B. LA NÉCESSITÉ DE REPRENDRE LE CHANTIER DE LA RÉFORME DE LA TARIFICATION DES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES
1. Un processus de réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes largement inabouti
Faire évoluer les modalités de tarification des Ehpad constitue un processus long et complexe qui devra être appréhendé de façon globale dans le cadre de la future réforme sur la prise en charge de la perte d'autonomie. Plusieurs constats peuvent cependant d'ores et déjà être dressés.
a) Un processus de « pathossification » encore loin d'être achevé
Autre volet du PSGA, la médicalisation des Ehpad dite de « deuxième génération » s'est fondée sur la mise en place d'une tarification au GIR moyen pondéré soins (GMPS).
Ce processus, également dénommé « pathossification », conduit à une majoration des dotations soins allouées aux établissements, fondée à la fois sur l'analyse du degré de dépendance des résidents (le GIR moyen pondéré, apprécié à l'aide de la grille Aggir) et sur celle de leurs besoins en soins médico-techniques (le Pathos moyen pondéré). L'objectif est d'adapter au mieux les ressources des établissements à l'état de santé et aux besoins en soins de leurs résidents.
La tarification au GMPS doit se substituer à un mode de financement plus forfaitaire, la dotation minimale de convergence (Dominic).
Au 31 mai 2012, un peu plus de 63 % des conventions ont été renouvelées dans le cadre de la médicalisation de deuxième génération qui concerne environ 67 % des places d'Ehpad conventionnées.
Situation de la médicalisation des Ehpad en 2012 |
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Nombre
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Part (%) |
Nombre
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Part (%) |
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Dotation minimale de convergence (Dominic) |
2 608 |
36,56 % |
189 958 |
32,89 % |
GIR moyen pondéré soins (GMPS) |
4 526 |
63,44 % |
387 311 |
67,11 % |
Total |
7 134 |
100 % |
577 269 |
100 % |
Source : CNSA - Juillet 2012 |
La tarification au GMPS se traduit en moyenne par une hausse de 30 % du coût de la place en Ehpad. Alors qu'entre 2007 et 2010, un effort important a été réalisé pour le renouvellement des conventions tripartites, le processus a été ralenti en 2011 en raison du surengagement des crédits de médicalisation observé à la fin de l'année 2010.
Le PLFSS pour 2013 prévoit malgré tout de consacrer 147 millions d'euros à la médicalisation des Ehpad. L'objectif est de cibler le renouvellement des conventions tripartites sur les établissements encore tarifés en mode Dominic, ce qui devrait avoir pour effet de permettre un rattrapage des établissements les moins bien dotés vers la moyenne nationale.
b) Une tarification à la ressource au point mort
L'article 63 de la LFSS pour 2009 mettant en place la tarification à la ressource a été codifié à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit le financement des Ehpad par trois types de ressources distinctes :
- un forfait global relatif aux soins ;
- un forfait global relatif à la dépendance ;
- des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement .
Ces trois sources de financement sont étanches entre elles, principe qui a été confirmé par la LFSS pour 2010. En toute logique, les dépenses relatives aux personnels soignants devraient donc être entièrement prises en charge par l'enveloppe soins.
Alors que le calcul des dotations soins allouées aux Ehpad résultait auparavant d'une procédure contradictoire entre l'autorité compétente de l'Etat, le département et l'assurance maladie, l'article 63 de la LFSS pour 2009 prévoit désormais que le forfait soins est défini par arrêté du directeur général de l'ARS, en tenant compte du GMPS de l'établissement et sur la base d'un barème et de règles de calcul fixés par arrêté ministériel.
Il s'agit là d'un changement profond destiné à rompre avec une logique de reconduction de dotations historiques. Cette évolution peut, dans une certaine mesure, être comparée à la mise en place du système de tarification à l'activité (T2A) dans le secteur sanitaire.
Les établissements et services mentionnés au I de l'article L. 313-12 sont financés par : 1° un forfait global relatif aux soins prenant en compte le niveau de dépendance moyen et les besoins en soins médico-techniques des résidents, déterminé par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé en application d'un barème et de règles de calcul fixés, d'une part, par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et des personnes âgées, en application du II de l'article L. 314-3, d'autre part, par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, pris en application du troisième alinéa de l'article L. 174-6 du code de la sécurité sociale ; 2° un forfait global relatif à la dépendance, prenant en compte le niveau de dépendance moyen des résidents, fixé par un arrêté du président du conseil général et versé aux établissements par ce dernier au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-8 ; 3° des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixés par le président du conseil général, dans des conditions précisées par décret et opposables aux bénéficiaires de l'aide sociale accueillis dans des établissements habilités totalement ou partiellement à l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées. Ce décret détermine le contenu des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement qui ne peuvent comporter des dépenses intégrées dans les tarifs relatifs aux soins et à la dépendance cités respectivement aux 1° et 2°. Pour les établissements mentionnés à l'article L. 342-1, à l'exception de ceux mentionnés au 4°, les prestations relatives à l'hébergement sont fixées et contrôlées dans les conditions prévues par les articles L. 342-2 à L. 342-6. Les tarifs correspondant à des prestations complémentaires et librement acceptées et acquittées par les résidents, à la condition qu'elles ne relèvent pas des tarifs cités aux 1°, 2° et 3°, constituent des suppléments aux tarifs journaliers afférents à l'hébergement. Ils doivent être établis par l'organe délibérant de la personne morale gestionnaire pour chaque catégorie homogène de prestation faisant l'objet d'un paiement par les résidents ou leurs représentants au sein de l'établissement. Les tarifs des suppléments aux tarifs journaliers doivent être communiqués aux titulaires d'un contrat de séjour ou à leurs représentants et portés à la connaissance du président du conseil général et du public dans des conditions fixées par décret.
