ANNEXE 1 - L'ÉTAT D'AVANCEMENT DU PROGRAMME DE RÉNOVATION DES SÉPULTURES DANS LE CADRE DES COMMÉMORATIONS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
I. LES SÉPULTURES DE GUERRE : CONDITIONS DE LEUR ENTRETIEN ET DE LEUR RÉNOVATION
A. LA DIVERSITÉ ET L'IMPORTANCE DES SÉPULTURES
Lorsque l'on évoque les sépultures de guerre, il faut conserver à l'esprit qu'il s'agit d'une définition précise qui ne recoupe pas l'ensemble des sépultures où reposerait un soldat tué durant l'une des guerres auxquelles la France a participé.
C'est à la suite du premier conflit mondial, face à l'ampleur du nombre des victimes tombées et du profond bouleversement de la société qu'il a entrainé que s'est constitué un droit encadré pour ces sépultures. Ainsi, l'article L. 498 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) indique clairement l'existence d'un droit à sépulture perpétuelle en prévoyant que « les militaires français et alliés « Morts pour la France » en activité de service au cours d'opérations de guerre sont inhumés à titre perpétuel dans les cimetières nationaux . »
Les sépultures de guerre, en France, sont regroupées dans des cimetières nationaux, les 265 nécropoles nationales qui représentent une superficie de 329 hectares et où reposent les corps de 748 000 soldats.
Cependant, il faut ajouter à ces cimetières nationaux d'autres lieux de sépultures conformément à la définition de l'article L. 505 du CPMIVG. Cet article prévoit que « les sépultures perpétuelles des militaires ou marins français et alliés « Morts pour la France » sont, dans les cimetières communaux, groupés dans un carré spécial, distinct, autant que possible, par nationalité ». Il existe à ce titre sur le sol français plus de 2 000 carrés militaires , situés dans des cimetières communaux, qui recueillent 115 000 corps.
Les soldats tombés peuvent ainsi donc être inhumés au sein de cimetières nationaux ou, dans des cimetières communaux au sein de carrés militaires. Cependant un choix avait souvent été laissé aux familles des victimes de pouvoir récupérer le corps du disparu ou de le laisser reposer au sein des sépultures créées à proximité des champs de bataille. Les sépultures de soldats dont le corps avait été récupéré par leurs familles ont acquis le statut de sépultures privées sur lesquelles l'Etat n'avait plus à intervenir .
Par ailleurs dans les années 1920 et 1930, beaucoup de communes ont commencé à souffrir d'un manque de place et un grand mouvement de regroupement de carrés militaires au sein des nécropoles nationales a été engagé. Les familles avaient la possibilité de refuser de tels déplacements. L'Etat était alors délié de toute obligation vis-à-vis des tombes des « restitués sur place ».
Il faut ajouter que, hors convention, la France entretient à titre gracieux sept cimetières militaires étrangers situés sur notre sol pour une superficie totale de 5 hectares.
Au delà des sépultures qui se situent sur le territoire national, l'histoire de notre pays tout comme la diversité des conflits auxquels elle a eu à prendre part explique la présence de très nombreuses sépultures de guerre à l'étranger. Ce sont ainsi 230 000 "Morts pour la France" qui sont inhumés dans 234 cimetières et quelque 2 200 autres lieux de sépulture se répartissant dans 78 pays .
L'importance de ce patrimoine mémoriel explique une des difficultés rencontrées dès le début de ce contrôle . En effet, alors que celui-ci visait spécifiquement le programme de rénovation des sépultures dans le cadre de la Première Guerre mondiale, il est très vite apparu que pour de nombreuses nécropoles ou carrés militaires , les tombes des soldats de différents conflits se côtoient .
De ce fait, il n'était pas possible d'engager la rénovation de lieux de sépultures sur le seul critère du conflit de la Première Guerre mondiale . Il apparaît qu'identifier très précisément chaque tombe pour décider d'engager une rénovation serait techniquement complexe et moralement discutable . Le programme de rénovation engagé globalement doit ainsi se lire en fonction des sites, que ceux-ci accueillent exclusivement ou non les dépouilles de soldats tombés durant la Grande Guerre.
B. L'ENTRETIEN DES SÉPULTURES : UNE OBLIGATION LÉGALE ET MORALE
1. Une obligation légale inscrite dans le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
Le principe fondateur inscrit dans le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est que les sépultures de guerre sur le sol français ainsi que les tombes militaires françaises en territoire étranger sont des propriétés nationales. Le ministère de la défense, et plus précisément le ministre en charge des anciens combattants, est responsable de leur conservation .
