EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
Article 1er A (nouveau) (art. L.O. 141 du code électoral) : Conséquence de l'abaissement du seuil du scrutin municipal proportionnel de liste sur la limitation du cumul des mandats
L'article L.O. 141 du code électoral fixe le régime d'incompatibilité du mandat parlementaire en en limitant le cumul avec l'exercice au plus d'un des mandats électifs locaux suivants : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller des assemblées de Guyane ou de Martinique, conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants.
Ce dernier seuil résulte d'un amendement présenté par l'ancien président de votre commission des lois, M. Jacques Larché, au projet de loi devenu la loi organique 2000-294 du 5 avril 2000, par référence au seuil du changement de mode de scrutin.
Mais parallèlement, l'Assemblée nationale abaissait de 3.500 à 2.500 habitants le seuil d'application du scrutin proportionnel dans le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives 75 ( * ) .
Cette disposition était censurée par le Conseil constitutionnel saisi de la loi.
Si le Conseil reconnaît au législateur organique la possibilité de ne retenir « le mandat de conseiller municipal qu'à partir d'un certain seuil de population », c'est à la condition « que le seuil retenu ne soit pas arbitraire ; que cette condition est remplie en l'espèce (dans la loi organique) , dès lors que le seuil de 3 500 habitants détermine (...) un changement de mode de scrutin pour l'élection des membres des conseils municipaux » 76 ( * ) . Il ajoute : « ce motif est le soutien nécessaire du dispositif de cette décision ».
Or, par l'effet de l'abaissement du seuil du scrutin proportionnel à 1 000 habitants résultant de l'article 16 du projet de loi ordinaire, l'article LO 141 perdrait, sur ce point précis, son fondement objectif.
C'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a aligné, par coordination, le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation des mandats sur le nouveau seuil de 1.000 habitants.
Puis elle a adopté l'article 1 er A (nouveau) ainsi rédigé.
Article 1er (art. L.O. 247-1 et L.O. 273-1 [nouveau] du code électoral) : Adaptation de la participation des ressortissants de l'Union européenne aux nouvelles modalités de l'élection des conseillers municipaux et des délégués communautaires
L'article premier adapte la partie organique du code électoral concernant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales reconnu, sous réserve de réciprocité, aux citoyens communautaires résidant en France, par l'article 88-3 de la Constitution.
A cette fin, l'article premier, d'une part, modifie le seuil à partir duquel l'indication de la nationalité du candidat non Français sur les bulletins de vote est obligatoire et, d'autre part, prévoit la participation des citoyens des Etats membres à l'élection des délégués communautaires.
1) L'indication de la nationalité pour assurer l'information de l'électeur
Le seuil à partir duquel les bulletins de vote comportent, à peine de nullité, l'indication de la nationalité des candidats ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, est abaissé de 2 500 à 1 000 habitants (art. L.O. 247-1).
Il s'agit du seuil retenu par l'article 16 du projet de loi ordinaire pour déclencher l'application du scrutin proportionnel à l'élection des conseillers municipaux.
Pour assurer l'information de l'électeur, le seuil de 2 500 habitants -initialement fixé à 3 500- avait été retenu dans la loi organique du 25 mai 1998 qui a déterminé les modalités d'exercice par les ressortissants communautaires de leur droit de vote et d'éligibilité, à l'initiative de votre commission des lois. Son rapporteur, notre ancien collègue Pierre Fauchon, notait que dans ces communes, les candidatures isolées sont interdites et les bulletins doivent comporter une liste complète de candidats 77 ( * ) .
2) La participation des citoyens européens à la désignation des membres des assemblées intercommunales
Un nouvel article L.O. 273-1 prévoit la participation des citoyens de l'Union européenne à l'élection des représentants des communes au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines, métropoles).
L'article premier met donc en oeuvre pour ces électeurs les dispositions de l'article 8 de la loi de réforme des collectivités territoriales qui a prévu l'élection des délégués intercommunaux au suffrage universel direct dans le cadre de l'élection municipale.
Le projet de loi organique n° 62 (2009-2010), déposé sur le bureau du Sénat en même temps que la loi du 16 décembre 2010, proposait un dispositif similaire dans son article premier.
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Le cadre constitutionnel de la
participation des citoyens européens aux élections
locales
Le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires dans leur Etat de résidence prolonge l'institution d'une citoyenneté de l'Union et le principe d'égalité et de non-discrimination entre citoyens nationaux et non nationaux, consacrés par le Traité de Maastricht du 7 février 1992.
Destiné à permettre son application, l'article 88-3 de la Constitution encadre le droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union résidant en France aux élections municipales.
Il renvoie à une loi organique le soin d'en préciser les conditions d'application.
La loi du 25 mai 1998 transpose à cet effet les dispositions de la directive n° 94/80/CE du 19 décembre 1994 fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité.
Ce texte définit la notion d'élection municipale forcément différente selon les Etats-membres : « élections au suffrage universel et direct au niveau des collectivités locales de base et de leurs subdivisions ».
Aux termes de son article 2, la collectivité locale de base vise les entités administratives « qui, selon la législation de chaque Etat membre, ont des organes élus au suffrage universel direct et sont compétentes pour administrer, au niveau de base de l'organisation politique et administrative, sous leur propre responsabilité, certaines affaires locales ».
Une annexe de la directive liste, pour chaque Etat, ces collectivités. Pour la France, y sont mentionnés : la commune, l'arrondissement dans les villes déterminées par la législation interne, la section de commune.
