TRAVAUX DE LA COMMISSION
Audition de M. Dominique MARTIN, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Réunie le mercredi 17 octobre 2012 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l' audition de M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) .
Mme Annie David, présidente . - Nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 avec M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Notre commission porte un intérêt tout particulier à la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP), comme en témoigne notamment le rapport présenté par Jean-Pierre Godefroy et Catherine Deroche dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) en juillet dernier.
Ce rapport s'intéressait plus spécifiquement à la situation financière de la branche et au déficit qui s'est accumulé ces dernières années et qui n'a pas été financé. Nous souhaiterions connaître votre sentiment sur le sujet et sur les perspectives de redressement.
Ce PLFSS comporte aussi plusieurs mesures concernant les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles. Nous aurons certainement des précisions à vous demander à ce sujet.
M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Cnam . - La dette de la branche AT-MP s'est en effet creusée progressivement depuis quelques années, principalement en raison de l'augmentation régulière des transferts mis à sa charge.
Il s'agit tout d'abord de transferts à la branche maladie destinés à compenser la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, sur la base des travaux de la commission présidée par M. Diricq. Il s'agit aussi de transferts aux fonds relatifs à l'amiante, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui ont eux aussi régulièrement augmenté au cours du temps. D'autres transferts techniques, moins importants, ont également participé au déséquilibre de la branche.
S'agissant des prestations, l'augmentation est constante mais ne pose pas de difficultés particulières du point de vue des équilibres financiers. Il existe cependant un sujet relatif aux contentieux, non que ceux-ci ne soient pas financés par la branche mais ils ne le sont que l'année d'après. Dans une situation de stabilité du risque contentieux, le financement est à peu près équilibré. Mais ce risque, lié à la contestation de l'imputation d'un sinistre sur le compte d'un employeur, a augmenté de manière rapide, les sommes provisionnées se révélant inférieures à la réalité des dépenses. Ceci participe aussi au déséquilibre financier.
On arrive aujourd'hui à une dette qui approche les 2 milliards d'euros. Le PLFSS prévoit en 2013 un excédent de 300 millions d'euros l'an prochain, en raison notamment d'une augmentation du taux des cotisations de l'ordre de 0,05 point et d'une diminution de 200 millions d'euros de la dotation au Fiva dont le fonds de roulement atteint un niveau très élevé. Par construction, cette opération ne pourra se répéter.
Quelle sera, dans les années à venir, l'évolution des transferts techniques qui constituent un des éléments essentiels du déséquilibre financier de la branche ?
Le Fcaata doit connaître une baisse programmée des dépenses puisqu'on observe une diminution des nouvelles attributions d'allocations. On dénombre en effet chaque année, pour des raisons démographiques, moins de prises en charge au titre du Fcaata que l'année précédente. Fort heureusement, l'exposition à l'amiante est désormais réduite et les personnes que l'on indemnise aujourd'hui sont celles qui se trouvaient en situation de risque il y a quelques années. On enregistre donc plus de sorties que d'entrées dans le dispositif, la file active passant de 30 000 à 26 000 personnes environ. On peut donc prévoir, toutes choses égales par ailleurs du point de vue de la législation, une évolution à la baisse de ce transfert important.
Pour ce qui est du Fiva, on n'envisage pas à ma connaissance de baisse des indemnisations ces prochaines années - sous réserve des données fournies par le fonds.
S'agissant du transfert à la branche maladie, un nouveau rapport sera produit l'année prochaine par la commission Diricq, mais la situation n'a certainement pas connu d'évolution majeure. La sous-déclaration concerne beaucoup de cancers pris en charge au titre des affections de longue durée (ALD) alors qu'ils pourraient être classés en maladies professionnelles. Il peut aussi y avoir d'autres formes de sous-déclarations qui relèvent soit de la fraude, soit de l'abus. C'est pourquoi nous disposons d'un programme de lutte contre la fraude et l'abus - absence de déclaration d'accident du travail ou incitation au retour trop précoce à l'emploi afin de diminuer la charge des indemnités journalières.
