de garde des médecins libéraux relevant d'une obligation déontologique et sans rémunération particulière. Elle est désormais fondée sur un dispositif de volontariat rémunéré.
Les dépenses ont quasiment triplé depuis 2001 pour atteindre près de 700 millions d'euros sans avoir pour autant réussi à désengorger les urgences hospitalières. Le dispositif s'avère parfois exagérément coûteux : par exemple, dans la Sarthe, dans le seul secteur du Grand Lucé, les quelque dix interventions réalisées dans toute l'année 2009 ont chacune coûté à l'assurance maladie plus de 3 700 euros. De même, en examinant les cas de villes comme Toulon, Grenoble, Le Mans ou Le Havre, la Cour a constaté que la superposition au dispositif de droit commun de l'intervention d'associations libérales comme SOS Médecins semble plutôt se traduire par une augmentation de la dépense. La Cour recommande que les secteurs de garde soient réorganisés et qu'une meilleure articulation de l'intervention des différents acteurs, associations, professionnels de santé libéraux, hôpital, soit recherchée. Les ARS devraient coordonner bien plus rigoureusement l'organisation de la permanence des soins dans le cadre d'enveloppes régionales fermées regroupant l'ensemble de financements que l'assurance maladie y consacre, incluant la rémunération des actes médicaux.
Des économies très significatives sont possibles aussi sur les dépenses d'analyses médicales. Elles s'élèvent à près de 6 milliards d'euros pour l'assurance maladie et ont fortement progressé sur longue période : l'augmentation du nombre d'actes a été de 80 % en quinze ans. A titre d'exemple, les remboursements au titre du dosage de la vitamine D ont été multipliés par sept en cinq ans et représentent désormais une dépense annuelle de près de 100 millions d'euros, sans qu'ait été encore évaluée l'utilité clinique de cet acte. L'obligation depuis 2010 d'accréditation des laboratoires n'a pas encore conduit à une rationalisation des implantations, au nombre de 3 600 pour les laboratoires privés et d'environ 500 en établissements de santé. Certains ajustements tarifaires limités et tardifs ont conduit à des économies très inférieures à ce qu'auraient permis les constants progrès techniques des automates d'analyse, entretenant parfois des situations de rente dont le coût est supporté par l'assurance maladie.
La Cour estime qu'une action traduisant de façon plus déterminée les gains considérables de productivité du secteur permettrait de dégager rapidement 500 millions d'euros d'économies, portant pour moitié sur les dépenses de ville, notamment en baissant d'au moins 2 centimes la valeur de l'unité de tarification (la lettre clef B) tout en modernisant la nomenclature, et pour l'autre moitié de ces économies sur les dépenses de biologie hospitalière.
Ces pistes de réformes permettent de faire porter l'effort sur les actes moins utiles. A défaut, le risque pourrait exister d'un déremboursement rampant des soins courants, pénalisant les assurés sociaux qui ne sont pas pris en charge à 100 % dans le cadre d'une affection de longue durée. Mieux cibler les économies sur les dépenses les moins justifiées est dans l'intérêt des patients comme dans celui des professionnels de santé.
L'exemple de la prise en charge de l'optique correctrice, qui représente à elle seule une consommation de soins totale de 5,3 milliards d'euros, révèle a contrario tous les dangers d'une absence de pilotage sur le long terme par les pouvoirs publics et l'assurance maladie d'une dépense qui concerne pourtant la très grande majorité des assurés sociaux.
La dépense d'optique par habitant est plus de deux fois supérieure en France à la moyenne de ses quatre grands pays voisins, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. L'assurance maladie ne prend plus en charge qu'une fraction dérisoire de cette dépense, en moyenne 3,6 % au total, et 2 % pour les seuls adultes. Ce désengagement est un grave échec d'une sécurité sociale solidaire. Les organismes d'assurance maladie complémentaire ont pris le relais, dans des conditions inégales selon les situations et les contrats des assurés. Ils ont pris en charge 71,5 % de la dépense d'optique en 2012 selon les tous derniers chiffres des comptes de la santé. Le dernier quart de la dépense est laissé à la charge des ménages, avec dans certains cas du fait de son poids, un renoncement à l'achat ou à un renouvellement médicalement nécessaire.
Le fonctionnement du marché de l'optique est peu concurrentiel. La dépense d'optique s'est accrue de 39 % hors inflation entre 2000 et 2012. Le fonctionnement de la chaîne de fabrication et de vente explique l'essentiel de cette dérive. Le nombre des points de vente y a augmenté de 43 % depuis 2000 et le nombre d'opticiens a plus que doublé, sans que la satisfaction des consommateurs ait progressé. Il n'en est pas résulté une concurrence accrue et les prix n'ont pas baissé car les charges fixes d'un point de vente se répercutent sur un volume de lunettes vendues moins élevé. Le niveau élevé des marges permet à un point de vente d'atteindre l'équilibre économique à partir de deux ou trois paires de lunettes vendues par jour ouvré. De manière générale, le jeu de renvoi de responsabilités entre acteurs fait obstacle à la baisse des prix. Les assurés en supportent les conséquences, soit indirectement du fait de l'augmentation des tarifs des organismes complémentaires, soit directement du fait d'un reste à charge très élevé quand ils ne disposent pas d'une couverture complémentaire, avec pour conséquence de nombreux renoncements à s'équiper comme il faudrait.
Le rôle désormais résiduel de l'assurance maladie l'a conduite à se désintéresser très largement de la gestion du secteur. Les assurances complémentaires voient dans l'optique un produit d'appel et assurent des remboursements importants et assez fréquents, dont les opticiens parviennent souvent à tirer parti. Les assurances complémentaires ne disposent pas encore de tous les outils nécessaires à une réelle gestion du risque.
La Cour appelle à un rééquilibrage du fonctionnement du marché, afin de maîtriser ce qui est un poste de dépense lourd pour les Français et un enjeu de santé publique. Il est ainsi souhaitable de rendre le marché beaucoup plus transparent et concurrentiel, de mettre les organismes complémentaires en situation de faire jouer beaucoup plus activement la concurrence entre les distributeurs et de redéfinir beaucoup plus strictement le contenu des « contrats responsables », qui bénéficient d'aides publiques très importantes que la Cour a analysées il y a deux ans, pour peser beaucoup plus fortement sur les prix. La Cour fait des constats et de recommandations similaires pour les dépenses d'appareils d'audition - les audioprothèses.
Au-delà enfin des établissements de santé et des professionnels libéraux, les différents gestionnaires eux-mêmes de l'assurance maladie doivent davantage contribuer au retour à l'équilibre de l'assurance maladie en dégageant des gains de productivité et des économies de gestion. Dans le prolongement de ses analyses sur ce point dans son rapport 2011 sur les différentes branches du régime général, la Cour est revenue cette année sur la gestion par les mutuelles de fonctionnaires et les mutuelles étudiantes de l'assurance maladie obligatoire. Ce sont en effet ces mutuelles, et non les caisses primaires d'assurance maladie, qui assurent pour le compte de la branche maladie du régime général le remboursement des prestations au titre de l'assurance maladie obligatoire pour 7,7 millions de fonctionnaires et d'étudiants et leurs familles, soit 13,3 % des ressortissants du régime général.
Dans la continuité d'une enquête remontant à 2006, la Cour a constaté une qualité de service toujours inégale, mais souvent insuffisante des mutuelles de fonctionnaires, tout particulièrement à la mutuelle complémentaire de la ville de Paris, dont l'accueil téléphonique, à titre d'exemple, n'était assuré en 2012 que 4 heures par jour et ne répondait qu'une fois sur trois. Malgré certains efforts de réorganisation, leurs coûts demeurent élevés. Leur rémunération, à hauteur de 270 millions d'euros, même si elle a baissé, est calculée de façon très favorable. Elle reste à un niveau nettement supérieur aux coûts de gestion des caisses primaires. Dans le prolongement de ses préconisations antérieures, la Cour recommande de reconsidérer le maintien de la gestion déléguée à des mutuelles de l'assurance maladie obligatoire des agents publics ou, à tout le moins, d'ouvrir la liberté de choix aux fonctionnaires d'Etat entre se rattacher à la caisse primaire de leur domicile et demeurer gérés par la mutuelle à laquelle est rattachée leur administration.
