C. ... MAIS QUI N'EST PAS EXEMPTE DE RISQUES
1 - Des risques potentiels inquiétants pour l'écosystème
C'est un processus humain, qui n'est donc pas exempt de risques. Le premier d'entre eux est celui de la fuite de CO2 qui pourrait provoquer localement une acidification des eaux marines et un impact sur les organismes sensibles à cette acidification . Outre le risque d'acidification locale en cas de fuite, il convient également d'être vigilant aux risques environnementaux et aux incertitudes liées aux impuretés. En effet, le flux de CO2 n'est jamais pur et s'accompagne nécessairement d'impuretés qui peuvent présenter des risques particuliers pour l'environnement marin en cas de fuite. Les risques liés à ces impuretés normalement présentes dans le flux de CO2 doivent également être pris en compte et évalués dans le cadre de la demande de permis de stockage.
La prévention de ce type d'évènements requiert de choisir une formation géologique adaptée au stockage. Cette démonstration, étayée par des études géologiques approfondies, constitue la pierre angulaire de tout projet de stockage, qu'il se déroule sur terre ou en mer. Toute autorisation d'injection s'accompagne nécessairement d'un programme de surveillance de l'environnement et de la formation géologique dans laquelle le CO2 est injecté . Ce programme de surveillance est mis en place par l'opérateur. Une autorité compétente en assure la surveillance administrative, notamment en réalisant des inspections. L'autorisation délivrée fait l'objet d'une révision régulière par l'autorité compétente.
Au terme de la phase d'injection, une période de surveillance de l'évolution de l'environnement et de la formation géologique est maintenue, sur plusieurs décennies, à la charge de l'opérateur. Cette surveillance doit permettre de confirmer, dans le prolongement de l'expérience acquise dans le cadre de la phase d'injection, que le CO2 injecté évolue vers un état stable et sûr.
Par ailleurs, l'opérateur est tenu de constituer des garanties financières suffisantes, préalablement au commencement des injections. Cette garantie doit permettre de couvrir toutes les dépenses qui pourraient incomber à l'Etat, y compris celles à prendre en compte en cas d'accident et celles de surveillance, en cas de défaillance de l'opérateur à satisfaire les obligations auxquelles il est contraint dans le cadre de l'autorisation qui lui a été délivrée.
En France, le rapport de l'INERIS (institut national de l'environnement industriel et des risques) sur le stockage du CO2 en sous-sol soulignait notamment le risque de dispersion des métaux lourds, de migration horizontale du flux injecté, de la fuite via des failles ou discontinuités géologiques : « En cas de fuite, l'impact sanitaire est encore relativement peu étudié. En particulier, il est nécessaire de mieux connaître les impuretés présentes dans le CO2 injecté, pour en évaluer les impacts potentiels. Il est possible qu'ils soient plus préoccupants que l'impact du CO2 lui-même. » 3 ( * )
Quant à l'ADEME (agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie), dans son avis du 19 mars 2013, elle fait part de doutes quant à la perspective de la baisse des coûts du CSC, l'incertitude des risques et impacts environnementaux et sanitaires à maîtriser, mais aussi sur les capacités réelles de stockage géologique.
Enfin, les effets pourraient être très négatifs sur la zone arctique : l'usage d'une technologie immature dans la zone limitrophe à cet environnement fragile paraît contraire au but de préservation affiché par l'Union européenne et ses États membres. L'effet d'entrainement exercé par la découverte de ressources exploitables dans cette zone pourrait retarder la transition énergétique, pourtant voie de sauvegarde de l'arctique. La promotion du « charbon propre » par les industriels repose sur une logique d'annulation des effets à court terme mais le rythme du développement des émergents en annonce l'insoutenabilité.
2 - Une méthode qui complète mais ne remplace pas les autres mesures de lutte contre le changement climatique
Le captage et stockage du CO2 ne pourra, seul, enrayer le changement climatique. Toutes les méthodes sont complémentaires et doivent être mises en oeuvre en parallèle, et couplées avec une prise de conscience par tous, afin d'espérer voir un changement réel.
- Veiller au développement des énergies alternatives
Cela passe tout d'abord par le développement des énergies propres et renouvelables : solaires, éoliennes, hydrauliques et géothermiques. Ces énergies primaires sont inépuisables à très long terme, car issues directement de phénomènes naturels, réguliers ou constants, liés à l'énergie du soleil, de la terre ou de la gravitation. Les énergies renouvelables sont également plus propres, car émettent moins de CO2, et donc provoquent moins de pollution que les énergies issues de sources fossiles.
À cet égard, plusieurs rapports ont estimé que le développement d'une filière CSC ralentissait la transition énergétique dans la mesure où le CSC « conforte aussi l'utilisation des énergies carbonées dans les pays qui les importent... » 4 ( * ) et avait un effet d'éviction 5 ( * ) sur le développement des énergies propres.
Le CSC est acceptable pour autant qu'il compense des émissions de CO2 pour lesquelles il n'y a pas encore d'alternative (industries lourdes).
- Maitriser la consommation d'énergie
Rationaliser et optimiser l'usage de l'énergie est essentiel, notamment dans les secteurs relevant des usages quotidiens (transports, commerces, bâtiment ...) et chez les particuliers.
- Mettre en place un contrôle approfondi dans un cadre global
Dans le cadre du captage et stockage du CO2, il est prévu un contrôle des procédés et lieux de stockage dévolu aux opérateurs ainsi qu'une autorité de contrôle chargée de veiller au respect des obligations et de surveillance des risques, notamment par le biais d'inspections. Ces inspections doivent pouvoir déterminer que le stockage se fait conformément au permis qui a été délivré à l'opérateur. Il conviendra aussi de veiller à ce que l'opérateur tienne à disposition de cette autorité de contrôle tout document ou toute information relative à la surveillance des lieux de stockage. Il faudra veiller à ce que cette collaboration soit multipartite et qu'elle regroupe des représentants des opérateurs, des États, des ONG environnementales et des experts scientifiques compétents en la matière.
* 3 INERIS, Rapport n°2 : « les risques en phase de stockage ».
* 4 MM. Christian Bataille et Claude Birraux, rapport sur l'Évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d'énergie, 3 mars 2009
* 5 Rapport Green Peace , « Faux espoir ; pourquoi le captage et la séquestration du carbone ne sauveront pas le climat », mai 2008