Il existe donc de nombreuses inconnues sur l'évolution des charges de transferts. Nous ne pouvons notamment pas anticiper le montant du transfert à la branche maladie qui sera retenu à partir de la prochaine étude de la commission Diricq.
La branche AT-MP dégagera un excédent pour 2013 et la dette devrait commencer à baisser. A partir de 2014, la dotation au Fiva devra cependant être réactualisée et majorée. Il faudra trouver une compensation... A partir de 2015, la situation sera telle que je viens de la décrire. Nous n'avons donc pas de certitudes à deux ou trois ans.
Je précise que lorsqu'on parle d'une augmentation du taux net de cotisation de 0,05 point, il s'agit d'un taux moyen. Le calcul de la cotisation, assez complexe, fait appel à la fois à la sinistralité des entreprises et à la mutualisation des risques entre celles-ci. La question restant à trancher est de savoir si cette augmentation de 0,05 point pèsera principalement sur le taux brut, lié à la sinistralité des entreprises, ou si elle sera mutualisée. Cet arbitrage technique fait l'objet de discussion avec les partenaires sociaux.
En cas d'augmentation du taux brut, la fédération la plus concernée par la sinistralité est celle du bâtiment ; faire principalement porter cette augmentation sur le taux brut entraînerait une charge importante pour l'économie générale du secteur. La mutualisation est plus favorable au bâtiment mais reporte une partie de l'augmentation sur des secteurs à très faible sinistralité. Un équilibre doit être trouvé entre les entreprises. Cette question devrait être rapidement arbitrée puisque la tarification devra être présentée aux partenaires sociaux lors de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de novembre.
Mme Annie David, présidente . - Pouvez-vous dire un mot des principales mesures du PLFSS ?
M. Dominique Martin . - L'article 65 fait suite aux travaux d'un groupe piloté par Mme Ruellan et impliquant les administrations, les partenaires sociaux et les associations, en particulier la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Il s'agit d'une question de fond mentionnée dans la convention d'objectifs et de gestion (COG), à savoir la rénovation de la réparation forfaitaire, système très ancien, très en avance sur son temps à l'origine mais qui a vieilli face à l'évolution du régime de la responsabilité civile et de la jurisprudence.
Plusieurs hypothèses ont été étudiées et deux pistes principales ont été retenues. La première figure dans l'article 65 et relève de la loi. Il s'agit de l'amélioration de la majoration pour tierce personne versée à la victime, dont le montant est aujourd'hui calculé en fonction de ses revenus. L'idée est de la déterminer en fonction des besoins du bénéficiaire avec trois niveaux de prestation. Cette disposition entraînera une augmentation des dépenses au titre de la majoration pour tierce personne.
Une seconde mesure, de niveau réglementaire et ne figurant donc pas dans le PLFSS, a également été prise à la suite du rapport de Mme Ruellan : elle porte sur l'harmonisation du coefficient professionnel. Outre l'incapacité professionnelle liée de manière assez mécanique au revenu, on peut attribuer un coefficient professionnel en fonction de la situation de la personne, mesurée en points d'incapacité supplémentaires. La pratique des caisses est cependant fort inégale en la matière. Il s'agit de l'harmoniser.
L'article 66, assez complexe sur le plan technique, concerne la faute inexcusable de l'employeur en cas d'accident du travail. La victime peut engager une action devant le juge ; si elle obtient gain de cause, le Conseil constitutionnel a estimé que l'indemnisation devait être intégrale, c'est-à-dire couvrir la totalité des postes de préjudice.
En cas de faute inexcusable de l'employeur reconnue par le juge, la caisse règle la victime et elle est ensuite censée récupérer les sommes auprès de l'entreprise, par une majoration de la tarification qui peut courir sur vingt ans. C'est un mécanisme complexe, les caisses ne récupérant la somme que dans la moitié des cas. En effet, l'entreprise peut avoir disparu et la procédure peut rencontrer des obstacles. Dès lors, les sommes sont mutualisées entre toutes les entreprises, même si ce domaine n'est pas celui où la mutualisation a le plus de légitimité...
