II. LA NÉGOCIATION SUR LE BUDGET 2013 DE L'UNION EUROPÉENNE

Le déroulement de la négociation budgétaire communautaire obéissait traditionnellement à un schéma récurrent. Sur la base de l'avant-projet de budget de la Commission , le Conseil adoptait un projet de budget généralement plus « restrictif » visant à renforcer la discipline budgétaire et à tirer les conséquences de la fréquente sous-exécution des crédits.

Le Parlement européen , jugeant traditionnellement que les politiques communautaires n'ont pas les moyens de leurs objectifs, augmentait sensiblement les montants votés par le Conseil ainsi que ceux prévus par la Commission .

L'issue de la négociation entre les deux branches de l'autorité budgétaire conduisait au vote d' un budget souvent proche des prévisions de la Commission 33 ( * ) .

La négociation budgétaire pour 2013 n'obéit pas exactement au même schéma, ainsi que cela avait également été constaté dans les procédures 2011 et 2012 . Outre la procédure introduite par le traité de Lisbonne vue précédemment, la demande de nombreux Etats membres d'une discipline budgétaire renforcée conduit ainsi à vouloir faire participer plus directement le budget de l'Union européenne aux efforts d'assainissement des finances publiques nationales.

Il en a résulté le vote, en séance plénière du Parlement européen le 23 octobre 2012, d'un projet de budget quasiment identique à la proposition initiale de la Commission. Il en avait d'ailleurs été ainsi les deux années précédentes. Une telle approche ne suffira pas à empêcher les difficultés incontournables de la négociation entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne. Cette phase devrait normalement aboutir au milieu du mois de novembre 2012.

A. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION, DU CONSEIL ET DU PARLEMENT EUROPÉEN

1. L'avant-projet de budget de la Commission

Il convient de distinguer les évolutions propres à chaque catégorie de crédits (engagement et paiement).

En crédits d'engagement , 150,9 milliards d'euros sont proposés par l'avant projet de budget (APB) 2013 de la Commission, rendu public le 25 avril 2012, soit une augmentation de 2 % par rapport au budget 2012. Il s'agit pour l'essentiel d'augmenter les montants de la rubrique 1a « Compétitivité » (+ 5 %) et de la rubrique 1b, consacrée à la politique de cohésion (+ 3 %), les autres rubriques étant stables.

Les crédits de paiement (CP) inscrits à l'APB 2013 affichent pour leur part une hausse de 6,8 % par rapport au budget 2012 et s'élèvent à 137,9 milliards d'euros . Ils visent à encourager les priorités indiquées précédemment à savoir la compétitivité (+ 18 %) et les fonds structurels (+ 12 %).

2. Les « coupes » approuvées à la majorité qualifiée par le Conseil

Adopté par le Conseil à la majorité qualifiée en juillet 2012, le projet de budget proposé par la présidence polonaise se veut plus « réaliste » .

Pour la troisième année consécutive 34 ( * ) et contrairement aux années précédentes, où la position du Conseil était adoptée à l'unanimité, le projet de budget pour 2013 a été à nouveau marqué par une difficulté à concilier les positions divergentes au sein du Conseil . Deux déclarations unilatérales, révélatrices à cet égard, ont été adoptées :

- l'une signée par la France, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni soulignant que « la modération budgétaire conserve toute son importance au niveau de l'UE au moment où les États membres fournissent des efforts soutenus pour assainir leurs finances publiques et tendre vers la croissance. À cet égard, une augmentation du budget de 2,79 % est supérieure à ce que nous aurions souhaité. Par conséquent, aucune augmentation supplémentaire des dépenses de l'UE ne devrait être décidée d'ici la fin de l'année» ;

- l'autre signée par l'Estonie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie affirmant que « le niveau des paiements convenu dans la position du Conseil sur le projet de budget 2013 constitue un minimum (notamment en ce qui concerne la sous-rubrique 1b), qui devrait être considéré comme un point de départ pour les négociations prévues en automne avec le Parlement européen ».

