4. Une institutionnalisation du cumul des mandats au détriment de la nécessaire proximité avec les citoyens
Peu opportun, le conseiller territorial ne pourra, par définition, assurer une présence effective auprès de ses mandants. Obligé de faire des allers-retours incessants entre sa circonscription d'élection, le chef-lieu de département et le chef-lieu de la région, le conseiller territorial sera en effet un représentant absent et coupé des préoccupations des citoyens. Il sera, en outre, un élu « schizophrène » , forcé d'adopter des logiques de raisonnement divergentes en fonction de l'assemblée où il siège -ce qui ne favorisera pas l'exercice serein des responsabilités qui lui ont été confiées.
Votre rapporteur considère que ce cumul obligatoire des mandats est d'autant plus dérangeant que le gouvernement n'a pas jugé bon de l'adosser à un durcissement de la législation sur la limitation du cumul des mandats, alors même qu'il s'y était engagé en séance publique 16 ( * ) .
Ce système chronophage, illogique et incohérent va à rebours des attentes de nos concitoyens, qui souhaitent que leurs élus soient disponibles, présents sur le « terrain » et se consacrent pleinement au mandat qu'ils leur ont confié.
5. Des assemblées délibérantes ingouvernables
La création des conseillers territoriaux a également pour corolaire le grossissement des conseils régionaux et la diminution des effectifs des conseils généraux ; or, cette double évolution est susceptible de rendre ces assemblées peu adaptées à leurs missions.
Tout d'abord, en ce qui concerne les conseils régionaux, la répartition des conseillers territoriaux issue de la loi du 27 juillet 2011 met en place des conseils pléthoriques dans plusieurs régions : dans cinq d'entre elles 17 ( * ) , l'assemblée régionale comptera ainsi plus de 200 membres, et même plus de 300 en Île-de-France. Cette situation ne va pas sans poser de lourds problèmes pratiques : il sera extrêmement complexe de réunir une assemblée aussi nombreuse, si bien que la majorité des décisions sera prise par le bureau et ne sera qu'avalisée par le conseil régional, qui n'aura pas l'occasion de mener un véritable débat sur les dossiers qui ressortissent de sa compétence.
Parallèlement, certains conseils généraux verront leurs effectifs très fortement réduits à la suite de la réforme, ce qui créera vraisemblablement des difficultés de fonctionnement : relevons que treize départements auront 20 élus ou moins, ce qui semble insuffisant pour administrer des territoires parfois vastes et pour régler l'ensemble des questions qui relèvent de la compétence des départements.
* 16 Ce sujet devait être abordé dans le cadre du projet de loi n° 61 (2009-2010) relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, dont le gouvernement n'a cessé de repousser l'inscription à l'ordre du jour.
* 17 Il s'agit des régions Aquitaine, Île-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Rhône-Alpes.