Pour les établissements mentionnés à
l'article L. 342-1 et les résidents non admis à l'aide sociale
dans les établissements relevant du 6° du I de l'article L. 312-1
du présent code et dans les établissements de santé
dispensant des soins de longue durée, les prestations relatives aux
suppléments aux tarifs journaliers afférents à
l'hébergement sont fixées et contrôlées dans les
conditions prévues par les articles L. 342-2 à L. 342-6 du
présent code.
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L'article 63 de la LFSS pour 2009 devait initialement entrer en vigueur au 1 er janvier 2010. Le décret nécessaire à sa mise en oeuvre n'est cependant jamais paru . Selon les informations fournies par la DGCS à votre rapporteur dans les réponses au questionnaire budgétaire, deux éléments essentiels expliqueraient le retard accumulé lors de la précédente législature :
- le manque de données relatives à l'impact financier que pourraient avoir d'éventuels changements d'imputation entre les trois sections tarifaires ou l'imputation à l'enveloppe soins de ville ou médico-sociale de certaines dépenses de soins en fonction de l'option tarifaire choisie par l'Ehpad ;
- la nécessité de tenir compte des travaux et concertations préalables à la réforme de la dépendance finalement ajournée.
En l'absence de publication du décret, plusieurs travaux ont été engagés afin de mieux appréhender les coûts supportés par les Ehpad. Une enquête nationale de coûts a notamment été confiée à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih), qui doit être menée sur plusieurs années.
L'article 67 de la LFSS pour 2012 a par ailleurs prévu l'expérimentation d'une modulation du forfait soins des Ehpad en fonction d'indicateurs de qualité et d'efficience. Un décret en Conseil d'Etat doit définir le cahier des charges national de l'expérimentation tandis qu'un décret simple doit fixer la liste des indicateurs pouvant être utilisés.
Votre rapporteur s'était opposé l'année dernière à cet article 67, estimant que, dans un contexte d'incertitude quant à l'évolution des modalités de tarification dans les Ehpad, l'introduction de tels indicateurs apparaissait prématurée.
S'il juge nécessaire, à plus ou moins long terme, l'introduction de tels indicateurs dans la tarification, il considère qu'une telle réforme devrait être analysée de façon plus approfondie dans le cadre d'une remise à plat générale des modalités de tarification dans les Ehpad.
c) Le coup d'arrêt porté à l'expérimentation de l'option tarifaire globale
L'article R. 314-167 du code de l'action sociale et des familles autorise les Ehpad à choisir entre deux modes de financement des soins :
- un tarif journalier global , comprenant notamment les rémunérations versées aux médecins généralistes et aux auxiliaires médicaux libéraux exerçant dans l'établissement, ainsi que les examens de biologie et de radiologie et les médicaments dont les caractéristiques sont fixées par arrêté ;
- un tarif journalier partiel limité à la prise en charge de la rémunération du médecin coordonnateur et des infirmières ou infirmiers libéraux.
La valeur du point utilisé dans le calcul des tarifs plafonds applicables aux Ehpad, différente selon l'option tarifaire choisie, a été modulée de façon à inciter les établissements à opter pour le tarif global. De fait, 30 % des Ehpad représentant 38 % des places installées avaient choisi cette option à la fin de l'année 2010.
Les directeurs généraux d'ARS ont cependant reçu instruction au cours du second semestre 2010 de surseoir au développement du tarif global.
Une mission de l'Igas a évalué l'option tarifaire globale 11 ( * ) et a conclu que le passage à celle-ci entraînait une hausse de 30 % à 40 % des dotations allouées aux établissements la première année, liée notamment au surcalibrage du différentiel entre les valeurs du point respectives du tarif global et du tarif partiel. Les économies réalisées sur l'enveloppe soins de ville ne compenseraient qu'en partie ces surcoûts.
L'Igas soulignait cependant qu'à moyen terme et sous certaines conditions, le tarif global pourrait être source d'économies significatives sur les quatre postes de dépenses de soins concernés ainsi que sur l'enveloppe soins de ville. La mission a par ailleurs souligné que le tarif global pouvait constituer un levier favorable à une meilleure maîtrise coût/qualité des soins.
Au regard de cette évaluation, il semble que, malgré le coup d'arrêt porté à la mise en oeuvre du tarif global par le gouvernement précédent, une telle option constitue une évolution susceptible d'être envisagée positivement à l'avenir.