Au terme d'un compromis fragile , le projet de budget 2013 adopté par le Conseil procède à des coupes sensibles, réalisées en crédits d'engagement comme en CP.

La hausse des crédits d'engagement est ainsi limitée à 149,8 milliards d'euros , soit un niveau de crédits inférieur de 1,2 milliard d'euros à l'avant-projet de budget de la Commission et une augmentation de 1,3 % par rapport à 2011 .

En CP, les coupes atteignent 5,2 milliards d'euros, ce qui réduit le montant du projet de budget à 132,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,8 % par rapport à 2011 . Ces réductions se répartissent de manière inégale entre les différentes rubriques, avec un effort particulier exigé sur la rubrique 4 « l'UE en tant qu'acteur mondial » (- 9,7 %), les autres rubriques étant en légère hausse autour de 1 % (sauf les dépenses de compétitivité qui augmentent de 2 %). A l'inverse, la rubrique 1b « Cohésion » continuerait encore de progresser de 8,1 % par rapport à 2012, malgré les réductions proposées par le Conseil par rapport au projet de la Commission.

Au total, le projet du Conseil exprime, surtout, le choix d'une moindre budgétisation des CP , dont l'impact sur le montant des contributions nationales est direct. En pratique, le recours à des budgets rectificatifs en cours d'année vise souvent à ajuster les ouvertures de CP. Ce sont donc les crédits d'engagement , tels qu'ils sont prévus par le projet de budget adopté par le Conseil, qui apparaissent les plus significatifs des priorités affichées par le budget communautaire , la répartition des CP étant toujours appelée à subir rapidement des modifications.

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2013

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que le Commissaire au Budget, Janusz Lewandowski, a fait cette déclaration suite à l'adoption de la position du Conseil : « je suis stupéfait (...), le Conseil recommande exactement le contraire de ce que les 27 chefs d'état et de gouvernement de l'UE ont déclaré il y a 2 semaines. Le 29 juin, le Conseil européen appelait à des investissements pour renforcer la compétitivité et adoptait le même jour le Pacte pour la croissance et l'emploi dans lequel il est dit que le budget de l'UE doit catalyser la croissance et l'emploi en Europe. Aujourd'hui, le Conseil recommande de couper de 5 milliards la proposition de la Commission pour le budget 2013 dont 3,5 milliards dans la partie du budget dédiée à la croissance économique, à l'emploi et la compétitivité ! Le Conseil recommande de n'augmenter le chapitre du budget consacré à la compétitivité que de 1,5%, moins que le taux d'inflation: c'est ça investir dans la croissance et l'emploi ? ».

3. La position du Parlement européen

Lors de son examen du projet de budget 2013, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, la plupart des recommandations de sa commission des budgets (COBU). Celle-ci a, en effet, estimé insuffisant le projet du Conseil et a donc souhaité revenir à des propositions proches de l'APB de la Commission, en particulier au regard des ouvertures de CP.

Il résulte donc de ce vote que les crédits d'engagement seraient portés à 151,15 milliards d'euros , soit une hausse de 2,2 % par rapport à 2012.

Les CP , quant à eux, s'élèvent désormais à 137,9 milliards d'euros , ce qui représente une augmentation notable de 5,2 milliards d'euros par rapport au projet du Conseil et une hausse de 6,8 % si l'on se rapporte au budget pour 2012 .

Le tableau de la page suivante permet de récapituler ces évolutions.

Tableau comparatif de l'avant-projet de budget pour 2013, du projet adopté par le Conseil et du projet adopté par le Parlement européen

(en millions d'euros)

Source : Parlement européen

* Il s'agit des chiffres votés lors de la session plénière du Parlement européen en date du 23 octobre 2012 suite aux propositions de sa commission des budgets. Ce tableau ne permet pas de préjuger de l'issue finale des négociations entre le Conseil et le Parlement européen dans la mesure où le comité de conciliation a échoué à définir en novembre 2012 un projet de compromis. Suite à cette absence d'accord, le projet de budget ne sera pas soumis au vote du Parlement européen lors de sa session plénière de novembre et la Commission devra proposer un nouveau projet.

