LES MODIFICATIONS INTERVENUES EN 2012 ET LA NOUVELLE PROPOSITION DU GOUVERNEMENT

LES MODIFICATIONS DE LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX ALCOOLS INTERVENUES DEPUIS 2012

La fiscalité applicable aux alcools a été modifiée de façon significative à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012.

Tout d'abord, l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 11 ( * ) a revu le fonctionnement de la vignette de sécurité sociale. Son assiette a été modifiée et porte désormais sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise, et non plus sur le litre volume. Le montant de la vignette a été fixé à 533 euros par hectolitre d'alcool pur. Parallèlement, a été mis en place un plafonnement de la VSS à 40 % du droit d'accise applicable à la boisson concernée.

Le même article a modifié l'article 403 du code général des impôts, de façon à augmenter le droit d'accise sur les alcools (hors rhum des DOM), porté de 1514,47 euros à 1660 euros. Cette modification a mécaniquement augmenté le différentiel de taxation entre rhum des DOM et autres alcools.

Enfin, en mars 2012, l'article 9 de la première loi de finances rectificative pour 2012 12 ( * ) a cherché à corriger ce différentiel en augmentant le droit d'accise applicable au rhum des DOM, porté à 903 euros.

Fiscalité des alcools en mars 2012

Alcools

Rhum des DOM

Droit d'accise

1 660 € par HAP

903 € par HAP

Vignette de sécurité sociale

533 € par HAP

Plafonnement à 40 % du droit d'accise

533 € par HAP

361 € par HAP

Total

2 193 € par HAP

1 264 € par HAP

Le différentiel de fiscalité porte donc depuis 2012 à la fois sur le droit d'accise et sur la vignette de sécurité sociale. Étant entendu que celle-ci est plafonnée à 40 % du droit d'accise, elle s'élève donc à 361 euros pour le rhum des DOM.

Le différentiel de taxation total s'élève donc à 929 euros par HAP, soit 42 % contre 37 % précédemment. Le différentiel sur le seul droit d'accise a pour sa part été porté à 45,6 % contre 43 % précédemment.

Pour un contingent de 120 000 HAP par an, le montant de l'aide fiscale totale s'élevait donc à 111,5 millions d'euros (reposant à 80 % sur l'État et à 20 % sur la sécurité sociale).

DES MODIFICATIONS QUI POSENT QUESTION AU REGARD DES RÈGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Le montant de l'aide initialement notifié à la commission européenne s'élevait à 66,4 millions d'euros. La modification de la législation a donc conduit l'aide au-delà de la limite de 20 %, fixée par la réglementation européenne, rendant nécessaire une nouvelle notification, qui n'a pas eu lieu.

D'autre part, le plafonnement de la VSS à 40 % du taux d'accise pourrait être considéré comme une nouvelle aide d'État. Sans notification préalable, cette mesure pourrait donc être vue comme « illégale » depuis le 1 er janvier 2012 au regard des règles européennes de la concurrence, et inscrite par la direction générale de la concurrence au registre des aides illégales.

La notification a finalement été envoyée le 7 août 2012 à la Commission européenne. Cependant, s'il s'avérait que l'aide était illégale, celle-ci pourrait demander à ce que les sommes accordées soient récupérées 13 ( * ) .

Les aides d'État

Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit de façon générale toutes les aides d'État susceptibles de fausser la concurrence intercommunautaire comme étant incompatibles avec le marché intérieur (Art. 107 du TFUE).

Sont concernées les aides, « sous quelque forme que ce soit », dans la mesure où elles faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Il faut toutefois qu'elles « affectent les échanges entre États membres ».

Sont cependant prévues des exceptions et dérogations. Sont automatiquement recevables les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels sous certaines conditions, les aides destinées à remédier à des évènements extraordinaires tels que les calamités naturelles et les aides aux régions allemandes affectées par la division de l'Allemagne.

Sont éventuellement déclarées compatibles avec le marché intérieur, après examen individuel par la Commission, les aides destinées :

- à favoriser certaines régions en retard de développement (régions ultrapériphériques par exemple - Art. 349 du TFUE) ;

- à contribuer à la réalisation d'un projet important d'intérêt européen ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre (aides octroyées dans le cadre de la crise financière par exemple) ;

- à faciliter le développement de certaines activités ou régions économiques ;

- à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine ;

- ainsi que d'autres catégories d'aides déterminées par le Conseil.

La procédure de traitement des aides est prévue à l'article 108 du TFUE. Celui-ci donne la responsabilité principale à la Commission européenne, avec possibilité d'intervention du Conseil et sous le contrôle ultime de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) :

- Examen des aides d'État existantes : la Commission procède à l'examen avec l'État membre intéressé ; si elle estime que l'aide n'est pas compatible, elle ouvre une procédure d'interdiction.

