II. LES ÉVOLUTIONS LIÉES À L'INITIATIVE DE GOOGLE

La numérisation du patrimoine littéraire, permettant un accès universel aux contenus culturels, est un projet enthousiasmant dont le principe ne peut qu'emporter l'adhésion. Le projet de création d'une bibliothèque numérique européenne, Europeana, reposait sur une mise en commun des oeuvres libres de droits de toutes les bibliothèques et invitait les musées à numériser leurs archives pour qu'elles y soient intégrées.

Pourtant ce projet n'a pas répondu aux attentes, tant s'agissant de la quantité des ouvrages accessibles que de la technique rendant fastidieuse la lecture des oeuvres numérisées. Le débat sur l'importance de l'accompagnement technique de la numérisation a ainsi été relancé, la difficulté majeure étant celle du coût.

Dans ce contexte, l'offre « clé en main » proposée par Google, qui envisage de numériser près de 30 millions d'ouvrages sur la base des accords passés avec vingt-neuf bibliothèques, a mis en évidence les enjeux du débat : d'un côté, la démocratisation de l'accès à la culture, et de l'autre, la crainte d'une confiscation du patrimoine littéraire par une entreprise privée.

A. LES BIBLIOTHÈQUES NUMÉRIQUES

Google Books est l'un des nombreux projets de « bibliothèques dématérialisées » qui ont vu le jour : le programme Universal Library , aussi appelé the Million Book Project , a achevé en 2007 la numérisation d'un million de livres accessibles gratuitement en ligne grâce à des partenariats en Inde, en Chine et aux États-Unis. La première bibliothèque digitale précède même la création d'Internet : il s'agit du projet Gutenberg, qui a numérisé 38 000 oeuvres du domaine public depuis 1971.

L'ambition de Google Books est néanmoins beaucoup plus large, puisque le groupe s'est donné pour objectif de scanner les 129 millions d'ouvrages qui, selon ses études, constituent l'ensemble du patrimoine livresque mondial. A la différence d'autres projets, l'accent est mis sur la diffusion et l'accès le plus large possible aux oeuvres via Internet. Depuis son lancement en 2002, le projet a mis en ligne plus de 35 millions d'oeuvres et développé de nombreux outils numériques permettant de les exploiter.

Google Recherche de Livres permet notamment depuis 2007 de rechercher un titre parmi les livres numérisés, et d'en visionner le contenu intégral s'il fait partie du domaine public ou seulement quelques extraits s'il est encore soumis aux droits d'auteur ou sous contrat d'édition. Dans ce dernier cas, Google redirige l'internaute vers des sources d'information sur le livre et des plateformes d'achat en ligne qui le proposent. Aucune publicité n'apparaît lors des recherches de livres du domaine public, et seulement sur autorisation de l'éditeur pour les livres non libres de droits.

Afin d'alimenter son fonds, Google a mis en place deux types de partenariats : des contrats d'exploitation non exclusive avec des éditeurs, et des accords aux modalités variées avec des bibliothèques.

Parmi les 28 bibliothèques ayant passé des accords se trouvent d'importants centres universitaires comme Harvard, Columbia ou Oxford, mais aussi des bibliothèques publiques dont la bibliothèque municipale de Lyon (500 000 ouvrages). Selon M. Gérard Collomb, sénateur et maire de Lyon, la mise en ligne du fonds de livres anciens répond « à la fois à un souci de sauvegarde, grâce aux copies numériques, mais aussi de valorisation et d'accessibilité grâce aux immenses possibilités de lecture à distance. » 2 ( * ) Les bibliothèques ont le choix des livres à numériser ainsi que de leur format. Une copie des fichiers est transmise à la bibliothèque, et Google Books les exploite en exclusivité pendant dix à vingt ans .

Le problème est que les bibliothèques ne disposent du droit de reproduction des ouvrages que dans des conditions très limitées (l'exception bibliothèque qui concerne les ouvrages pour lesquels la numérisation est un moyen de sauvegarde), et du droit de représentation sur support numérique, dans des conditions très précises. En effet, l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle autorise « la reproduction d'une oeuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public ».


* 2 Propos cités dans la présentation de Google Books sur son site web : http://books.google.fr.

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