B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DES PROPOSITIONS QUI N'APPARAISSENT PAS NÉCESSAIRES...

Les nombreuses auditions réalisées par votre rapporteur ont été globalement négatives pour chacune des dispositions de la proposition de loi. Seul l'article premier a suscité un accueil favorable de la part de l'Automobile Club, de la Fédération des motards en colère et du GIE avocats. Mais l'immense majorité des personnes entendues a mis en avant les répercutions de cette mesure sur l'ensemble de la politique menée depuis 7 ans.

1. La suppression du retrait de points pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h : un mauvais signal

Votre commission est opposée à cette disposition, car elle pourrait se traduire directement par une hausse de l'accidentologie.

Comme il a été vu, les experts admettent communément qu'une baisse d'1 km/h de la vitesse moyenne se traduit par une baisse du nombre de tués de 4 %. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a ainsi baissé de 8 km/h, tandis que le nombre de tués diminuait de 40 % et celui des blessés de 25 %.

Ce sont les changements d'ensemble des comportements sur la route qui permettent d'obtenir des progrès durables.

Or, en matière de répression des contraventions routières, l'expérience montre que l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points. La suppression du retrait de points en cas d'excès de vitesse de moins de 5 km/h pourrait dès lors être interprétée comme une quasi-dépénalisation. De fait, les vitesses maximales autorisées seraient relevées de 5 km/h.

Or, une différence de 5 km/h n'est pas anodine. Ajoutée à la marge technique, elle aurait pour effet que les excès de vitesse ne seraient sanctionnés d'un retrait de points qu'en cas de dépassement de 10 km/h. En ville, sur sol sec, un véhicule roulant à 60 km/h a besoin de neuf mètres supplémentaires pour s'arrêter rapidement par rapport à un véhicule circulant à 50 km/h. De même, un piéton renversé à 50 km/h a une petite chance de s'en sortir alors qu'à 60 km/h ses chances sont quasiment nulles.

Votre commission attire également l'attention sur la puissance de l'effet signal en matière de sécurité routière. Le moindre signe de relâchement ou de durcissement se traduit dans les semaines ou les mois suivants par une évolution du nombre de tués ou de blessés. En 2002 et 2003, la simple annonce d'un renforcement de la législation et de l'installation de radars automatisés a enclenché la séquence de baisse rapide des nombres de tués et de blessés sur nos routes. En sens inverse, l'annonce intempestive d'une pause dans l'installation des radars en 2005 s'est traduite dans les mois suivants par une hausse du nombre des tués.

Votre commission craint que l'adoption de l'article premier de la proposition ne produise des effets similaires.

Mais surtout, cette disposition n'apparaît pas justifiée.

Un premier argument avancé par la proposition de loi serait que de nombreux permis invalidés le seraient par une succession de petits excès de vitesse. Cette répression serait excessive compte tenu de la dangerosité réelle de ces dépassements, d'un côté, et des conséquences sociales et économiques d'un retrait de permis, d'autre part.

En réalité, le cas de figure évoqué est extrêmement marginal. Comme l'a rappelé Mme Michèle Alliot-Marie lors de son audition par votre commission, la proportion de permis invalidés à la suite d'infractions ne donnant lieu qu'à des retraits de un ou deux points est égale à 0,12 %, soit une centaine de personnes. Et 17 permis ont été invalidés consécutivement à douze retraits d'un point en 2008.

Selon le rapport de l'ONISR pour 2007, l'analyse des permis invalidés entre 2004 et 2006 fait apparaître que seulement 15 % des points retirés résultent d'infractions liées à la vitesse. Ce qui signifie qu'une proportion encore plus faible est due à des excès de vitesse de moins de 20 km/h -les dépassements supérieurs de la vitesse maximale autorisée entraînent des retraits de deux, trois, quatre ou six points-, et a fortiori de moins de 5 km/h.

Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, a indiqué que la moitié des permis invalidés l'étaient à la suite d'une infraction donnant lieu à un retrait de six points correspondant aux infractions les plus graves.

Un deuxième argument avancé serait que de nombreux conducteurs ne seraient pas conscients ou informés que leur permis a été invalidé, en particulier lorsque cette décision survient à la suite d'infractions bénignes qui ne sont pas de nature à créer une prise de conscience de la gravité des conséquences.

Si votre rapporteur conçoit que de nombreux retraits de points qui devraient être notifiés par lettre simple ne le sont pas 3 ( * ) , en revanche, il est plus discutable d'imaginer que de nombreux conducteurs puissent ignorer que leur permis a perdu sa validité.

En cas de perte de la totalité des points, le titulaire se voit notifier cette situation ainsi que l'obligation de restituer son permis à la préfecture par lettre recommandée avec accusé de réception. Si l'adresse n'est pas la bonne, la lettre n'est pas notifiée et donc le permis continue d'être valide. La préfecture enclenche alors des recherches pour retrouver la bonne adresse. Le permis n'est invalidé qu'à compter de la notification. Ainsi, si l'on fait un stage entre la perte des derniers points et la notification, les points récupérés sont pris en compte.