S'agissant des onze mutuelles étudiantes, la qualité de service est là aussi très inégale et souvent insuffisante, qu'il s'agisse de l'envoi des cartes Vitale, du remboursement des actes ou des relations avec les étudiants, notamment à La mutuelle des étudiants, qui couvre 54 % des étudiants : ainsi, en 2012, un étudiant avait une chance sur quatorze de pouvoir joindre cette mutuelle au téléphone. Leur rémunération, fixée dans des conditions particulièrement peu transparentes et avantageuses, a pourtant sensiblement augmenté. La Cour recommande la reprise de la gestion de l'assurance maladie obligatoire des étudiants par les caisses d'assurance maladie, qui faciliterait une amélioration de la qualité de service et permettrait une économie de près de 70 millions d'euros. A défaut, il apparaît nécessaire de laisser aux étudiants le choix entre l'affiliation à la sécurité sociale étudiante et le maintien de leur rattachement au régime de leurs parents.
Le quatrième et dernier constat concerne non plus l'assurance maladie, mais certains régimes particuliers de retraite. La Cour, après l'an dernier les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF, a plus spécifiquement étudié cette année les perspectives, en l'occurrence ceux des exploitants agricoles et ceux des professions libérales : leur soutenabilité suppose un pilotage très attentif et précis de la part des pouvoirs publics et appellera rapidement des efforts supplémentaires pour les professions concernées.
Les régimes de retraite des exploitants agricoles comptent moins de 500 000 cotisants pour 1,6 million de bénéficiaires : les cotisations ne couvrent ainsi que moins de 13 % des charges du régime de base. Malgré des pensions servies de montant modeste et un apport de 6,7 milliards d'euros de financements complémentaires en provenance des autres régimes et de l'Etat, son déficit, financé par emprunt bancaire à court terme, devrait approcher 1 milliard d'euros en 2013. Un redressement de l'effort contributif de la profession apparaît nécessaire, notamment par le réexamen de multiples dispositifs entraînant une perte de cotisations, notamment l'assiette forfaitaire de cotisations et les possibilités d'optimisation sociale permises par les formes sociétaires d'exploitation, en fort développement.
Les régimes de retraite des professions libérales ne connaissent pas en revanche de difficultés d'ordre démographique, avec 800 000 cotisants, dont 200 000 auto-entrepreneurs, pour un peu plus de 200 000 pensionnés. Mais le régime de base unique à ces professions est confronté à des perspectives de déficit à court terme qui exigent d'aller au-delà de l'augmentation récente des cotisations. Les risques démographiques et financiers d'ici 2040 imposent un pilotage plus attentif par les pouvoirs publics et, sans doute, la mise en oeuvre de mécanismes de solidarité interprofessionnelle pour permettre d'assurer la pérennité de l'ensemble des régimes. Plus ces efforts tarderont, plus ils seront difficiles.
Dans la période de difficultés économiques que connaît notre pays, la sécurité sociale est plus que jamais garante de la cohésion sociale et de la solidarité entre les générations. La persistance d'un déficit structurel - indépendamment des fluctuations conjoncturelles - depuis plus de vingt ans met en danger cette sécurité sociale dans ses fondements mêmes. Le retour à l'équilibre des comptes n'est pas un enjeu comptable : c'est un enjeu national qui justifie un effort d'une ampleur à la hauteur de la nécessité de maintenir un haut degré de protection sociale dans notre pays.
Cet effort a été engagé. Il porte ses premiers fruits, qui vont bien au-delà de la diminution des déficits déjà enregistrée. Il ne peut être relâché. Les réformes réalisées et celles à venir fournissent l'opportunité d'une modernisation en profondeur de notre protection sociale. Elle en sortira plus juste, plus solidaire, plus responsable, plus efficiente. En un mot, plus forte et plus légitime.
2014 commémorera les soixante-dix ans du programme national de la Résistance. La Cour espère que son rapport contribuera utilement en cette année symbolique à affermir la sécurité sociale qui en est directement issue.
Je vous remercie de votre attention et me tiens avec les magistrats qui m'entourent à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je tiens à remercier M. le Premier président pour la clarté et le caractère pédagogique de ses propos.
Ma première question concerne la dette sociale. Vous insistez une fois de plus dans ce rapport, M. le Premier président, sur la nécessité de réduire les déficits sociaux et de procéder, dans les meilleurs délais, à la reprise par la Cades des déficits accumulés au titre des branches maladie et famille pour 2012 et 2013, le transfert des déficits de la branche vieillesse et du FSV à la Cades étant déjà programmé jusqu'en 2018 dans la limite de 62 milliards d'euros.
Il est d'autant plus important de s'attaquer à ces questions que, selon les hypothèses macroéconomiques issues du programme de stabilité d'avril dernier, le déficit cumulé des branches maladie et famille d'une part, et vieillesse et FSV d'autre part, pourrait être beaucoup plus important que les montants initialement envisagés.
Afin de nous aider à envisager les meilleures réponses possibles en matière de reprise de dette, je souhaitais savoir si la Cour avait réalisé des simulations sur l'incidence de la reprise de ces montants en termes d'augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ou d'allongement de la durée de vie de la Cades ?
Ma deuxième question concerne les modalités de pilotage de la dépense sociale.
Je rappelle qu'à ce jour le champ du PLFSS, en laissant de côté les comptes des régimes complémentaires de retraites et ceux de l'Unedic, ne donne qu'une vue partielle des engagements - et des déficits - supportés les administrations de sécurité sociale. Pour mémoire, il faut ajouter aux 17,3 milliards d'euros de déficit attendus pour le régime général et le FSV en 2013 pas moins de 5 milliards de déficit au titre de l'Unedic. Les prévisions de soldes pour l'Agirc et l'Arcco sont, quant à elles, difficiles à obtenir mais n'ont rien de réjouissantes.
Dans ces conditions, je souhaitais connaitre la position de la Cour sur l'opportunité d'intégrer ces régimes au champ de la loi de financement.
Ma dernière question porte sur l'avis donné par la Cour sur la cohérence des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos - à savoir 2012. D'une part, si j'en crois la recommandation n° 4 du rapport, il semblerait que la Cour n'ait - une fois de plus - pas reçu ces tableaux « dans des délais de nature à lui permettre d'exercer la mission qui lui est impartie de manière appropriée ». D'autre part, il me semble que certaines des recommandations formulées dans le rapport (en particulier celle concernant la question des retraitements des produits et des charges) étaient déjà formulées dans les rapports précédents.
Comment peut-on expliquer la difficulté de la Cour à faire appliquer ses recommandations réitérées par les administrations centrales en général et par la direction de la sécurité sociale (DSS) en particulier ? Dans la mesure où ces documents visent à assurer une bonne information du Parlement, dans quelle mesure peut-on vous aider à assurer la prise en compte de vos recommandations ?
M. Didier Migaud . - La reprise des déficits jusqu'en 2018 de la branche vieillesse et du FSV est effectivement organisée dans la limite d'un montant de 62 milliards d'euros sur la période et de 10 milliards d'euros par an. La réforme des retraites proposée par le Gouvernement devrait permettre de respecter ces plafonds.
En revanche, les textes ne prévoient pas la reprise par la Cades des déficits des branches maladie et famille pour les années 2012 et 2013 qui devraient s'élever respectivement à 19,5 milliards d'euros et 5,7 milliards d'euros selon les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale. La Cour recommande leur transfert rapide à la Cades et l'affectation de nouvelles ressources afin ne pas modifier la date d'achèvement de la mission de l'établissement. Ce financement nécessiterait des ressources équivalentes à une hausse de 0,15 point du taux de la CRDS.
