C. LA RÉORGANISATION DU PAYSAGE DE LA RECHERCHE
Depuis 2007, le Gouvernement a fait fortement évoluer le paysage français de la recherche. Vos rapporteur spéciaux, qui se félicitent de cette évolution, tiennent à en rappeler brièvement les deux principaux axes, que traduisent les modifications structurelles de l'organisation de plusieurs grands opérateurs, en particulier le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), ainsi que la constitution « d'alliances » regroupant les opérateurs autour d'une thématique de recherche.
1. La réorganisation du CNRS et de l'INSERM
a) Les Instituts nationaux au CNRS
Le premier acte dans l'évolution du CNRS a été, en 2008, l'adoption par son Conseil d'administration du plan stratégique « Horizon 2020 ». Les grands principes de la réforme du CNRS étaient déjà définis : la réorganisation de l'établissement en instituts , l'accent porté sur l'interdisciplinarité par l'intermédiaire de pôles transversaux et l'évolution des relations entre le CNRS et ses partenaires universitaires pour accompagner le développement de leur autonomie.
C'est à travers cette dynamique que se sont déroulées les négociations qui ont abouti à la rédaction du nouveau contrat d'objectifs entre l'Etat et le CNRS, approuvé par le Conseil d'administration de cet organisme le 25 juin 2009 et signé le 19 octobre 2009.
La nouvelle organisation du CNRS telle qu'elle est formalisée au sein du contrat d'objectifs répond à trois grandes priorités .
En premier lieu, le CNRS doit se recentrer sur la fonction de pilotage scientifique des unités mixtes de recherche (UMR), en partenariat avec les universités : il accompagnera la montée en puissance des acteurs de site que sont les universités en proposant un partenariat stratégique renforcé mais plus sélectif et en intervenant de manière croissante en tant qu'agence de moyens . Dans le même temps, le rôle d'opérateur se concentrera sur des laboratoires structurants au niveau national et sur des laboratoires qui nécessitent une gestion partagée. Ce rôle d'opérateur revêt tout son sens lorsqu'il s'agit de rationaliser et d'optimiser les grands équipements et grandes infrastructures de recherche.
En deuxième lieu, le CNRS responsabilise les acteurs par la création d'instituts en charge de la prospective et de la programmation . Leur mise en place a pour finalité d'accroître la lisibilité de l'organisation, de garantir l'efficacité de la fonction de programmation de la recherche et de prendre éventuellement en charge, à la demande de l'État, des missions de coordination nationale. Selon le contrat d'objectifs, les Instituts animent, dans leur champ disciplinaire, un réseau d'unités de recherche dont le CNRS est opérateur s'il continue à les gérer, et agence de moyens dans le cas contraire.
En dernier lieu, la gouvernance du CNRS se concentre sur la vision stratégique, l'anticipation et l'animation des instituts, en se recentrant sur la promotion de l'excellence scientifique, le dialogue interdisciplinaire et la prospective.
b) Les Instituts thématiques à l'INSERM
De même qu'au CNRS, une nouvelle structuration de l'INSERM en instituts thématiques a été retenue pour proposer une meilleure lisibilité à la communauté scientifique. Le décret n° 2009-278 du 11 mars 2009 modifiant le décret n° 83-975 du 10 novembre 1983 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'INSERM traduit cette nouvelle organisation
Après une première année de fonctionnement des huit premiers Instituts thématiques, il a été nécessaire de préciser le périmètre de leur intervention, en distinguant les domaines hors champ, relevant principalement de l'INRA et du CNRS, mais aussi en précisant les contours du domaine du champ. Par décision du Conseil d'administration de l'INSERM intervenue en juin 2009, deux nouveaux Instituts thématiques (IT) sont ainsi venus compléter les huit premiers.
Parallèlement, la progression de la coordination entre les différentes institutions de recherche en sciences de la vie et de la santé a conduit à la constitution de l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé , qui sera évoquée ci-après.
2. Les Alliances
Comme indiqué ci-dessus, l'évolution du paysage de la recherche national est passée par la mise en place d'Alliances.
Celles-ci ont pour mission de transmettre et propager les orientations nationales auprès des opérateurs de recherche, de coordonner de façon optimale la mise en oeuvre des moyens humains et financiers déployés par l'Etat , notamment en contribuant fortement à la définition de la programmation de l'ANR et au positionnement des universités au coeur du système de recherche.
Les Alliances ont également vocation à représenter la France dans les instances de programmation européenne et internationale , comme c'est déjà le cas pour la programmation conjointe en matière de santé ou d'énergie.
