2. Un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré qui paraît ne pas devoir être remis en cause dans ses principes
L'article 89 de la loi du 13 août 2004 est désormais appliqué selon les orientations définies par la circulaire du 27 août 2007 ainsi que par le relevé de conclusions du 16 mai 2006. Ces textes, en explicitant les principes d'interprétation de la disposition précitée, ont permis de trouver un compromis entre les différents acteurs concernés, maires, responsables de l'enseignement catholique et services de l'État.
Votre rapporteur ne sous-estime pas les limites de ce compromis qui, appliqué dans l'attente d'une décision au fond du juge administratif, peut apparaître comme une solution essentiellement transitoire.
Le relevé de conclusions du 16 mai 2006 fait en effet état de la divergence d'interprétation opposant l'Association des maires de France d'une part, et le Secrétariat général de l'enseignement catholique, d'autre part, sur le principe d'une lecture combinée des dispositions de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 et de l'article L. 442-5 du code de l'éducation. Toutefois, tant que le Conseil d'État ne se sera pas prononcé sur le fond de ce différend, cette lecture aura seule vocation à s'appliquer.
Au demeurant, voilà désormais près de deux ans qu'elle guide les préfets dans la mise en oeuvre de la loi en cas de différend. Le faible nombre de contentieux prouve son indéniable capacité à servir de base à un règlement apaisé des conflits.
Par ailleurs, c'est ce même principe, selon lequel, aux termes de la circulaire du 27 août 2007, « la commune de résidence doit participer au financement de l'établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d'une école publique qui accueillerait le même élève » qui fait l'objet du plus large accord entre les différents acteurs concernés par l'application de l'article 89.
Il pourrait, dès lors, sembler utile d'inscrire les principes de ce compromis dans la loi, afin d'en garantir la pérennité. Cela ne paraît toutefois pas souhaitable dans l'immédiat. En effet, si le Conseil d'État était amené à annuler la circulaire du 27 août 2007 pour des raisons tenant à la nature des orientations que celle-ci définit, ce serait sans doute pour des raisons tenant à la remise en cause du principe de la liberté de l'enseignement.
Aux yeux de votre rapporteur, celui-ci n'est pas incompatible avec l'application aux établissements d'enseignement privé des dispositions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 212-8, sous réserve de le faire selon les orientations de la circulaire du 27 août 2007 qui viennent d'être évoquées.
Mais c'est précisément ce point qui fait aujourd'hui débat entre les différents acteurs concernés. Aussi, si le juge administratif constatait l'illégalité de la circulaire, ce serait vraisemblablement sur le fondement d'une liberté non seulement protégée par les engagements internationaux de la France, mais également garantie par la Constitution 15 ( * ) . Dès lors, toute proposition de loi qui reconduirait un tel dispositif s'exposerait à la censure du Conseil constitutionnel, qui ne manquerait sans doute pas d'être saisi. Le recours à la loi ne suffirait donc pas à sécuriser à l'avenir les situations juridiques considérées.
Aussi n'apparaît-il nécessaire ni d'abroger les dispositions de l'article 89, ni même de les modifier à très courte échéance. Dans leur principe, elles sont en effet incontestables et trouvent aujourd'hui à s'appliquer dans une relative sérénité.
Dès lors, sauf à ce qu'une décision juridictionnelle vienne dans les prochains mois modifier substantiellement l'équilibre du compromis actuellement en vigueur, il ne semble pas opportun de venir raviver les inquiétudes et les tensions qui ont initialement entouré cet article et qui désormais semblent s'apaiser.
C'est pourquoi votre commission vous propose de rejeter la proposition de loi n° 106 (2007-2008) tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004, présentée par M. Jean-Marc Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
* 15 Les stipulations de l'article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 garantissent ainsi que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ». Elles n'ont toutefois pas de réelle valeur juridique en droit interne.