Rapport n° 77 (2012-2013) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 octobre 2012
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N° 77
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 octobre 2012 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l' océan Indien ,
Par M. André TRILLARD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Odette Duriez, MM. Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
7 , 126 et T.A. 5 |
|
Sénat : |
714 (2011-2012) et 78 (2012-2013) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Dès la fin de la seconde Guerre mondiale, s'est opérée une prise de conscience de la nécessité d'une gestion raisonnée des stocks halieutiques. C'est dans cette perspective, et sous l'égide de la FAO (Food and Agriculture Organization), créée le 16 octobre 1945 au sein du système des Nations unies, qu'ont été progressivement créées des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP).
Le présent accord, signé à Rome le 7 juillet 2006, vise à créer une nouvelle ORGP couvrant les espèces non thonières en haute mer dans le sud de l'océan Indien.
Cette région est déjà régie par plusieurs ORGP dont l'objet est, soit la conservation des espèces spécifiques, comme celle dévolue aux thons de l'océan Indien (CTOI), et à celle des thons rouges du sud de cet océan (CCSBT), ou à des zones géographiques, comme l'accord de gestion des pêches du sud de l'océan Indien (APSOI) couvrant la haute mer.
L'instauration d'une nouvelle ORGP complète opportunément le dispositif existant.
I. L'OCÉAN INDIEN REPRÉSENTE, POUR LA FRANCE, UN QUART DE SA ZONE ÉCONOMIQUE EXCLUSIVE
Les compétences françaises en matière de pêche ont été entièrement transférées à l'Union européenne, avec une exception pour les pays et territoires d'outre-mer non inclus dans le territoire de l'Union. L'Union européenne est déjà partie au présent accord car, dans le sud de l'océan Indien, elle a, comme la France, le statut d'État côtier , au titre de l'île de la Réunion, et celui d'État pêcheur, car plusieurs navires battant pavillon de pays de l'Union y pratiquent la pêche. La France a la qualité pour devenir partie à l'accord, en son nom propre, car les territoires d'Amsterdam et de Crozet sont des pays et territoires d'outre-mer.
Notre pays participe activement au renforcement de la gouvernance des pêches : elle est ainsi membre actif de la plupart des ORGP mondiales thonières et non thonières.
S'agissant de l'océan Indien, la France a un intérêt particulier à ratifier cet accord puisque l'insularité qui caractérise les territoires français présents dans cette zone lui confère une zone économique exclusive (ZEE) de 2,7 millions de km², soit environ un quart du domaine maritime français.
L'océan Indien représente un quart des captures de la flotte de pêche française, tous poissons confondus, et 62 % des prises de thonidés (cette proportion est de 3,5 % pour l'Atlantique, et de 1,9 % pour le Pacifique). La frontière entre sa ZEE et la haute mer est une des plus longues dans la zone de compétence de l'accord : notre pays est donc un État côtier majeur qui doit veiller à ce que la pêche réalisée dans sa ZEE ne soit pas altérée par une surpêche qui aurait lieu en face de sa ZEE . Cet accord lui permettra de défendre ses ressources naturelles, en particulier les stocks pélagiques dits « chevauchants » (c'est-à-dire circulant entre sa ZEE et la haute mer), qui se situent majoritairement dans les eaux internationales jouxtant sa ZEE. Il lui donne également les moyens de combattre la surpêche pratiquée, en face de sa ZEE, par des États cherchant à optimiser leurs droits de pêche hors-ZEE tant que l'accord n'est pas entré en vigueur.
Deux ORGP existent déjà dans cette zone : la Commission du thon de l'océan Indien, compétente pour le thon et les espèces apparentées et couvrant les ZEE et la haute mer, et la Commission des pêches de l'océan Indien du Sud-Ouest . La France est membre de ces deux organismes.
Mais aucune ORGP ne couvrait les espèces non thonières en haute mer. Le présent accord vise précisément à protéger ces espèces.
Il a pour objectif d'assurer la conservation à long terme et l'utilisation durable des ressources halieutiques dans l'océan Indien du sud-ouest par la coopération entre les Etats, et d'y promouvoir le développement durable des pêches. Cet objectif passe par le suivi de l'état des ressources halieutiques et de leur niveau d'exploitation, l'évaluation de l'impact de la pêche sur ces ressources halieutiques et le milieu marin, la coordination avec les États côtiers pour la conservation et la gestion des stocks chevauchants qui circulent entre les eaux sous juridiction de ces États et la haute mer, et l'élaboration d'un ensemble normatif visant, notamment, à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite « pêche INN ».
