N° 35

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 octobre 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances rectificative , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2011 ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice,

Rapporteure générale

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3804 , 3816 et T.A. 749

Sénat :

30 (2011-2012)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'un troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011 moins de six semaines après l'adoption du précédent. L'examen de ce texte par notre assemblée intervient une semaine après sa présentation en Conseil des ministres.

La raison du dépôt d'un projet de loi de finances rectificative relatif à l'octroi de la garantie de l'Etat à Dexia est juridique. En effet, le 5° du II de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose que la loi de finances « autorise l'octroi des garanties de l'Etat et fixe leur régime ». La raison de la rapidité de son examen tient à la volonté du Gouvernement de voir ces dispositions entrer en vigueur avant la promulgation de la loi de finances pour 2012.

I. DEXIA : UN GROUPE ENGAGÉ, DEPUIS 2008, DANS UNE LUTTE POUR SA SURVIE

A. LE LOURD HÉRITAGE DES ANNÉES FOLLES

Dexia est née, en 1996, du rapprochement du Crédit local de France 1 ( * ) , banquier historique des collectivités locales, et du Crédit communal de Belgique. Elle a été introduite en Bourse en 1999 et cotée à Paris, Bruxelles et Luxembourg. A partir d'un coeur de métier bien défini, le financement aux collectivités locales, Dexia s'est considérablement diversifiée et internationalisée. Elle est également présente dans la banque de détail et dans les services aux investisseurs. Avant son premier sauvetage en 2008, elle possédait des filiales ou des participations dans de très nombreux pays (Etats-Unis, Australie, Japon, etc.).

En réalité, les difficultés actuelles du groupe Dexia trouvent leurs racines dans la stratégie qu'il a menée depuis le milieu des années 1990 jusqu'à son premier sauvetage en octobre 2008. Lors de son audition devant la commission des finances, Pierre Mariani, administrateur délégué de Dexia, a rappelé les nombreux errements de l'équipe dirigeante à laquelle il a succédé :

« L'heure n'est pas encore au bilan, mais permettez-moi de revenir sur l'origine des difficultés du groupe. Loin d'être dissimulée, sa stratégie était clairement exposée dans le document stratégique présenté en septembre 2006 aux marchés financiers, autour de quatre priorités.

« Premier axe : l'expansion internationale, ou la conquête du monde . Il s'agissait de faire de Dexia le leader mondial du financement des collectivités locales. Seuls manquaient au tableau l'Inde et la Chine ; entre la privatisation et 2008, les encours de crédits étaient passés de 60 à environ 400 milliards d'euros.

« Deuxième axe : le développement de FSA, assurance des collectivités locales, et des monolines pour crédits subprimes aux Etats-Unis . Dexia devait apporter une "vision d'expertise", et assurait faire preuve de "prudence" dans l'assurance de subprimes, identifiée comme le principal secteur d'expansion aux Etats-Unis. À l'automne 2008, le rehaussement de crédit des collectivités locales américaines représentait environ 400 milliards de dollars, et l'assurance d'asset backed securities (ABS) aux Etats-Unis environ 115 milliards de dollars.

« Troisième axe : la sophistication croissante de l'offre de crédit aux collectivités locales , autour de crédits structurés, présentés comme un gage de modernité. Dexia offrait à ses clients 3 produits différents en 1995, 167 en 2006 et 224 à l'automne 2008 !

« Quatrième priorité stratégique : le renforcement des portefeuilles obligataires , passés de 50 milliards d'euros à 225 milliards d'euros, soit 25 fois les fonds propres de la banque, contre une moyenne européenne de 4 à 5, et un ratio de 7 à 8 pour les banques allemandes ! ».

Au total, cette stratégie a conduit Dexia à affronter un « mur de la dette à court terme » qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de refinancer. Pierre Mariani a indiqué qu'en octobre 2008, le bilan était financé à 43 % à court terme, soit « 260 milliards d'euros de besoins de financement à court terme - l'équivalent de la dette de la Grèce ». Selon lui, il s'agit là du « péché originel » de la banque.

L'évaluation préalable annexée à l'article 4 du présent projet de loi confirme cette analyse : « la situation de Dexia est très spécifique parmi les banques européennes, notamment du fait d'un déséquilibre bilanciel dû au financement à court terme de portefeuilles obligataires de maturité longue . A fin juin 2011, le montant du financement court terme de Dexia s'élevait encore à 96 milliards d'euros, ce qui constitue une amélioration notable par rapport à la situation de fin 2008 ».

Par ailleurs, Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), actionnaire à hauteur de 20 % de Dexia SA, a estimé, devant la commission des finances le 12 octobre, que si la société était bien gérée depuis 2008, « [il n'exonérait] rien avant cette date ». En particulier, il s'est étonné de certaines dérives dans les pratiques commerciales dans le courant des années 2000.

Augustin de Romanet, directeur général de la CDC, lors de la même audition, a lui-même fait valoir que, en tant que représentant de la CDC au conseil d'administration de Dexia SA, il s'était « vivement opposé à Axel Miller lors d'un conseil d'administration en juillet 2008, mais [...] les mauvaises décisions avaient déjà été prises ». Il a estimé que les risques pris par Dexia avaient clairement été sous-estimés .


* 1 Le Crédit local de France est lui-même l'héritier d'un établissement public, la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales, la CAECL.

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