Au regard de l'article L. 498, alinéa 2, du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, « le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre est chargé de toutes les questions relatives aux terrains, à l'entretien et à la garde des cimetières (...) qui sont propriété nationale ». Il revient ainsi au ministre chargé des anciens combattants de veiller à cette obligation légale .
Concernant les soldats restitués au sein des cimetières communaux, il faut rappeler que l'Etat est déchargé de toute obligation , seules des sépultures perpétuelles étant à sa charge exclusive.
Cependant, au delà d'une simple obligation que le législateur a eu la prudence d'inscrire dans la loi, le caractère spécifique de la mission et de l'enjeu s'expliquent également par une véritable obligation morale .
2. Une obligation morale renforcée
Le respect dû aux morts prend, dans le cas de ceux qui sont tombés pour que nous puissions vivre en liberté, une autre dimension. La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » trouve en particulier sa raison d'être par la politique de mémoire qu'elle porte .
Sans qu'il soit nécessaire de développer les raisons qui conduisent à estimer qu'il existe un impératif moral à poursuivre un entretien digne des sépultures de nos soldats, il faut souligner que celui-ci doit également s'accompagner d'une sensibilisation permanente des jeunes générations .
Il existe donc un lien indissociable entre, d'une part, la préservation des lieux de sépulture de nos morts et, d'autre part, le travail vis-à-vis des citoyens , en particulier des plus jeunes. C'est également dans cette perspective que le rapport spécial concernant les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » pointe la nécessité que des orientations puissent être prises également en faveur de la préservation des lieux où ont vécu les soldats tombés au champ d'honneur .
Cette obligation morale est très largement partagée par l'ensemble de la communauté nationale mais elle est particulièrement vive dans les régions qui ont été le théâtre des batailles .
À la veille des commémorations des combats de la Première Guerre mondiale, une priorité se devait donc d'être accordée par les autorités à la restauration des cimetières de la guerre 1914-1918, compte tenu de la vétusté qui frappait nombre d'entre eux.
C. LES DIFFÉRENTS INTERVENANTS ET LES MOYENS
La programmation des travaux d'entretien et de rénovation repose sur la mobilisation d'acteurs et de moyens dédiés .
1. La mobilisation d'acteurs dédiés à cette mission
a) Le rôle moteur de la DMPA
La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense définit et met en oeuvre la politique de mémoire, conduit la politique immobilière, culturelle et muséographique pour ce qui concerne les sépultures de guerre et les hauts lieux de mémoire. C'est dans ce cadre qu'elle détermine également les projets d'investissement et définit les orientations s'agissant de la coopération technique avec les organismes étrangers homologues.
Jusqu'au 1 er janvier 2010, cette mission était assurée par la DSPRS et plus particulièrement mise en oeuv re par les 19 anciennes directions interrégionales des anciens combattants (DIAC).
b) Un opérateur central : l'ONAC VG et son pôle des sépultures de guerre
Depuis le 1 er janvier 2010, la mise en oeuvre de l'entretien du patrimoine mémoriel - sépultures de guerre et hauts lieux de la mémoire nationale - relève, pour ce qui concerne le territoire national, de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) , conformément à la décision n° 56 prise lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007.
Les moyens matériels et humains nécessaires ont été mis en place, par le ministère de la défense, auprès de cet établissement public qui s'est doté d'une nouvelle structure pour assurer cette mission : le Pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale , implanté à Metz en Moselle. Ce pôle s'appuie en particulier sur les neuf chefs de secteurs 6 ( * ) et leurs adjoints qui ont un rôle pivot . Pour les inspections, ces chefs de secteurs contrôlent les sites et les travaux, plusieurs fois dans l'année et parfois plusieurs fois dans le mois. Pour les carrés militaires, les inspections sont moins fréquentes, moins d'une fois par an. Sous l'effet de la rationalisation engagée des services de l'ONAC, le pôle développe l'externalisation. Dans ce schéma, les chefs de secteur restent la personne-pivot concernant l'entretien et le suivi des travaux à réaliser.
Des moyens financiers lui sont ainsi délégués chaque année sur la base d'une programmation établie en concertation avec la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).
c) Des acteurs partenaires historiques.
Au delà de l'office, d'autres acteurs viennent traditionnellement apporter leur concours à l'action en faveur de l'entretien des sépultures de guerre. Ce sont l'association Le Souvenir Français ainsi que les communes.
Le Souvenir Français entretient, pour le compte de l'Etat, par convention tripartite avec la DMPA et son opérateur l'ONACVG, quelque 33 700 sépultures de guerre.
Par ailleurs, certaines communes entretiennent également pour le compte de l'Etat quelque 59 000 sépultures perpétuelles situées dans les carrés spéciaux des cimetières communaux.