- Traitement des aides nouvelles : notification préalable à la Commission obligatoire, afin de permettre un contrôle préalable ; les États n'ont pas le droit de mettre en oeuvre leur projet tant qu'il n'a pas été autorisé par la Commission ; les aides accordées sur la base d'un régime non autorisé sont illégales et doivent donner lieu à remboursement.

- Aides exemptées : les aides remplissant les conditions préalables fixées dans le règlement (CE) n° 800/2008 sont dispensées de l'obligation de notification et sont considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

- Procédure d'infraction : elle commence par une mise en demeure de la Commission invitant l'État incriminé à présenter ses observations ; si elle n'est pas convaincue, elle peut décider que l'État doit modifier ou supprimer les aides en cause ; si l'État ne se conforme pas à la décision, la Commission peut saisir la CJUE ; l'État peut également saisir la CJUE ; il peut également demander au Conseil, qui statue alors à l'unanimité, de déclarer l'aide compatible.

Source : Parlement européen - fiches techniques sur l'Union européenne

LA PROPOSITION DU GOUVERNEMENT

Le régime actuel a donc été notifié à la Commission le 7 août 2012. Celle-ci a transmis une série de questions en date du 8 octobre 2012 et du 8 janvier 2013. Les réponses apportées par les autorités françaises n'ont pas convaincu la Commission : la direction générale de la concurrence n'accepte pas certains éléments relatifs aux surcoûts.

En effet, la Commission remet en cause l'augmentation du montant de l'aide ainsi que les éléments avancés pour justifier cette augmentation (notamment la notion de surcoûts liés à l'accès au marché).

Finalement, le 18 février 2013, le Gouvernement a transmis à la Commission européenne une proposition alternative, qui prévoit :

- le déplafonnement de la vignette de sécurité sociale, qui redeviendrait dès lors identique pour tous les alcools ;

- la modification du taux d'accise de façon à ce que le différentiel soit porté au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 % ;

- un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, c'est-à-dire celles exportant moins de 2 000 HAP sur le marché métropolitain, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette, du fait du haut degré alcoolique de leur production. Pour leur production, la vignette de sécurité sociale serait assise sur le litre volume - et non plus le litre d'alcool pur - et fixée à 1,63 euro.

Fiscalité des alcools - proposition du Gouvernement

Alcools

Rhum des DOM

Cas général

Petites distilleries

Droit d'accise

1 689,05 € par HAP

844,52 € par HAP

844,52 € par HAP

Vignette de sécurité sociale

542,33 € par HAP

542,33 € par HAP

1,63 € par litre volume, soit 326 € par HAP *

Total

2 193 € par HAP

1 363 € par HAP

1 170 € par HAP

* à partir d'un rhum à 50°.

Ce dispositif aboutirait à un montant d'aide de 103 millions d'euros. Par rapport aux 78,4 millions d'euros de 2011, la différence se justifie ainsi :

- l'augmentation des coûts de production (+ 9,5 millions d'euros) :

o du fait des matières premières : depuis 2007 la tonne de canne à sucre a augmenté de plus de 10 euros (+ 1,1 million d'euros) et celle de mélasse de plus de 40 euros (+ 1,2 million) ;

o du fait de la masse salariale directe des distilleries : les salaires ont augmenté de plus de 23 % depuis 2007 (+ 5,5 millions d'euros) ;

o du fait des coûts de transport : depuis le 2007 ce coût a augmenté de 13 % (+ 1,3 million) ;

o du fait du coût de l'énergie : le prix du fuel et de l'électricité ont augmenté depuis 2007 (+ 1,1 million d'euros) ;

o dont il faut retrancher l'inflation depuis 2007 (- 0,7 million d'euros).

- l'augmentation du coût d'accès au marché (+ 6,4 millions d'euros) ;

- la mise en place du dispositif relatif aux petites distilleries (+ 1,3 million d'euros).

S'y ajoutent 7,4 millions d'euros, au titre du fonctionnement de la vignette de sécurité sociale avant 2012 : en effet, jusqu'en 2011, celle-ci portait sur le volume de boisson et non sur le volume d'alcool pur, ce qui bénéficiait aux rhums des DOM.

Cette proposition vise à résoudre la situation courant depuis le 1 er janvier 2012. Une fois cette question résolue, les discussions pourront commencer pour le renouvellement du régime sur la période 2014-2020, étant entendu que « les autorités françaises présenteront la même mesure », comme l'a précisé la délégation générale à l'outre-mer.


* 11 Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

* 12 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 13 Voir notamment la communication de la Commission « Vers une mise en ouvre effective des décisions de la Commission enjoignant aux États membres de récupérer les aides d'État illégales et incompatibles avec le marché commun » (2007/C 272/05).

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