SECTION 3 - Dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel
Article 23-8 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Information du Président de la République, du Premier ministre et des présidents des assemblées
Cet article prévoit d'abord l'obligation pour le Conseil constitutionnel saisi d'une question de constitutionnalité d'en aviser immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cette disposition est cohérente avec l'obligation similaire faite au Conseil constitutionnel par l'article 18 de l'ordonnance n° 58-1067 lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 60 de la Constitution d'une loi non encore promulguée.
Les députés ont complété le texte initial du gouvernement en prévoyant également l'information du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, du président du congrès et des présidents des assemblées de province lorsqu'une disposition d'une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie ferait l'objet de la question de constitutionnalité.
Selon le texte initial du projet de loi organique, le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat pouvaient présenter leurs observations sur cette question. Néanmoins, les députés ont estimé que cette faculté pourrait « prêter à confusion avec la procédure prévue par l'article 61 de la Constitution, qui reconnaît des droits spécifiques aux présidents des assemblées ainsi qu'aux autres parlementaires » 51 ( * ) .
Ils ont donc réservé, à l'initiative de leur commission des lois, cette possibilité au Président de la République et au Premier ministre 52 ( * ) . Votre commission estime que, sans qu'il soit nécessaire de le prévoir dans la loi organique, les observations des présidents des assemblées comme des autres parlementaires pourront naturellement être accueillies par le Conseil constitutionnel.
Article 23-8-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Garantie d'examen de la question de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel en cas d'extinction de l'instance
Cet article introduit dans le projet de loi organique par les députés à l'initiative de leur commission des lois prévoit que le Conseil constitutionnel doit examiner la question de constitutionnalité dont il est saisi même si l'instance à l'occasion de laquelle elle a été posée s'est éteinte (par transaction, acquiescement, désistement d'instance ou d'action, décès d'une partie dans les actions non transmissibles, préemption, caducité de la citation ...).
La question de constitutionnalité est à la fois un droit réservé à une partie à l'instance et aussi un moyen d'assurer la prééminence de la Constitution dans l'ordre juridique interne comme le démontre l'effet erga omnes de la décision du Conseil constitutionnel.
Le premier de ces caractères prévaut lors de l'instance au cours de laquelle la question de constitutionnalité est soulevée, puisque le juge ne peut relever d'office le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi. Le second l'emporte une fois que le Conseil constitutionnel est saisi. Le dispositif ainsi proposé apparaît équilibré dans la mesure où au dernier stade de la procédure, devant le Conseil constitutionnel, les différents filtres juridictionnels ont déjà joué : le renvoi de la question a répondu aux critères déterminés par la loi et l'intérêt du droit commande alors d'aller au terme de la procédure.
Article 23-9 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
Cet article détermine la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel. Il fixe d'abord à trois mois à compter de sa saisine le délai dans lequel le Conseil constitutionnel doit statuer.
Aux termes de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel dispose d'un délai d'un mois, susceptible d'être ramené à huit jours à la demande du gouvernement, pour se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi encore non promulguée (l'ordonnance du 7 novembre 1958 retient les mêmes conditions de délai pour les décisions relatives à la conformité à la Constitution d'un engagement international -article 19 de la Constitution- ou les décisions sur les demandes de déclassement de dispositions législatives -article 25 de la Constitution). La saisine du Conseil constitutionnel a toutefois pour effet de suspendre la promulgation de la loi ; elle justifie la brièveté du délai fixé par la Constitution. La portée du renvoi d'une question de constitutionnalité a posteriori ne peut, à cet égard, lui être assimilée.
En outre, le délai de trois mois proposé par le projet de loi organique apparaît nécessaire pour permettre au Conseil constitutionnel de traiter un contentieux dont les développements présentent encore des inconnues 53 ( * ) .
L'article 23-9 prévoit également deux garanties procédurales inspirées de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
- le principe du contradictoire : ainsi les parties seraient mises à même de présenter contradictoirement leurs observations ;
- la publicité de l'audience sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.
La représentation des parties pourrait être facultative et ne devrait pas obéir à des principes trop rigides.
