B. LA RÉFORME DU RÈGLEMENT DU SÉNAT DU 2 JUIN 2009
Adoptée le 2 juin 2009, la résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat a tiré les conséquences, notamment, du nouvel article 51-1 de la Constitution.
Cette résolution a été le fruit d'un travail intense et constructif, au sein d'un groupe de travail pluraliste, sous la présidence de notre collègue Gérard Larcher, président du Sénat, et dont nos collègues Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest ont été les rapporteurs. Lors de son audition par votre rapporteur, le président Yvon Collin a d'ailleurs reconnu l'excellente qualité des travaux de ce groupe, qui a fait droit au traditionnel pluralisme sénatorial.
L'exposé des motifs de la proposition de loi énumère d'ailleurs fort justement les droits nouveaux qui en sont résultés pour les groupes en matière d'information et de contrôle, mais également d'expression du pluralisme, en complément des avancées de la révision constitutionnelle :
- « droit de tirage » pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information (article 6 bis du règlement), sous la seule réserve, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, de la recevabilité de la création de la commission d'enquête ;
- partage entre la majorité et l'opposition des fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information (article 6 bis du règlement) ;
- désignation à la proportionnelle des groupes des représentants du Sénat dans les organismes extraparlementaires (article 9 du règlement) ;
- consultation des présidents de groupe politique pour la composition des commissions mixtes paritaires (article 12 du règlement) ;
- faculté pour les groupes de faire annexer leur opinion aux rapports législatifs des commissions (article 28 ter du règlement) ;
- au sein de la Conférence des présidents, pondération des votes en fonction de l'importance numérique des groupes (article 29 du règlement).
Votre rapporteur insiste particulièrement sur ce rôle des groupes en matière décisionnelle, qui résulte des nouvelles modalités de vote au sein de la Conférence des présidents, tout en relevant dans ce domaine l'engagement du président Gérard Larcher en faveur d'un renouveau du rôle des groupes au sein du Sénat. Auparavant, chaque membre de la Conférence ne comptait que pour une voix, tandis qu'à présent les présidents de groupe disposent d'autant de voix que leur groupe compte de membres, déduction faite de ceux qui sont membres de la Conférence des présidents. Les groupes peuvent ainsi peser effectivement sur la confection de l'ordre du jour sénatorial, tant en matière d'initiative que de contrôle, au-delà de la seule séance mensuelle réservée.
Enfin, l'exposé des motifs de la proposition de loi omet de rappeler le nouveau mode de désignation du Bureau du Sénat. Si le président du Sénat demeure bien évidemment élu, après son élection, « les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste » (article 3 du règlement). Jusque là, les fonctions de vice-président et de questeurs étaient pourvues par la voie de l'élection, comme celles de président du Sénat. L'introduction explicite de la représentation proportionnelle est une garantie de l'expression pluraliste au sein du Bureau. Le pluralisme y a d'ailleurs été renforcé, avant la réforme du règlement de juin 2009, à l'initiative du président Gérard Larcher, par la création de deux postes supplémentaires de vice-président et de deux postes supplémentaires de secrétaire, par une résolution du 29 octobre 2008.
Il faut enfin ajouter la possibilité désormais pour chaque groupe, si au moins un sénateur du groupe est présent, de désigner un membre de son secrétariat pour assister aux réunions de commission destinées à arrêter le texte de la commission, texte qui sera la base du débat en séance publique 5 ( * ) (chapitre XI bis de l'instruction générale du Bureau).
A sa manière et conformément à son identité, l'Assemblée nationale a également attribué des droits particuliers nouveaux aux groupes, notamment aux groupes minoritaires et d'opposition.
Ainsi, force est d'admettre que la révision constitutionnelle de 2008, telle qu'elle a été mise en oeuvre par les règlements des assemblées, a permis d'accorder des droits collectifs aux groupes parlementaires, qui s'ajoutent aux droits individuels traditionnels de leurs membres.
Votre rapporteur observe que le « droit de tirage » des groupes en matière de commission d'enquête et de mission d'information, conçu plus libéralement qu'à l'Assemblée nationale 6 ( * ) , a déjà été largement mis en oeuvre, puisqu'une commission d'enquête et quatre missions d'information communes ont été créées de cette façon 7 ( * ) . Ainsi, sur les sujets qui leur paraissent prioritaires, les groupes orientent réellement les activités de contrôle du Sénat.
* 5 Cette disposition permet, en quelque sorte, d'assurer un certain équilibre avec le Gouvernement pour les mêmes réunions chargées d'établir le texte de la commission : le ministre compétent peut participer à la réunion et ses collaborateurs peuvent l'assister.
* 6 Alors qu'au Sénat la création est de droit en cas de demande d'un groupe, à l'Assemblée nationale, l'article 141 du règlement prévoit que chaque président de groupe d'opposition ou minoritaire peut obtenir l'inscription d'office à l'ordre du jour d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, laquelle peut être rejetée par une majorité des trois cinquièmes des membres de l'Assemblée.
* 7 Il faut ajouter que plusieurs missions d'information communes, sollicitées par des groupes, ont été créées sans imputation sur le « droit de tirage » des groupes concernés.