Il a donc été décidé que la récupération se ferait uniquement sous forme de capital et non par majoration des cotisations.
Par ailleurs, en cas de contestation de l'accident du travail par l'employeur, l'entreprise - bien que condamnée au titre de la faute inexcusable - pouvait ne pas payer du fait d'un défaut procédural concernant l'accident du travail lui-même !
Il convient désormais de dissocier les deux processus en considérant, même en cas de désimputation du compte de l'employeur au titre de l'accident du travail, que l'indemnisation devra être remboursée à la caisse par celui-ci au titre de la faute inexcusable.
Mme Annie David, présidente . - Le PLFSS comporte aussi une disposition qui étend à tous les salariés bénéficiaires de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Accata) la possibilité de liquider à soixante ans leurs droits à pension.
M. Dominique Martin . - En effet, l'article 67 étend cette possibilité à tous les régimes et prévoit par ailleurs qu'on ne peut bénéficier de deux dispositifs - par exemple du dispositif de départ anticipé pour pénibilité et du Fcaata - en raison du principe de non-cumul des prestations. Cette disposition concerne les seuls polypensionnés, soit un petit nombre de personnes. Il s'agit de la généralisation d'une mesure déjà largement mise en oeuvre.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - L'amélioration de la prise en charge des aides à la personne constitue une mesure très intéressante. Il était anormal que celles-ci soient calculées sur le dernier salaire. La prestation sera donc fonction des besoins du bénéficiaire.
J'ai cru comprendre que la charge des majorations pour tierce personne allait passer de 50 millions d'euros à 200 millions d'euros, ce qui représentait 0,01 point sur l'augmentation prévue de 0,05 point...
M. Dominique Martin . - Le financement de cette mesure est globalisé.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - La subvention au Fiva sera cette année diminuée de 200 millions d'euros. Quid des années futures ? Le nombre d'allocataires diminuant mais celui des ayants droit augmentant, pensez-vous vraiment que les charges du Fiva puissent baisser au cours des années à venir ? Ce fonds ne risque-t-il pas de connaître une certaine stabilisation - voire une augmentation en cas de procédures ? Est-il normal que l'Etat se désengage complètement et supprime pour les trois prochaines années la part de la solidarité nationale ? Dans le rapport que nous avions réalisé avec Jean-Marie Vanlerenberghe et Gérard Dériot, nous avions suggéré que la part de l'Etat grimpe à 30 %...
Par ailleurs, la perspective d'excédents prévue pour la branche pour les trois prochaines années vous paraît-elle crédible compte tenu de l'augmentation de certains transferts ? L'augmentation de 0,05 point lui permettra-t-elle de retrouver un équilibre financier et d'apurer totalement sa dette ? A quelle échéance ?
Une des sources essentielles du contentieux pesant sur les finances de la branche porte sur des questions de procédures. Pensez-vous qu'il faille envisager de réglementer l'activité des cabinets spécialisés qui proposent l'optimisation des cotisations sociales, ceux-ci étant intéressés aux résultats des procédures qui représentent entre 550 et 600 millions d'euros sur un budget de 13,3 milliards d'euros ?
Les deux derniers exercices de la branche AT-MP n'ont pas été certifiés par la Cour des comptes. Où en est le dialogue avec cette institution ? Pensez-vous être en mesure d'éviter un nouveau refus de certification l'année prochaine ?
Enfin, vous avez évoqué la faute inexcusable de l'employeur. Une alternative à la mesure envisagée dans le PLFSS serait d'obliger l'employeur à s'assurer contre ce risque. Le Gouvernement a estimé cette mesure trop complexe. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
M. Dominique Martin . - La baisse des dotations au Fiva est conjoncturelle et liée à l'état du fonds de roulement. Le Fiva a aujourd'hui de quoi faire face à son activité pour l'année qui vient, mais cela ne pourra se répéter l'année prochaine. A situation inchangée, on aura donc une charge supplémentaire de 200 millions d'euros environ à financer dans le PLFSS pour 2014... Quant à l'évolution globale des charges du Fiva, il est difficile de dire ce qu'il en sera. Je ne pense pas que l'on puisse anticiper une baisse dans l'immédiat, pas plus qu'une hausse. Je ne me prononcerai évidemment pas sur le désengagement de l'Etat, ce sujet regardant l'Etat lui-même...
