III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE ADAPTATION MESURÉE ET ATTENDUE DU STATUT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Votre commission s'est montrée favorable dans son principe aux dispositions contenues au sein du projet de loi organique, consciente de la nécessité de revoir ponctuellement le statut de cette collectivité pour prendre en compte les difficultés pratiques qui naissent du fonctionnement normal de ces institutions. La démarche consensuelle de simplification et d'actualisation du droit qu'elle a récemment approuvée en métropole ne peut exclure la Nouvelle-Calédonie, ce à quoi procède le présent projet de loi organique.
Tout en souhaitant conserver la spécificité de l'organisation institutionnelle de l'archipel, votre commission a ainsi approuvé, sous réserve de modifications d'ordre rédactionnel, les dispositions qui, s'inspirant du droit commun des collectivités territoriales, faciliteraient l'activité régulière des institutions calédoniennes.
Votre commission s'est montrée plus particulièrement attentive à la création en Nouvelle-Calédonie des autorités administratives indépendantes et des sociétés publiques locales.
S'agissant du pouvoir reconnu à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes, il ouvre la voie pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie à la création prochaine d'une autorité locale de la concurrence largement souhaitée au sein des formations politiques calédoniennes. Plutôt que d'inscrire une telle autorité administrative indépendante au sein de la loi organique, ce qui revenait pour l'État à intervenir dans des domaines de compétences transférées de manière définitive à la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi organique propose une disposition générale qui paraît d'autant plus sage qu'elle laisse ouverte la création d'autres autorités administratives indépendantes. Votre rapporteure songe ainsi à la mise à place éventuelle d'un Conseil supérieur de l'audiovisuel local lorsque, en application de l'article 27 de la loi organique, la communication audiovisuelle aura été transférée.
Sans ignorer les difficultés juridiques et pratiques liées à la mise en place d'une autorité administrative indépendante, votre rapporteure est consciente des espoirs suscités par l'annonce de la création d'une autorité indépendante locale en charge de la concurrence et que les députés et sénateurs de la Nouvelle-Calédonie, entendus par votre rapporteure, n'ont pu que confirmer. Cette mesure prolonge, dans son esprit, la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer qui avait créé des outils juridiques pour lutter contre la vie chère dans les départements d'outre-mer 5 ( * ) . Dans le cas présent, l'État n'étant plus compétent en matière de régulation économique, il donne les moyens à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place un arsenal juridique équivalent au sein de ce territoire.
Lors de son audition par votre rapporteure, M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence a confirmé l'existence, au sein d'archipels proches de la configuration de la Nouvelle-Calédonie, d'autorités en charge de la régulation économique disposant d'un collège restreint de membres souvent recrutés, au regard de leurs compétences, à l'extérieur de l'île. L'exemple de Maurice ou de l'Islande démontre qu'environ une vingtaine d'agents sont nécessaires pour assister les membres qui composent cette autorité indépendante. Ces précédents démontrent que la création d'une telle autorité est donc réalisable pourvu que la volonté politique, que votre rapporteure a pu mesurer dans le cadre de ses auditions, soit confirmée.
Votre commission estime que cette volonté locale doit trouver un relais nécessaire dans la détermination de l'État à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. S'il est conforme à l'Accord de Nouméa que l'État n'interfère pas dans les compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie, votre commission n'en est pas moins convaincue qu'il joue un rôle de gardien des grands équilibres posés par l'Accord. Cette appui de l'État devrait se traduire naturellement par l'adoption du cadre législatif nécessaire pour conférer aux autorités indépendantes nationales que la Nouvelle-Calédonie souhaiterait créer, à commencer par celle en matière de concurrence, les prérogatives utiles à ses missions (prérogatives devant la justice, pouvoirs coercitifs, etc.).
Dès à présent, votre commission a souhaité apporté des gages de cette indépendance en exigeant, au niveau de la loi organique, que la création de cette autorité administrative indépendante s'accompagne de garanties sur son indépendance effective. Pour renforcer la légitimité de ses membres, elle a également prévu une procédure de confirmation des nominations par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès de la Nouvelle-Calédonie à la suite d'une audition publique des candidats. En outre, elle a prévu que les membres de ces autorités seraient irrévocables pour la durée de leur mandat sauf constat d'empêchement ou de manquement à leurs obligations par leurs pairs.
En complément, il appartiendrait à la Nouvelle-Calédonie d'adopter les actes nécessaires pour créer un droit de la concurrence opérationnel dont l'autorité administrative indépendante serait le « bras armé ». Au-delà des structures, la question de la mise à niveau du droit est donc essentielle comme le relevait M. Bruno Lasserre, lors de son audition, prenant pour exemple la nécessité de relever le montant des sanctions pécuniaires plutôt que de privilégier des sanctions pénales peu opérationnelles. À cet égard, la Nouvelle-Calédonie a adopté, après une seconde délibération, une loi du pays le 25 mai 2013 renforçant la législation contre les comportements anti-concurrentiels 6 ( * ) .
Enfin, votre commission a pleinement approuvé, sous réserve d'une meilleure articulation entre la loi organique et la loi ordinaire, l'extension en Nouvelle-Calédonie de la société publique locale dont la création en 2010 sur le plan législatif relève d'une initiative de notre collègue Daniel Raoul.
En conclusion, votre commission s'est donc attachée à donner les moyens juridiques à la Nouvelle-Calédonie et, plus largement aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, de poursuivre le processus engagé par l'Accord de Nouméa.
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Votre commission a adopté le projet de loi organique et le projet de loi ainsi modifiés.
* 5 L'article 32 de cette loi introduisait déjà au sein du code monétaire et financier un article L. 743-2-1 permettant à l'État d'encadrer les tarifs bancaires applicables aux personnes physiques.
* 6 Cette loi du pays fait actuellement l'objet d'un examen de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel à la suite de sa saisine par la présidente de la province Sud.