Comme votre rapporteur spécial l'a déjà mentionné, seul l'Etat ayant l'obligation d'entretenir les sépultures perpétuelles, ces acteurs sont donc liés avec lui par des conventions conclues sur leur demande, en application de l'article L. 503 du CPMIVG qui prévoit que « l'entretien des sépultures perpétuelles peut être confié, sur leur demande, soit aux municipalités, soit à des associations régulièrement constituées tant en France que dans les pays alliés, suivant conventions intervenues ou à intervenir, entre elles et le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre » . En échange d'une indemnité forfaitaire unitaire, dont le montant (1,22 euro par tombe) n'a pas évolué depuis 1980, ils assurent exclusivement l'entretien courant de la plupart des tombes de guerre situées dans les cimetières communaux.
Cette situation aboutit parfois à des difficultés pour les communes qui, lorsqu'elles souhaitent intervenir pour la rénovation d'un carré militaire, doivent veiller à identifier les concessions perpétuelles des autres concessions. En effet, si l'Etat pour l'entretien de nombreuses tombes dans les communes s'appuie sur le Souvenir français et les communes, qui alors agissent comme opérateurs de l'Etat, une commune ne peut intervenir de son propre fait sur des concessions perpétuelles . Les travaux de rénovation de ces sépultures sont à la charge exclusive de l'Etat .
d) L'appui de notre réseau diplomatique à l'étranger
Les sépultures de guerre françaises situées à l'étranger, hors Afrique du nord, sont placées sous la surveillance de nos postes diplomatiques . Ce sont, selon les cas, les ambassadeurs, les consuls ou les attachés de défense qui assurent, concrètement, sous le contrôle de la DMPA, l'élaboration des programmes de rénovation, l'emploi des crédits d'entretien, y compris le paiement des dépenses liées au personnel recruté localement, de rénovation et le contrôle de l'entretien des sites. Ce sont eux également qui formulent des propositions de rénovation des cimetières et assurent le suivi et le contrôle de la réalisation des travaux.
e) Des partenaires étrangers
En application de conventions internationales et d'accords bilatéraux, la France a mis à la disposition des gouvernements étrangers les terrains nécessaires à l'inhumation de leurs soldats tombés en France. Certains de ces
Etats, ou les organismes 7 ( * ) qu'ils ont mandatés, entretiennent directement les tombes de leurs ressortissants. Les terrains d'assiette de ces sépultures restent propriété de la France. La DMPA est chargée de la mise en oeuvre et du suivi de l'application de ces accords .
Pour des raisons historiques, d'autres Etats laissent à la France le soin d'entretenir les sépultures de leurs soldats situées sur le territoire national. C'est ainsi le cas de la Belgique qui verse pour cela au ministère de la défense, une indemnité. C'est également le cas des Pays-Bas qui, en contrepartie de l'entretien de la nécropole néerlandaise d'Orry-la-Ville (Oise) par la défense assurent eux-mêmes l'entretien de tombes françaises situées sur leur territoire.
2. La mobilisation de moyens financiers et humains
Face à cette obligation d'entretien et de préservation des sépultures, des moyens financiers et humains sont mobilisés déjà depuis de nombreuses années.
Cependant, de l'aveu de plusieurs intervenants rencontrés, très peu de véritables rénovations avaient été entreprises par le passé. En 2007 et 2008 , une dotation annuelle de 1,16 million d'euros a été consacrée à la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale. Cette dotation a été portée à 3,5 millions en 2009 (hors plan de relance) et en 2010 , puis à 4,6 millions l'an passé .
Il convient de préciser que cette dotation n'est donc pas destinée à la seule rénovation des sépultures de guerre, mais également à la rénovation et la mise en valeur des hauts lieux de la mémoire nationale.
Le principe de gestion des crédits destinés tant à l'entretien, la rénovation que la mise en valeur des sépultures est donc le suivant : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives verse une dotation à l'ONAC pour les sépultures et lieux de mémoire situés en France et en Afrique du nord. Elle délègue des crédits aux ambassades pour ce qui concerne les autres sépultures à l'étranger.
* 6 Bray-sur-Somme, Colmar, Coudun, Limoges, Lyon, Marseille, Metz, Suippes et Verdun.
* 7 Pour l'Allemagne : le Service d'entretien des sépultures militaires allemandes (SESMA) antenne pour la France et la Belgique du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (VDK) ;
Pour le Commonwealth britannique : la Commonwealth War Graves Commission (CWGC) ;
Pour les Etats-Unis : l'American Battle Monuments Commission (ABMC) ;
Pour l'Italie : il Commissariato del Governo per le Onoranze ai Caduti in Guerra, (CGOCG) ;
Pour les Pays-Bas : l'Oorlogsgravenstichting (OGS).