III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : SOUTENIR L'OUVERTURE DU DROIT DE VOTE ET D'ÉLIGIBILITÉ AUX ÉTRANGERS NON EUROPÉENS

Votre commission a estimé nécessaire que le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales soit accordé aux ressortissants des États non européens.

Plusieurs séries d'arguments ont emporté son adhésion :

- tout d'abord, elle a constaté que les étrangers établis depuis plusieurs années sur le sol français étaient investis dans la vie collective de leur commune, et elle a jugé indispensable, pour garantir la pleine intégration des personnes concernées, de parachever cette implication et de lui donner une consécration juridique ;

- la différence de traitement qui existe aujourd'hui entre les étrangers européens et les autres étrangers n'est plus compréhensible et conduit à des situations parfois absurdes : elle permet en effet à des ressortissants d'un État de l'Union de voter en France alors qu'ils n'y sont établis que depuis quelques mois, quand les ressortissants de l'ensemble des autres États sont exclus de toute participation à la vie civique, même lorsqu'ils résident en France depuis plusieurs décennies ;

- la réforme est soutenue non seulement par de nombreux maires, comme le démontrent les « votations citoyennes » organisées chaque année 17 ( * ) et l'« appel de Strasbourg » de 2010 18 ( * ) , mais aussi par une partie de plus en plus large de l'opinion publique 19 ( * ) ;

- enfin, aucun des arguments avancés pour refuser l'octroi du droit de vote aux étrangers non européens ne semble assez pertinent pour justifier que la démocratie, dont l'histoire doit être celle d'un élargissement continu du droit au suffrage, demeure incomplète 20 ( * ) .

En somme, votre commission soutient le dispositif adopté par les députés en 2000 dans la mesure où il permet à la fois de ne pas remettre en cause le principe de souveraineté (puisqu'il exclut la participation, même indirecte, des étrangers aux élections parlementaires et n'a pas d'impact sur l'article 3 de la Constitution), et de déconnecter la citoyenneté de la nationalité afin de créer une « citoyenneté résidentielle » , c'est-à-dire une citoyenneté fondée sur l'appartenance à une collectivité d'hommes et de femmes à laquelle chacun est lié par une communauté de destin qui va au-delà des statuts juridiques et des origines des uns et des autres.

Par ailleurs, votre commission a approuvé le choix effectué par les députés en matière de réciprocité : si cette condition n'a pas de conséquence sur l'effectivité de l'article 88-3 (l'ensemble des États membres de l'Union européenne a ratifié le traité de Maastricht, si bien que la réciprocité est par définition réalisée), elle reviendrait à vider le présent texte de son contenu.

De même, considérant que la loi organique fixant les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau droit relèverait de la priorité accordée au Sénat par l'article 39 (puisqu'il s'agit d'appliquer un article du titre XII relatif aux collectivités territoriales), votre commission a jugé que les droits de la Haute Assemblée étaient garantis : elle n'a donc pas estimé nécessaire de prévoir, comme le fait l'article 88-3 de la Constitution, que cette même loi organique devrait être votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées.

Votre commission a toutefois constaté que la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale présentait, du fait de son ancienneté, une imperfection technique : votée en 2000, c'est-à-dire avant la révision constitutionnelle de 2003, elle insère en effet le dispositif ouvrant le droit de vote aux étrangers non originaires d'un pays de l'Union européenne à l'article 72-1 de la Constitution. Or, si cet article n'existait pas en 2000, il a depuis lors été créé par le constituant, qui y a fait figurer les dispositions relatives à l'association des citoyens à l'élaboration des décisions locales (et notamment au référendum local) : dès lors, l'adoption du présent texte sans modification entraînerait de facto la suppression des dispositions actuelles de l'article 72-1. C'est pourquoi votre commission, constatant qu'il était nécessaire de modifier le texte adopté par les députés pour garantir sa bonne insertion dans la Constitution, a adopté un amendement de sa rapporteure afin d'introduire le droit de vote des étrangers non issus d'un État membre de l'Union européenne dans un nouvel article 72-5.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.


* 17 40 000 personnes ont participé à de telles votations en 2002, 67 000 en 2005 et 77 000 en 2006.

* 18 Le texte de cet « appel » est disponible à l'adresse suivante :

http://www.oui-droitdevotedesetrangers.org/2011/02/16/appel-des-maires-pour-le-droit-de-vote-des-residents-etrangers/

* 19 A titre d'exemple, selon un sondage BVA publié la veille de l'examen du présent texte en commission par le journal « Le Parisien », 61 % des Français seraient favorables à l'ouverture du droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections municipales.

* 20 Voir infra, commentaire de l'article 1 er , pour une analyse détaillée de ces arguments.

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