II. L'ACCORD D'ENTRAIDE JUDICIAIRE PÉNALE ENTRE LA FRANCE ET LE LIBAN

A. L'ORIGINE DE LA CONVENTION

Au mois de juillet 2003, à la faveur de la visite officielle effectuée au Liban par le Garde des Sceaux de l'époque, M. Dominique Perben, les autorités françaises ont proposé aux autorités libanaises d'ouvrir la négociation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et d'une convention d'extradition. Accueillie favorablement, cette initiative a cependant rapidement échoué du fait de la volonté initiale du Liban de voir les discussions porter également sur la matière civile, domaine devenu, consécutivement à l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, en 1999, une compétence externe exclusive de l'Union européenne.

En février 2006, les autorités libanaises ont manifesté leur intention de relancer la négociation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et d'une convention d'extradition. Du fait de l'instabilité institutionnelle présentée à l'époque par le Liban, la France a alors préféré différer l'engagement d'un tel processus.

Au mois de mai 2007, une mission d'évaluation d'experts français s'est rendue à Beyrouth à l'effet d'identifier et d'analyser les points de blocage entravant habituellement la coopération judiciaire en matière pénale entre les deux pays. A cette occasion, la Partie libanaise a, à nouveau, fait part de sa disponibilité à mener les négociations envisagées.

Au mois d'avril 2009, prenant acte des réels efforts manifestés, en matière coopération judiciaire pénale, par la Partie libanaise et au vu du nombre de demandes d'entraide judiciaire échangées par les deux pays, la France a finalement décidé de reprendre la négociation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et transmis un projet de texte, à cette fin, aux autorités libanaises.

A la suite de contre-propositions libanaises, un consensus a pu rapidement se dégager autour d'un texte signé par les deux Parties lors de la visite officielle en France du Président du Conseil du Liban, M. Saad Hariri, au mois de janvier 2010.

Le 21 janvier 2010, le ministre français de la justice et le ministre de la justice du Liban ont signé, à Paris, une convention d'entraide judiciaire en matière pénale.

La France et le Liban sont d'ores et déjà tous deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, en l'occurrence la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984, la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, et la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York le 15 novembre 2000.

En marge de ces instruments particuliers, la France et le Liban ne sont liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral ou multilatéral de coopération judiciaire en matière pénale. Celle-ci s'effectue donc au titre de la réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale.

Cette coopération rencontre, depuis plusieurs années, de fréquentes difficultés de mise en oeuvre. En particulier, en matière économique et financière, les demandes d'entraide adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités libanaises ne sont souvent que partiellement exécutées, dans des délais par ailleurs excessifs, voire ne reçoivent aucune exécution. En sens inverse, les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires libanaises achoppent lorsqu'elles portent sur des faits passibles de la peine capitale au Liban.

En termes de flux, depuis 2000, ce sont soixante demandes d'entraide qui ont été adressées par les autorités judiciaires françaises aux autorités libanaises. A ce jour, onze demandes sont en attente d'exécution. Sur la même période, le Liban a adressé dix-huit demandes d'entraide à la France. A ce jour, une demande reste en cours d'exécution.

L'un des principaux obstacles à une entraide judiciaire efficace tient au secret bancaire au Liban. De nombreuses demandes françaises concernent des faits de délinquance financière (escroqueries, abus de biens sociaux ou abus de confiance). Lorsque des identifications bancaires ou des gels d'avoirs sont sollicités par les magistrats français, les autorités libanaises demeurent généralement silencieuses, obligeant les juridictions françaises à multiplier les lettres de relance. S'ajoutent à cette mauvaise volonté, un système déficient de lutte contre le blanchiment et un manque de formation des magistrats libanais sur ces contentieux spécifiques. Depuis 2005, le secret bancaire a été opposé une vingtaine de fois pour justifier l'inexécution des demandes françaises. Il l'a été notamment dans le cadre de l'affaire dite « Thalès international », instruite par le juge Renaud Van Ruymbeke.

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