Les Alliances existantes 1) L'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) Créée le 8 avril 2009, elle associe l'INSERM, le CNRS, le CEA, l'INRA, l'INRIA, l'IRD, l'Institut Pasteur, la CPU ainsi que, plus récemment, la Conférence des Directeurs généraux de CHU. L'AVIESAN est organisée en instituts thématiques multi-organismes (ITMO) qui recouvrent le champ d'application des instituts thématiques de l'INSERM. Les ITMO prolongent la fonction de coordination nationale dévolue à l'INSERM et facilitent la mise en oeuvre d'une programmation scientifique commune par les différentes institutions partenaires à partir des contributions et propositions de scientifiques, indépendamment de leur appartenance institutionnelle. L'Alliance s'est fixée trois axes de travail prioritaires : l'harmonisation et la simplification des procédures (recrutements notamment) et des modes de gestion pour les laboratoires, le développement de politiques communes de coopération internationale et la réactivité en matière de valorisation. La coopération opérationnelle au sein de l'Alliance est assurée par un Conseil de coordination chargé d'organiser la concertation entre les organismes partenaires. L'animation scientifique et la réflexion stratégique sont organisées au sein des dix ITMO, placés sous la responsabilité conjointe de l'INSERM ou du CNRS (sauf l'ITMO « Circulation, métabolisme, nutrition », placé sous la responsabilité de l'INSERM et de l'INRA, et l'ITMO « Technologies de la santé », placé sous celle du CEA et du CNRS). L'AVIESAN est présidée par le Président-Directeur général de l'INSERM. Plusieurs actions ont été engagées qui démontrent la volonté des partenaires de passer de l'affichage stratégique à la mise en oeuvre concrète : - la mutualisation d'actions, dans un souci de clarification et de simplification (réunion des programmes « Avenir » de l'INSERM et « ATIP » du CNRS et réflexion sur les recrutements en jurys communs, mutualisation et optimisation des systèmes d'information) ; - la cohérence dans la programmation des opérateurs et des agences apportée par les 10 ITMO, en lien étroit avec les agences ou structures thématiques de financement sur projets (ANR, INCa, ANRS, IRESP, Fondation « Alzheimer et maladies apparentées ») ; - les politiques de site communes avec les universités autonomes, les collectivités territoriales, les lieux centraux de la recherche translationnelle, les pôles de compétitivité ; - le guichet unique pour les industriels du secteur, eux-mêmes regroupés dans une Alliance, ARIIS. 2) L'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) Le CEA, le CNRS et l'IFP ont créé l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie le 17 juillet 2009. Au-delà de ses trois membres fondateurs, l'ANCRE réunit, en qualité de membres associés, l'ensemble des organismes de recherche publique français concernés par les problématiques de l'énergie. L'ANCRE est placée sous la responsabilité d'un Comité de coordination, composé de représentants des membres fondateurs et présidé pour les deux premières années par le Président de l'IFP, dans le cadre d'une présidence tournante. Pour conduire les réflexions et aboutir à des propositions concrètes en matière de programmes de R&I, le Comité de coordination s'appuie sur huit groupes programmatiques thématiques : - cinq dédiés aux sources d'énergie (biomasses, fossiles, nucléaires, solaires, géothermiques, maritimes, hydrauliques et éoliennes) ; - trois dédiés à la dimension « Secteurs d'activité ou usages » (transports, bâtiments, industries et agriculture). Un neuvième groupe programmatique transversal, intitulé « Prospective énergétique globale », analysera les résultats des travaux des huit autres groupes thématiques et rendra ses conclusions sous la forme d'un rapport de synthèse. La finalité industrielle des travaux conduits dans le cadre de l'ANCRE est un élément fondamental dans l'atteinte de ses objectifs. Les groupes programmatiques intégreront en tant que partenaires les représentants des pôles de compétitivité impliqués dans les thématiques énergétiques et environnementales. 3) L'Alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene) L'Alliance a été créée le 17 décembre 2009. Elle comprend six membres fondateurs : CEA, CNRS, CDEFI, Conférences des universités, INRIA et Institut Telecom. En mars 2010, elle s'est dotée d'un Comité de coordination, présidé par le Président-Directeur général de l'INRIA, et a défini une gouvernance basée sur une répartition des tâches entre le Président du Comité de coordination, chargé de l'animation globale, et cinq vice-présidents, en charge de l'animation du travail d'Allistene sur chacune de ses grandes missions : prospective et stratégie globale, formation supérieure, programmation, coopération européenne et internationale ainsi que valorisation et relations industrielles. 4) L'Alliance pour l'environnement (AllEnvi) L'Alliance « Alimentation, eau, climat, territoires », dite « Environnement », a été créée le 9 février 2010, portée par ses douze membres fondateurs (BRGM, CEA, CEMAGREF, CIRAD, CNRS, CPU, IFREMER, INRA, IRD, LCPC, Météo-France et MNHN) qui constituent le Conseil de l'Alliance. L'AllEnvi a vocation à accueillir des membres associés parmi les institutions de recherche et d'enseignement supérieur impliquées dans les domaines concernés. La présidence du Conseil de l'Alliance est assurée, de manière tournante et pour un mandat de deux ans, par chacun des membres du Bureau (CEMAGREF, CNRS, IFREMER, INRA) placé auprès d'elle. Le Bureau a pour rôle de préparer les réunions du Conseil de l'AllEnvi, d'assurer la mise en oeuvre et le suivi des actions décidées par le Conseil et de rendre compte de ses missions au Conseil. L'Alliance dispose d'un secrétariat exécutif permanent (placé sous la responsabilité conjointe du CNRS et de l'INRA) pour prendre en compte l'ensemble des champs couverts. 5) L'Alliance pour les sciences de l'homme et sociales (ATHENA) L'ATHENA a été créée le 22 juin 2010 avec quatre membres fondateurs (CNRS, INED, CPU et la Conférence des grandes écoles). Elle a pour but de contribuer de manière déterminante au développement de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le domaine des SHS, avec les objectifs de consolider les dispositifs d'accueil scientifique (IUF, MSH, chaires d'excellence, Instituts d'études avancées, Maisons des sciences de l'Homme), et de faire des propositions pour développer les interfaces entre les acteurs de la recherche en matière d'infrastructures de recherche et de grands équipements (bibliothèques, numérisation). Elle doit définir des stratégies pour l'utilisation des SHS (Ecoles et Instituts français à l'étranger), aider à la programmation de la recherche à moyen et long terme et participer à la veille et à la prospective scientifique, en favorisant la mise en cohérence des stratégies de recherche des universités et des autres établissements (qui disposent de la majeure partie du potentiel scientifique) et celles, à caractère structurant, des organismes de recherche (notamment du CNRS à travers son Institut de SHS). La présidence tournante sera assurée alternativement par le CNRS et la CPU. |