Ces entités étaient les seules, à l'époque, à élire des représentants au suffrage universel direct.
En 2010, le législateur a complété cette liste par les intercommunalités à fiscalité propre qui, rappelons-le, exercent des compétences dont les communes se dessaisissent à leur profit.
La loi du 16 décembre ne prévoit pas, par ailleurs, de scrutin distinct de l'élection municipale qui constitue le support de la désignation des délégués communautaires. Ces élus seront désignés par le corps électoral des conseillers municipaux.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'éligibilité des citoyens de l'Union aux assemblées intercommunales, il convient de souligner qu'il est le corollaire de leur droit à devenir membres des conseils municipaux. Pas plus que la consultation qui permet son élection, le délégué communautaire n'est une nouvelle espèce d'élu : il est d'abord un conseiller municipal, condition sine qua non pour pouvoir siéger au sein de l'organe délibérant de l'EPCI. C'est l'élection en cette qualité qui détermine son appartenance au conseil communautaire : certains conseillers municipaux exerceront, en plus de leur mandat au sein de l'assemblée communale, la fonction de représenter la commune à l'organe délibérant de l'EPCI.
C'est pourquoi le gouvernement, après avoir noté que « la Constitution n'a pas prévu de restriction portant sur l'éventuelle appartenance des citoyens européens aux conseils intercommunaux », proclame que ceux-ci « ont, de plein droit, vocation à prendre part à l'élection des délégués à un double titre, soit en participant au scrutin lui-même, soit en se portant candidats sur une liste dans les communes concernées par le scrutin de liste. » 78 ( * ) .
•
La mise en cohérence du droit de
vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires avec le
principe du fléchage
L'article premier tire logiquement les conséquences de l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires dans le cadre de l'élection municipale prévue par l'article 8 de la loi du 16 décembre 2010 sur la participation des citoyens membres des pays de l'Union européenne.
Aussi, suivant son rapporteur, la commission des lois a adopté l'article 1 er sous réserve d'une clarification rédactionnelle.
Article 2 (art. L.O. 1112-10, L.O. 3445-1, L.O. 3445-2, L.O. 3445-6, L.O. 3445-6-1, L.O. 3445-7, L.O. 3445-9, L.O. 3445-10, L.O. 4437-2, L.O. 6161-22, L.O. 6161-24, L.O. 6175-2, L.O. 6175-3, L.O. 6175-6, L.O. 6213-6, L.O. 6224-1, L.O. 6251-11, L.O. 6253-2, L.O. 6313-6, L.O. 6325-1, L.O. 6351-11, L.O. 6353-2, L.O. 6434-1, L.O. 6461-11 et L.O. 6463-2 du code général des collectivités territoriales ; art. L.O. 145, L.O. 148, L.O. 194-2, L.O. 493, L.O. 520 et L.O. 548 du code électoral ; art. 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 ; art. 112, 138-1 et 196 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ; art. 111 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; art. 13-1-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961) : Coordinations
L'article 2 procède, par coordination avec la modernisation du scrutin pour l'élection des membres de l'assemblée départementale résultant du titre Ier du projet de loi ordinaire, aux substitutions d'appellation en découlant. Désormais, en effet, le « conseil général » devrait prendre le nom de « conseil départemental » et ses membres devenir des conseillers départementaux.
Les articles intéressés du code électoral et du code général des collectivités territoriales sont modifiés en conséquence, de même que plusieurs textes particuliers relatifs au statut de la magistrature, à l'élection du président de la République au suffrage universel, aux statuts de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna qui y font référence.
Dans la même logique, l'article L.O. 1112-10 du code général des collectivités territoriales, relatif au référendum local, est modifié pour se conformer au principe du renouvellement intégral des conseils départementaux.
• Sous réserve de clarifications
rédactionnelles
, votre commission des lois a adopté
l'article 2.
Article 3 : Entrée en vigueur
L'article 3 fixe le calendrier d'entrée en vigueur des articles 1 er et 2 :
- les dispositions concernant les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne prendront effet lors du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la publication du présent projet de loi organique.
Cette élection interviendra en mars 2014, date à laquelle sera également organisé le premier scrutin pour la désignation des conseillers communautaires dans le cadre du fléchage au suffrage universel direct ;
- les modifications terminologiques seront effectives en mars 2015 lors du prochain renouvellement général des assemblées départementales.
• L'article 3 aligne l'entrée en vigueur
des dispositions de nature organique avec le nouveau calendrier
électoral fixé par l'article 26 du projet de loi
ordinaire.
• Sur proposition de son rapporteur, la commission
des lois a intégré dans ce dispositif l'article premier A
(nouveau) modifiant par coordination le régime de limitation du cumul
d'un mandat parlementaire avec un mandat local qui doit prendre effet
simultanément avec l'abaissement à 1 000 habitants de
l'application du scrutin proportionnel.
Puis, elle a adopté l'article 3 ainsi modifié .
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* *
La commission a adopté le projet de loi et le projet de loi organique ainsi modifiés.
* 75 Cf. Projet de loi n° 503 adopté le 3 mai 2000.
* 76 Décisions n° 2000-427 DC du 30 mars 2000 et n° 2000-429 DC du 30 mai 2000.
* 77 Cf. rapport n° 415 (1996-1997). Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://senat.fr/rap/l96-415/l96-415.html
* 78 Cf. étude d'impact du projet de loi organique n° 165 (2012-2013).