EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa séance du 23 juin 2009, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Richert et du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 215 (2007-2008) visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Ivan Renar s'est déclaré favorable à la restitution des têtes maories. Celles-ci ont suscité un engouement des collectionneurs publics et privés au 19e siècle, dans un contexte colonialiste et raciste, si bien que certains esclaves ont eu la tête tatouée puis coupée en vue de satisfaire à la « demande ». L'anthropologie est d'ailleurs née dans ce contexte de racisme et a contribué à justifier scientifiquement certaines pratiques.
Il a avancé trois raisons rendant cette restitution légitime :
- il s'agit de restes humains et non de biens culturels ordinaires ;
- les Maoris sont un peuple contemporain ;
- la demande émane de l'ensemble de la nation néozélandaise, démocratique, et non d'une ethnie particulière.
Il a reconnu que les restes humains ne pouvaient être restitués à n'importe quelle condition et qu'il pouvait être important d'en conserver une trace, grâce aux techniques modernes, pour conserver ce témoignage de l'histoire et en vue d'éventuelles études ultérieures. Il s'est interrogé sur les raisons scientifiques qui pourraient justifier, selon certains, que l'on conserve ces têtes maories, et a estimé que la dimension éthique devait primer.
Il a regretté, cependant, que certaines dispositions que le rapporteur propose d'introduire dans ce texte conduisent à en changer la portée et à affaiblir la démarche initiale des signataires de la proposition de loi. Il a considéré, notamment, que la situation du FNAC constituait un sujet en soi.
M. Philippe Richert, rapporteur, a indiqué que l'objet premier de la proposition de loi était de permettre la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, qui a adopté une démarche exemplaire. Il a estimé que la décision de « réactiver » la commission compétente en matière de déclassement contribuait à renforcer la portée de la proposition de loi, en insistant sur la nécessité d'engager une réflexion qui n'a pas été conduite depuis sept ans. Cette commission aura notamment à se pencher sur la dimension éthique de cette question. Il a reconnu, toutefois, que la disposition concernant le transfert de propriété d'oeuvres du FNAC était plus éloignée de l'objet initial de la proposition de loi, même si elle répond à des attentes.
Mme Catherine Morin-Desailly a précisé que la proposition de loi avait été cosignée, à ce jour, par 57 sénateurs. Elle a rappelé que le muséum de Rouen avait souhaité s'engager, à l'occasion de sa réouverture, dans une gestion éthique des collections et avait suggéré, en ce sens, de rendre la tête maorie qu'il conservait. La ville de Rouen a renoncé à détenir celle-ci dans ses collections, en s'appuyant sur les dispositions de l'article 16-1 du code civil, mais aussi sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones de 2007 et sur le code de déontologie du conseil international des musées (ICOM). La ville avait considéré qu'une saisine de la commission de déclassement serait vouée à l'échec, compte tenu de sa composition. La délibération ayant été adoptée à l'unanimité, la nouvelle municipalité rouennaise a réaffirmé sa volonté de poursuivre la procédure.
Elle a rappelé que les peuples demandant le retour de leurs « ancêtres » portent un regard différent du nôtre sur ces restes humains. L'exposé des motifs de la proposition de loi mentionne des critères précis pour justifier la restitution des têtes maories, afin de ne pas ouvrir la « boîte de Pandore ». Puis elle a fait observer que l'interdiction récente, par le juge, de l'exposition « Our Body » avait permis de prendre conscience des problèmes éthiques posés par l'exposition de corps humains. Elle a apporté son soutien à la décision de réactiver la procédure de déclassement et aux amendements présentés en ce sens par le rapporteur, avec lequel elle a travaillé en étroite collaboration. Elle a jugé nécessaire, en outre, de parvenir à un état des lieux plus précis des restes humains conservés dans les musées et de combler le relatif vide juridique concernant leur statut. Elle a souhaité, en ce sens, qu'une mission d'information puisse être conduite sur le sujet.