Outre la notification par lettre recommandée, il faut rappeler l'existence du site « Télépoints », ainsi que l'envoi d'un avertissement lorsque le solde est égal ou inférieur à six points. Cet avertissement -600.000 recommandés ont été envoyés en 2008- rappelle la possibilité de récupérer quatre points en suivant un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Pourtant, seulement 20 % des personnes ayant vu leur permis invalidé ont effectué au moins une fois ce stage.

Un dernier argument serait celui de la conduite sans permis ou sans assurance. En premier lieu, il faut rappeler que le fait de conduire sans permis ne signifie pas que le véhicule ne soit plus assuré. On peut assurer son véhicule même si l'on n'est pas titulaire du permis de conduire. Les dommages aux tiers restent pris en charge par l'assureur, et non par le FGAO qui n'intervient qu'en cas de défaut d'assurance ou de véhicule inconnu.

En second lieu, le nombre de conducteurs sans permis impliqués dans les accidents corporels est resté stable en 2006 et 2007 (1,8 %), bien en dessous du niveau de l'année 2002 (2,3 %).

Les chiffres parfois évoqués de un ou deux millions de conducteurs sans permis sont invérifiables. Le seul chiffre fiable est celui des infractions constatées. Entre 2003 et 2007, les condamnations pour conduite sans permis ont doublé (19.320 contre 40.795). Ces résultats ne sont pas nécessairement la conséquence de la hausse des permis invalidés.

Les contrôles se sont renforcés et, selon M. Patrice Chazal, chef du service du fichier national des permis de conduire au ministère de l'intérieur, 90 % des personnes conduisant sans permis ne l'ont jamais obtenu.

En outre, même si dans certains cas les conséquences professionnelles et sociales peuvent être importances, la perte de validité du permis interdit seulement de conduire pendant six mois. A l'issue de ce délai, la personne peut repasser son code et récupérer son permis 4 ( * ) .

Enfin, il faut souligner qu'un nouvel équilibre entre les retraits et les récupérations de points est sur le point de se rétablir.

La mise en oeuvre de la politique de sécurité routière en 2002-2003 s'est immédiatement traduite par une hausse exponentielle des retraits de points et, par voie de conséquence, des permis invalidés. Entre 2002 et 2007, le nombre total de points retirés chaque année est passé de 3,1 millions à 9,5 millions. Dans le même temps, le nombre de permis invalidés chaque année a été multiplié par six, passant de 13.601 à 88.698.

Si cette tendance à la hausse se poursuivait, le système mis en place en 2003 ne serait pas soutenable.

Mais votre rapporteur observe précisément un rééquilibrage en cours qui semble démontrer l'efficacité et les vertus du permis à points.

En 2008, le nombre de permis invalidés a continué à progresser mais dans des proportions moins impressionnantes (98.057 contre 88.698 en 2007). En revanche, on observe une première baisse du nombre total de points retirés -9.501.484 contre 9.547.017 en 2007.

Parallèlement, le nombre de points récupérés a très fortement augmenté.

Logiquement, la règle dite des trois ans, qui permet de récupérer la totalité de ses points en l'absence d'infractions pendant cette période, commence seulement à produire ses effets différés. Alors qu'en 2005, moins de 600.000 conducteurs en avaient bénéficié, en 2007, 1,43 million conducteurs récupéraient la totalité de leurs points. En 2008, ce nombre continue d'augmenter avec près d'1,8 million de bénéficiaires.

La mesure dite « un point-un an » commence également à produire ses effets. En vigueur depuis le 1 er janvier 2007, elle s'est traduite par la restitution de 2,5 millions de points en 2008. Ce nombre doit être rapporté aux 3,9 millions d'infractions constatées en 2008 et donnant lieu à un retrait d'un point.

L'effet ciseau constaté entre 2002 et 2007 est très probablement en cours de résorption.

Pour ces raisons, il n'apparaît pas opportun de modifier profondément les règles du permis à points, alors que les récentes réformes commencent seulement à produire leurs effets. Une première évaluation de celles-ci est indispensable avant d'envisager d'autres ajustements. En tout état de cause, la suppression sèche des retraits de points pour les plus petits excès de vitesse n'est pas une solution acceptable. Votre commission a donc rejeté cette disposition.

* 3 Toutefois, même en l'absence de notification par lettre simple, les contrevenants sont normalement informés au moment de la commission de l'infraction et de sa reconnaissance par le paiement de l'amende qu'un retrait de points suivra quelques semaines plus tard. L'ignorance complète en toute bonne foi est difficilement imaginable.

* 4 Qui ne sera doté que de six points comme tout permis probatoire.

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