Article 23-10 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Motivation, publication et notification de la décision du Conseil constitutionnel
Aux termes de l'article 23-10, la décision du Conseil constitutionnel doit être motivée et publiée au journal officiel (comme tel est le cas pour les déclarations de conformité à la Constitution prises en vertu de l'article 61 de la Constitution -article 20 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
Les députés ont également, en cohérence avec plusieurs précisions apportées précédemment, prévu la publication de la décision du Conseil constitutionnel lorsqu'elle porte sur une loi du pays de Nouvelle-Calédonie dans le journal officiel de cette collectivité.
Outre la motivation et la publication, le présent article prévoit aussi l'information :
- d'une part, sous la forme d'une notification, des parties extérieures et, sous la forme d'une communication, des juridictions suprêmes ainsi que, le cas échéant, de la juridiction devant laquelle la question de constitutionnalité a été soulevée ;
- d'autre part, des autorités que le Conseil constitutionnel doit informer, en vertu de l'article 23-8, de sa saisine (Président de la République, Premier ministre, présidents des deux assemblées et, à la suite du complément apporté par les députés, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, président du congrès et présidents des assemblées des provinces). Le terme de « notification » prévu pour cette information ne paraît pas adapté (il est en principe réservé aux parties à l'instance). Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à lui substituer la notion de communication.
Article 23-11 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Majoration de la rétribution des auxiliaires de justice en cas de transmission d'une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel
Cet article permet une majoration de la contribution de l'Etat à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l'aide juridictionnelle lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une question de constitutionnalité.
Selon l'exposé des motifs, l'aide juridictionnelle ne saurait être accordée spécialement pour soutenir une question de constitutionnalité dans la mesure où celle-ci constitue un incident d'instance et ne se distingue pas de l'instance principale.
Tel n'est pas le cas, il est vrai, lorsque l'une des deux cours suprêmes a été saisie par une juridiction au fond de la question de constitutionnalité. Compte tenu des incertitudes pesant encore sur le développement de la question de constitutionnalité, il apparaît cependant souhaitable de s'en tenir au dispositif proposé par le projet de loi organique, quitte à l'ajuster, à la lumière de l'expérience.
Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié.
Article 2 (art. L.O. 771-1 et 771-2 nouveaux du code de justice administrative ; art. L.O. 461-1 et 461-2 nouveaux du code de l'organisation judiciaire ; art. L.O. 630 du code de procédure pénale) - Coordinations
Cet article tend à compléter le code de la justice administrative, le code de l'organisation judiciaire et le code de procédure pénale afin d'y faire mention, sous la forme d'un renvoi aux articles pertinents introduits par le présent projet de loi dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, aux règles de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité d'une juridiction à la cour suprême dont elle relève et de cette cour au Conseil constitutionnel.
Il prévoit ainsi :
- l'insertion d'un nouveau chapitre premier bis au sein du titre VII (dispositions spéciales en matière de jugement) du livre VII du code de justice administrative ;
- l'insertion d'un nouveau titre VI au sein du livre IV (dispositions relatives à la Cour de cassation) du code de l'organisation judiciaire ;
- le rétablissement du titre premier du livre IV (procédures particulières) du code de procédure pénale afin de créer les modalités particulières selon lesquelles la question de constitutionnalité peut être soulevée à l'occasion d'une instance pénale.
Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'introduire également une référence à la question de constitutionnalité dans le cadre des juridictions financières.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .
Article 2 bis (nouveau) (art. 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Question de constitutionnalité relative à une loi de Nouvelle-Calédonie
Cet article inséré par l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des lois, dans le projet de loi organique, vise à compléter la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie afin de prévoir explicitement que les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question de constitutionnalité.
Cette disposition répond au souhait exprimé par votre commission par la voix de notre collègue Christian Cointat lors du débat sur le projet de loi organique relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte ainsi qu'à l'engagement alors repris par la secrétaire d'Etat chargée de l'Outre-mer, Mme Marie-Luce Penchard, au nom du Gouvernement 54 ( * ) .
Votre commission a adopté l'article 2 bis sans modification.
