B. DES RESTRICTIONS LIMITÉES À DES CIRCONSTANCES PRÉCISES
En effet, seul le législateur peut apporter au droit de grève les limitations nécessaires à la sauvegarde de l'intérêt général. Des aménagements sont justifiés par le besoin d'assurer sa conciliation avec d'autres principes constitutionnels.
Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a une nouvelle fois énoncé au dixième considérant de sa décision 3 ( * ) sur la loi du 21 août 2007, « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ». La présente proposition de loi ne se situe pas dans un tel cas de figure , le transport aérien étant un secteur libéralisé, concurrentiel et qui n'est soumis qu'à de très rares obligations de service public.
C'est aussi au nom de ce principe que l'article L. 2512-2 dispose que l'exercice du droit de grève des fonctionnaires et des salariés d'entreprises privées chargées de la gestion d'un service public est soumis au dépôt d'un préavis de cinq jours durant lequel « les parties intéressées sont tenues de négocier ». Cette règle ne s'applique, dans le champ du présent texte, qu'aux agents de sûreté aéroportuaire, sans toutefois avoir permis d'éviter le conflit si médiatisé de l'hiver 2011.
Le législateur a également habilité le préfet, en vertu de ses pouvoirs de police administrative, à réquisitionner en cas d'urgence des salariés grévistes si le bon ordre, la salubrité, la tranquillité ou la sécurité publiques sont menacés et si les moyens dont il dispose sont insuffisants pour faire face à cette menace (art. L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales). Le recours à ces dispositions semble toutefois peu vraisemblable dans le cas du transport aérien. Si le Conseil d'Etat 4 ( * ) a pu accepter que des réquisitions aient lieu « lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l'ordre public », le cas d'espèce était celui des employés d'une raffinerie vitale à l'approvisionnement de la région parisienne.
Justifier, comme le fait l'auteur de la proposition de loi, les limitations que le texte impose au droit de grève par la conciliation avec la sauvegarde de l'ordre public n'apparait pas juridiquement fondé dans le cas du transport aérien de passagers. Les perturbations du trafic, qui peuvent effectivement être la cause de situations d'engorgement des terminaux aéroportuaires et de désordres résultant des tensions suscitées par de telles circonstances, sont très majoritairement liées à des événements climatiques : intempéries, vague de froid ou encore retombées de l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll au printemps 2010. Et lorsque c'est un conflit social qui a des conséquences sur le trafic aérien, ce n'est pas en pénalisant les salariés dans leur exercice du droit de grève qu'il sera réglé plus rapidement mais plutôt en insistant sur la nécessité d'un dialogue entre les parties, non pas contraint par la loi mais librement accepté par tous dans le cadre de relations sociales apaisées, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas à l'heure actuelle.
* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007.
* 4 CE juge des référés, 27 octobre 2010, Fédération nationale des industries chimiques CGT, n° 343966.