2. Des enjeux récurrents
Si le sujet de la tarification est particulièrement complexe, force est cependant de constater que le gouvernement précédent n'est pas parvenu à fixer de cap clair à une réforme pourtant essentielle pour le secteur. Il apparaît dès lors nécessaire de reprendre rapidement ce chantier pour tenter de mettre en place les fondements d'un mode de tarification plus adapté dans les Ehpad. A ce titre, deux enjeux devraient particulièrement retenir l'attention.
a) Le processus de convergence tarifaire
En même temps qu'il créait la tarification à la ressource, l'article 63 de la LFSS pour 2009 a mis en oeuvre un processus de convergence tarifaire des Ehpad.
La LFSS pour 2008 avait déjà introduit à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles la possibilité, pour le ministre chargé de la sécurité sociale, de fixer, par arrêté annuel, les tarifs plafonds ou règles de calcul de ces tarifs pour les établissements sociaux et médico-sociaux.
La LFSS pour 2009 est venue compléter ces dispositions pour les Ehpad en prévoyant que le ministre chargé de la sécurité sociale peut également établir les règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds.
En 2011, le processus de convergence a touché 1 093 Ehpad pour un montant d'économies réalisées de 17 millions d'euros. Entamé en 2009 et destiné à s'étendre jusqu'en 2016, il devrait générer un total de 130 millions d'euros d'économies sur la période.
Le 6 février 2012, un arrêté est venu exclure de la convergence les établissements qui ne sont pas encore entrés dans le processus de « pathossification ».
Le PLFSS pour 2013 prévoit l'arrêt de la convergence intersectorielle dans le secteur sanitaire. Effectuer une comparaison avec le secteur médico-social n'est cependant pas pleinement pertinent dans la mesure où, dans ce secteur, l'objectif n'est pas de faire converger deux catégories d'établissements historiquement soumises à des modes de tarification différents.
Il convient cependant de s'interroger sur l'importance des efforts demandés aux établissements se situant au-dessus des tarifs plafonds ainsi que sur le niveau de ces derniers, afin que ce processus, dont l'objectif premier devrait être d'assurer une plus grande équité entre les établissements, ne soit pas perçu comme un frein à leur développement ou comme la mise en cause de certaines structures injustement considérées comme trop richement dotées.
b) La mise en place d'enveloppes budgétaires propres liées à l'exercice de missions spécifiques
Tout comme dans le secteur sanitaire, il pourrait être jugé nécessaire de prévoir des dotations budgétaires spécifiques liées à l'exercice de certaines missions d'intérêt général insuffisamment valorisées par le système de tarification. De telles mesures trouveraient toute leur portée à partir du moment où serait devenu effectif le système de tarification à la ressource.
S'il est difficile de transposer tel quel le système des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) dans le secteur médico-social, une réflexion pourrait être engagée afin de définir les missions d'intérêt général, d'accompagnement des établissements et éventuellement de recherche susceptibles d'être prises en charge dans des dotations budgétaires propres.
3. Le besoin de réforme des services d'aide et d'accompagnement à domicile
L'article 55 bis du PLFSS pour 2013 met en place, à titre exceptionnel et pour une année, un fonds de 50 millions d'euros d'aide à la restructuration des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) financé à partir des réserves de la CNSA. Ce fonds d'urgence s'inscrit dans la continuité du premier dispositif introduit par l'article 150 de la loi de finances pour 2012 dont le montant était équivalent et qui devait être versé en deux temps, en 2012 puis 2013.
Faisant suite aux travaux menés par l'Igas et l'IGF 12 ( * ) ainsi que par Bérangère Poletti 13 ( * ) , le paragraphe II de l'article 150 de la loi de finances pour 2012 prévoit par ailleurs la possibilité pour les Saad d'engager, à compter du 1 er janvier 2012 et pour une durée maximum de trois ans, des expérimentations relatives aux modalités de tarification de ces services . Les conseils généraux peuvent être associés à ces expérimentations dont le cahier des charges a été publié au journal officiel le 21 septembre 2012.
Ce dernier précise les deux modalités de tarification pouvant être expérimentées :
- une tarification sous la forme d'un forfait global négocié ;
- une tarification horaire , assortie le cas échéant d'une dotation de valorisation de missions d'intérêt général spécifiques.
Dès le début de l'année 2012, plusieurs départements dont ceux du Doubs et des Côtes-d'Armor se sont engagés dans l'expérimentation du forfait global en partenariat avec l'assemblée des départements de France (ADF).
Tout en soulignant l'importance des mesures mises en oeuvre à l'article 55 bis , votre rapporteur insiste sur le caractère structurant que peuvent jouer ces expérimentations tarifaires dans la perspective d'une réforme plus générale du secteur des Saad.
* 11 Igas, « Financement des soins dispensés dans les établissements pour personnes âgées dépendantes - évaluation de l'option tarifaire dite globale », octobre 2011.
* 12 Igas/IGF, Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d'aide à domicile en direction des publics fragiles.
* 13 Bérangère Poletti, Mission relative aux difficultés financières de l'aide à domicile et aux modalités de tarification et d'allocation de ressources des services d'aide à domicile pour publics fragiles, janvier 2012.