ARTICLE 3 bis (nouveau) : Création d'un fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts structurés
Commentaire : Le présent article propose la création d'un fonds de soutien, doté de 50 millions d'euros, au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant contracté des emprunts structurés.
I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, tend à instituer un fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts structurés.
Cette mesure avait été annoncée par le ministre de l'économie et des finances lors d'un déplacement à Dijon le 8 novembre 2012. Sept initiatives avaient alors été présentées :
« 1. le lancement, ce même jour, de l'offre de crédits à moyen et long terme de La Banque Postale (LBP) ;
« 2. les fondations d'un nouvel acteur du financement des collectivités locales, après avoir trouvé un accord de principe avec la Commission européenne et nos partenaires belges et luxembourgeois dans le cadre du dossier DEXIA ;
« 3. la mobilisation forte des banques commerciales et mutualistes pour qu'elles restent engagées aux côtés des collectivités locales, au moins au même niveau en 2013 qu'en 2012 ;
« 4. la réouverture d'une enveloppe pérenne de prêts sur fonds d'épargne pour le financement de long terme des collectivités locales ;
« 5. un dispositif pour aider les collectivités locales en grave difficulté financière du fait des emprunts toxiques, sur lequel une concertation sera rapidement engagée avec les associations d'élus ;
« 6. le renforcement des moyens de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) en soutien des investissements des collectivités françaises ;
« 7. enfin le lancement de la BPI, banque des PME et des régions. »
C'est finalement dans le cours du débat à l'Assemblée nationale que le Gouvernement a décidé de déposer un amendement.
A. L'OBJET ET LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DU FONDS DE SOUTIEN
Le fonds de soutien prévu par le présent article a vocation à apporter une aide financière aux collectivités particulièrement fragiles qui n'auraient la possibilité de financer seules, « même par des efforts tant en recettes qu'en dépenses », le coût de sortie ou de réduction du risque de leurs emprunts structurés les plus sensibles.
Une procédure et un calendrier sont définis : les collectivités intéressées devront déposer une demande auprès du préfet avant le 30 septembre 2013. La chambre régionale des comptes compétente est alors saisie afin d'estimer « la capacité de la collectivité à prendre en charge financièrement le coût de refinancement de ses emprunts » et doit rendre son avis dans un délai d'un mois. Si cet avis est favorable, la collectivité doit signer une convention avec l'Etat avant le 31 décembre 2013. Cette convention devra « notamment comporter le montant de la subvention et son échelonnement ainsi que le plan pluriannuel de retour à l'équilibre auquel s'engage la collectivité ou le groupement ».
Le projet de convention peut être soumis pour avis à la chambre régionale des comptes.
Pour une partie de ses ressources plafonnée à 5 millions d'euros, le fonds peut également être utilisé pour « participer à la prise en charge de prestations d'accompagnement destinées à faciliter la gestion de l'encours de dette structurée » au profit de collectivités et groupements de moins de 10 000 habitants.
Selon l'exposé des motifs de l'amendement du gouvernement, ce financement partiel pourrait s'organiser autour « d'une prestation de service mise en place par l'État par exemple via un accord cadre avec l'UGAP ».
B. LES RESSOURCES DU FONDS
Le fonds, qui sera géré par l'Agence de services et de paiement, est doté de 50 millions d'euros , au titre de 2012. Le ministre chargé du budget a confirmé en séance publique que « le gouvernement n'était pas favorable à sa pérennisation qui ferait courir le risque d'exonérer de toute responsabilité certains établissements bancaires ».
La charge de son financement est répartie « paritairement » entre l'Etat et les collectivités territoriales.
L'Etat apporte 25 millions d'euros sous forme de crédits budgétaires ouverts sur le programme « 122. Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cet abondement de crédits figurait à l'état B du présent projet de loi de finances rectificative pour 2012, antérieurement au dépôt par le Gouvernement de son amendement.
Selon l'exposé des motifs, et de manière assez symbolique, il est précisé que « ces ouvertures sont rendues possibles par le relèvement des impositions pesant sur les établissements bancaires et le secteur financier voté dans le cadre de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (doublement du taux de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de risque systémique sur les banques) . »
Les 25 millions d'euros restant sont prélevés sur le produit des amendes de police (amendes forfaitaires hors radars et amendes majorées) destinées aux collectivités territoriales .
En conséquence, le II du présent article prévoit un prélèvement exceptionnel sur les recettes des collectivités retracées dans la section « Circulation et stationnement routiers » du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Il convient de rappeler que les collectivités territoriales se voient affecter , en application de l'article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, 53 % du solde du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et du stationnement « hors radars » , après déduction des dépenses liées au déploiement du procès-verbal électronique détaillées ci-dessus, les 47 % restant revenant au budget général , pour une affectation au « désendettement de l'Etat ».
Cette clef de répartition - 53 % / 47 % - a cependant connu en 2012 une exception puisque le précédent gouvernement avait prélevé 32,6 millions d'euros sur la part revenant aux collectivités pour abonder les 47 % revenant à l'Etat, dans le cadre de la réduction de 200 millions d'euros des concours de l'Etat aux collectivités, décidée en août 2011.