Les textes ne prévoient pas non plus la reprise des déficits pour 2012 et 2013 du régime de retraite des exploitants agricoles qui devraient s'élever à 3,2 milliards d'euros. La Cour considère que le transfert de cette somme à la Cades est inéluctable et correspondrait à une hausse de 0,02 point du taux de la CRDS.
Au total, il conviendrait d'affecter à la Cades en 2014 le produit d'une augmentation de 0,17 point de CRDS pour assurer l'amortissement de ces dettes sans modification de la date d'extinction de la Caisse.
Pour les années 2014 à 2018, toutes choses égales par ailleurs, les projections établies par la Cour sur la base des hypothèses économiques du programme de stabilité transmis en avril dernier à la commission européenne par les autorités françaises aboutissent au constat suivant : le déficit de la branche famille prévu par la loi de financement pour 2013, qui ne tient pas compte de la dégradation du contexte économique de l'année en cours, serait de 2,4 milliards d'euros en 2014, de 2,1 milliards d'euros en 2015 alors que les mesures annoncées en juin par le Gouvernement ne permettraient de réaliser des économies que 1,1 milliard en 2014 et de 1,5 milliard en 2015. L'endettement de la branche famille s'élèverait donc à 1,9 milliard d'euros en 2015. Les régimes d'assurance maladie d'une part et de retraite des exploitants agricoles d'autre part devraient également rester déficitaires sur la période. Ces déficits devraient porter la dette totale de l'Acoss et de la Mutualité sociale agricole (MSA) à près de 80 milliards d'euros en 2018 dont 72 milliards d'euros pour les branches famille et maladie.
Conformément aux dispositions de la loi organique et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il convient de traiter la question de la dette sociale à l'aide de recettes identifiées et pérennes. Toutefois seule une action résolue des pouvoirs publics sur la dépense permettra d'inverser la dynamique de l'endettement social.
Dans un de ses précédents rapports, la Cour a suggéré qu'une réflexion soit menée sur l'opportunité d'intégrer l'ensemble des administrations de sécurité sociale dans le champ de la loi de financement. Le pilotage actuel de la sécurité sociale est en effet défaillant : l'Etat prend des engagements, notamment vis-à-vis de ses partenaires européens, dont il n'est pas en mesure d'assurer le respect. Cette réflexion nous paraît d'autant plus opportune que les lois de programmation des finances publiques, récemment redéfinies, comprennent désormais des objectifs concernant l'ensemble des administrations sociales.
M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre. - Nous rencontrons des difficultés récurrentes avec la direction de la sécurité sociale sur le contrôle des tableaux d'équilibre. A ce jour, les versions définitives de ces tableaux ne nous ont toujours pas été transmises. Nous travaillons donc sur des versions provisoires dont la structure d'une année sur l'autre se modifie très peu ce qui nous entraine à réitérer un certain nombre de recommandations. Je rappelle qu'aucune disposition normative ne fixe la date de transmission et les règles d'établissement de ces tableaux. Des modifications législatives pourraient sans doute, en précisant le cadre normatif, nous aider à cet égard.
M. Didier Migaud. - Une disposition législative précisant par exemple que les tableaux d'équilibre sont établis sans contraction des produits et des charges pourrait être utile pour nos travaux et, par conséquent, pour l'information du Parlement.
Pour être tout à fait complet concernant la dette sociale, il faudrait, toutes choses égales par ailleurs, augmenter chaque année la CRDS de 0,1 point à compter de 2014 pour assurer le financement des déficits sociaux éventuellement transférés à la Cades sur la période. Ceci porterait le taux de CRDS à 1,17 % en 2019.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Près des trois quarts du rapport que vous venez de nous présenter concernent l'assurance maladie ou le système de soins. C'est à la fois révélateur et inquiétant... De nombreux sujets sont traités, je n'en évoquerai que quelques-uns.
Vous publiez notamment un chapitre attendu sur la question de la permanence des soins. Si je résume, « l'organisation est durablement fragilisée » alors même que « les dépenses ont explosé » ! Vous écrivez ainsi que le système fonctionne de mal en pis depuis dix ans et que les dépenses ont quasiment triplé. Or, face à ce constat très grave, je reste un peu sur ma faim en termes de propositions. Ne pourriez-vous pas aller plus loin sur cette question très importante pour la vie quotidienne ?
Vous consacrez plusieurs chapitres à l'hôpital. Vous relevez que le redressement global que l'on constate en 2012 tient largement à des recettes exceptionnelles liées à des cessions d'actifs et à des aides d'urgence. Par ailleurs, vous rejoignez les conclusions d'un récent rapport de la Mecss concernant les anciens hôpitaux locaux : ces établissements présentent des atouts qu'il est nécessaire de préserver et valoriser, par exemple l'association des médecins libéraux à l'activité, le lien sanitaire et médico-social ou l'installation dans des zones peu denses en offre de soins.
Autre question qui n'est pas liée directement à votre rapport : la loi HPST, qui n'a pas été modifiée sur ce point, prévoit la certification des comptes de certains établissements de santé dès les comptes 2014. Comment se déroulent les travaux préparatoires ? Avez-vous connaissance du calendrier d'adoption des textes réglementaires nécessaires, ne serait-ce que la liste des établissements concernés ?
Au travers de plusieurs chapitres (permanence des soins, hospitalisation à domicile (HAD), hôpitaux locaux...), vous évoquez à mon sens une question centrale pour notre système de santé : qui doit prendre en charge quel patient et à quel moment ? Aujourd'hui, les Français ne peuvent pas comprendre le paysage de l'offre de soins, éclaté entre cabinet médical « classique », maison de santé, centre de santé, pôle ou réseau de santé, service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), HAD, prestataires à domicile, centre hospitalier de différente taille ou nature juridique etc...
Ne pensez-vous pas que nous devrions avoir une véritable réflexion sur la « hiérarchisation » de la prise en charge, par exemple en créant des équipes de soins primaires qui soient reconnues comme une « porte d'entrée » dans le système de santé et dans lesquelles les compétences soient mieux réparties qu'aujourd'hui entre les différents professionnels ?
A l'occasion de plusieurs chapitres, vous évoquez en filigrane l'organisation et le rôle des administrations centrales. Pourriez-vous nous indiquer, et ce sera ma dernière question, quelles sont les préconisations transversales de la Cour sur ce sujet ? Nous préparons un rapport sur les ARS : le décalage croissant entre la réorganisation constatée au niveau régional par la création des agences et le fonctionnement encore cloisonné au niveau central est régulièrement évoqué dans nos auditions.
M. Didier Migaud . - Alors qu'elle était auparavant gratuite, la permanence des soins est aujourd'hui un dispositif au coût particulièrement élevé. Les recommandations que nous formulons en la matière, qui ne vous semblent pas suffisamment offensives, sont pourtant fortes. Nous préconisons en effet d'instituer le principe d'une enveloppe régionale fermée pour le financement de l'ensemble du dispositif de permanence et de garde, de donner aux directeurs généraux d'ARS le pouvoir de fixer les forfaits et les tarifs d'intervention des médecins après concertation, et enfin de mettre sous contrainte la rémunération des associations intervenant dans le secteur en les obligeant à suivre les règles fixées par la Haute Autorité de santé (HAS). Ces propositions novatrices devraient permettre, au-delà des problèmes d'organisation territoriale, de gagner en efficience au service des patients.
S'agissant de la certification des comptes des hôpitaux, nous soulignons régulièrement le manque de fiabilité des comptes hospitaliers. Nous sommes cependant plutôt satisfaits des évolutions en cours : les établissements se préparent en effet à remplir leur obligation de certification et des démarches de fiabilisation ont été engagées qui nous paraissent aller dans le bon sens. La montée en charge de la certification, qui concernera les établissements dont le total des produits du compte de résultat principal est égal ou supérieur à un seuil de 100 millions d'euros, devra être progressive. Tous ces établissements ne seront pas soumis à cette obligation dès l'année 2014 : une liste sera établie par un décret qui devrait cibler les établissements les plus avancés dans ce processus.
