B. LA RÉFORME DE 1999 : UNE RÉFORME CONTESTÉE JAMAIS APPLIQUÉE
1. Un mode de scrutin reposant sur la circonscription régionale
La loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux a procédé à une réforme du mode de scrutin régional afin de surmonter les difficultés engendrées par le précédent mode d'élection des conseillers régionaux.
Ce nouveau mode de scrutin s'inspirait de celui en vigueur, depuis 1982, pour l'élection des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus 6 ( * ) , également retenu en 1991 pour celle des conseillers à l'Assemblée de Corse.
L'élection devait avoir lieu dans le cadre de la circonscription régionale , et non plus départementale, afin de favoriser l'émergence et l'affirmation de l'identité régionale. Le mandat des conseillers régionaux était abaissé à cinq ans, au lieu de six ans dans le cadre du mode de scrutin précédent.
Les conseillers régionaux devaient être élus au scrutin de liste à deux tours, combinant les règles du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle . L'objectif était de doter les conseils régionaux de majorités stables, en rupture avec le mode de scrutin précédent, tout en assurant la représentation des différents courants politiques.
Deux différences sont toutefois à relever entre le mode de scrutin pour les élections régionales et celui des conseillers municipaux pour les communes de 3 500 habitants et plus ainsi que celui des conseillers à l'Assemblée de Corse.
D'une part, la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second, se voyait attribuer un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir , arrondi à l'entier supérieur. Les autres sièges devaient être répartis entre toutes les listes suivant la règle de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête est égale à la moitié du nombre de sièges à pourvoir tandis qu'elle représente, pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, trois sièges, soit un peu moins de 6 % des cinquante-et-un sièges que compte cette assemblée. Le compromis entre la volonté de représentation pluraliste et la garantie d'une majorité stable de gestion était donc équilibré de manière différente de ces deux précédents.
D'autre part, les règles de répartition des sièges au sein du conseil régional respectaient les principes suivants :
- les listes pouvant se présenter au second tour devaient avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés, contre 10 % pour les élections municipales ;
- les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés disposaient de la faculté de fusionner avec celles autorisées à se maintenir au second tour, contre 5 % pour les élections municipales alors qu'aucun seuil n'était prévu pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse ;
- les listes ayant obtenu moins de 3 % des suffrages exprimés n'étaient pas admises à la répartition des sièges, contre 5 % pour les élections municipales et l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.
2. Un mode de scrutin critiqué avant sa mise en oeuvre
Ce mode de scrutin, qui devait s'appliquer à compter des élections régionales de 2004, n'a finalement jamais été mis en oeuvre. Il souffrait en effet de plusieurs faiblesses.
Ainsi que le relevait notre collègue M. Patrice Gélard, la circonscription électorale qui était retenue, la région, était déconnectée des enjeux locaux. « Aucun système [n'était prévu] pour garantir une représentation équitable de tous les territoires qui la [composaient] et rien ne [permettait], en conséquence, d'éviter une surreprésentation des départements les plus peuplés . » En effet, la loi laissait aux partis politiques eux-mêmes le soin d'assurer sur leur liste le juste équilibre au sein de l'ensemble régional. Ainsi, le mode de scrutin proposé dans un cadre régional n'était pas de nature à rapprocher le conseiller régional de ses électeurs. Ainsi, M. Patrice Gélard regrettait-il que « Le scrutin serait nécessairement anonyme. Il en résulterait une politisation accrue de l'élection, dont les enjeux locaux seraient occultés. », ce qui aurait contribué, selon lui, à la progression du taux d'abstention, déjà élevé, pour ces élections.
Par ailleurs, l'élection dans un cadre régional aurait risqué de conduire à une sous représentation des départements les moins peuplés.
Ce mode de scrutin imposait également la mise en place d'un système complexe pour les élections sénatoriales, pouvant conduire à ce que les délégués du conseil régional dans chaque département ne soient pas obligatoirement élus dans le département dans lequel ils auraient participé à l'élection des sénateurs.
Enfin, contrairement à l'un des objectifs affichés, ce mode de scrutin était accusé de ne pas favoriser une plus grande stabilité politique au sein des conseils régionaux, en comparaison de celui de 1985.
* 6 Dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, l'article 16 prévoit d'abaisser à 1 000 habitants le seuil à partir duquel s'appliquerait, à compter des prochaines élections municipales de mars 2014, le scrutin de liste.