B. UNE ACCÉLÉRATION SIGNIFICATIVE AVEC LES LOIS DU 5 AVRIL 2000

Les seuils démographiques retenus pour la prise en compte de certains mandats municipaux dans le décompte des mandats cumulés, ainsi que l'exclusion pure et simple du mandat de conseiller municipal -que le législateur n'avait pas souhaité prendre en considération pour le calcul du maximum de deux mandats locaux-, ont limité très sensiblement les effets des lois de 1985 . Dans une étude établie en 1991, M. Albert Mabileau estimait ainsi que ces lois n'avaient permis la « remise en circuit » que de 298 mandats , soit moins de 0,06 % des mandats électoraux existant en France 7 ( * ) .

Le législateur a donc tenté, avec deux lois du 5 avril 2000 , de consolider, d'approfondir et de renforcer le mouvement de limitation du cumul des mandats.

1. Un renforcement considérable de la législation « anti-cumul »

Les lois du 5 avril 2000 sont porteuses de trois innovations majeures.

• L'extension des mandats soumis aux dispositifs de limitation du cumul

En premier lieu, ces lois accroissent le champ de la législation « anti-cumul » en y intégrant de nouveaux mandats .

Ainsi, la loi ordinaire interdit aux élus locaux l'exercice de plus de deux mandats parmi la liste suivante :

- conseiller régional ;

- conseiller à l'Assemblée de Corse ;

- conseiller général ;

- conseiller de Paris ;

- conseiller municipal 8 ( * ) .

Les limitations fonctionnelles ou démographiques qui avaient nui à l'effectivité des lois de 1985 sont donc supprimées. Le principe « un homme, deux mandats » est conservé, mais prend une portée nouvelle.

En ce qui concerne les parlementaires, la loi organique prohibe le cumul de leur mandat avec plus de l'un des mandats de la même liste, avec cependant une différence importante : le mandat de conseiller municipal n'est en effet pris en compte que dans les communes de 3 500 habitants et plus 9 ( * ) .

Parallèlement, le délai d'option dont disposent les élus pour se mettre en conformité avec les règles sur le cumul des mandats est harmonisé : alors que, avant les lois de 2000, il s'étendait de quinze jours à deux mois selon les cas, il est désormais fixé à trente jours pour tous les types de mandats .

• L'interdiction du cumul de fonctions exécutives locales

En outre, la loi ordinaire de 2000 durcit le régime d'incompatibilité applicable aux maires en leur interdisant de cumuler leur mandat avec les fonctions de président de conseil général ou de conseil régional 10 ( * ) . Ainsi, le maire qui est élu président de conseil général ou président de conseil régional perd, du fait de cette élection, ses fonctions de maire ; la démission d'office est automatique et immédiate 11 ( * ) .

L'incompatibilité ainsi instituée vaut quelle que soit la taille de la population de la commune.

Cette disposition vient s'ajouter à l'incompatibilité entre le mandat de président de conseil général et celui de président de conseil régional, qui avait été consacrée par les lois de 1985 : elle a donc pour effet d' interdire aux élus d'être titulaires de plus d'une présidence de collectivité territoriale .

• La remise en cause de la liberté de choix des élus locaux face aux incompatibilités

Enfin, la loi ordinaire restreint la liberté de choix des élus locaux frappés par une incompatibilité .

Alors que les lois de 1985 permettaient aux élus locaux de renoncer au mandat de leur choix pendant le délai d'option qui leur était accordé, la loi du 5 avril 2000 vient sanctionner ceux qui abandonneraient le mandat le plus récemment acquis 12 ( * ) .

En effet, la loi prévoit que les élus placés dans une situation d'incompatibilité et renonçant, pour la résoudre, au mandat acquis à la date la plus récente, sont déclarés démissionnaires non seulement du mandat le plus récent, mais aussi de leur mandat le plus ancien, cette seconde démission étant prononcée d'office. Le législateur entendait ainsi lutter contre les candidats « locomotives » , c'est-à-dire contre les candidats qui mènent campagne sans intention réelle d'exercer le mandat pour lequel ils se présentent, mais qui comptent profiter de leur renommée au niveau national pour être élus aisément puis qui démissionnent, une fois l'élection acquise, pour laisser la place à leur suppléant ou à leur suivant de liste.

Les parlementaires restent, quant à eux, soumis à un régime de liberté de choix absolue durant le délai d'option qui leur est imparti.

État du droit en matière d'incompatibilités « mandat-mandat »

Type d'incompatibilité

Modalités de résolution de l'incompatibilité

Incompatibilité
entre le mandat de sénateur et celui de député

( Article L.O. 137 du code électoral )

Démission d'office immédiate
du mandat le plus ancien

Incompatibilité
entre le mandat de parlementaire national
et le statut de membre du Parlement européen

( Article L.O. 137-1 du code électoral )

Démission d'office immédiate
du mandat de parlementaire national

Incompatibilité entre le mandat de député
ou de sénateur, et plus de l'un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d'une commune
de 3 500 habitants et plus

( Articles L.O. 141 et L.O. 297
du code électoral )

- Si l'incompatibilité est constituée
au moment de l'élection à l'Assemblée nationale ou au Sénat :

Délai d'option de trente jours ;
à défaut d'option dans ce délai,
le Conseil constitutionnel, saisi par le bureau de l'assemblée concernée ou par le garde
des Sceaux, déclare le parlementaire démissionnaire d'office

( Article L.O. 151 du code électoral )

- Si l'incompatibilité
est constituée après l'élection :

Délai d'option de trente jours ;
à défaut d'option dans ce délai, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit.

Incompatibilité
entre plus de deux des mandats énumérés
ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal

(Article L. 46-1 du code électoral)

Délai d'option de trente jours ;
à défaut d'option dans ce délai ou en cas d'option pour le mandat acquis à la date
la plus récente, le mandat le plus ancien
prend fin de plein droit.


* 7 « Le cumul des mandats », Albert Mabileau, article de la revue « Regards sur l'actualité » (n° 169, mars 1991).

* 8 Article L. 46-1 du code électoral.

* 9 Article L.O. 141 du code électoral.

* 10 Article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales.

* 11 En première lecture, l'Assemblée nationale avait également envisagé de soumettre à cette incompatibilité les présidents des EPCI à fiscalité propre ; elle avait finalement renoncé à ce choix en deuxième lecture, jugeant que cette réforme était prématurée.

* 12 Deuxième alinéa de l'article L. 46-1 du code électoral.

Page mise à jour le

Partager cette page