Le budget de la future organisation, en cours de création, sera comparable à celui de l'ORGP du Pacifique Sud, soit 600 000 euros par an, dont 30 000 à la charge le la France.
II. BILAN DES ORGP DÉJÀ EXISTANTES DANS LA ZONE
La coordination entre ces ORGP doit être renforcée , notamment par l'établissement de listes communes de navires pratiquant la pêche illicite, ces listes n'étant pas encore toutes harmonisées, et par des échanges d'informations plus systématiques sur les registres de navires autorisés.
L'activité de la commission des pêches non-thonières pour le sud de l'océan Indien (APSOI), est encore très limitée . Seules, à ce jour, existent des mesures intérimaires de gestion relatives à la déclaration des données de captures. Afin de pouvoir définir, sur la base de ces données de captures, un partage équitable de la ressource, il convient de mettre en oeuvre, effectivement, la convention avec la réunion du secrétariat qui en est l'organe exécutif. A l'heure actuelle, hormis ces mesures intérimaires, les seules règles applicables dans la zone de la convention sont les résolutions des Nations unies sur la gestion durable des pêches.
Ces règles générales découlent du cadre instauré par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) du 10 décembre 1982 pour la gouvernance des espaces marins.
Dans les zones relevant de leur juridiction nationale (la mer territoriale jusqu'à une distance de 12 milles marins à partir des côtes, la zone économique exclusive ou ZEE jusqu'à une distance de 200 milles à partir des côtes), les Etats côtiers détiennent des prérogatives qui se traduisent, en matière de pêche, par un droit exclusif sur l'exploitation et l'exploration des ressources halieutiques . En contrepartie de cette allocation d'espaces marins à leur profit, les Etats côtiers ont la responsabilité d'assurer la bonne gestion des ressources vivantes qui s'y trouvent . Ils ont l'obligation de veiller à ce que la conservation de ces ressources ne soit pas compromise par leur surexploitation et doivent, à cette fin, prévoir la fixation de volumes totaux admissibles de captures établis sur la base de critères scientifiques, selon la méthode du rendement maximum soutenable.
Dans les espaces situés au-delà des zones sous juridiction, c'est-à-dire en haute mer, c'est toujours le principe de la liberté de la pêche - corollaire du principe général de la liberté des mers - qui prévaut. Cependant, les océans apparaissant fragilisés et menacés par la diversité et l'intensité des activités humaines, le principe de liberté en matière de pêche est de plus en plus limité dans les faits, grâce à de nouveaux accords internationaux.
L'instrument essentiel est l'accord de 1995 relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs . Le rôle des organisations régionales de pêche dans la gestion des ressources a été également renforcé. Tout Etat dont la flotte souhaite pêcher dans les zones de ces organisations doit y adhérer ou, tout au moins, faire respecter les mesures qu'elles édictent par ses navires . Les Etats sont également incités à coopérer pour créer des organisations de gestion des pêches dans les zones où il n'en existe pas.
Dans les zones de compétences des différentes ORGP existantes, les règles de gestion des pêches utilisent les mécanismes suivants :
- l'allocation de quotas de pêche, en fonction des antériorités de chaque entité de pêche,
- l'allocation de quotas d'effort de pêche, en fonction des antériorités de chaque entité de pêche en matière d'effort,
- le respect de fermetures spatio-temporelles ou de moratoires,
- le suivi de l'activité de pêche par journaux de bord, électroniques ou non,
- le contrôle et la déclaration de captures débarquées,
- la répression des pêcheries illégales non-déclarées ou non-réglementées via notamment l'interdiction de débarquement.
L'Accord de 1995 sur les stocks de poissons chevauchants et les poissons grands migrateurs a constitué une étape décisive dans l'établissement d'un régime juridique global pour la conservation et l'exploitation durables de ces ressources.
Le Code de conduite pour une pêche responsable, adopté par une conférence de la FAO en 1995, est non contraignant et s'adresse aux membres, aux entités se livrant à la pêche, aux organisations sous-régionales, régionales et mondiales, gouvernementales et non gouvernementales et aux personnes impliquées dans la conservation des ressources halieutiques et l'aménagement et le développement des pêches, comme les pêcheurs et les entreprises actives dans la transformation et la commercialisation du poisson et des produits de la pêche. Le Code contient des principes et des normes applicables à la conservation, à l'aménagement et au développement de toutes les pêcheries, et traite de la capture, de la transformation et du commerce du poisson et des produits de la pêche, des opérations de pêche, de l'aquaculture, de la recherche scientifique halieutique et de l'intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières.