Afin d'assurer la neutralité financière pour le budget de l'Etat du nouveau prélèvement prévu pour alimenter le fonds de soutien, et d'éviter que les 25 millions d'euros se reportent, à hauteur de 47 % (soit 11,75 millions d'euros), sur la part de l'Etat, le présent article propose de majorer du même montant le transfert exceptionnel de 2012 qui s'élèverait donc à 44,397 millions d'euros .
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article, adopté dans une certaine urgence, suscite de plusieurs interrogations :
- le montant de 50 millions d'euros, dont le ministre a indiqué à l'Assemblée nationale qu'il n'avait pas vocation à augmenter au cours des prochains exercices, est en décalage avec les évaluations du montant de l'endettement « toxique » des collectivités territoriales.
Selon le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les emprunts toxiques 32 ( * ) , l'encours total des produits structurés souscrits par les acteurs publics atteint 32 milliards d'euros, dont 22 milliards pour les collectivités territoriales. Ce même rapport chiffre à plus de 18 milliards d'euros le volume total des produits structurés les plus risqués considérés comme « toxiques ».
En juillet 2011, la Cour des comptes 33 ( * ) estimait entre 7 et 12 milliards d'euros le montant des emprunts toxiques souscrits par les collectivités ;
- le texte adopté qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation compte tenu de son dépôt tardif ni - semble-t-il - d'une concertation préalable avec le comité des finances locales ou les associations d'élus, manque de précision. Ainsi, il ne définit pas les critères sur lesquels les collectivités seront choisies ou la procédure d'appel éventuel en cas d'appréciations différentes entre les chambres régionales des comptes (CRC). Il reste également très allusif sur la possibilité pour les CRC d'imposer ou non des contreparties aux aides attribuées ;
- s'agissant du financement, il fait curieusement appel, à hauteur de 25 millions d'euros, à la « solidarité » des collectivités territoriales dans leur ensemble. Ce fonds de soutien ne faisait pas partie des douze préconisations de la commission d'enquête « Bartolone » qui étaient les suivantes :
Synthèse des propositions de la commission « Bartolone »
Thème |
Proposition |
Mise en oeuvre |
Favoriser un financement sûr et diversifié des investissements des collectivités territoriales et établissements publics locaux : |
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Proposition n° 1 : |
Encourager le recours aux emprunts obligataires et le développement d'une structure mutualiste de financement obligataire des collectivités territoriales |
Modification législative |
Mieux encadrer les modalités de souscription des emprunts du secteur local : |
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Proposition n° 2 : |
Interdire les produits structurés ou dérivés avec multiplicateur |
Modification législative |
Proposition n° 3 : |
Mettre en place un capping global pour tous les prêts aux acteurs publics locaux |
Modification législative |
Proposition n° 4 : |
Provisionner les risques liés à la souscription de produits financiers, à hauteur des charges financières supplémentaires potentielle |
Décret en Conseil d'État (pour les communes) Arrêtés relatifs aux instructions budgétaires et comptables et circulaires |
Améliorer la transparence et le contrôle sur l'endettement local : |
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Proposition n° 5 : |
Instaurer un débat annuel des assemblées délibérantes sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l'endettement |
Modification législative |
Proposition n° 6 : |
Améliorer les nouvelles annexes aux documents budgétaires présentant l'encours d'endettement en détaillant le niveau de risque et la valeur réelle des emprunts souscrits |
Arrêtés relatifs aux instructions budgétaires et comptables |
Proposition n° 7 : |
Encadrer la conclusion des contrats d'emprunt avant les échéances électorales, en fixant l'échéance des délégations consenties à l'exécutif à l'ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement de l'assemblée délibérante |
Modification législative |
Proposition n° 8 : |
Étendre le contrôle de légalité à l'ensemble des contrats de prêt |
Modification législative |
Proposition n° 9 : |
Préciser le contenu du rapport annuel au Parlement sur la dette locale |
Modification législative |
Proposition n° 10 : |
Clarifier les prérogatives des commissions d'enquête parlementaires à l'égard des établissements de crédit |
Modification législative |
Engager une gestion mutualisée de la sortie des dettes locales structurées, sans défaisance : |
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Proposition n° 11 : |
Mettre en place un pôle d'assistance et de transaction, auquel les acteurs publics locaux concernés pourraient donner mandat pour renégocier de façon groupée les encours d'emprunts structurés et conclure de nouveaux contrats à taux fixes ou variables, en organisant le portage du risque par les établissements prêteurs avec une participation des emprunteurs aux coûts afférents |
Décision ministérielle |
Proposition n° 12 : |
Recentrer le rôle de la médiation sur les produits atypiques ou fortement toxiques |
Décision ministérielle |
Source : rapport de la commission d'enquête
Votre commission vous propose donc par deux amendements tendant à :
- d'une part, limiter au seul financement assuré par l'Etat les ressources du fonds de soutien au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant contracté des emprunts structurés ;
- d'autre part, reprendre l'une des propositions formulées par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, dite commission « Bartolone », consistant à instaurer, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, un débat annuel des assemblées délibérantes sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l'endettement.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 32 Rapport sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. N° 4030 décembre 2011.
* 33 Rapport public thématique sur la gestion de la dette publique locale.