M. Serge Lagauche a considéré qu'il aurait été préférable de demander à la commission scientifique existant déjà de se prononcer sur le déclassement éventuel des têtes maories, avant d'en créer une nouvelle.
M. Pierre Bordier s'est interrogé sur le cas des momies égyptiennes.
Mme Marie-Christine Blandin a indiqué que la commission scientifique aura sans doute à se pencher sur la question des têtes réduites des Indiens, qui sont revendiquées par des tribus, ainsi que sur la question des laboratoires d'anthropologie. Elle a regretté l'insertion de dispositions concernant le FNAC.
M. Jacques Legendre, président, a fait observer que les Egyptiens modernes pouvaient parfois revendiquer une certaine filiation avec les pharaons. Sur l'objectif premier et ponctuel de la proposition de loi, il a estimé légitime que la France réponde favorablement à une demande qui est exprimée avec beaucoup de délicatesse par la Nouvelle-Zélande. Il a jugé nécessaire, au-delà, de prolonger la réflexion en prévoyant que la commission scientifique compétente en matière de déclassement se penche effectivement sur le sujet et élabore des principes généraux.
En réponse à Mme Monique Papon , M. Philippe Richert, rapporteur, a indiqué que, selon les indications qui lui ont été transmises, six musées de France ont une ou plusieurs têtes maories dans leurs réserves, sans que l'on dispose d'un inventaire précis, et que d'autres se trouvent dans des collections privées.
Il a précisé que la nouvelle commission devra conduire une réflexion scientifique et éthique importante pour déterminer des critères ou orientations en matière de déclassement. Il a indiqué que les Britanniques avaient effectué un tel travail et défini plusieurs critères, dont l'un est lié à l'âge des restes humains, ce qui permet d'écarter, notamment, toute restitution de momies égyptiennes.
Puis, la commission est passée à l'examen de la proposition de loi.
A l'article unique (Sortie des collections des têtes maories conservées par les musées de France), elle a adopté, après les interventions de Mme Béatrice Descamps, de M. Philippe Richert, rapporteur, de Mme Catherine Morin-Desailly et de M. Jacques Legendre, président, l'amendement n° C6 présenté par M. Philippe Richert, rapporteur, visant à expliciter la finalité du texte, en précisant qu'une fois sorties des collections des musées les têtes maories devront être remises à la Nouvelle-Zélande.
La commission a ensuite examiné l'amendement n° C1 présenté par M. Philippe Richert, rapporteur, portant article additionnel après l'article unique et visant à préciser la composition et les missions de la « commission scientifique nationale des collections », compétente en matière de déclassement, qui se substitue à celle prévue par la loi de 2002 relative aux musées de France.
Elle a adopté, en outre, deux amendements présentés par M. Philippe Richert, rapporteur, le n° C2, de coordination, et le n° C3 visant à prévoir que cette commission remettra, dans un délai d'un an suivant la publication de la loi, un rapport sur ses orientations en matière de déclassement.
La commission a ensuite examiné l'amendement n° C4 présenté par M. Philippe Richert, rapporteur, tendant à prévoir de nouvelles possibilités de transfert de propriété d'oeuvres inscrites sur l'inventaire du FNAC et mises en dépôt auprès de collectivités territoriales, élargissant ainsi les possibilités de transfert déjà ouvertes par la loi de 2002 relative aux musées de France. Après les interventions de M. Ivan Renar et de Mme Marie-Christine Blandin, M. Jacques Legendre, président, a proposé de reprendre cette disposition sous la forme d'une proposition de loi distincte. M. Philippe Richert, rapporteur, a partagé cette position et accepté, en conséquence, de retirer cet amendement.
Enfin la commission a adopté l'amendement n° C5, présenté par M. Philippe Richert, rapporteur, visant à modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de tirer les conséquences de l'adoption des amendements n° C1 à C3.
La commission a alors adopté le texte de la proposition de loi ainsi modifié.