S'agissant des excédents retracés dans les prévisions relatives à la branche AT-MP, ils supposent que la question soit traitée année après année. Je crois comprendre que le Gouvernement s'est engagé à ce que la branche résorbe elle-même sa dette. Cela est sain car c'est la seule à avoir une obligation légale d'équilibre.
Par ailleurs, il faut aussi développer la prévention. L'idéal serait qu'on ait le moins possible d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Or, on observe aujourd'hui une stagnation du nombre des accidents du travail et une augmentation continue et significative de 7 % par an des maladies professionnelles, notamment des troubles musculo-squelettiques. Nous ne sommes donc pas à la veille d'une baisse des charges au titre des prestations et ceci est préoccupant. Nous travaillons sur ce sujet, qui devra prendre une place importante dans la COG à venir.
La résorption du déficit dépendra du niveau des excédents. Si celui-ci est maintenu autour de 300 millions d'euros par an, il suffira de cinq à six ans. Mais il est difficile d'établir des prévisions à ce stade.
Ainsi que vous l'avez relevé, les contentieux impactent le déficit. Faut-il réglementer les cabinets spécialisés ? Je ne puis répondre à cette question. Il s'agit d'un sujet juridique complexe. Le directeur de la branche que je suis doit d'abord balayer devant sa porte, avant de s'occuper de ce qui se passe à l'extérieur. C'est ce qui a commencé à être fait. On observe depuis 2011 une baisse des contentieux pour inopposabilité, en raison notamment de la mise en oeuvre d'un décret de 2009, applicable à partir de janvier 2010, qui cadre beaucoup mieux la procédure, en particulier les délais de recours.
Parallèlement naissent de nouveaux contentieux, moins procéduraux mais plus médicaux. Ils ne sont pas sans lien avec la réforme de la tarification qui, de proportionnelle au risque est passée à une tarification par coût moyen et catégorie, le changement de catégorie pouvant être très significatif. C'est un sujet qui suppose une coordination médico-administrative serrée.
Nous réorganisons notre politique en matière de contentieux en vue d'un pilotage par la direction des risques professionnels sur un plan national. En amont, nous avons fait un important travail d'harmonisation des procédures entre les caisses, qui a donné de très bons résultats. Il faut également agir en aval. La situation n'est pas totalement satisfaisante aujourd'hui, du fait d'un déficit de protection des médecins devant le juge.
Nous considérons que le contentieux est une problématique centrale non seulement parce qu'il peut impacter le déficit mais aussi et surtout parce qu'il existe un lien direct entre la réparation, la tarification et la prévention. Un acte d'instruction mal fait entraîne un contentieux, qui va générer une désimputation du compte de l'employeur, une baisse de la capacité de la tarification à agir au titre de l'incitation à la prévention et un déficit de prévention. La tarification, notamment pour les moyennes et les grandes entreprises, est l'outil de prévention le plus important. Il est très largement attaqué par les contentieux, les entreprises les plus actives en la matière étant celles qui ont intérêt à la désimputation. Si l'on y ajoute les mutualisations, on se retrouve avec un outil très largement entamé dans sa capacité à inciter à la prévention, ce qui est dommage.
La Cour des comptes nous a recommandé de provisionner les contentieux. Nous considérions que les dépenses correspondantes relevaient du fonctionnement général de la branche, tout cela étant absorbé grâce à l'équilibre des cotisations. Ce n'est pas vrai du point de vue des comptes, ni de la bonne gestion de la branche.
Nous nous mettons donc en capacité d'obtenir la certification des comptes. Trois points avaient été relevés par la Cour des comptes : le non-provisionnement des contentieux, l'insuffisance du contrôle interne et l'insuffisance du rapprochement des fichiers entre les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).
