N° 378
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 avril 2009 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi relative à l' évaluation et au contrôle de l' utilisation des aides publiques aux entreprises , aux banques et aux établissements financiers ,
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
239 (2008-2009) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
La proposition de loi relative à l'évaluation et au contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers, déposée par notre collègue Robert Hue et le groupe communiste républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche (CRC-SPG), doit être examinée par le Sénat le 7 mai 2009, dans le cadre de la séance mensuelle réservées aux initiatives des groupes politiques d'opposition et des groupes minoritaires des assemblées, en application des nouvelles dispositions de l'article 48, alinéa 5, de la Constitution.
Sur le fond, cette proposition de loi reprend, à quelques détails minimes près, un dispositif déjà mis en oeuvre avec peu de succès par le passé , à l'initiative du même auteur 1 ( * ) : la création d'une commission nationale et de commissions régionales chargées de l'évaluation et du contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises.
Si votre rapporteur partage pleinement l'objectif exprimé par les signataires de la proposition de loi dans leur exposé des motifs, à savoir la volonté de vérifier l'efficacité des aides publiques ainsi que le respect des engagements pris par les entreprises en contrepartie de leur versement, il estime que le moyen choisi n'est pas pertinent. En effet, la mise en place de nouvelles structures risquerait d'être un facteur de lourdeurs et pourrait même affaiblir les organes de contrôle de l'utilisation de l'argent public existants, à commencer par le Parlement, dont le rôle en la matière a été renforcé par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.
I. LA REPRISE D'IDÉES ANCIENNES
A. UN CONTEXTE DE CRISE PROPICE À LA « MISE EN ACCUSATION » DES CHEFS D'ENTREPRISES
1. La plus grave récession depuis la seconde guerre mondiale
La présente proposition de loi doit être débattue dans un contexte particulier de crise financière et économique mondiale aiguë , que notre collègue Philippe Marini, rapporteur général de votre commission des finances, a décrite comme « la plus grave récession depuis la seconde guerre mondiale » dans son rapport 2 ( * ) sur le deuxième collectif budgétaire de 2009.
Dans un tableau particulièrement sombre qui s'analyse avant tout comme une crise de confiance dont l'origine se trouve dans la sphère financière (et, en particulier, dans la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, le 15 septembre 2008), les principales économies du monde présentent des perspectives de croissance très dégradées, comme l'indique le tableau ci-après.
La croissance en 2008
et les prévisions de
croissance pour 2009 et 2010
(en %)
2008 |
2009 |
2010 |
|
Japon |
-0,7 |
-5,8 |
0,7 |
Allemagne |
1,3 |
-3,2 |
0,7 |
Royaume-Uni |
0,7 |
-3 |
0,5 |
Etats-Unis |
1,1 |
-2,8 |
1,7 |
Zone euro |
0,7 |
-2,6 |
0,5 |
Espagne |
1,2 |
-2,5 |
-0,1 |
France |
0,7 |
-2 |
0,6 |
Source : Consensus Forecasts, mars 2009
2. Des mesures énergiques pour assurer le financement des entreprises
Face à cette situation exceptionnelle, les Etats ont dû prendre des mesures exceptionnelles pour, d'une part, amortir le choc conjoncturel et, d'autre part, redéfinir le cadre de la régulation des activités financières.
Bien entendu, si les Etats se sont concertés, ce qui constitue une novation remarquable par rapport aux crises antérieures, lors de l'élaboration de leurs « plans de relance » respectifs, chaque plan national comporte des spécificités : ainsi, la situation française, où la législation existante permet déjà d'amortir, à moyen terme, la perte d'un emploi, ne saurait être comparée à celle des Etats-Unis, où ce type de protection n'existe pas, et n'appelle donc pas les mêmes réponses.
Pour ce qui la concerne, et nonobstant des mesures en faveur des ménages bien analysées dans le rapport précité de notre collègue Philippe Marini, la France a tout particulièrement veillé à ce que le flux de financement des entreprises, en particulier des plus petites, ne se tarisse pas . Les décisions prises depuis octobre 2008 ont, à cette aune, une grande cohérence. Il convient d'en rappeler les principales :
1) La loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie a défini un important plan de refinancement et de renforcement des fonds propres des banques, avec la garantie de l'Etat . Cette garantie s'applique aux émissions de la Société de financement de l'économie française (SFEF) et de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) en vue, respectivement, d'octroyer des prêts à moyen terme et de souscrire au capital des banques. Un volet a en outre été spécifiquement consacré au « sauvetage » de la banque Dexia.