L'application de la certification risque de se heurter à une petite difficulté, sur laquelle le législateur pourrait être sollicité afin de compléter les dispositions déjà adoptées. La loi n'a en effet pas réglé le partage de la certification entre la Cour des comptes et les commissaires aux comptes. La Cour des comptes ne prétend pas certifier les comptes de l'ensemble des établissements, et elle n'en aurait d'ailleurs pas les moyens ; notre analyse ne portera que sur quelques-uns d'entre eux, certainement les plus importants. Le Conseil d'Etat, qui a constaté cette imprécision législative dans un champ concurrentiel, a émis l'hypothèse que des appels d'offres soient lancés. Je vous le dis très clairement : il n'est pas question que la Cour des comptes se mette en concurrence avec des acteurs privés - s'il nous arrive de répondre à des appels d'offres, c'est au plan international aux côtés d'organismes ayant le même positionnement institutionnel.
M. Antoine Durrleman . - Vous évoquez la possibilité d'une hiérarchisation de la prise en charge des patients, dont nous constatons qu'elle est bien souvent éclatée. Si des expérimentations de prise en charge au sein de réseaux spécialisés dans certaines pathologies existent, elles ne sont cependant jamais évaluées de manière approfondie, et de ce fait ne sont que rarement généralisées. Nous avons rappelé dans notre rapport annuel de février dernier qu'il est important de redonner son vrai rôle au médecin traitant dans le cadre du parcours de soins. Tel qu'organisé par la loi de 2004, celui-ci a davantage été compris dans sa dimension tarifaire que du point de vue de son organisation. Il est nécessaire de mettre en oeuvre une approche transversale incluant l'hôpital et de développer une réflexion sur la tarification hospitalière. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a commencé à travailler en ce sens et certaines propositions ont été traduites par des expérimentations prévues par la LFSS pour 2013. C'est également l'approche de la stratégie nationale de santé qui sera prochainement rendue publique.
S'agissant du fonctionnement et du rôle des administrations centrales, nous avons constaté, dans le cadre des travaux que nous avons consacré l'année dernière à la mise en place des ARS, la progression d'un décloisonnement local en même temps que la persistance d'une organisation en tuyaux d'orgues au niveau central. Il en résulte une certaine bureaucratisation des ARS, qui doivent faire face au nombre croissant des circulaires qui leur sont transmises. Nous avons souligné que le comité de pilotage, qui réunit les administrations centrales, devrait exercer un rôle beaucoup plus important et que le rôle transversal du secrétariat général du ministère des affaires sociales devrait être renforcé.
Nous avons également noté que la collaboration est parfois difficile entre les ARS et la Cnam, qui mène une politique relativement autonome. Les ARS rencontrent notamment des difficultés dans l'accès au système d'information de l'assurance maladie, ce qui pose problème pour l'élaboration d'une stratégie régionale pertinente.
Mme Catherine Génisson. - Je tiens moi aussi à remercier le Premier président pour la pertinence de ses propos et de ses analyses.
Vous avez à juste titre indiqué que le déficit structurel de la branche maladie tendait à remettre en cause le principe de solidarité sur lequel est fondé l'ensemble de notre système de santé et que l'aggravation de ce déficit justifiait une maîtrise des dépenses accrue.
Pour ce faire, vous avez abondamment évoqué les nouvelles contraintes qui pourraient être imposées au secteur hospitalier en matière de chirurgie ambulatoire et établi quelques comparaisons entre hôpitaux publics et hôpitaux privés en ce domaine. Vos propos appellent deux remarques de ma part. D'une part, je tiens à rappeler que si l'organisation de notre système hospitalier public est extrêmement bien documentée, il n'en va pas de même pour celle des établissements privés alors même que l'activité de ces derniers a des conséquences importantes sur celle du secteur public. N'oublions pas par ailleurs que ces hôpitaux prennent en charge des publics différents. D'autre part, j'estime que les réponses ponctuelles apportées aux défaillances de l'organisation de notre système de soins ne sont pas à la mesure des défis qu'il nous appartient de relever. Elles ne permettront ni de faire des économies substantielles ni de rendre ce système plus efficient. Il convient donc de promouvoir un traitement étiologique destiné à traiter efficacement et qualitativement les difficultés de notre système de santé.
Je rappelle une fois de plus que le dysfonctionnement de la permanence des soins est lié à la substitution d'une responsabilité collective rémunérée à l'ancienne obligation individuelle déontologique.
Sans faire porter la responsabilité de la situation sur la médecine libérale, j'indique que l'engorgement des urgences hospitalières résulte quant à lui du fait qu'aucune autre structure chargée des soins primaires n'est aujourd'hui en mesure de proposer des solutions adéquates aux patients.
Nous devons par conséquent nous saisir sans tarder des problématiques liées à la démographie médicale, à la mutualisation des actes et à la formation des professionnels de santé.
Enfin, je suis heureuse que vous ayez précisé votre pensée en matière d'optique. S'il me semble normal, dans le contexte actuel, de ne pas demander d'effort supplémentaire au régime général en ce domaine, il me paraîtrait toutefois inopportun qu'il renonce à sa mission d'évaluation qualitative des dispositifs médicaux mis à notre disposition. Je considère à ce sujet qu'il n'appartient pas aux complémentaires santé de proposer des parcours de soins spécifiques et qu'il revient aux pouvoirs publics, et par conséquent à la sécurité sociale, de veiller à la qualité des produits mis sur le marché.
M. Jacky Le Menn . - Concernant le retard des établissements français en matière de chirurgie ambulatoire, je constate que vos analyses s'appuient sur des statistiques datant de 2009. Depuis lors, il me semble que d'importants efforts ont été réalisés pour s'aligner sur les pratiques en vigueur dans les autres pays européens. La situation appelle toutefois une véritable réflexion sur la place de la chirurgie ambulatoire prenant en considération la formation des chirurgiens et la réorganisation des services de chirurgie.
Vous recommandez également de « définir réglementairement des seuils d'activité minimale en chirurgie à temps complet et en ambulatoire ». J'estime que votre approche est trop globalisante ! Il faudrait au contraire que l'on puisse fixer des seuils par type de pathologie, par pathologie voire par intervention afin de rattraper l'éventuel retard pris sur les autres pays européens.
Nous avions par ailleurs proposé, avec mon collègue Alain Milon, d'écarter les hôpitaux locaux du champ de la tarification hospitalière à l'activité. Leur activité de médecine est en effet minime et repose essentiellement sur des actes de gériatrie. Dans ces conditions, la tarification mixte que vous recommandez ne me paraît pas vraiment pertinente.
Concernant les ARS, le directeur de la sécurité sociale nous indiquait la semaine dernière que les relations entre les agences et l'assurance maladie étaient en voie de normalisation, en particulier en matière d'accès aux données.
Pour terminer, je souhaiterais revenir sur la question de la biologie médicale. J'estime que les difficultés que pose ce secteur ne sont pas liées à la valeur de la lettre-clé mais plutôt au caractère inapproprié de la nomenclature actuelle. Il convient par conséquent de la réformer afin de prendre en compte les nouveaux actes et de réduire le remboursement des anciens.