La flotte française de pêche active dans la zone couverte par le présent accord est équipée de journaux de bord et de dispositifs de suivi satellitaire (VMS - Vessel Monitoring System). Lorsque les navires opèrent dans les eaux sous juridiction française des Terres australes et antarctiques française (TAAF), ils embarquent des contrôleurs de pêche désignés par l'autorité administrative compétente (le préfet des TAAF). Pour lutter contre la pêche INN, la France dispose de moyens de surveillance (patrouilleurs des affaires maritimes et de la Marine Nationale) en coopération avec d'autres Etats côtiers tels que l'Australie et l'Afrique du Sud/ Des accords bilatéraux de surveillance des pêches ont été conclus avec ces pays. Enfin, la pêche fait l'objet d'un suivi scientifique assuré par l'Ifremer et le Muséum National d'Histoire Naturelle.
La France est impliquée dans la zone au titre de 4 sociétés d'armements (SAPMER, CAP Bourbon, la COMATA et Pêche Avenir) et pour au moins quatre navires (un navire par armement, d'une longueur de 35 à 55 mètres).
Ces navires effectuent des campagnes de 2 à 3 mois, essentiellement dans les eaux sous juridiction française incluses dans la zone de compétence de la CCAMLR, organisation voisine de la SIOFA. Les temps de pêche de ces navires dans la zone SIOFA sont limités, comme les volumes. Les captures (réalisées essentiellement de la légine) sont bien valorisées commercialement, environ 20 €/kg au débarquement, et transformées et conditionnées à La Réunion, puis exportées essentiellement sur le marché nord-américain.
CONCLUSION
Sur les onze Etats ou entités signataires (Australie, Comores, Union européenne, France, Iles Cook, Kenya, Madagascar, Maurice, Mozambique, Nouvelle-Zélande et Seychelles), quatre ratifications seulement sont intervenues à ce jour : celles des Seychelles en 2006, de l'Union européenne en 2008, de Maurice en 2010, et de l'Australie en mars 2012.
La France doit donc ratifier cet accord qui tarde à entrer en vigueur, et qui protègera ses intérêts dans l'océan Indien.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 24 octobre 2012 sous la présidence de M. Daniel Reiner, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.
La commission a adopté le projet de loi et a proposé son examen sous forme simplifiée en séance publique.
ANNEXE I -
ETAT DES RATIFICATIONS
ANNEXE II -
LES ORGANISATIONS RÉGIONALES DE GESTION DE LA
PÊCHE (ORGP) (SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE)
Les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) sont des organismes internationaux mis en place par des pays ayant des intérêts en matière de pêche dans une zone géographique spécifique. Certaines organisations sont chargées de gérer l'ensemble des stocks de poissons d'une zone donnée. D'autres se concentrent sur des espèces hautement migratoires, comme le thon, évoluant au sein de zones géographiques beaucoup plus vastes.
Les ORGP sont constituées à la fois de pays dits «côtiers», situés dans la région concernée, et de pays ayant des intérêts dans les pêcheries de cette région. Si certaines ORGP ont un rôle purement consultatif, la plupart ont le pouvoir de fixer des limites aux captures et à l'effort de pêche, de définir des mesures techniques et de contrôler l'application des obligations. L'Union européenne, représentée par la Commission, joue un rôle actif dans six ORGP chargées spécifiquement de la pêche au thon, et dans onze autres ORGP.
ORGP gérant les espèces hautement migratoires (principalement le thon) :
- ICCAT - Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA)
- IOTC - Commission des thons de l'océan Indien (CTOI)
- WCPFC - Commission des pêches pour le Pacifique occidental et central (COPACO)
- IATTC - Commission interaméricaine du thon tropical (CIATT)
- Accord relatif au programme international pour la conservation des dauphins (APICD, organisme lié à la CIATT)
- Commission pour la conservation du thon rouge du Sud (CCSBT)
ORGP gérant les stocks de poissons par zone géographique :
- NEAFC - Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE)
- NAFO - Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO)
- NASCO - Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord (OSCAN)
- SEAFO - Organisation des pêches de l'Atlantique du Sud-Est (OPASE)
- Accord relatif aux pêches dans le sud de l'océan Indien (SIOFA)
- SPRFMO - Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud (ORGPPS)
- Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR)
- GFCM - Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM)
- CCBSP - Convention sur la conservation et la gestion des ressources en colin dans la partie centrale de la mer de Béring (CCPMCBS)
L'Union européenne participe également à deux ORGP ayant un rôle purement consultatif :
- Commission des pêches pour l'Atlantique Centre-Ouest (COPACO)
- Comité des pêches de l'Atlantique Centre-Est (COPACE)