2) Un plan de soutien spécifique pour le financement des PME a été lancé à l'initiative du Président de la République dès le 2 octobre 2008. Il comporte la mise à disposition des établissements bancaires de 17 milliards d'euros (provenant des marges dégagées par la baisse du taux de centralisation du livret d'épargne populaire à la Caisse des dépôts et consignations et par la suppression de la centralisation du livret de développement durable) ainsi qu'une forte augmentation de la capacité d'intervention d'OSEO 3 ( * ) , encore renforcée par la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.
OSEO a ainsi pu augmenter son activité de cofinancement (à hauteur de 2 milliards d'euros), son activité de garantie (également à hauteur de 2 milliards d'euros) et créer en son sein un fonds de garantie ciblé sur la conversion de financements de court terme (voire de découverts) en financement de moyen et long termes (à hauteur de 1 milliard). De plus, un abondement de 375 millions d'euros a été octroyé à cet établissement public afin de lui permettre d'augmenter sa quotité de garantie de 70 % des prêts consentis par les banques à 90 % de ce montant.
Ce plan s'est accompagné de l'installation d'un médiateur du crédit aux entreprises , M. René Ricol, chargé d'en surveiller l'application sur l'ensemble du territoire et de dénouer d'éventuelles difficultés entre les entreprises et leurs banques (cf. infra ).
3) Des dispositifs de complément d'assurance-crédit public (dits « CAP » et « CAP + ») ont été créés dans les lois de finances rectificatives du 30 décembre 2008 4 ( * ) et du 20 avril 2009 5 ( * ) dans le but de maintenir le crédit interentreprises à un niveau satisfaisant.
4) Le Parlement a adopté, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008, diverses mesures de soutien à la trésorerie des entreprises , comme le remboursement par anticipation de l'excédent des acomptes d'impôt sur les sociétés (IS), le remboursement anticipé de la totalité des créances de report en arrière des déficits, ou encore le remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche (CIR).
5) Enfin, la loi de finances rectificative pour 2009 du 20 avril 2009 comporte un plan spécifique pour la filière automobile d'un montant de 6,89 milliards d'euros , à la fois en prêts de comptes de concours financiers (6,65 milliards d'euros) et en subvention à OSEO (240 millions d'euros) pour lui permettre d'augmenter ses garanties dans la filière à hauteur d'un milliard d'euros.
3. Un climat social tendu
Les mesures rappelées ci-dessus visent toutes à maintenir l'activité économique du pays. En conséquence, leur bénéfice est généralement subordonné à des contreparties . Ainsi, les établissements financiers soutenus par les dispositifs mis en place dans la loi du 16 octobre 2008 ont-ils dû signer des conventions avec l'Etat , lesquelles comportent des engagements économiques (comptes-rendus réguliers sur l'augmentation des encours de prêts à diverses catégories d'acteurs économiques) et « éthiques » (rémunérations des dirigeants et opérateurs de marché), encore renforcées par l'encadrement des rémunérations variables et différées que prévoit l'article 25 de la loi de finances rectificative du 20 avril 2009 précitée, introduit à l'initiative de notre collègue le président Jean Arthuis.
Dans une conjoncture économique difficile, marquée par l'augmentation inévitable du chômage et par l'anxiété qui en est le corollaire, nos concitoyens souffrent et certains ont tendance à assimiler le plan de relance à un « cadeau » fait aux entreprises. Ce rapprochement a pu être renforcé par les pratiques très regrettables, mais minoritaires, de certains dirigeants de grands groupes, parfois en difficulté financière, en matière de rémunération, qu'il convient absolument de faire cesser et de rendre conformes à la rationalité économique.
Cette perception ne correspond pas à la réalité, car les mesures de soutien aux banques se sont révélées nécessaires pour préserver la stabilité de l'économie et ont un coût financier substantiel pour les établissements bénéficiaires.
Un climat de défiance à l'égard de l'ensemble des entrepreneurs, pourtant eux aussi touchés par la crise et dont la grande majorité n'est pas concernée par les pratiques scandaleuses de quelques-uns, tend néanmoins à s'instaurer dans une partie de l'opinion publique.
C'est dans ce contexte que s'inscrit l'examen de la présente proposition de loi. L'objectif que s'assignent les auteurs, à savoir assurer la plus grande transparence sur l'efficacité des aides publiques aux entreprises , notamment en matière d'emploi, ne peut être que partagé par votre rapporteur . Toutefois, la voie tracée par ce texte ne semble pas la meilleure pour parvenir à cette fin .
* 1 Alors député à l'Assemblée nationale.
* 2 Rapport Sénat n° 306 (2008-2009).
* 3 L'Anvar (Agence nationale de valorisation de la recherche, dite « Agence française de l'innovation »), établissement public créé en 1968 pour valoriser les résultats de la recherche scientifique, a été transformée en société anonyme en juillet 2005, dans le cadre de son rapprochement avec la BDPME (Banque du développement des PME) qui a donné naissance au groupe OSÉO.
* 4 Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.
* 5 Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.