M. Marc Laménie. - Vous avez évoqué plusieurs pistes d'économie pour l'assurance maladie. Bien que de nombreux emplois soient en jeu, la mise en place de mesures de rationalisation du transport sanitaire me semble tout à fait justifiée. Les pistes que vous avez dégagées en matière de lutte contre la fraude sociale me paraissent également intéressantes. Existe-t-il des marges d'amélioration dans le fonctionnement des ARS ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Au cours des années passées, vous avez largement insisté devant notre commission des affaires sociales sur la nécessité de faire des économies dans le secteur hospitalier. Vous nous faites cette année plusieurs recommandations en ce sens, dont le rapporteur général se saisira certainement dans le cadre du PLFSS. Vos propositions portent notamment sur l'organisation de la permanence des soins. Certaines expériences ont montré que les maisons médicales de garde, qui interviennent en amont des services d'urgence, fonctionnent bien et permettent de réaliser des économies substantielles qui pourraient atteindre 1 milliard d'euros. Le coût d'une nuit en médecine libérale de garde est en effet de 60 euros, alors que celui de l'entrée dans un service d'urgences atteint 240 euros. Pouvez-vous nous apporter quelques éléments sur ce point ?
Vous avez relevé que les actes de biologie médicale connaissaient une progression que l'on pourrait qualifier d'hyperbolique. Nous avons constaté plus globalement, dans le cadre de la Mecss, que ce sont 28 % des actes médicaux qui pourraient être superflus. Vous serait-il possible d'étudier cette question de manière approfondie ? Nous avons là un levier d'action qui pourrait permettre de réaliser des économies substantielles sans altérer d'aucune façon la qualité des soins.
Mme Françoise Boog . - Vous effectuez, dans le cadre de votre rapport, des comparaisons entre la France et les autres pays de la zone euro ; celles-ci sont-elles vraiment pertinentes dans la mesure où notre système social est bien souvent envié à l'étranger ? Avez-vous tenu compte, dans les propositions que vous avez formulées, du vieillissement de la population et des progrès de la médecine ? Disposez-vous de chiffres spécifiques pour le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle ?
M. Gérard Roche. - Je vous remercie pour cette présentation qui nous montre que le déficit de la sécurité sociale n'est pas nécessairement fatal et qu'il est possible de réagir. Vous regrettez que la chirurgie ambulatoire ne se développe pas assez vite : je pense au contraire que c'est tout à l'honneur de nos chirurgiens. Il me paraît très difficile d'opérer un patient le matin pour le faire sortir le soir, sans compter que cela pose un réel problème de responsabilité.
Les 33 % de lits de chirurgie considérés comme inoccupés sont en réalité mis à la disposition des services de médecine, dans la mesure où les urgences sont bien souvent surchargées. Cette mise à disposition ne permet pas toujours d'apporter une réponse médicale suffisante. Je pense qu'il faut encourager le recours aux « services de porte », services de médecine immédiatement opérationnels après le passage aux urgences, y compris le week-end. On pourrait ainsi éviter de nombreux jours d'hospitalisation inutiles.
Les dérives du système de garde, qui constituait autrefois une obligation déontologique, me semblent parfaitement scandaleuses. La rémunération de la garde n'a conduit qu'à aggraver les choses. La notion de « nuit profonde », par exemple, est une ineptie complète : on ne choisit pas son heure pour faire un infarctus. La permanence est en fait moins assurée depuis qu'elle est rémunérée ! Les permanences sont en outre organisées en fonction des territoires administratifs qui sécurisent les ARS mais ne sont pas pertinents d'un point de vue médical.
Je suis heureux que vous nous ayez apporté des éclaircissements sur la question de l'optique. Il est insupportable que la sécurité sociale considère qu'un déficit sensoriel relève de la médecine de confort. C'est au contraire une question essentielle en médecine : un enfant qui ne voit pas bien est aussi un enfant en retard scolaire ; le déficit sensoriel est, avant le déficit cognitif, une porte d'entrée dans la dépendance. Pour autant, les 80 % de bénéfices empochés par les professionnels du secteur sont parfaitement inacceptables.
M. Dominique Watrin. - Vous avez démenti avoir préconisé la fin du remboursement des frais d'optique et de prothèses auditives par la sécurité sociale, comme cela avait été repris dans la presse. Je lis cependant dans la synthèse de votre rapport que vous proposez une réflexion sur l'opportunité de la prise en charge de ces frais par l'assurance maladie obligatoire. Je suis perplexe : comment faut-il donc comprendre cette recommandation ? Je pense que la sécurité sociale devrait renforcer sa participation dans ce secteur afin d'encadrer et de faire baisser les prix de ces équipements. Tout désengagement de la sécurité sociale conduit à un renoncement aux soins.
Les travaux de la Cour des comptes s'intéressent davantage aux économies à réaliser sur les dépenses qu'aux recettes, avec des propositions parfois inquiétantes. Dans un contexte de financiarisation de l'économie, il pourrait être intéressant de travailler sur la taxation des revenus financiers des entreprises ou sur la modulation de leurs cotisations sociales en fonction de leur politique plus ou moins favorable à l'emploi - et donc plus ou moins génératrice de cotisations sociales.
S'agissant des hôpitaux, vous faites le constat que les économies réalisées sont encore modestes et qu'il est nécessaire d'accélérer le mouvement de restructuration. Dispose-t-on d'études précises sur les suppressions d'emplois dans le secteur hospitalier et sur les conséquences qu'elles engendrent ? Il est indispensable qu'une dimension d'humanité demeure dans nos hôpitaux : elle est en effet essentielle au bon résultat des soins. Vous écrivez que les restructurations doivent être conduites plus fermement : qu'entendez-vous exactement par cette formule ? Dans la zone de santé dans laquelle je réside, celle de Lens-Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, la concertation mériterait d'être largement améliorée. Dans le cadre d'un projet de restructuration incluant la construction d'un nouvel hôpital à Lens, le directeur de l'ARS n'a réuni tous les acteurs que pour leur indiquer qu'ils porteraient la responsabilité de l'échec du programme d'investissement en cas d'opposition.
M. Jean-François Husson. - L'amélioration de la situation financière de la sécurité sociale est plutôt conjoncturelle, dans la mesure où elle résulte en partie de la vente de biens. La dégradation des finances sociales est un phénomène qui se poursuit depuis plusieurs décennies et je me demande si nous ne sommes pas proches d'une situation de blocage. L'ensemble des hôpitaux voient leur déficit déraper et leurs finances ne sont soutenues que par des aides ponctuelles de l'Etat. En tout état de cause, il nous faut attendre de voir dans quelle mesure les préconisations que vous formulez année après année seront reprises par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale de santé qui nous sera prochainement dévoilée.
Sur la question de l'optique, il me paraît souhaitable que la couverture du régime obligatoire, qui est aujourd'hui de 4 %, atteigne un seuil de 10 % et que le reste soit pris en charge par les complémentaires santé. Le seuil de 4 % n'est en effet atteint qu'en raison de la meilleure couverture dont bénéficient les enfants de moins de seize ans, tandis que celle des autres assurés sociaux est quasiment inexistante.
M. Michel Vergoz. - La reprise de votre rapport dans les médias, notamment sur l'optique, me semble participer d'une vaste entreprise de désinformation. La question des niches sociales, dont on parle peu et que l'on connaît peu, est très anxiogène ; c'est pourquoi il ne faut pas les évoquer sans expliciter ce qu'elles recouvrent, à moins de jouer un jeu dangereux de déstabilisation de l'opinion publique. Cette question est d'autant plus importante qu'à eux seuls, les 200 dispositifs dérogatoires, qui représentent 52 milliards d'euros, ont suffi à neutraliser tous les efforts entrepris pour le redressement des comptes sociaux par les recettes. La loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 prévoyait l'évaluation de l'ensemble des niches sociales sur une période de cinq ans. Or, vous recommandez dans votre rapport une planification de l'évaluation des niches sociales sur cinq ans : doit-on comprendre que cette évaluation, indispensable pour la compréhension de ces enjeux, a en fait été repoussée de deux ans ? Cette recommandation m'apparaît par ailleurs très douce au regard du contexte de tempête que nous traversons actuellement. Sans doute existe-t-il des blocages sur la question des niches sociales, mais à quel niveau ?
