N° 285
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 avril 2008 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans - Manche ,
Par M. Joseph KERGUERIS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (13 ème législature ) : 500 , 684 et T.A. 104
Sénat : 202 (2007-2008)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Inauguré le 6 mai 1994, le tunnel sous la Manche (dit : « liaison fixe trans-Manche », a connu un nombre très limité d'accidents au regard de la densité du trafic qu'il accueille.
Cependant, en 1996 et en 2006, deux incendies de poids lourds ont conduit à l'arrêt de ce trafic.
Comme, en parallèle, une directive européenne en date du 29 avril 2004, dite « second paquet ferroviaire », a établi l'uniformité, sur le territoire communautaire, des normes en matière de sécurité des chemins de fer, la France et la Grande-Bretagne ont renforcé le règlement de la Commission intergouvernementale chargée, notamment, de la sécurité du tunnel sous la Manche.
I- LA LIAISON FIXE TRANS-MANCHE, UN PROJET DE GRANDE QUALITÉ TECHNIQUE
C'est le 12 février 1986 que les ministres des affaires étrangères français et britannique signent, à Canterbury, le traité ouvrant la voie à la construction de la liaison trans-Manche, qui est inaugurée le 6 mai 1994. Ce tunnel est la première infrastructure européenne à financement entièrement privé, conformément à la volonté britannique, acceptée par la France.
Ce type de financement a suscité ultérieurement de nombreuses difficultés pour la société exploitante, Eurotunnel. Mais la présente convention porte sur un autre aspect important, qui sont les contraintes de sécurité à respecter dans cette liaison.
Peu d'accidents se sont produits dans le tunnel depuis son ouverture, et notamment aucun accident mortel.
En 2007, le nombre d'incidents susceptibles d'entraîner des risques de collision ferroviaire, de déraillement ou d'incendie a été peu élevé, et l'Union internationale des chemins de fer a souligné que seul Eurotunnel, parmi ses membres, n'avait pas eu à déplorer d'accidents majeurs impliquant des personnes durant cinq années consécutives. Deux événements importants sont cependant à signaler.
L'accident le plus grave s'est produit le lundi 18 novembre 1996 : un incendie s'est déclaré à bord d'un camion embarqué sur une navette poids lourd d'un train transportant une trentaine de personnes et 29 poids lourds dans le tunnel ferroviaire sud (de la France vers le Royaume-Uni.) Après déclenchement de l'alarme incendie dans le tunnel, peu avant 22h, alarme relayée au centre de contrôle ferroviaire du tunnel et de l'alarme de bord du train, la circulation dans le tunnel a été ralentie, puis interdite. Après intervention des équipes des services publics de secours pour reconnaissance, le feu, attaqué à 23h45, a été considéré comme éteint à 5h du matin.
Si les conséquences humaines de cet incendie ont été heureusement limitées, les conséquences matérielles ont été considérables : le tunnel et les installations fixes ont été très fortement endommagés sur 500 mètres. environ. Les travaux de reconstruction ont duré cinq mois. Par ailleurs, outre une quinzaine de poids lourds et leur chargement, onze wagons et une locomotive ont été détruits.
La reprise du trafic a été progressive : le 21 novembre 1996, les trains de marchandises (le tunnel ferroviaire nord étant utilisé en alternance sur la section endommagée), le 4 décembre 1996 : l'Eurostar, le 9 décembre 1996 ; les navettes de véhicules de tourisme, le 15 juin 1997 ; enfin, les navettes poids lourds.
Une évaluation détaillée de l'accident a été effectuée par le comité de sécurité, qui a relevé un fonctionnement satisfaisant des installations fixes du tunnel, et a émis quelques remarques sur le fonctionnement du matériel roulant (alarmes et intrusion de fumées). Le comportement des équipages et des services de secours a été jugé bon, compte tenu d'un certain manque d'expérience, et d'améliorations de l'ergonomie des matériels et des procédures. Le comité de sécurité ainsi a émis trente-six recommandations, regroupées en trois sections : aspect procédural et réglementaire, aspect matériel roulant, aspect facteurs humains. L'ensemble de ces recommandations, ainsi que d'autres améliorations réalisées à l'initiative d'Eurotunnel, sont aujourd'hui mise en oeuvre.
Cependant, le 21 Août 2006, un incident de même nature s'est à nouveau produit : un camion, embarqué à bord d'une navette poids lourd, a pris feu, apparemment du fait des conditions de chargement des objets qu'il transportait. L'expérience de 1996, et le fait que cet incendie ne se soit pas propagé, a permis de réduire au minimum les conséquences de cet incendie, et les opérations commerciales ont pu reprendre dans l'autre tube, le jour même, alors que la circulation dans l'ensemble de l'ouvrage a été rétablie dès le lendemain. Cet incident, survenu sur le territoire britannique, a fait l'objet d'une enquête du RAIB (Rail Accident Investigation Branch), à laquelle le BEA-TT français (Bureau d'enquête sur les accidents de transports terrestres) a été associé. Le rapport d'enquête a été rendu public à l'automne 2007 ; il prend acte des améliorations importantes apportées après l'accident de 1996, et formule des recommandations sur l'optimisation des systèmes de détection et d'alarme, ainsi que sur les progrès complémentaires à réaliser dans la gestion des incidents. Ces recommandations sont en cours d'analyse par les concessionnaires.
Le présent texte vise précisément à renforcer le règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison trans-Manche. Cette commission a été créée par l'accord de Canterbury, pour suivre, par délégation des deux gouvernements, l'ensemble des questions liées à la construction et l'exploitation de la liaison. Le règlement de sécurité a été élaboré sur ce fondement juridique .
Ce règlement, comme celui adopté par la Commission intergouvernementale le 25 octobre 2005 à Londres, et portant sur l'utilisation du tunnel sous la Manche par des regroupements internationaux ou des entreprises ferroviaires, transpose tant dans le droit français que dans le droit anglais, le contenu de directives communautaires prises dans le secteur des transports ferroviaires. Il relève de la catégorie des accords entrant dans le champ de l'article 53 de la Constitution, car il comporte des dispositions ouvrant une voie de recours juridictionnel ; c'est pourquoi il est soumis à la ratification parlementaire. Plus précisément, ce règlement constitue l'acte juridique de transposition de la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004, dite du « second paquet ferroviaire ». Cette directive vise à uniformiser sur le territoire communautaire les normes et méthodes applicables en matière de sécurité des chemins de fer communautaires.