B. LES CONTRAINTES LIÉES À L'EXECUTION DE LA MISSION « DÉFENSE » EN 2007
Le niveau de crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2008 pour la mission « Défense » ne reflète que de façon incomplète l'étendue des moyens mis à la disposition du ministère. Certaines dépenses sont évaluées de façon imparfaite en loi de finances initiale, et leur montant doit donc être majoré en cours d'année (tel est le cas des OPEX et des FREMM). A l'inverse certains crédits viennent abonder en complément le budget de la mission « Défense » sans apparaître dans le projet de loi de finances initiale : il s'agit des reports de crédit.
1. Améliorer la budgétisation des opérations extérieures OPEX : 275,5 millions d'euros manquants en 2007
Vos rapporteurs spéciaux demandent depuis plusieurs années l'amélioration de la budgétisation des surcoûts liés aux OPEX (action 6 du programme 178 « Préparation et emploi des forces »). Il n'est pas normal que le ministère de la défense avance, en trésorerie, ces dépenses, dont le montant moyen annuel est désormais relativement prévisible. Ce mode de gestion a de plus un grave inconvénient : il est pour partie à l'origine de la constitution de la bosse des reports de crédits, qui a atteint 2,8 milliards d'euros en 2004.
Les mêmes mécanismes sont observés pratiquement tous les ans. Un décret d'avance intervient en fin d'année pour assurer le financement des OPEX. Il permet l'ouverture de crédits sur le titre 2 (ancien titre III au sens de l'ordonnance organique de 1959), gagée par l'annulation des sommes correspondantes sur le titre 5 (ancien titre V au sens de l'ordonnance organique de 1959). Les crédits annulés au titre 5 sont, en général, réouverts en loi de finances rectificative. Le ministère n'a alors pas le temps de consommer ces crédits rendus disponibles trop tardivement, ce qui a entraîné la constitution de reports de crédits. Cela gène l'accomplissement des programmes d'armement et d'équipement prévus, et perturbe la réalisation de la loi de programmation militaire qui subit, chaque fois, un léger décalage dans le temps.
Les crédits alloués en loi de finances initiale au financement des OPEX sont passés de 100 millions d'euros en 2005, à 175 millions d'euros en 2006 8 ( * ) . Ceci s'est avéré largement insuffisant. L'ouverture de crédits supplémentaires, par le décret d'avance n° 2006-1295 du 23 octobre 2006 portant ouverture et annulation de crédits sur lequel votre commission des finances a donné un avis favorable, en application de l'article 13 de la LOLF, a permis de couvrir l'intégralité des surcoûts liés aux OPEX en 2006. Les crédits supplémentaires ouverts pour financer les OPEX ont atteint 452,53 millions d'euros , l'annulation de crédits du titre 5 a été du même montant .
En 2007, les crédits de l'action 6 « Surcoûts liés au financement des OPEX » du présent programme s'élevaient à 360 millions d'euros , et même à 375 millions d'euros en incluant les 15 millions d'euros inscrits sur la mission « Sécurité » au programme « Gendarmerie nationale ». Le montant des surcoûts des OPEX, en 2007, est évalué à 681 millions d'euros , contre 627 millions d'euros en 2006 .
La dotation prévue par la loi de finances initiale pour 2007 ne couvrait donc que 55 % des besoins de financement des OPEX. Un décret d'avance, auquel votre commission vient de donner un avis favorable le 14 novembre 2007, prévoit l'ouverture de 272,5 millions d'euros de crédits de paiement et 235,5 millions d'euros en autorisations d'engagement pour financer le surcoût des opérations extérieures OPEX.
En 2008, le niveau de budgétisation initiale des surcoûts liés aux OPEX est stable, soit 360 millions d'euros pour la mission « Défense » 9 ( * ) . Si une OPEX devait prendre une certaine ampleur au Tchad et au Darfour, il semble peu probable que le montant total des surcoûts liés aux OPEX 2008 soit inférieur à celui de 2007. Dans ces conditions, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent s'estimer satisfaits de la stagnation de l'effort de budgétisation des opérations extérieures. Rappelons que l'objectif de votre commission était de dépasser 65 % de budgétisation initiale du montant total des crédits consacrés aux interventions extérieures de l'armée française.
Il apparaît toutefois que des progrès ont été réalisés. Le graphique suivant présente la progression des surcoûts liés au financement des OPEX et l'amélioration de leur budgétisation en loi de finances initiale.
Le tableau suivant montre que la part du financement des OPEX lié à l'ouverture de crédits par décret d'avance est en nette réduction, passant de 75 % du coût total des OPEX en 2005 et 2006 à 40 % en 2007. Cet effort doit être salué, mais il n'en demeure pas moins que la budgétisation initiale des surcoûts des OPEX doit être améliorée.
*Estimations
1 Compte non tenu des 100 millions d'euros de crédits supplémentaires annoncés par le gouvernement lors de la discussion générale du présent projet de loi de finances au Sénat.
Les deux graphiques suivants présentent la décomposition des surcoûts des OPEX par théâtre d'opération de 2005 à 2008.
L'OPEX menée en Afghanistan représente 23,2 % des surcoûts liés aux OPEX, celle qui se déroule en Côte d'Ivoire correspond à 22,6 % du montant total des OPEX. Arrivent ensuite les opérations menées en Macédoine et en Tchad et Centrafrique pour environ 14,2 % des OPEX. Enfin l'opération menée au Liban représente 10,2 % du coût total des OPEX.
* Le graphique a été réalisé avant la parution du décret d'avance précité et le montant des OPEX en 2007 est donc une estimation, donnée dans les réponses au questionnaire budgétaire.
** Estimations.
On parle de « surcoûts » ou « coûts additionnels » des OPEX lorsque n'est pris en compte que le différentiel entre le coût de l'opération sur le théâtre et le coût en métropole. Ainsi en est-il pour les dépenses de rémunérations et les charges sociales (RCS) pour lesquelles le coût additionnel correspond au paiement de l'indemnité de sujétions pour service à l'étranger (ISSE) 10 ( * ) .
Il est intéressant de noter que la structure des surcoûts liés aux OPEX a nettement évolué depuis 2005. En 2005, les surcoûts liés aux rémunérations et aux charges sociales représentaient 60,43 % du montant total des surcoûts. Les dépenses de fonctionnement équivalaient à 26,1 % des crédits consommés. En 2007, la part des surcoûts liés aux OPEX alloués aux rémunérations et aux charges sociales atteint 52,3 % , celles dédiées aux dépenses de fonctionnement s'établit à 35,2 %.
* 8 250 millions d'euros étaient initialement prévus par le projet de loi de finances pour 2006, réduits de façon « optique » pour financer le plan banlieues.
* 9 Compte non tenu d'un éventuel abondement de 100 millions d'euros annoncé par le gouvernement lors de la discussion générale du présent projet de loi de finances.
* 10 A l'inverse, certaines dépenses doivent être prises en compte dans leur intégralité sur le théâtre. Il ne s'agit alors plus d'un différentiel par rapport à une dépense en métropole et on parle alors de coût complet. A titre d'exemple on peut citer les dépenses d'infrastructure du titre 5, qui la plupart du temps n'auraient pas eu lieu en métropole.