Le rapprochement des fichiers est une action lourde à mener mais nous progressons. Nous atteignons aujourd'hui 97 % ou 98 % de rapprochement et nous nous sommes fixé un objectif de 99 %. Nous avons mis en place des systèmes informatiques de contrôle interne embarqués à la suite de la précédente campagne de la Cour des comptes et travaillons aujourd'hui sur le provisionnement.
J'ai donc bon espoir que la branche soit certifiée cette année ; je ne puis le garantir mais nous faisons tout pour qu'elle le soit !
La seconde campagne de certification a été bien plus approfondie que la première et a mis en évidence un certain nombre d'autres problèmes. Il n'y a pas d'approfondissement du contrôle cette année, seule la mise en oeuvre des recommandations de la précédente campagne étant vérifiée.
S'agissant de la faute inexcusable de l'employeur, deux options sont envisageables : soit la caisse paye et se retourne contre l'entreprise pour récupérer les sommes avancées, soit, comme vous l'évoquez, la branche intervient en fonds de garantie.
C'est une proposition que nous avions faite au Gouvernement, compte tenu des évolutions jurisprudentielles et de la position du Conseil constitutionnel. L'idée reste de bon sens et l'on aura sûrement l'occasion d'en rediscuter. Elle rencontre cependant deux obstacles...
En premier lieu, elle suppose une obligation d'assurance pour les entreprises et la mise en place d'un bureau central de tarification des plafonds de garantie. Le temps a été jugé trop court pour mettre cette disposition en oeuvre.
Par ailleurs, la caisse doit vérifier que l'assuré est bien couvert. Cela nécessite la mise en place de garde-fous destinés à protéger les assurés mais également les entreprises. C'est là un processus complexe.
Mme Catherine Deroche . - Vous n'avez pas évoqué le contexte conjoncturel et son incidence sur la dette de la branche en 2009-2010. La conjoncture économique ne connaîtra pas d'amélioration à court terme. Est-elle prise en compte dans les prévisions du PLFSS 2013 ?
Par ailleurs, l'excédent généré cette année par la baisse de 200 millions de la dotation au Fiva ne va-t-il pas obliger à augmenter les cotisations dans les années qui viennent - sauf à envisager la diminution d'autres transferts, comme le transfert Diricq, dont le montant est aléatoire ?
M. René-Paul Savary . - Comment mieux articuler le financement de la médecine du travail et celui de la branche AT-MP ? Peut-on envisager une évolution de ce modèle ?
Par ailleurs, le PLFSS comporte une mesure relative à l'assujettissement des élus locaux aux cotisations sociales qui va toucher les conseillers généraux et régionaux. La collectivité va-t-elle être amenée à cotiser de façon supplémentaire ou les élus vont-ils devoir payer ces cotisations sociales ? Quel est le fondement du dispositif, puisqu'il s'agit d'une fonction et non d'un emploi ? Les 140 millions d'euros que cette cotisation doit générer vont-ils aller à votre caisse ? Dans le cas contraire, où sont-ils affectés ?
M. Guy Fischer . - Je vous remercie pour la qualité de votre intervention. Vous avez relevé la stagnation des accidents du travail et la hausse régulière et soutenue des maladies professionnelles. Quelle appréciation portez-vous sur le phénomène de sous déclaration des entreprises ?
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - Le reversement par la branche vieillesse de la contribution relative aux départs à la retraite au titre de la pénibilité s'élevait à 35 millions en 2011 et à 110 millions en 2012. Aucune contribution ne figure au PLFSS pour 2013. Pouvez-vous nous apporter un éclairage à ce sujet ? Est-ce conjoncturel ou définitif ? Nous avions émis quelques doutes sur le bien fondé de cette contribution...
M. Dominique Martin . - L'incidence de la conjoncture économique sur la dette de la branche est impossible à calculer. L'exercice serait vain, la situation économique entraînant une baisse de l'emploi, de la masse salariale mais également, par voie de conséquence, des accidents du travail.