Mme Annie David, présidente . - Je pense qu'il faut davantage faire participer les revenus financiers au financement de la protection sociale. La sécurité sociale a été fondée, au moment de sa création, sur des cotisations assises sur les revenus du travail : il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer ce système dans le sens d'une meilleure solidarité.
J'ai quelques inquiétudes au sujet de la biologie médicale. La proposition de loi que nous avons récemment adoptée n'avait pas pour objectif de faire fermer des laboratoires, mais visait à favoriser un meilleur service de proximité. Sans doute faudrait-il, afin de porter une meilleure appréciation sur l'augmentation du nombre d'actes de biologie médicale, la rapporter à celle des pathologies et de la durée de vie.
Le développement de la chirurgie ambulatoire ne me paraît pas adapté à tous les territoires. Il me semble difficile de faire sortir rapidement les patients dans les territoires ne disposant pas de services de soins de suite et de réadaptation (SSR), particulièrement dans les campagnes. Il pourrait être judicieux de réaliser, pour la biologie comme pour la chirurgie, des études d'efficience qui permettent de prendre en compte la qualité des soins.
S'agissant de la permanence des soins, pourrait-il être envisagé de revenir à l'organisation antérieure que nous rappelait M. Roche à l'instant ?
M. Didier Migaud. - Je tiens à rappeler que le rôle de la Cour des comptes se limite, par ses recommandations, à éclairer le Parlement. Elle ne prétend en aucun cas se substituer à la représentation nationale.
Le recensement des actes médicaux inutiles évoqué par M. Vanlerenberghe nécessiterait une capacité d'expertise dont la Cour ne dispose pas actuellement.
Je partage l'avis de Mme Génisson concernant la nécessité d'engager une réforme structurelle de notre système de soins.
Concernant l'optique, nous recommandons « réexaminer à terme, pour l'optique, l'articulation entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire ». Il faut avoir une vue déficiente ou l'esprit mal tourné pour traduire cela comme étant une recommandation de la Cour de désengagement de la sécurité sociale en matière de frais d'optique ! Ce n'est pas ce qui est écrit ... Nous appelons à une réflexion des pouvoirs publics, qu'il vous appartient de conduire, sur la nécessité d'articuler le rôle des régimes obligatoires et celui des assurances complémentaires, surtout si ces dernières sont généralisées dans un proche avenir.
Par ailleurs, le désengagement des régimes obligatoires en matière d'optique s'est déjà réalisé ! Pourquoi, dans le cadre des réflexions que vous serez amenées à conduire sur le sujet, vous interdire a priori certaines pistes ? L'optique est le constat d'un échec : la sécurité sociale s'est désintéressée du sujet, permettant l'apparition d'un système dérégulé.
D'ailleurs les opticiens ne sont pas responsables de cette situation. Ils se sont simplement organisés pour répondre à une demande. Les principaux responsables sont la sécurité sociale et les complémentaires ! Grâce à la Cour, le sujet devient public. Si cela peut contribuer à résoudre les difficultés en ce domaine, je veux bien accepter que notre recommandation ait été mal interprétée.
Je voudrais également revenir sur le caractère anxiogène et démoralisant des rapports de la Cour. Nous sommes évidemment sensibles à ce genre de remarque. Il nous appartient toutefois d'établir les constats qui s'imposent, aussi impopulaires soient ils auprès des professions concernées. Ces constats visent par ailleurs à encourager des réformes permettant de dégager des économies sans remettre en cause ni l'accès aux soins ni la qualité des soins.
Dans bien des domaines, un supplément d'argent public ne suffit pas à régler les difficultés. Nous l'avons montré dans le domaine de l'éducation nationale. Nous le constatons aujourd'hui en matière de permanence des soins où ces 700 millions d'euros de dépenses correspondent à une dégradation du service rendu aux citoyens.
M. Antoine Durrleman. - Mme Génisson a rappelé que nous ne disposions pas de la même profondeur d'analyse sur les secteurs hospitaliers public et privé. Nos compétences vis-à-vis du secteur privé se limitent en effet à des demandes d'informations tandis que nous sommes habilités à nous rendre dans les établissements publics pour en contrôler le fonctionnement.
En matière de chirurgie ambulatoire, les données dont nous disposons montrent effectivement une dynamique de progression : entre 2009 et 2011, la part d'ambulatoire est ainsi passée de 37 % à 39,5 %. Les données comparatives internationales les plus récentes datent quant à elles de 2009, mais depuis lors, la situation relative de la France n'a pas significativement changé.
Cette progression de la part de la chirurgie ambulatoire est le fruit d'un effort collectif entre les équipes hospitalières. Nous avons d'ailleurs été frappés de constater que la part d'ambulatoire est moins importante dans les CHU que dans les centres hospitaliers généraux. Certains CHU, à l'image de l'AP-HP, tentent cependant d'accélérer leur conversion ambulatoire.
La chirurgie ambulatoire se développe en fonction de considérations médicales mais également en fonction de l'environnement du patient. Le retour à domicile en zone rurale ne se fait pas dans les mêmes conditions qu'en zone urbaine ou toutes les équipes sont immédiatement disponibles. Nous évoquons d'ailleurs dans le rapport l'expérimentation prometteuse menée par la MSA en Languedoc-Roussillon concernant la mise en place de dispositifs d'accompagnement des populations agricoles vers la chirurgie ambulatoire.
La question de la responsabilité en matière de chirurgie ambulatoire concerne les chirurgiens et les anesthésistes-réanimateurs.
Nous estimons que le développement de la chirurgie ambulatoire a jusqu'ici reposé sur des incitations financières qui ont atteint leurs limites. Nous recommandons de réfléchir à la mise en place d'un nouveau dispositif de tarification afin de franchir un nouveau palier.
La modernisation de la biologie passe par la modernisation de la nomenclature. Le caractère inadapté de la nomenclature est problématique pour les biologistes comme pour les assurés sociaux. Il conduit à réaliser à l'hôpital certains actes qui pourraient l'être en biologie de ville.
Nous avons toutefois constaté que l'assurance maladie vivait très bien le blocage de la commission de hiérarchisation des actes de biologie. Ayant la possibilité de passer outre ce blocage et de réaliser son propre plan d'économies, elle ne s'embarrasse plus à discuter avec les syndicats de biologistes d'une modernisation de la nomenclature.
Nous avons également constaté que l'assurance maladie ne cherchait pas à limiter le nombre d'actes de biologie prescrits et qu'il n'existait ni gestion du risque en ce domaine ni référentiel relatif au bon usage de la biologie.
Lorsque nous avons préconisé de diminuer de deux centimes la valeur de la lettre-clé, il s'agissait par ce biais d'inciter les parties conventionnelles à discuter d'un nouvel accord. Si les discussions en cours devaient échouer, il conviendrait d'envisager de dénoncer la convention pour remettre la situation à plat.
La question des restructurations hospitalières recouvre également les regroupements de laboratoires de biologie hospitaliers. Ceux-ci accusent un certain retard dans le processus d'accréditation : au moment où nous avons remis notre rapport, 20 % d'entre eux n'avaient pas été en capacité de s'engager dans cette procédure. Des coopérations et mutualisations sont donc encore largement possibles et même nécessaires. Elles permettraient à la fois d'élever la qualité des soins hospitaliers (on constate en effet de meilleures performances lorsqu'est atteint un certain volume d'actes) et de réaliser des gains d'efficience.
L'articulation entre la permanence des soins et les maisons médicales de garde est une question essentielle. Elle constitue en effet un important levier d'amélioration de l'organisation du parcours de soins. L'ouverture d'une maison médicale de garde à proximité d'un service d'urgences génère des bénéfices considérables à tous les niveaux. Il faudrait également réfléchir à une baisse de la tarification des urgences hospitalières, qui pourrait inciter au développement des maisons médicales de garde.
Mme Catherine Génisson . - Dans le domaine chirurgical, il pourrait être intéressant d'évaluer le taux de réhospitalisation observé dans plusieurs configurations (public-privé, privé-public, public-public, privé-privé). La permanence des soins dans les maisons de retraite constituerait également un thème d'étude intéressant.
