N° 107
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 novembre 2012 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Jean-Pierre GODEFROY,
Sénateur.
Tome VI :
Accidents du travail
et maladies professionnelles
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mme Michelle Meunier, M. Alain Néri, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
287 , 301 , 302 et T.A. 29 |
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Sénat : |
103 et 104 (2012-2013) |
Par la voix de son rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, la commission se réjouit de ce que la branche soit engagée de manière consensuelle dans un objectif d'apurement des déficits cumulés . La commission s'inquiète du manque de dialogue au sein du Fiva et souhaite que les différentes parties prenantes et l'Etat renouent rapidement une relation de travail. Elle rappelle que le conseil d'administration du Fiva est la seule instance pleinement légitime pour décider des modalités d'indemnisation des victimes de l'amiante. Elle réaffirme la nécessité d'une ouverture de l'accès à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante aux professions exposées à ce produit hautement toxique, sur la base des travaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Elle souhaite que la branche puisse engager une nouvelle approche de la question de la réparation qui permette de limiter les effets physiques et psychologiques des accidents et maladies du travail. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La branche AT-MP semble s'engager sur la voie de la résorption des déficits accumulés. Cette perspective doit être prise avec prudence. D'une part, l'augmentation, modeste, de 0,05 point des cotisations ne devrait permettre de dégager un excédent en 2013 que combinée avec une baisse exceptionnelle des transferts, principalement de celui à destination du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). D'autre part, les perspectives d'augmentation des excédents sur les prochaines années sont étroitement dépendantes des hypothèses de croissance de la masse salariale et n'incluent pas forcément l'ensemble des charges, de plus en plus nombreuses, qui pèsent sur la branche.
Comme y invitait le rapport de la Mecss sur le financement de la branche AT-MP 1 ( * ) , il est donc particulièrement important de ne lui imputer que les dépenses qui lui incombent réellement. Votre rapporteur regrette ainsi qu'une dotation de 10 millions d'euros pour le fonds national de soutien relatif à la pénibilité ait été inscrite dans les dépenses de la branche dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Ce fonds, créé par la loi du 9 novembre 2010 2 ( * ) portant réforme des retraites, ne distribue des aides aux entreprises que depuis le mois d'avril 2012 et les résultats sur son premier semestre de mise en oeuvre paraissent particulièrement décevants.
Plus largement, l'implication de la branche dans l'indemnisation des victimes d'une faute inexcusable de l'employeur pose question. En effet, on sort du domaine de compétence de la branche dès lors que l'on passe de la réparation forfaitaire à la réparation intégrale du préjudice. La solution proposée dans le cadre du PLFSS pour 2013 ne résout de ce point de vue que partiellement la question, en cherchant à garantir que la caisse recouvre auprès de l'employeur les sommes versées à la victime au titre de la réparation intégrale.
Aussi importants que soient le remboursement des déficits par l'affectation des excédents et la couverture des charges, il apparaît également essentiel de laisser aux partenaires sociaux qui font vivre la branche AT-MP des marges de manoeuvre pour innover en matière de prévention et de réparation. La branche AT-MP étant la fille du paritarisme, il faut préserver le dialogue constructif qui la caractérise en lui donnant les moyens financiers de ses ambitions et, peut-être, de son renouveau.
*
L'année 2011 marque une variation par rapport à la tendance longue de réduction du nombre d'accidents de travail. La politique de prévention menée par la branche, par l'Etat et par les partenaires sociaux a en effet conduit à un recul tendanciel des accidents du travail (- 1,8 % en moyenne depuis 2005). Leur nombre a cependant augmenté certaines années, ainsi en 2006 et 2007 et à nouveau en 2011 . Cette augmentation, près de 5 300 accidents supplémentaires, fait franchir à leur nombre total la barre du million. Néanmoins, la fréquence des accidents de travail entraînant une incapacité permanente (IP) baisse de manière régulière depuis 2005 et leur gravité, mesurée par le taux moyen d'IP reconnu, est inférieure au taux de 2010. L'augmentation du nombre d'accidents démontre, si besoin est, la vigilance incessante qui doit s'exercer en ce domaine et les efforts à fournir en matière de prévention . Il convient également de souligner que les chiffres disponibles ne valent que pour le régime général de sécurité sociale et cachent d'importantes disparités entre secteurs d'activité.