Article 3 - Modalités d'application de la loi
Cet article précise que les modalités d'application de la loi sont déterminées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
L'article 55 renvoie à un décret en conseil des ministres après consultation du Conseil constitutionnel et avis du Conseil d'Etat.
L'article 56 indique que le Conseil constitutionnel « complètera par son règlement intérieur les règles de procédure édictées par le titre II de la présente ordonnance » -titre dans lequel ont été insérées les dispositions prévues par le présent projet de loi organique. Toutefois, dans la mesure où certaines des nouvelles règles procédurales ne concernent pas uniquement le Conseil constitutionnel, la rédaction de l'article 56 serait modifiée afin de limiter le champ du règlement intérieur aux seules règles de procédures applicables devant le Conseil constitutionnel 55 ( * ) .
La commission a adopté l'article 3 sans modification .
Article 4 - Entrée en vigueur
Cet article prévoit l'entrée en vigueur du texte de la loi organique le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation.
Le texte initial présenté par le Gouvernement faisait partir le délai de la publication de la loi. Les députés ont à juste titre pris pour référence le jour de datation de la loi.
La commission a adopté l'article 4 sans modification .
*
* *
La commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.
* 51 M. Jean-Luc Warsmann, rapport précité, p. 81.
* 52 L'état du droit ne prévoit pas, dans le cadre du contrôle a priori, que les autorités à l'initiative de la saisine du Conseil constitutionnel puissent formuler des observations.
En juin 1986, M. Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, avait proposé dans un courrier adressé aux présidents des deux assemblées, que le rapporteur désigné par le Conseil constitutionnel puisse recueillir les observations du rapporteur de la commission saisie au fond et d'un représentant des auteurs de la saisine. Les présidents des deux assemblées (M. Alain Poher pour le Sénat, M. Jacques Chaban-Delmas pour l'Assemblée nationale) n'avaient pas souhaité ouvrir la voie d'une institutionnalisation des relations entre le Conseil constitutionnel et le Parlement.
En l'état du droit, les présidents des deux assemblées peuvent formuler des observations lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une demande tendant à constater qu'une loi est intervenue dans un domaine relevant de la compétence de la Polynésie française (article 12 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).
* 53 Par ailleurs, le délai de trois mois a déjà été retenu dans certaines hypothèses : contrôle de la conformité à la Constitution d'une loi de pays de la Nouvelle-Calédonie (article 105 de la loi organique du 19 mars relative à la Nouvelle-Calédonie) ; contrôle du respect des matières relevant de la compétence de la Polynésie française par une loi (article 12 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).
* 54 Le Gouvernement n'avait pas jugé opportun d'anticiper l'entrée en vigueur du dispositif prévu par l'article 61-1 de la Constitution pour la seule Nouvelle-Calédonie. La secrétaire d'Etat avait notamment estimé nécessaire de consulter les autorités compétentes de Nouvelle-Calédonie sur cette évolution. Le rapporteur, M. Christian Cointat, prenant acte que la situation de la Nouvelle-Calédonie serait abordée dès le présent projet de loi organique, avait alors retiré son amendement (compte rendu intégral, séance du 7 juillet 2099, article additionnel après l'article 27).
* 55 Le Conseil constitutionnel a adopté deux règlements : le règlement applicable à la procédure suivie par le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs (règlement non daté qui a été publié au JO du 31 mai 1959, p. 5505) et le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les réclamations relatives aux opérations de référendum (règlement adopté le 5 octobre 1988, JO 6 octobre 1988, p. 12607). Le premier d'entre eux a fait l'objet de plusieurs modifications du 5 mars 1986, du 24 novembre 1987, du 9 juillet 1991 et du 28 juin 1995. A ces deux règlements, il faut ajouter le règlement intérieur sur les archives du Conseil constitutionnel du 27 juin 2001, pris sur le fondement de l'article 58 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifié par la loi organique n° 2008-695 du 15 juillet 2008, mais qui, de ce fait, n'est pas concerné par le renvoi de l'article 3 du projet de loi organique aux seuls articles 55 et 56.