Audition de M. Jean-Louis REY, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale
Réunie le mardi 22 octobre 2013 sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'audition de M. Jean-louis Rey, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sur le projet de loi n° 1412 (AN-XIV e ) de financement de la sécurité sociale pour 2014 .
Mme Annie David, présidente . - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, avec l'audition de Jean-Louis Rey, directeur de l'Acoss, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation. Il est accompagné de son directeur financier, M. Alain Gubian.
Nous serons très attentifs à ce que vous nous direz sur les recettes de la sécurité sociale et leurs perspectives d'évolution, compte tenu tant de la conjoncture que des mesures prévues dans le projet de loi de financement. Nul doute que vous évoquerez, également, les conditions de financement du déficit courant, hors transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
M. Jean-Louis Rey, directeur de l'Acoss. - L'Acoss, qui pilote le réseau des Urssaf, a recouvré, en 2012, 441 milliards, soit 22 % du PIB. Sur ce montant, 80 % sont à mettre au compte du régime général, tandis que 20 % proviennent du recouvrement pour le compte d'organismes tiers. Les Urssaf, dont la régionalisation s'achève, seront 22 au 1 er janvier 2014 contre 106 par le passé ; elles gèrent 9,6 millions de cotisants, dont 2,2 millions d'entreprises des secteurs public et privé, 3,2 millions de travailleurs indépendants, 3,7 millions de particuliers employeurs, ainsi que 500 000 ressortissants divers. Nous avons 900 partenaires. Les coûts de gestion sont très faibles, de l'ordre de 0,29 %, en diminution de 0,01 point par an. Pour gérer des flux de trésorerie considérables, de 1 800 milliards l'an dernier, nous avons traité 273 000 mouvements de trésorerie. Nous disposons de 14 000 agents. Nous assumons également des tâches de prévention, de conseil et de contrôle. Sans pour autant négliger les travailleurs indépendants et les particuliers employeurs, notre rôle premier est d'assurer la relation avec les entreprises, nos principaux cotisants, en cherchant à nouer avec elles les relations les plus appropriées au contexte difficile que nous traversons.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - La solution retenue dans ce projet de loi de financement pour faire face aux déficits vous semble-t-elle raisonnable ? Comment envisagez-vous la période 2014-2017 ? L'Acoss pourra-t-elle faire face à de nouveaux déficits ?
La suppression de l'assiette forfaitaire pour les particuliers employeurs a-t-elle eu des effets négatifs sur l'emploi ? Avez-vous constaté une sous-déclaration des heures et, en ce cas, comment y remédier ? Les outils juridiques de lutte contre la fraude sociale, enfin, vous paraissent-ils suffisants ?
M. Jean-Pierre Godefroy . - Quel a été l'impact, pour les services à la personne, de la suppression de l'abattement de 15 points de cotisation dont bénéficiaient les particuliers employeurs, puis de la suppression de la déclaration au forfait ?
M. Jean-Louis Rey - En 2013, les besoins de financement du régime général étaient en moyenne de 22 milliards par jour. Nous avons pu les assurer dans de bonnes conditions financières grâce à des taux d'intérêt très faibles représentant une charge d'intérêts de 20 millions. Les besoins de financement ont, au plus haut, atteint 29 milliards et devraient se fixer, au 31 décembre, à 26,5 milliards. On est tout de même passé, en un an, du simple au double, puisque le besoin moyen était, l'an dernier, en moyenne de 11 milliards.
Comment ces besoins sont-ils financés ?
Jusqu'en 2006, ils l'étaient à 100 % par la Caisse des dépôts et consignations. Nous n'y avons désormais plus recours que pour 10 % des besoins, d'une part parce que les coûts d'intermédiation rendent l'offre de la CDC plus onéreuse ; d'autre part, parce que la convention pluriannuelle fixe des conditions relativement rigides d'emploi. Nous nous tournons pour les 90 % restants, vers le marché : l'émission de billets de trésorerie couvre 37 % de nos besoins ; 37 % proviennent de la souscription sur le marché international d'Euro Commercial Paper assurée pour notre compte par l'Agence France Trésor. Pour le solde, nous mobilisons les trésoreries sociales excédentaires en certaines périodes. Grace à la faiblesse des taux d'intérêts, le financement est assuré dans de bonnes conditions de sécurité. Nous sommes cotés, comme l'Etat, par les 3 agences internationales de notation qui nous accordent la meilleure note possible.
En 2010, ce sont 50 milliards que nous avions dû emprunter, sur un marché très défavorable - les taux étaient à 4 %. Année noire, qui nous aura coûté 800 millions d'intérêts.
Pour 2014, si le projet de loi de financement avait continué de prévoir une reprise de dette de 6 milliards au titre de la seule assurance-vieillesse, nous aurions dû emprunter 24 milliards. En soi, cela n'aurait pas été insurmontable, avec de bas taux d'intérêt, s'il n'y avait eu l'inconnue de la réaction du marché face à une perspective de déficit prévisionnel croissant jusqu'à 50 milliards à l'horizon 2018. L'Agence centrale ne risquait-elle pas de paraître sortir totalement du cadre de la gestion de trésorerie ? Cela se serait traduit sans doute par une augmentation des taux.
Le Gouvernement a choisi de faire reprendre 10 milliards d'euros par la Cades, ce qui change la donne. Le plafond d'emprunt de l'Acoss est augmenté, passant de 29,5 à 34,5 milliards. Nous entendons, pour ce faire, recourir davantage à la Caisse des dépôts, et moins au marché. Nous demanderons également à la sphère sociale, à la Cades et à l'Agence France Trésor d'être plus présents. Nous modifions ainsi la structure de financement, sans bouleversement majeur cependant.
Le projet de loi de financement ouvre des perspectives intéressantes. Sous réserve que les hypothèses qui lui sont associées se vérifient, les besoins de financement devraient, après une légère augmentation en 2015, amorcer une décrue progressive pour atteindre 24 milliards à l'horizon 2018.
Mme Catherine Procaccia . - Avez-vous évalué la charge de cette dette pour les années à venir ?
M. Jean-Louis Rey. - Nous ne pouvons guère anticiper les réactions du marché en 2015 et au-delà.
M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss. - Pour 2014, les intérêts devraient être de l'ordre de 40 millions d'euros.
M. Jean-Louis Rey. - Prévision plutôt rassurante, par conséquent.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Pour un besoin de financement de 22 milliards, si j'ai bien compris.
Mme Annie David, présidente . - Et un maximum de 29 milliards.
M. Jean-Louis Rey. - Dans la chronique de l'emploi à domicile, le chèque emploi services, devenu le Cesu, a ouvert une dynamique déclarative, non tant parce qu'il aurait créé massivement des emplois, que par un effet très fort de blanchiment. C'était d'ailleurs son but. Le dispositif a été alors solvabilisé par deux moyens, l'assiette forfaitaire et la réduction d'impôts. Cependant, avec le choc de conjoncture des années 2008-2010, la courbe déclarative a fléchi dès l'automne 2008. La suppression de l'abattement de 15 points de cotisation patronale et la réduction d'impôts en 2011, puis, en 2012, la suppression de l'assiette forfaitaire et l'introduction en lieu et place de l'allègement spécifique de 75 centimes par heure ont été suivies par une décrue du volume d'heures déclaré. Après un léger ralentissement de la baisse courant 2011, nouvelle chute en 2012. Une perte de 4 % a été enregistrée en ce début d'année, puis une stabilisation au deuxième trimestre ; nous attendons avec impatience les résultats du troisième trimestre.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Combien d'emplois sont-ils concernés ?
M. Jean-Louis Rey. - Trois phénomènes peuvent expliquer la baisse de volume. Un moindre recours, du fait de la crise, aux services de gens de maison ; un recours accru aux offres de prestation de services des entreprises et associations du secteur, qui cependant, bien que difficile à mesurer, ne saurait être très significatif ; la sous-déclaration, enfin...
