LES CONTRAINTES PARTICULIÈRES DES RHUMS DES DOM
DES COÛTS DE PRODUCTION PLUS ÉLEVÉS POUR LES RHUMS DES DOM
Les producteurs de rhum des DOM sont confrontés à des contraintes particulières.
Celles-ci sont tout d'abord liées à la définition communautaire du rhum traditionnel des DOM, précisée à l'annexe II du règlement du Conseil (CEE) n° 110/2008 du 15 janvier 2008.
Ce texte définit le rhum comme la boisson alcoolisée obtenue « exclusivement par fermentation alcoolique et par distillation du jus de canne » ou « par fermentation alcoolique et distillation des mélasses ou de sirops provenant de la fabrication du sucre ». Le degré d'alcool ne peut être inférieur à 37,5°. Le rhum ne peut ni être aromatisé, ni faire l'objet adjonction d'alcool.
Pour recevoir l'appellation de « rhum traditionnel », le rhum doit en outre être produit à partir de « produits alcooligènes exclusivement originaires du lieu de production considéré ».
Ainsi, les producteurs de rhum des DOM ne peuvent importer de la canne ou de la mélasse d'autres territoires, afin de profiter des évolutions à la baisse sur le marché mondial. À l'inverse, toute baisse du coût de ces produits entraine, relativement, un renchérissement du rhum des DOM.
Cette contrainte assure l'intégration de la filière, sécurise les emplois dans le secteur de la production de canne et participe à la qualité du produit. Elle aggrave néanmoins le différentiel de coûts de production avec les autres pays.
En effet, le groupe Bacardi par exemple, peut faire varier son approvisionnement en mélasse en fonction des cours mondiaux.
De même, les grands groupes peuvent implanter leur production selon les opportunités fiscales ou en matière de subventions. De leur coté, les États-Unis accordent aux producteurs de rhum des Îles Vierges et de Porto Rico des subventions estimées à 263 millions de dollars par an.
En termes de chiffres, d'après l'Odeadom, le prix de la canne livré à une distillerie dans les DOM est de l'ordre de 60 à 85 euros la tonne, contre 14 euros au Brésil par exemple.
Par ailleurs, les producteurs de rhum des DOM doivent également appliquer une réglementation plus stricte en ce qui concerne la question du vieillissement.
Le règlement précité dispose que « une durée de vieillissement ou un âge ne peut être précisé [...] que s'il concerne le plus jeune des constituants alcooliques ».
Les pays ACP suivent cette même logique. À l'inverse, les producteurs latino-américains retiennent une moyenne pondérée des quantités et des âges des rhums contenus dans la bouteille. Le non respect de cette obligation est toléré de facto, ce qui constitue un véritable handicap pour les rhums des DOM.
En effet, le processus de vieillissement requiert une gestion des stocks de long terme, que n'ont pas à gérer les producteurs qui appliquent la « moyenne des âges ». De plus, l'évaporation de l'alcool est une dépense majeure : 9 % du produit est perdu chaque année lors du processus de vieillissement.
Au cours des auditions devant la délégation sénatoriale à l'outre-mer, les représentants du CIRT DOM ont d'ailleurs regretté que cette concurrence, qualifiée de déloyale, ne soit pas réprimée, qu'il s'agisse du vieillissement, de l'aromatisation du rhum ou de son édulcoration, du fait des difficultés à démontrer ces pratiques.
À ces surcoûts s'ajoutent ceux liés aux intrants, c'est-à-dire les achats hors matières premières, comme le verre ou les cartons, qui doivent venir de la métropole.
Enfin, la nécessite de respecter les règles environnementales et sociales communautaires et françaises, plus exigeantes que celles des pays tiers, est une autre source de surcoûts. De même le niveau des salaires est difficilement comparable. Jérome Isautier, directeur général de la distillerie éponyme, précisait devant la délégation sénatoriale à l'outre-mer que « le Smic réunionnais [était] de 1 400 euros, contre 200 euros à l'île Maurice et 50 euros à Madagascar ».
Au final, il ressort des auditions menées par la délégation à l'outre-mer que les coûts de production du rhum des DOM sont environ quatre fois supérieur à ceux des pays tiers.
DES SPÉCIFICITÉS QUI INFLUENT SUR LE PRIX DES BOUTEILLES
Pour des raisons culturelles et historiques, les rhums des DOM sont commercialisés à un degré d'alcool plus élevé que les rhums des pays tiers, majoritairement commercialisés à 37,5°.
Pour bénéficier de l'aide fiscale ( cf. infra ), le degré alcoolique des rhums des DOM ne peut être inférieur à 40°. Ainsi, 60 % de la production est à 40°. Mais un quart est à 50° et même plus de 10 % à 55°.
De même, les rhums des DOM se caractérisent par un conditionnement différent : plus de la moitié de la production est vendue par bouteilles d'un litre. Le reste est commercialisé par bouteilles de 0,70 litre, comme c'est le cas pour la quasi-totalité des rhums des pays tiers.
Or ces différences, qui peuvent sembler anodines, ont un impact sur le prix de la bouteille, dans la mesure où la fiscalité sur les alcools (droit d'accise et vignette de sécurité sociale) porte sur le volume d'alcool pur contenu dans chaque bouteille.
Ainsi, une bouteille de rhum d'un litre à 50° comportera environ deux fois plus d'alcool pur qu'une bouteille de rhum de 0,70 litre à 37,5°. Cette différence sur le prix d'une bouteille rend plus difficile le référencement en rayon des rhums des DOM par la grande distribution : c'est le surcoût lié à « l'accès au marché », dans la terminologie de la Commission européenne.