2. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale
Les députés, à l'initiative de leur commission des lois, ont souhaité renforcer le droit ouvert par l'article 61-1 en favorisant les mécanismes de transmission et de renvoi de la question de constitutionnalité.
Afin de marquer symboliquement cette orientation, la procédure a été qualifiée de « question prioritaire de constitutionnalité ». Le terme « prioritaire » implique que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité d'une disposition législative puisse être examiné avant tous les autres et que cet examen soit conduit avec célérité.
Exception d'inconstitutionnalité, question
préjudicielle
Bien que dans l'usage courant, l'expression « exception d'inconstitutionnalité » tende à prévaloir, le mécanisme prévu par l'article 61-1 ne s'apparente pas à une exception qui est appréciée par le juge même de l'action principale (le juge de l'action est le juge de l'exception), selon la pratique appliquée notamment aux Etats-Unis. Ce n'est pas une « question préalable » puisque ce terme de droit parlementaire ne convient pas à une procédure contentieuse. Il relève de la catégorie des questions préjudicielles puisque la résolution du point de droit litigieux est renvoyée à une autre juridiction que celle devant laquelle est porté le litige 23 ( * ) . Le projet de loi a préféré utiliser le terme de question de constitutionnalité pour souligner que celle-ci doit être traitée avant toutes les autres. La désignation retenue par l'Assemblée nationale - question prioritaire de constitutionnalit - renforce l'originalité de la nouvelle procédure. 24 ( * ) |
La procédure devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation
Les députés ont apporté trois séries de modifications à la première étape de la procédure :
- le premier critère de recevabilité a été considérablement assoupli. Il ne serait plus exigé que la disposition commande l'issue du litige ou la validité de la procédure, mais il suffirait que la disposition contestée soit simplement applicable au litige ou à la procédure ;
- la réserve apportée par le projet de loi organique initial au principe de priorité de l'examen de conventionnalité sur l'examen de constitutionnalité lorsque sont en cause les exigences résultant de l'article 88-1 a été supprimée en raison de difficultés d'interprétation sur lesquelles votre rapporteur reviendra ;
- surtout, afin de garantir la rapidité de la procédure au bénéfice des citoyens, un délai de deux mois a été imparti aux juridictions pour statuer sur la question de constitutionnalité. Si, à l'issue du délai, les juridictions n'ont pas statué, les parties à l'instance disposeraient d'un délai d'un mois pour saisir directement le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation .
La procédure devant les cours suprêmes
L'Assemblée nationale a procédé à deux harmonisations utiles, lorsque la question de constitutionnalité est soulevée à l'occasion d'une instance devant une cour suprême :
- d'une part, comme tel est le cas pour les juridictions du fond, la cour doit se prononcer en priorité sur la question de constitutionnalité ;
- d'autre part, elle dispose d'un délai de trois mois -identique à celui qui lui est imparti quand elle est saisie d'une question de constitutionnalité transmise par une juridiction au fond- pour décider du renvoi au Conseil constitutionnel.
Dans la même logique de recherche d'une efficacité maximale du dispositif étudié, le Conseil constitutionnel serait automatiquement saisi de la question de constitutionnalité si le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation ne se sont pas prononcés dans le délai de trois mois (article 23-7).
Le sort de la question de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel
La question de constitutionnalité est l'affaire des parties, et comme telle, elle ne devrait pas persister si l'instance venait à sa fin alors que la question était pendante devant le Conseil constitutionnel. Les députés ont cependant considéré que dès lors que la question de constitutionnalité était renvoyée devant le Conseil constitutionnel, elle devrait recevoir une réponse. En conséquence, ils ont prévu que l'extinction, pour quelque cause que ce soit, de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été posée serait sans conséquence sur l'examen de la question.
L'Assemblée nationale a entendu, enfin, rappeler que les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie pouvaient être soumises au contrôle de conformité à la Constitution a posteriori . A cet effet, les députés ont apporté des modifications à la loi organique du 13 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (article 2 bis nouveau).
* 23 « Une question est dite préjudicielle lorsque, indispensable à la solution du litige porté devant le tribunal saisi, elle doit être soumise préalablement à l'examen de la juridiction compétente qui doit se prononcer à son sujet par un acte juridictionnel », J. Vincent, S. Guinchard, Procédure civile, Dalloz, 2003, n°393
* 24 Par commodité, votre rapporteur emploiera indifféremment, dans le présent rapport, les termes « question de constitutionnalité » et « question prioritaire de constitutionnalité ».