Mme Catherine Procaccia . - Bien sûr !
M. Jean-Louis Rey. - ... dont l'impact, en revanche, est sans doute important. Il suffit de regarder autour de nous.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Un effet inverse, en somme, de celui que recherchait le Cesu.
Mme Annie David, présidente . - Venons-en à la question de la fraude sociale.
M. Jean-Louis Rey. - Deux phénomènes sont en jeu. Le travail illégal, d'abord, que la dissimulation d'activité soit partielle ou totale ; les stratégies d'optimisation, ensuite, qui conduisent à des montages plus ou moins légaux destinés à éviter tout ou partie du paiement des cotisations.
Nous luttons contre l'un et l'autre, en menant deux types d'action. Nous développons, en premier lieu, la prévention, en jouant, auprès des entreprises, un rôle d'information sur les évolutions de la législation, et de conseil. Nous avons mené, en 2012, 20 000 actions de ce type, et répondu à plus de 15 000 questions complexes adressées par les entreprises. En second lieu, nous exerçons des contrôles, grâce à 1 500 inspecteurs de recouvrement, pour le contrôle sur place, et 200 contrôleurs, pour le contrôle sur pièces. Les résultats pour 2012 en ont été rendus publics cet été. La lutte contre le travail illégal, qui mobilise les Urssaf et l'ensemble des services, représente 15 % de l'activité des inspecteurs du recouvrement, les 85 % restants relevant du contrôle classique d'assiette. Les redressements de cotisations au titre du travail illégal se sont élevés à 260 millions en 2012, résultat en progression quoiqu'encore modeste. Avec 7 200 opérations ciblées, les contrôles ont porté sur 41 000 établissements ; quatre actions sur cinq ont donné lieu à redressement. Le taux de recouvrement, cependant, reste à peine de 15 %, parce que la plupart des entreprises concernées disparaissent dans la nature. Aussi recherchons-nous le moyen d'être plus réactifs dans le recouvrement.
Le contrôle ne vise pas seulement à sanctionner : il est aussi l'occasion de rétablir la réalité des droits des salariés notamment dans les comptes de la Cnav, ce qui n'est pas facile techniquement.
Quant aux actions générales de contrôle, elles concernent essentiellement le contrôle d'assiette, sachant qu'il n'est pas commode de faire la part entre fraude et erreur, et qu'il demeure toujours une zone grise. Le montant des redressements a été, l'an dernier, de 1,5 milliard ; nous avons également restitué 180 millions de cotisations, preuve que le contrôle joue dans les deux sens.
Nous avons à notre disposition de nombreux outils juridiques. Depuis quelques années, des dispositions nouvelles ont été votées chaque année en loi de financement : faculté de redressement forfaitaire, annulation des exonérations de cotisations, élargissement du droit de communication, opposition à tiers détenteur, obligation de vigilance du donneur d'ordre. Ce projet de loi de financement, qui se contente d'harmoniser l'obligation de vigilance du donneur d'ordre de droit public sur le droit privé, opère une pause bienvenue. Il faut se laisser le temps de s'approprier les outils. Peut-être demanderons-nous toutefois, à la fin de l'année prochaine, quelques évolutions.
Mme Catherine Procaccia . - Vos inspecteurs contrôlent-ils les particuliers, ou s'en tiennent-ils aux entreprises ? Dans ma commune, les jeunes parents sans solution de garde me disent huit fois sur dix que la nourrice qu'ils ont recrutée ne veut pas être déclarée. Et c'est ainsi qu'ils se trouvent dans une situation de fraude involontaire. Comment remédier à cette situation ?
M. Jean-Louis Rey. - Nos inspecteurs ne contrôlent que les entreprises. Sachant que notre objectif est de couvrir 51 % de leur fichier sur trois ans, nous procédons à un ciblage très précis sur les zones de risque, afin de dégager le meilleur rendement. Depuis la création du chèque emploi service en 1994, nous avons abandonné le contrôle des employeurs particuliers. Ce choix se justifiait, puisque le Cesu devait être un fort vecteur de déclaration. Ce qui a été le cas. Au reste, seule l'Urssaf d'Ile-de-France était active en ce domaine avec une quinzaine d'inspecteurs. Et la visée était essentiellement dissuasive, car il n'est pas simple de mener ce type de contrôle, qui suppose de s'ouvrir l'accès au domicile des particuliers, pour constater un flagrant délit.
Mme Catherine Procaccia . - Les contrôles à domicile existent bien pour la taxe sur l'audiovisuel public. On vérifie que ceux qui déclarent ne pas posséder de téléviseur disent vrai.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Y a-t-il des dénonciations ?
M. Jean-Louis Rey. - Elles existent surtout pour les entreprises en situation de concurrence.
M. Jean-Pierre Godefroy . - La dette de la branche AT-MP inscrite dans les comptes de l'Acoss atteignait quelque 2 milliards. Quelles évolutions attendre ?
M. Alain Gubian. - La branche devrait renouer à partir de 2013, avec un léger excédent après un déficit de 200 millions en 2012. Et l'excédent devrait atteindre 400 millions en 2015. La situation s'en trouvera améliorée.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Si ces excédents sont bien réservés au remboursement de la dette...
M. Alain Gubian. - Le passif diminue, puisqu'on affecte un bénéfice. C'est de bonne méthode.
M. Jean-Louis Rey. - Les garanties d'affectation sont bien là.
M. Gilbert Barbier . - La Cades reprend 10 milliards : signe pour vous encourageant, ou insuffisant. Sachant que se pose le problème de l'augmentation de la dette à court terme...
M. Jean-Louis Rey. - Comme gestionnaire de l'Acoss, je m'en réjouis, ce qui ne préjuge toutefois en rien de mon opinion de citoyen...
M. Gilbert Barbier . - Le risque est grand face à l'évolution des taux, quand on porte une dette à court terme si importante.
M. Jean-Louis Rey. - Il n'y a pas de risque à court terme. L'horizon est annuel. C'est au-delà de 2014 qu'est le point d'interrogation.
Mme Catherine Procaccia . - Le régime agricole figure-t-il parmi vos interfaces ?
M. Jean-Louis Rey. - Non, la MSA n'entre pas dans nos comptes de tiers, sauf pour certaines taxes, mais nous recouvrons en cotisations du régime social des indépendants et de l'Unedic.
M. Alain Gubian. - La MSA recouvre ses propres cotisations.
Mme Annie David, présidente . - Il me reste à vous remercier.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. YVES DAUDIGNY, RAPPORTEUR GÉNÉRAL
• Fonds de réserve des retraites (FRR)
Yves Chevalier , membre du directoire
• Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)
Patrice Ract-Madoux , président du conseil d'administration
• Fonds de solidarité vieillesse (FSV)
Bernard Billon , directeur
* 1 CCSS : Commission des comptes de la sécurité sociale.
* 2 Initialement opérée par l'article 2 de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 instituant la TVA sociale afin de compenser la part du transfert des cotisations patronales non couverte par la majoration du taux normal de TVA, cette augmentation a été maintenue par le Gouvernement en dépit de la suppression du dispositif initial par la loi de finances rectificative du 16 aout 2012.
* 3 L'évolution des dépenses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse représentent respectivement 47 % et 33 % des dépenses totales du régime général.
* 4 Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, « Équilibres financiers généraux », rapport n° 107 (2012-2013) de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2012.
* 5 Avec des dépenses s'établissant à 451,4 milliards d'euros en 2012, les régimes obligatoires de base constituent toutefois la part prépondérante des dépenses des administrations de sécurité sociale (549 milliards d'euros en 2012).
* 6 Ce chiffrage est fourni par l'étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites Les estimations fournies par l'annexe 9 du présent projet de loi de financement sont sensiblement différentes.