Les hausses demandées par le Parlement européen correspondent, comme l'année dernière, à une stratégie de quasi-retour à l'APB de la Commission et l'éloignent donc de sa tentative habituelle de saturation des plafonds pluriannuels .


* 33 La dernière procédure a avoir démontré ce jeu de rôle est celle de 2010. Elle a conduit à proposer, pour l'examen en seconde lecture du projet de budget 2010, un niveau de crédits d'engagement et de CP proche de celui proposé par l'avant-projet de budget (APB) de la Commission le 29 avril 2009 (139 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport au budget 2009 et 122 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 5,3 % par rapport au budget 2009). Adopté à l'unanimité par le Conseil le 10 juillet 2009, le projet de budget s'était voulu plus « réaliste ». Il a donc procédé à d'importantes coupes : la hausse des crédits d'engagement a ainsi été limitée à 138 milliards d'euros, soit un niveau de crédits inférieur de 613 millions d'euros à l'avant-projet de budget de la Commission et, en CP, les coupes ont atteint 1,8 milliard d'euros, ce qui en a réduit le montant à 120,5 milliards d'euros. Lors de son examen en première lecture du projet de budget 2010, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre 2009, la plupart des recommandations de sa commission des budgets (COBU) et a porté les crédits d'engagement à près de 142 milliards d'euros, soit une hausse d'environ 4 milliards d'euros par rapport au projet du Conseil, tandis que les CP, quant à eux, se sont élevés à 127,5 milliards d'euros, ce qui représentait une augmentation notable de 7 milliards d'euros.

* 34 Lors de l'examen du budget pour 2011, les divergences entre Etats membres s'étaient traduites par un fragile soutien au compromis de la présidence belge : sept Etats (Royaume-Uni, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Suède, République tchèque) avaient voté contre le compromis, en soutenant que le budget de l'Union devait participer aux efforts d'assainissement des finances publiques entrepris au niveau national. Ces Etats ne sont pas parvenus à réunir une minorité de blocage à trois voix près (soit 88 voix, la minorité de blocage étant de 91 voix). Par ailleurs, les pays de la cohésion avaient défendu la hausse des crédits dédiés aux fonds structurels et ne se sont ralliés au compromis qu'après avoir accepté une réduction limitée de la hausse des crédits des fonds structurels proposée initialement par la présidence. Enfin, la France et l'Allemagne avaient soutenu dans un premier temps les arguments des sept Etats minoritaires avant de se rallier au compromis de la présidence dans un souci de pragmatisme et afin de ne pas affaiblir la position du Conseil avant les négociations avec le Parlement. La France avait même indiqué qu'elle se réservait la possibilité de rallier, au cours de la phase de conciliation, les Etats qui se sont opposés au compromis.

En décembre 2010, dans la fameuse « lettre des cinq », l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande avaient demandé une augmentation du budget communautaire ne dépassant pas l'inflation dans le cadre financier pluriannuel.

Pour le budget 2012, comme l'avait relevé la présidence polonaise, ce n'est qu'après « de longues et difficiles négociations (...) que la présidence est parvenue à obtenir le soutien de la majorité qualifiée du Conseil ». Quelques Etats membres ont défendu une augmentation du budget 2012 par rapport à 2011 limitée à l'inflation, voire même une stabilisation. Ils ont considéré que la hausse des crédits par rapport à 2011 était encore trop éloignée de cet objectif de participation aux efforts d'assainissement des finances publiques entrepris par les Etats membres. A l'inverse, les pays de la cohésion ont défendu la hausse des crédits de paiement dédiés aux fonds structurels proposée par la Commission. Alors que l'Allemagne et la France se sont une fois de plus ralliées au compromis de la présidence par pragmatisme, six Etats membres ont voté contre : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, le Danemark et l'Autriche ont estimé que les coupes par rapport à l'APB de la Commission ne suffisaient pas ou qu'elles n'étaient pas suffisamment équilibrées entre les rubriques.

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