Par ailleurs, le nombre de maladies professionnelles reconnues comme telles a augmenté fortement sur la période. Une connaissance plus exacte des déterminants de la santé au travail s'avère donc particulièrement nécessaire. Le lancement cet automne par l'Institut de veille sanitaire (InVS) des cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail (Coset), incluant des échantillons représentatifs des personnes affiliées au régime général mais aussi des adhérents du RSI et de la MSA, apparaît comme un premier pas dans cette direction. Elles doivent permettre, à terme, de « décrire l'état de santé des actifs selon leur activité professionnelle ».
L'objectif initial de dépenses de la branche reste stable pour 2013 (13,3 milliards d'euros) après avoir augmenté l'année dernière. Il convient cependant de noter que les dépenses réalisées devraient être en 2012, pour la première fois depuis quatre ans, supérieures aux objectifs initiaux. Elles n'ont cessé de croître depuis 2005, à un rythme moyen de 300 millions par an . En 2013, les charges nettes de la branche devraient augmenter encore de près de 200 millions d'euros . L'hypothèse selon laquelle les dépenses resteront stables en 2013 repose essentiellement sur la baisse conjoncturelle des transferts vers le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ( Fiva ) et la branche vieillesse.
Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2006 |
||||||||
(en milliards d'euros) |
||||||||
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 (p) |
|
Objectif de dépenses |
11,1 |
11,4 |
11,8 |
13,0 |
12,9 |
13,0 |
13,3 |
13,3 |
Dépenses réalisées (+ objectif rectifié 2010 dans la LFSS pour 2011) |
11,3 |
12,0 |
12,1 |
12,5 |
12,6 |
13,0 |
13,3 |
|
Ecart |
0,2 |
0,6 |
0,3 |
- 0,5 |
- 0,3 |
0,0 |
0,1 |
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(p) : prévision Source : PLFSS pour 2013 |
I. UNE PRÉVENTION INSUFFISANTE
Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité, l'objectif premier étant bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En 2011, on estime que 1,214 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général, en faible augmentation par rapport à 2010 (1,204 million). Un peu plus de 68 % d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail, soit un point de plus qu'en 2010. La fréquence des accidents augmente légèrement d'une année sur l'autre, passant de 36 à 36,2 accidents déclarés de 2010 à 2011 pour mille salariés. L'évolution du nombre de maladies professionnelles reste défavorablement orientée, même si l'on prend en compte l'amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.
A. DES CONNAISSANCES INCOMPLÈTES SUR LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL
Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (82,4 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (11 %) et les maladies professionnelles (6,6 %).
1. Des tendances contradictoires
Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des six dernières années, baissant en moyenne de 1,8 % par an. Le nombre des accidents varie autour de cette tendance, augmentant en 2006-2007, baissant à partir de 2008 et augmentant à nouveau en 2011. La croissance du nombre d'accidents intervient après un recul particulièrement important en 2009 (7,8 %) et moins marqué en 2010 (2,3 %).
Nombre d'accidents du travail déclarés |
||||||
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011* |
1 139 063 |
1 144 431 |
1 145 397 |
1 129 314 |
1 018 679 |
995 488 |
1 000 797 |
* données estimées Source : Cnam, statistiques trimestrielles juin 2012 |
* 1 Le financement de la branche AT-MP : préserver le dialogue social - revenir à l'équilibre, Jean-Pierre Godefroy, Catherine Deroche, n° 657 (2011-2012).
* 2 Loi n° 2010-1330.