Quant à la commission Diricq, nous verrons quelles seront ses conclusions. Nous menons à ce titre une évaluation sur les cancers de la vessie dans plusieurs régions à partir de l'analyse des ALD, afin de savoir si elles ne constituent pas des maladies professionnelles.
S'agissant des médecins du travail, la réponse est dans la loi. Il s'agit des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens en cours de négociation entre les Carsat, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), au titre des services de santé au travail, et nos caisses. Ces contrats visent à coordonner l'action de ces trois intervenants.
Concernant l'assujettissement des élus aux cotisations sociales, je ne peux vous répondre. Nous ne sommes pas à l'origine de cette disposition et nous avons interrogé notre tutelle.
M. René-Paul Savary . - Cette cotisation va-t-elle alimenter votre caisse ?
M. Dominique Martin . - Il me semble que oui, dans certains cas tout au moins...
M. René-Paul Savary . - Vous ne savez donc pas qui, des élus ou de la collectivité, va payer. Si ce sont les collectivités, cela représente pour elles une charge supplémentaire de 140 millions d'euros. Vous ne savez pas non plus si ces sommes seront affectées à la branche AT-MP.
M. Dominique Martin . - Cela doit encore être expertisé.
M. Fischer m'a interrogé sur l'augmentation des troubles musculo-squelettiques et les sous-déclarations. Des plans de lutte contre la fraude et les abus existent. La sous-déclaration va représenter dans les quatre ans à venir 90 % de la lutte contre la fraude.
La sous-déclaration et le retour à l'emploi précoce mal organisé pèsent sur les salariés et posent également un problème en matière de tarification. Il existe, notamment en lien avec des entreprises d'intérim, toute une mécanique conduisant à des transferts de salariés de secteurs à risques vers des secteurs moins exposés, de façon à diminuer les cotisations.
Enfin, la réponse à M. Godefroy est simple et conjoncturelle - à ce stade tout au moins : il n'y a eu que très peu de dépenses sur la compensation de la retraite pour pénibilité, de l'ordre de 3 ou 4 millions d'euros. Nous n'avions donc pas de raisons de reconduire le transfert à la branche vieillesse, les 140 millions figurant aujourd'hui dans ses comptes étant très loin d'être dépensés !
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Les réponses aux questions posées à propos de la situation des élus figurent en partie, me semble-t-il, à la page 90 du projet de loi.
Il existe deux catégories : les élus qui ont cessé toute activité professionnelle et ceux qui continuent à en exercer une. Ces derniers seront affiliés au régime général pour tous les risques, avec un taux global de 37,30 - soit 29,80 en part patronale et 7,5 en part salariale dès lors que leurs indemnités dépassent un certain montant. Ceux qui n'ont pas d'activité professionnelle ne sont actuellement affiliés qu'aux risques maladie et vieillesse. L'extension pour les risques famille et AT-MP représenterait un taux global de 7,1 %.
M. Jacky Le Menn . - L'objectif est de revenir à l'équilibre de la branche AT MP, puis de réaliser un excédent. L'augmentation de 0,05 point et la diminution de la dotation au Fiva vous semblent-elles de nature à répondre à cet objectif ?
M. Dominique Martin . - Pour ce qui est du Fiva, la réduction de la contribution est uniquement liée au fait que son fonds de roulement représente l'équivalent d'une année de fonctionnement, mais on n'anticipe pas de baisse de son activité dans l'immédiat. C'est une mesure de bon sens. Il n'y a pas de raison qu'un fonds de roulement d'un établissement public dépasse une année de fonctionnement.
Pourquoi ne pas augmenter les cotisations de 0,1 ou 0,2 point ? Cette branche est gérée de manière paritaire ; elle fonctionne sur cette base, ce qui suppose de prendre en compte les préoccupations de l'ensemble des partenaires.
Quant au remboursement de la dette, je crois comprendre que le Gouvernement a recherché un équilibre, en voulant éviter d'augmenter les cotisations des entreprises de manière trop brutale, dans le contexte économique que chacun connaît. Cette optique correspond à mon sens à la philosophie de la branche.
Mme Annie David, présidente . - Merci.